Interview de M. François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, à Europe 1 le 17 juin 2019, sur les tarifs et les modes de production de l'électricité, la PMA et les élections municipales.

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Média : Europe 1

Texte intégral

NIKOS ALIAGAS
Tout de suite, l'Interview Politique avec Audrey CRESPO-MARA, vous recevez le ministre de l'Ecologie François DE RUGY.

AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour François DE RUGY.

FRANÇOIS DE RUGY
Bonjour.

AUDREY CRESPO-MARA
La loi énergie-climat est examinée à partir de demain à l'Assemblée nationale. Alors si on regarde le passé, entre 2015 et 2018 la France a dépassé de 7 % le seuil d'émission de CO2 qu'elle s'était elle-même fixé. Si on regarde le futur, en 2023 on devrait encore dépasser de 6 % le seuil d'émission carbone fixé à la COP21. Alors où est l'accélération écologique promise par le gouvernement ?

FRANÇOIS DE RUGY
C'est justement pour cela qu'il faut accélérer et c'est ce que nous faisons. Et d'ailleurs, nous avons eu des premiers résultats en 2018 qui devraient être consolidés d'ici la fin du mois de juin, qui montrent une baisse pour la première fois justement des émissions de gaz à effet de serre en 2018 en France de plus de 4 %. Donc les efforts des Français sont récompensés, parce qu'il faut toujours voir que les Français transforment déjà leurs habitudes de déplacement, font des travaux d'isolation, changent de voiture, c'est ça qui permet de baisser les émissions de gaz à effet de serre dans notre pays. Et il faut absolument en effet poursuivre dans la même voie et même intensifier les efforts.

AUDREY CRESPO-MARA
La loi énergie prévoit un nouveau mode de calcul des tarifs EDF, cette année le prix de l'électricité a déjà augmenté de 6 %. Une nouvelle hausse était prévue en août, sera-t-elle maintenue ?

FRANÇOIS DE RUGY
C'est la Commission de régulation de l'énergie qui le dira et si c'était le cas, ce serait vraiment un tout petit ajustement. Mais ce qui compte, c'est que dans la loi qui va être examiné à l'Assemblée nationale à partir de demain, nous allons modifier le mode de calcul des tarifs de l'électricité, nous en avions parlé ici même il y a quelques semaines. C'est un sujet qui évidemment préoccupe beaucoup les Français, on a toujours pensé que les tarifs régulés, c'était un peu des tarifs qui n'augmentaient jamais, or en réalité il y a un mode de calcul fixé par la loi en 2010, confirmé en 2015 et qui aboutissait à des hausses presque mécaniques en fonction des prix de marché. Moi j'ai souhaité qu'on redonne aux Français une forme de stabilité des prix liés à la stabilité du coût de production de l'électricité par les centrales nucléaires.

AUDREY CRESPO-MARA
La hausse en août d'un mot, elle est maintenue ou elle n'est pas maintenue ?

FRANÇOIS DE RUGY
C'est la Commission de régulation de l'énergie qui le dira…

AUDREY CRESPO-MARA
Vous ne pouvez pas vous y opposer.

FRANÇOIS DE RUGY
A ce stade, elle n'a pas encore rendu son rapport.

AUDREY CRESPO-MARA
Concernant le nouveau mode de calcul, vous nous dites qu'il est avantageux, quelle sera la hausse alors prévue l'an prochain, autant mesurer cet avantage, est-ce que ça va faire baisser le prix de l'électricité ou simplement limiter la hausse ?

FRANÇOIS DE RUGY
Ça dépendra des coûts de production sur le marché, parce qu'à la fin il faut bien que l'électricité qui est vendue aux Français soit produite. Et si elle augmente dans la production, évidemment ça se retrouve à un moment donné sur la facture. Mais ce qui est sûr c'est qu'en France, nous avons environ 70 % de l'électricité produite par les centrales nucléaires historiques, c'est-à-dire avant celle notamment de Flamanville qui n'est toujours pas en fonctionnement. Et donc là le coût est assez stable, il a été fixé d'ailleurs par la loi et donc cela permet – si EDF et ses concurrents ont accès à cette électricité nucléaire à coût fixe – de limiter évidemment toutes les hausses sur la facture des consommateurs.

AUDREY CRESPO-MARA
Donc ça ne fera pas baisser les prix mais ça limitera les hausses, en tout cas !

FRANÇOIS DE RUGY
Et c'est peu probable que ça fasse… moi je préfère ne pas faire de fausses promesses, c'est possible, si les coûts de production d'une manière générale baissent c'est possible. Mais en 2020, c'est surtout que nous arriverons à stabiliser les prix, alors que sinon si on ne changeait pas le mode de calcul, nous étions partis pour une nouvelle hausse.

AUDREY CRESPO-MARA
François DE RUGY, vous vanter le faible coût de l'électricité qui sera produite par le parc éolien marin de Dunkerque. Est-ce que les autres parcs marins en projets produiront eux aussi une électricité bon marché ?

FRANÇOIS DE RUGY
Alors le parc éolien qui va être construit à Dunkerque, nous avions lancé l'appel d'offres en novembre dernier et nous sommes déjà en mesure de dire que c'est EDF qui l'exploitera, avec un coût de production, là c'est un prix garanti pendant 20 ans, inférieur à 50 euros le mégawatheure, c'est-à-dire quasiment le prix de marché, c'est-à-dire quasiment sans subventions. Et si jamais le prix de marché…

AUDREY CRESPO-MARA
Moins cher que le nucléaire, que l'électricité produite par le nucléaire !

FRANÇOIS DE RUGY
Ça peut… voilà ! En effet être moins cher en tout cas que le nucléaire de type EPR. Mais surtout ce qu'il faut retenir, c'est que si en plus le prix de marché est un peu supérieur, l'Etat gagnera de l'argent parce qu'EDF paiera la différence. Donc c'est vraiment gagnant-gagnant, mais nous sommes arrivés à ce résultat parce que d'abord il y avait beaucoup de concurrences ; et puis parce qu'on a commencé à profiter des leçons tirées du passé de réduire aussi les procédures, enfin on a tout fait pour que ça se passe le plus efficacement possible.

AUDREY CRESPO-MARA
Le paradoxe, c'est que vous nous dites que l'énergie éolienne c'est l'avenir et pourtant, FRANCE EOLE, la seule entreprise française qui fabrique des mâts d'éoliennes, est en redressement judiciaire. François RUFFIN, député de la France insoumise qui était à votre place vendredi dernier, vous interpelle.

FRANÇOIS RUFFIN
On a une entreprise là de marques qui existe du côté de Dijon, on la laisse crever, pourquoi ? Parce que c'est 10 % plus cher que les Espagnols ou les Portugais et là, le dossier a été envoyé il y a des mois et des mois à François DE RUGY, il a été envoyé au gouvernement, il y a 0 réponse.

AUDREY CRESPO-MARA
Alors quelle est votre réponse et pour prolonger la réflexion de François RUFFIN, si le marché de l'éolien est vraiment plein d'avenir, l'Etat ne devrait-il pas soutenir financièrement FRANCE EOLE pour lui permettre de se relancer tout simplement ?

FRANÇOIS DE RUGY
D'abord je veux rappeler que nous avons de nombreuses entreprises françaises qui contribuent à fabriquer des éoliennes et ça fait environ 18.000 emplois sur le territoire français. Donc c'est un secteur qui est en croissance et qui, y compris, exporte. Vous savez, il y a des usines en France qui exportent des éoliennes ou des pièces d'éoliennes pour les autres pays voisins ou même jusqu'aux Etats-Unis…

AUDREY CRESPO-MARA
Et sur cette entreprise-là ?

FRANÇOIS DE RUGY
Après cette entreprise-là, d'après ce que je sais mais il faudrait regarder de plus près, c'est surtout des difficultés internes de gestion liées à l'actionnaire et liées à un client qui a fait défaillance. Donc là, on ne peut pas… évidemment l'Etat ne peut pas être responsable des défaillances internes à une entreprise. Mais bien sûr, si on peut aider à ce qu'elle poursuive son activité car encore une fois, c'est un secteur qui va être en expansion, évidemment nous le ferons.

AUDREY CRESPO-MARA
François DE RUGY, en 2013 Edouard PHILIPPE a signé une tribune avec Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET dans laquelle il affirmait s'opposer résolument à la PMA pour les couples homosexuels. Ça veut dire qu'il va encore devoir avaler une couleuvre ?

FRANÇOIS DE RUGY
Non, ça veut dire que les points de vue évoluent depuis 2013, vous souvenez il y avait eu le débat très vif autour du mariage dit « mariage pour tous », c'est-à-dire l'ouverture aux couples homosexuels… le droit de se marier pour les couples homosexuels. Aujourd'hui 6 ans après, mais ça paraît d'une grande banalité et la France s'est apaisée sur le sujet. Et aujourd'hui donc la PMA, je crois que c'est un petit peu le même cheminement qui se fait, pas simplement pour tel ou tel responsable politique, mais aussi chez les Français où cela apparaît comme en effet un droit qui peut être accordé à toutes les femmes, y compris les femmes qui vivent en couple de femmes. Et donc c'est quelque chose qui sans doute a fait… moi j'ai toujours été pour, j'aurais été d'ailleurs pour qu'on le vote dès 2013, mais à l'époque François HOLLANDE et son gouvernement n'avait pas voulu. Je crois que c'est aussi un peu la particularité d'Emmanuel MACRON et de son gouvernement que de réussir à dépasser des vieux clivages, y compris sur des questions de société comme celle-ci.

AUDREY CRESPO-MARA
Mais au sein même de votre gouvernement, c'est très tiraillé, Gérald DARMANIN avait dit qu'il était contre comme Bruno LE MAIRE…

FRANÇOIS DE RUGY
Oui, mais il a reconnu qu'il avait évolué…

AUDREY CRESPO-MARA
Vous, vous êtes pour en tout cas ?

FRANÇOIS DE RUGY
Moi, j'étais pour déjà en 2013 mais je suis très heureux que d'autres responsables politiques aient évolué (j'ai envie de dire) au vu de la réalité de ce que vivent les Françaises et les Français. Aujourd'hui on est dans le vécu, on n'est pas dans de la théorie…

AUDREY CRESPO-MARA
Pour vous, ce n'est pas la porte ouverte à la GPA, à la gestation pour autrui ?

FRANÇOIS DE RUGY
On n'est pas dans de l'idéologie… non, ce sont deux choses séparées. On sait très bien que… de même qu'on pourrait très bien faire le mariage sans faire la PMA, on peut faire la PMA sans faire la GPA, à chaque fois ça fait l'objet d'un débat, d'un débat dans la société et d'un débat au Parlement. Et in fine, ce sont bien sûr les parlementaires qui décideront.

AUDREY CRESPO-MARA
François DE RUGY, connaissez-vous le point commun entre Gérald DARMANIN et Marine LE PEN ?

FRANÇOIS DE RUGY
Non, je n'en vois pas spontanément…

AUDREY CRESPO-MARA
On ne trouve pas tout de suite, oui oui, leur point commun c'est qu'ils lancent tous les 2 des appels aux élus Les Républicains pour qu'ils les rejoignent. Est-ce que vous aussi, vous souhaitez que la majorité s'élargisse sur sa droite ?

FRANÇOIS DE RUGY
Moi je souhaite que la majorité cherche tout le temps à s'élargir, pas simplement sur sa droite, sur sa droite, sur sa gauche, du côté de l'écologie, du centre. Vous savez, nous avons avec Emmanuel MACRON lancé en 2017 un mouvement de recomposition de la vie politique française ; et ce mouvement ne s'arrêtera pas. Renouvellement et recomposition, ce sont vraiment les 2 piliers du mouvement En Marche, nous l'avons fait encore aux dernières européennes…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais là, un appel aux élus républicains depuis quelques semaines.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui mais vous savez, on peut lancer un appel à tous les maires…

AUDREY CRESPO-MARA
Vous le lancez aussi ?

FRANÇOIS DE RUGY
Oui, moi je le dis à des maires, quelle que soit leur sensibilité, y compris de gauche qui… et je peux je peux vous le dire, en parler à Nantes dans la ville dont je suis l'élu, la liste En Marche est arrivée en tête, ensuite ce sont les Verts, le Parti socialiste et les Républicains sont très très loin derrière. Aujourd'hui, les Nantais par exemple où les Rennais ou d'autres habitants d'autres villes n'ont plus envie de voter pour le Parti socialiste où les Républicains. Alors est-ce que les maires qui sont issus, qui sont membres de ces partis veulent encore rester arque-boutés sur ces anciens partis ou est-ce qu'ils veulent participer à cette recomposition ? Moi, je les invite à y participer, à rebattre les cartes, à faire des listes aux municipales qui soient très ouvertes et qui soient fondées sur des projets pour l'intérêt des villes, en lien souvent avec l'action d'ailleurs du gouvernement, plutôt que dans des oppositions qui sont surjouées, vous le savez très bien. Il y a beaucoup de maires dans leur commune, dès qu'il y a un problème, disent « c'est de la faute de l'Etat », alors qu'en réalité on va résoudre les problèmes en le faisant semble.

AUDREY CRESPO-MARA
Merci François DE RUGY.

FRANÇOIS DE RUGY
Merci, bonne journée.

NIKOS ALIAGAS
C'était l'interview politique de la matinale.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juin 2019