Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH
8 jours de canicule qui vont probablement changer l'Europe, bienvenue Amélie DE MONTCHALIN et bonjour, merci d'être avec nous. On l'a entendu, la France va souffrir sans doute de la canicule, mais elle s'y est préparée. Mais l'Europe aussi, toute l'Europe est concernée !
AMELIE DE MONTCHALIN
En fait ce qu'on voit c'est que sur le climat, on a une sécheresse, on a de la pollution, on a effectivement cette grande vague et ça a deux conséquences. D'abord dans chacun des pays on se prépare, mais en France je pense qu'il faut d'abord vraiment saluer les efforts des personnels de santé, des associations, des collectivités, des préfectures, bref ! De tous ceux qui vont faire qu'on espère que dans les prochains jours, on aide en particulier les personnes âgées et les enfants.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et que ça ne ressemble pas à 2003.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et puis il y a effectivement à travers l'Europe une prise de conscience qui est beaucoup plus générale, qui montre qu'il faut qu'on soit tous mobilisés. Ce n'est pas la question juste d'un pays, ce n'est même pas la question de l'Europe, c'est la question du monde : comment au niveau mondial, on prend les mesures qui s'imposent…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais les Européens…
AMELIE DE MONTCHALIN
Et au niveau européen…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De quelle façon ils souffrent, de quoi ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui ils souffrent de canicule, ça on le voit, ils souffrent de sécheresse, ils souffrent de pollution de l'air. Selon les pays c'est assez différent, la prise de conscience d'ailleurs est différente, mais on était 4 pays au mois de mars à vouloir avoir une voix forte à l'ONU en septembre sur le climat. Ensuite au mois de mai, on était 8 et la semaine dernière on était 24. Donc ça veut dire qu'on arrive aujourd'hui à avancer concrètement pour peser fortement sur les négociations climatiques et, surtout, faire des choses concrètes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire il y a des régions, des pays et des zones qui souffrent aujourd'hui de la sécheresse, la pollution de l'air par exemple !
AMELIE DE MONTCHALIN
Toutes ces régions qui souffrent, ça mobilise ensuite les citoyens, ça fait ensuite qu'ils votent parfois différemment aux élections, ça met de la pression sur les gouvernements et ça fait qu'au Conseil européen, la semaine dernière, il y avait 24 pays…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça c'est l'aspect politique et diplomatique, mais quelles sont les zones qui sont atteintes aujourd'hui ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous avez le centre de l'Espagne, vous avez les pays baltes aujourd'hui où il fait très chaud, vous avez aussi au centre de la Pologne, dans la République tchèque, en Slovaquie vous avez de la pollution, donc ça fait que ce sont des pays qui jusqu'à maintenant souvent étaient plutôt éloignés des discussions climatiques politiques ; et aujourd'hui… bien sûr ils ont signé l'Accord de Paris, mais ils s'impliquent beaucoup plus fortement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que les 8 prochains jours avec la canicule à 30, à 40 degrés vont faire que les Européens réticents vont comprendre qu'il faut agir et aient un sursaut en matière écologique ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qu'on cherche c'est qu'effectivement, chacun prenne conscience que ce n'est pas l'affaire du voisin, que ce n'est pas l'affaire de plus loin, que c'est bien l'affaire de notre vie quotidienne et que, donc du coup, on puisse peser ensemble, faire des choses concrètes. Ca veut dire changer notre façon de produire de l'électricité, changer notre façon d'organiser nos villes, on voit bien que notre climat est un climat tempéré, aujourd'hui s'il faut qu'on s'apprête à vivre des canicules en France, dans toutes les villes il faut qu'on réfléchisse autrement à l'urbanisme…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire qu'on va avoir plus d'arbres, plus de parc…
AMELIE DE MONTCHALIN
Plus d'arbres.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Un urbanisme différent !
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement, aussi réfléchir aux horaires d'ouverture des services publics, comment on aménage nos journées. Si on doit penser à tout ça, vous voyez que ça concerne tout le monde très concrètement. Et puis derrière, il faut qu'en Europe on ait aussi les moyens financiers de financer tous ces changements qu'il faut qu'on organise. C'est pour ça qu'on veut une Banque européenne du climat, c'est 1.000 milliards d'euros qu'on veut mettre sur la table pour avancer, c'est aussi pour ça qu'on veut dans le budget européen, le budget de la Commission européenne, il y ait 40 % en moins qui soit…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais dans le concret, ça veut dire la lutte contre tous les gaspillages, c'est-à-dire la fermeture des centrales à charbon dans la mesure du possible, y compris les françaises. Mais attention à ce qui se passe avec l'EPR de Flamanville, c'est d'ailleurs peut-être refaire vivre l'Accord de Paris sur le climat !
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça veut dire exactement très méthodiquement regarder comment on produit, comment on consomme, comment on se déplace, comment on construit, comment ensuite on recycle et puis comment plus généralement on organise une vie qui soit moins dépensière en ressources et que de manière plus économe on respecte les ressources de la planète.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça c'est pour la perspective de long terme. Mais à plus court terme, la taxe carbone ?
AMELIE DE MONTCHALIN
A plus court terme au niveau européen, on a des projets très concrets, on aimerait qu'aux frontières quand les produits viennent de l'étranger et qu'ils ne respectent pas les normes environnementales que, nous-mêmes, on s'impose pour protéger nos emplois et surtout qu'au niveau mondial les émissions baissent, on puisse prendre des mesures notamment…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc de taxe carbone !
AMELIE DE MONTCHALIN
De taxe carbone aux frontières, c'est un projet que la France pousse depuis des années. C'était une des idées d'ailleurs de l'Accord de Paris, s'assurer que si des pays font des efforts, il ne se passe pas des choses encore plus néfastes à côté, c'est des choses sur lesquelles on travaille.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On peut imaginer une réduction mesurée du trafic aérien ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On peut… bien sûr, mais tout ce qu'on fait pour la mobilité, quand Elisabeth BORNE propose sa loi mobilité, qu'elle réfléchit non seulement au train, aux petites lignes, à la mobilité innovante, le but c'est d'arrêter de prendre et la voiture et l'avion. Et donc il ne faut pas qu'on bloque les gens dans leur vie quotidienne, mais il faut qu'on leur propose des alternatives et c'est tout notre enjeu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc un sursaut est possible, mais est-ce qu'il y aura dans le nouveau Parlement européen des majorités pro-vertes ouvertes ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui est certain c'est que nous, on est au Parlement européen un groupe central. On a à côté nous les Verts et on aimerait beaucoup…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous, vous êtes 108, au total quand… Yannick JADOT 170.
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement, ils sont 10 % du Parlement, c'est très bien qu'ils soient là, on a très envie de travailler avec eux parce qu'on voit bien que c'est une question majeure, mais on a besoin de créer des majorités projet par projet et on aimerait qu'ils nous parlent, on aimerait qu'ils ne fassent pas de l'écologie un sujet de propriété personnelle mais bien un sujet oui de travail collectif.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous parlez avec JADOT ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On aimerait bien se parler plus, aujourd'hui…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et qui lui parle ou à qui il parle ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne sais pas, je ne sais pas, je vois qu'il parle beaucoup des municipales, des élections présidentielles, nous, nous sommes tout à fait prêts à lui parler du climat et à faire qu'au Parlement européen, tous ces enjeux avance plus vite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui mais jusqu'à présent, il n'a pas voulu faire des accords pour les européennes avec le PS, avec Ségolène ROYAL, il pense que ça lui réussit. Vous dites qu'il affaiblit l'écologie ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi ce que je regrette profondément, parce que si on dit qu'on veut faire de l'écologie pragmatique, la première des choses c'est de travailler avec tous ceux qui sont prêts à avancer. Peut-être qu'il veut aller plus loin que nous, tant mieux, parlons-en mais ne restons pas dans une vision sectaire. L'écologie n'est pas un monopole, elle est – vous voyez aujourd'hui et tous les Français vont bien ressentir – la question de tous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il ne peut pas être longtemps en Europe Monsieur tout seul !
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui est sûr c'est qu'au Parlement européen, quand vous avez 10 % du Parlement vous ne faites rien. Le Parlement européen, c'est un endroit où on doit construire du compromis et du consensus…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous lui dites « il n'y a pas d'homme providentiel en vert » !
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je pense que l'écologie, s'il y a bien une conviction que j'aie, c'est que c'est pour tout le monde et qu'il faut bien sûr travailler ensemble.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui, Donald TRUMP prend des nouvelles sanctions – majeures dit-il – contre l'Iran. Est-ce que la France l'approuve ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, nous on n'approuve pas ce qui contribue à l'escalade. Ce qui se passe en Iran est très grave, on voit qu'aujourd'hui il y a des va-t-en-guerre, il y a des gens qui ont des discours extrêmement dangereux…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Où, où ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Des 2 côtés, dans toute la région, vous avez… je ne vais pas vous citer l'intégralité des pays qui autour…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A la fois les ayatollahs mais en même temps les ayatollahs de chez Donald TRUMP !
AMELIE DE MONTCHALIN
Partout aujourd'hui, on a des discours qui ne sont pas ceux qui sont ceux de la maturité, de la responsabilité qu'on devrait avoir. L'enjeu aujourd'hui c'est préserver la paix, on voit qu'on est sur une situation très compliquée, il y a eu un accord iranien sur le nucléaire qui a été signé en 2015, depuis il y a des gens qui trouvent qu'il n'est pas bien, des gens qui trouvent qu'il ne va pas assez loin, il y a des gens qui trouvent qu'il aurait dû être fait différemment. Ce qui compte pour nous c'est que nous parlions à tout le monde, que nous retrouvions un équilibre et que surtout, nous évitions les accidents. Les accidents ça veut dire des gens…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La guerre par inadvertance !
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui ou alors des déclarations qui me font monter la pression et qui font qu'à la fin, il y a des événements qui se produisent. Heureusement que TRUMP n'a pas permis…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A 10 minutes près, on avait une opération militaire ou la guerre, est-ce qu'on l'aurait suivi dans ces cas-là ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais jamais de la vie, on n'est pas en train aujourd'hui de rentrer dans une dynamique guerrière, on est dans une dynamique diplomatique. Et donc c'est pour ça que Jean-Yves LE DRIAN, avec le président de la République à Osaka pour le G20, vont mener des discussions extrêmement approfondies pour calmer le jeu et baisser le niveau de pression.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que la France veut la chute du régime de Téhéran ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas notre travail, on n'est pas là pour voir la chute ou l'ascension de qui que ce soit, on est là pour voir la paix. Et donc notre ligne sur l'Iran depuis le départ, c'est d'être extrêmement ferme sur les engagements pris et les engagements tenus ; et nous assurer que nous ne menions pas quiconque à une escalade militaire qui serait dommageable à l'intégralité…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Là aujourd'hui, on voit bien qu'il y a des recherches du côté des Français, peut-être des Allemands, peut-être même des Chinois et des Russes, on va le voir à Osaka, des efforts en matière de désescalade. Mais jusqu'à quand l'Europe et la France, qui se dit indépendante, ont-elles accepté les pressions des Américains et la menace de représailles sur les entreprises qui discute un peu avec les Iraniens.
AMELIE DE MONTCHALIN
Depuis que les Américains ont dit sortir de cet accord qu'ils avaient signé avec nous, avec les Russes, avec les Chinois, avec les Allemands, avec les Britanniques, avec l'Iran…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'était OBAMA !
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous avons construit une plateforme d'échanges justement pour que l'Iran économiquement puisse continuer d'exporter ; et que nous maintenions un système économique qui ne soit pas soumis aux sanctions américaines. Ça s'appelle INSTEX, c'est un nom un peu bizarre mais ça permet concrètement de pouvoir maintenir l'Iran dans le jeu économique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc des entreprises grandes et petites pourront, peut-être par des manières détournées, arriver à commercer…
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement, parce qu'on considère…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En dépit des menaces américaines !
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais la ligne est claire, c'est que ce mécanisme ne fonctionne que si chacun tient ses engagements. Il faut que l'Iran tienne ses engagements sur l'accord et que nous puissions nous aussi leur apporter les cautions qu'on leur a promises.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous êtes en train de montrer qu'il y a aussi 8 jours de canicule en matière diplomatique !
AMELIE DE MONTCHALIN
On a 3 semaines devant nous avec les Iraniens, c'est la date limite que nous avons fixée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, parce qu'ils ont jusqu'au 7 juillet, s'ils disent « on reprend les efforts en matière nucléaire » !
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est ce qu'ils ont fixé eux-mêmes comme limite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais quand je dis 8 jours de canicule, c'est-à-dire il y a… on va avoir une conférence qui commence ce matin à Marseille sur les 2 rives, 5 plus 5 etc., il y a Osaka dans quelques jours. Comment on va rafraîchir ou qui peut rafraîchir le climat international ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors ce qui est sûr, c'est qu'il faut qu'il se rafraîchisse, parce que si on maintient ce niveau de pression c'est comme les cocottes-minutes, ça peut mal terminer. Donc le président de la République, Jean-Yves LE DRIAN, tous les diplomates européens aussi parce que c'est aussi quelque chose qu'on mène en européen, parce qu'on considère bien que la France toute seule ou l'Allemagne toute seule ne peuvent pas régler ça. Nous allons avoir énormément d'échanges avec bien sûr TRUMP, avec Xi JINPING, avec POUTINE des échanges très très variés, pour nous assurer que tout le monde se parle et tout le monde se comprend bien.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il faut expliquer que ça va être à Osaka…
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc ça se passe au Japon, c'est le G20…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Osaka, G20, tous dans le même hôtel, comme un conclave du Vatican il sortira peut-être quelque chose.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et au mois d'août à Biarritz, on a le G7, c'est aussi… vous voyez la France prend vraiment sa part…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Déjà étape par étape, G20.
AMELIE DE MONTCHALIN
Dans les différents cercles…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc G20, est-ce qu'on peut dire que de là pourrait progresser des évolutions en matière de la direction qui peut émerger en matière de direction de l'Europe, par exemple est-ce que la France a un candidat pour la présidence de la Commission de Bruxelles, est-ce que vous avez X ou Y, je ne donne pas de nom pour ne pas le griller, mais X ou Y choisi par la France ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous, on a un projet et notre projet c'est d'avoir une équipe…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous n'avez pas répondu, vous n'avez pas de candidat ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On n'a pas de candidat là aujourd'hui, parce qu'on a vu que tous ceux qui portaient un candidat parce que c'était celui de leur pays ou celui de leur parti, on a vu ce qui s'est passé. Ca ni la majorité au Parlement ni la majorité au Conseil, c'est la meilleure façon de n'arriver à rien. Nous notre projet, c'est que l'Europe fonctionne pleinement, qu'elle ait une équipe de dirigeants à la Commission, au Parlement, au Conseil, à la Haute représentation – on vient de parler diplomatie – on a besoin d'une voix forte de l'Europe. Et donc on veut que ces gens qu'on choisisse, on les choisisse parce qu'ils ont les compétences, parce qu'ils sont équilibrés en représentation géographique, parce qu'ils représentent les hommes et les femmes. Et donc on veut une équipe, on veut une équipe forte et ce qu'on sait, c'est que si on se lance dans la bataille en disant « voilà, c'est lui parce qu'il représente notre ligne politique et notre pays », on est sûr que ce ne sera pas lui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais en même temps, on a écarté le président MACRON avec l'aide de certains pays et des groupes parlementaires de l'Europe, il a écarté les 3 qui étaient favoris : madame VESTAGER, messieurs TIMMERMANS et Manfred WEBER, l'Allemand. Mais ce qui m'a surpris, vous me direz que je me suis peut-être trompé, c'est qu'en plus des alliés habituels – et ça c'est un paradoxe assez surprenant – on s'est fait aider, on a été aidé par l'Italie de SALVINI et CONTE et la Hongrie d'ORBAN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Pourquoi, ce n'est pas une question…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'était les méchants… les nationalistes méchants pendant la campagne européenne et ils vont s'associer à eux, ça s'appelle la Realpolitik peut-être !
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors ce n'est pas comme ça que ça marche. Aujourd'hui, on avait fait campagne pendant des années en disant : si on veut de la vraie démocratie en Europe, il nous faut des listes transnationales, des listes européennes où à la fin, il y a un candidat qui a fait campagne dans toute l'Europe. S'il gagne les élections, il prend la Commission. On nous a expliqués pendant des mois que c'était une très très mauvaise idée, que c'était très très dangereux et que du coup, il ne fallait pas s'organiser comme ça. Il fallait tout faire comme avant et qu'ensuite de manière automatique, celui qui a le plus chez siège prenne la Commission. Ce à quoi on a dit non…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est pas comme avant, ce n'est comme avant…
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce à quoi on a dit non…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors quel est le portrait idéal pour la France de celui qui va être le président de la Commission européenne ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est quelqu'un qui a des compétences, qui peut parler d'égal à égal avec TRUMP, avec XI JINPING, qui peut porter aussi la voix d'un consensus, c'est quelqu'un qui doivent savoir faire travailler ensemble 28 dirigeants qui ont des intérêts différents et pour des bonnes raisons…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais ça veut dire qu'on accepte au niveau français et européen des responsables qui seraient plus autonomes, pour ne pas dire indépendants, qui auraient de l'autorité, de la présence ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On cherche à ce que l'Europe ait un numéro de téléphone, on cherche à ce que l'Europe ait une voix qui pèse et, donc, on veut effectivement que ce soit des gens qui puissent avoir eux-mêmes une vision de ce qu'est l'Europe et qu'il puissent porter ça. Vous savez, vu le nombre de projets sur lesquels l'Europe doit avoir de l'ambition, porter des résultats et amener des choses de citoyens, il nous faut des gens qui aient quand même les épaules, qui aient une vraie expérience ministérielle et qui puissent faire avancer le projet.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut rappeler que tout ça nous concerne, concerne chaque citoyen français directement. En me quittant, en quittant Cnews, vous allez à Strasbourg présider le Conseil de l'Europe. Jusqu'à présent, la Russie a été traitée comme quantité négligeable, est-ce que vous allez essayer de faire entrer la Russie de POUTINE dans la discussion des Européens, sinon il va chez les Chinois, dans les bras de XI JINPING !
AMELIE DE MONTCHALIN
L'effort qu'on mène, c'est de s'assurer que tous les citoyens russes continuent d'avoir accès à la Cour européenne des droits de l'homme. Vous savez, je ne suis pas sûre que ça plaise beaucoup à monsieur POUTINE, en revanche on sait que nos valeurs européennes de protection de la liberté de la presse, protection des minorités, protection du droit des femmes, il n'y a pas de raison qu'alors que les citoyens russes avaient accès jusqu'à il y a quelque temps pleinement à la Cour européenne des droits de l'homme, sous prétexte qu'il y ait par ailleurs des crises géopolitiques qu'il faut qu'on règle en Crimée, en Ukraine, dans le Donbass, ces citoyens n'aient plus accès. Donc moi ce pourquoi je me bats et c'est ce que je vais faire aujourd'hui à Strasbourg, c'est de m'assurer que les citoyens russes continuent d'être pleinement protégés par la Charte des droits de l'homme européen.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous pouvez me confirmer qu'il y a des pressions extraordinaires de la part des Américains ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce que je vous confirme, c'est que ce sujet intéresse des gens bien au-delà de ce que je viens de vous dire…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non mais vous me dites…
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, il y a des pressions mais il y a des pressions partout parce que l'Europe, elle est sous pression. Il y a des gens qui aujourd'hui considèrent que notre projet, ça les concerne au premier chef et que donc ils ont décidé de…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors il y a beaucoup de sujets d'actualité, je vais essayer d'aller vite avec vous. Aujourd'hui en Turquie, ERDOGAN vient de subir sa plus grande raclée en 17 ans. Il avait annulé la municipale d'il y a 3 mois qui avait permis à un opposant de gagner, là l'opposition remporte une victoire historique qui là fait rêver d'horizon démocratique. Le revers d'ERDOGAN, est-ce qu'il rend triste les Européens, il vous fait de la peine ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi ce que je vois c'est qu'il y a des élections qui se sont très bien passées, avec une forte participation qui confirme d'ailleurs ce qui était le résultat du mois de mars qui était très serré. Et donc nous ce qu'on salut, c'est que dans ce pays il puisse se tenir ce genre d'élection. Ensuite on en verra les conséquences politiques, les conséquences diplomatiques s'il y en a. Ce qu'on voit c'est que dans beaucoup de pays, vous savez souvent on dit « l'histoire est écrite », ce sera un pays qui sera quantité marginale, ce sera un pays qui tombera dans la dictature, ce sera un pays qui finalement connaîtra la corruption. Et puis parfois on est surpris, on est surpris en bien, parfois on est surpris en mal, mais quand on est surpris en bien, quand on voit que la démocratie est vivante, quand on voit que les peuples se réveillent et quand on voit qu'ils votent pleinement en conscience pour un projet politique qui peut être différent de celui qu'ils vivent, on peut s'en réjouir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a la Turquie, il y a d'autres pays en Europe…
AMELIE DE MONTCHALIN
On voit en Slovaquie, on voit en République tchèque, on voit…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça veut dire que la démocratie reste vivante, elle montre le bout du nez !
AMELIE DE MONTCHALIN
Dans beaucoup de pays, une société civile aujourd'hui qui se réveille sur des enjeux parfois différents, parfois c'est climat, parfois c'est la corruption, parfois c'est le droit des femmes. En tout cas c'est certain, c'est que de là où je suis le monde est surprenant et c'est tant mieux, parce que ça veut dire qu'on ne peut pas écrire dans les livres comment seront les choses…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et en même temps, il y a quelques dictateurs par-ci par-là. On va vite, une commission de l'ONU met en cause l'Arabie saoudite dans l'assassinat de KHASHOGGI, ses commanditaires sont connus et cités. Qu'est-ce que doit faire l'Europe, qu'est-ce que doit faire la France, elle se tait ou elle dit ce qu'elle pense ?
AMELIE DE MONTCHALIN
La France et l'Europe ont déjà fait beaucoup de choses puisqu'ils ont pris des sanctions…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, non mais ce qu'elle va faire ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Contre les 18 commanditaires…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Après le rapport de madame CALLAMARD de l'ONU !
AMELIE DE MONTCHALIN
Et qui aujourd'hui n'ont plus le droit ni de rentrer en France ni dans l'espace Schengen. Et ensuite ce qu'on dit, c'est qu'il faut que cette enquête au niveau international suive son cours, que les sanctions soient prises, qu'ils soient punis, qu'il y ait un jugement. Et donc nous prenons toutes les dispositions pour que ça ne soit pas enterré, que ça ne reste pas quantité marginale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord. Donc toutes les dispositions, sauf peut-être une. Les Anglais ont décidé d'arrêter de livrer des armes à l'Arabie saoudite, mais on continue à leur vendre.
AMELIE DE MONTCHALIN
On a toujours dit et c'est la ligne depuis le départ, si les conditions d'utilisation des armes sont celles qui sont écrites dans les traités, nous continuons ; si nous avons la preuve que ce n'est pas le cas, nous arrêterons.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Boris JOHNSON pourrait être Premier ministre bientôt du Royaume-Uni, il est partisan lui d'un Brexit musclé, cogneur. Est-ce que les Européens vont laisser Boris JOHNSON donner des coups à l'Europe, comme il bat sa campagne ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Sur le Brexit, moi je suis allée encore à Londres la semaine dernière, c'est d'abord un problème et une crise politique britannique. Et nous depuis l'Europe, on a posé sur la table un accord, on a posé une limite et s'il y a bien une chose que je sais…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce sont les Anglais, les Britanniques qui vont choisir !
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est à eux de choisir. Si moi aujourd'hui, je vous dis « j'aimerais qu'il se passe si ou ça », d'abord c'est de l'ingérence, ce n'est pas respecter la démocratie, c'est mettre en danger même le projet européen. Le projet européen, c'est un projet qui respecte les Etats nations. Et donc les Britanniques ont voté, ils ont choisi, c'est à eux maintenant de poursuivre…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce que vous dites que rien n'est joué…
AMELIE DE MONTCHALIN
De poursuivre différemment…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Boris JOHNSON est déjà 10 Downing Street !
AMELIE DE MONTCHALIN
Je pense que les choses… vous savez en politique, on vient d'en parler, parfois sont surprenantes. 160.000 militants conservateurs doivent choisir entre Jérémy HUNT et Boris JOHNSON. Et donc nous verrons le 22 juillet quel est leur choix.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez parlé tout à l'heure des pressions qui viennent de toutes sortes sur l'Europe et en même temps la France. Je veux signaler simplement faire attention à la concurrence de la Chine, là à Rome son candidat vient d'être élu à la tête de la FAO, c'est-à-dire l'Agence qui est dédiée à l'agriculture, à l'alimentation mondiale. Un Chinois qui a battu la candidate française et le Géorgien. La Chine, d'après ce qu'on entend, a arrosé abondamment un certain nombre de pays, en supprimant l'endettement de ces pays.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui est certain c'est que pour nous…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a des méthodes et des méthodes.
AMELIE DE MONTCHALIN
Cette question de l'agriculture, cette question de comme on se nourrit, on en a parlé au départ, c'est très lié à nos enjeux climatiques, c'est très lié à nos en enjeux même humanitaires et c'est très lié au développement économique. Donc c'est des sujets sur lesquels on va continuer à travailler, on portait avec notre candidate française un projet qui nous semble être moderne, qui nous semble répondre aux enjeux. Nous n'avons pas gagné et donc nous continuons travaillent néanmoins, parce qu'heureusement qu'on ne lâche pas la bataille.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Attention aux lobbies et aux méthodes utilisées, à la fois par les Américains et par les Chinois, les super superpuissances qui nous écrasent. Une question personnelle, quand on a comme vous au-dessus de soi le président de la République qui s'appelle Emmanuel MACRON et un ministre d'expérience et d'autorité comme Jean-Yves LE DRIAN, est-ce que vous avez assez d'espace et d'oxygène pour vous ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est surtout qu'il y a tellement à faire. Je peux vous dire que Jean-Yves LE DRIAN est sur beaucoup de terrain en Afrique, au Moyen-Orient, partout dans le monde ; et je peux vous dire qu'il y a aussi beaucoup à faire en Europe. Et donc, on travaille très bien ensemble…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La porte n'est pas trop étroite !
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, et puis je peux vous dire qu'on a tellement de travail tous qu'il y a de la place pour tout le monde pour travailler. Les enjeux sont gigantesques, on vient d'en parler, sur beaucoup de sujets : la sécurité, les frontières, les migrations, le climat, il y a à faire en Europe, il y a à faire au niveau mondial et donc on n'est pas de trop pour travailler, je vous assure.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors bon boulot…
AMELIE DE MONTCHALIN
Merci beaucoup.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Allez-y parce que vous allez à Strasbourg. Merci d'être venu et on voit que ces sujets nous concernent aussi directement.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 juin 2019