Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour Franck RIESTER.
FRANCK RIESTER
Bonjour.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On aurait presque pu dire « ministre de Notre Dame », on va en parler évidement largement dans cette émission. On va commencer par l'actualité avec une question de curiosité politique française, Franck RIESTER, vous étiez hier avec le président de la République pour célébrer les 500 ans de l'anniversaire de la mort de Léonard de VINCI vous étiez en Touraine, vous étiez mardi au conseil des ministres. Est-ce que c'est vrai que le président est agacé par ses ministres, qu'il vous demande de passer à la vitesse supérieure, de mieux défendre sa politique ?
FRANCK RIESTER
Non, il n'était pas agacé, il était déterminé, oui ça je vous le confirme, la feuille de route est claire, mais c'est logique. On doit mener les réformes, défendre la politique du gouvernement, faire campagne aux européennes, c'est tout à fait logique, il était déterminé, il était déterminé en conseil des ministres et il était, comme moi d'ailleurs, vraiment heureux de cette journée d'hier ou pour les 500 ans de la mort de Léonard de VINCI, pour célébrer aussi la Renaissance, le président de la République a accueilli son homologue italien n c'était un moment très fort d'abord à Amboise, et puis là où habitait Léonard de VINCI et puis ensuite à Chambord. Vous savez, on parle beaucoup d'Europe, il peut y avoir des polémiques, rappelez-vous les polémiques avec les oeuvres de Léonard de VINCI.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui que les Italiens ne voulaient pas prêter, que finalement ils nous prêtent ou pas ?
FRANCK RIESTER
Oui, ils nous prêtent, je suis allé, je me suis rendu à Milan rencontrer mon homologue, Alberto BONISOLI, il est venu aussi en France et on aura notamment pour la belle exposition du Louvre au mois d'octobre à Paris « l'homme de Vitruve », ce fameux dessin de Léonard de VINCI et l'autoportrait de Léonard de VINCI. Donc on a réussi grâce à la culture à rapprocher la France et l'Italie et hier, c'était une belle démonstration d'amitié entre nos deux peuples à travers l'amitié entre nos deux présidents.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais avec un président, vous nous le confirmez, qui parfois donne quand même l'impression de faire un peu les choses tout seul et que derrière …
FRANCK RIESTER
Non, non ; ce n'est pas du tout ce que je vous confirme !
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas vrai, d'accord !
FRANCK RIESTER
Ce n'est pas du tout ce que je vous confirme. Je vous confirme qu'il est déterminé, qu'il a une énergie que les Français lui connaissent et tant mieux et on est derrière lui avec lui pour mener les réformes nécessaires pour le pays.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors avant de parler de Notre-Dame et de sa reconstruction qui passionne évidemment bien évidemment les Français, on va parler d'actualité. On vient de le dire, cette image du policier qui se saisit d'un pavé pour le lancer sur les manifestants en marge de la manifestation du 1er mai, ça vous choque ?
FRANCK RIESTER
Ecoutez, oui, ce n'est pas …On ne doit pas quand on est policier utiliser des armes de ce type-là contre les manifestants évidemment mais je pense que sa hiérarchie fera ce qu'il faut mais c'est un parmi ces milliers de forces de l'ordre qui, avec beaucoup de sang-froid, beaucoup de professionnalisme ont réussi partout en France à, dans ce 1er mai, maintenir l'ordre, l'ordre public, il y a eu quelques débordements mais malheureusement bien sûr mais beaucoup moins que certains samedis. Donc on voit bien que la nouvelle stratégie des forces de l'ordre, le sang-froid et la compétence des forces de l'ordre a été exemplaire.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Sauf manifestement …
FRANCK RIESTER
Bah oui, c'est vrai que cet individu est systématiquement quand il y a des débordements, j'invite évidemment toutes celles et ceux qui se sentent victimes d'éventuels débordements de porter plainte et il peut y avoir, comme on le voit ici, des choses qui ne se font pas mais globalement, dans sa globalité, on peut dire que les choses ont été bien gérées par les forces de l'ordre.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, autre affaire en marge des manifestations du 1er mai, l'intrusion de manifestants dans l'enceinte de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris boulevard de l'hôpital, on en parle depuis mercredi soir mais l'affaire prend un autre éclairage, plus politique, puisque avec encore une fois les vidéos amateurs qui sont postées sur les réseaux sociaux, on commence à mieux comprendre ce qui s'est passé et peut-être que ce n'était pas une volonté délibérée, de rentrer pour casser mais simplement de s'échapper et d'échapper aux forces de l'ordre comme on voit sur ces images. Est-ce que vous pensez que votre collègue, ministre de l'Intérieur, Christophe CASTANER en a trop fait ? Est-ce qu'il a menti ?
FRANCK RIESTER
Non, d'abord, il y a une enquête qui est en cours qui dira les responsabilités et les intentions. Moi, je tiens à saluer les personnels de l'hôpital qui ont fait preuve, on le voit sur les images, ont fait preuve d'un sang-froid extraordinaire mais enfin, franchement, quand vous êtes dans une manifestation et on l'a dit et on l'a redit, c'est aujourd'hui dangereux de manifester avec des Gilets jaunes samedi après samedi parce qu'il y a des « blacks blocs » qui se mettent, des casseurs qui se mettent dans les manifestations et qui font prendre des risques à tout le monde. Donc il vaut mieux aujourd'hui se dispenser d'être dans ces manifestations, premier point. Deuxième point …
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Si on a envie de manifester pour faire valoir des revendications …
FRANCK RIESTER
Oui mais en ce moment, franchement, on sait bien, il y avait des menaces très claires, des « blacks blocs » qui voulaient mettre le feu à Paris, ce n'est pas le bon moment effectivement pour manifester et deuxièmement, même si bien évidemment moi, je suis très attaché à la liberté de manifester mais deuxièmement, quand vous êtes en train d'être poursuivi – à voir – par les forces de l'ordre, franchement, est-ce que vous avez besoin de rentrer dans un hôpital et d'aller dans un service de réanimation où on sait très bien que c'est très dangereux parce que quand on est en service de réanimation, ça veut dire que sa vie est en danger et donc on ne va pas dans un service de réanimation ?
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Peut-être ne savaient-ils pas et manifestement, ils n'ont pas insisté quand les infirmiers ont fermé les portes.
FRANCK RIESTER
Encore une fois, la justice dira quelles sont les responsabilités, quelles sont les intentions et là aussi, il y a ce point-là très précis qui fait polémique mais j'aimerais bien aussi que ceux parfois qui font polémique sur ce sujet soient un peu plus exigeants, aient des propos beaucoup plus déterminés contre les « blacks blocs », contre les casseurs, contre celles et ceux qui mettent jour après jour certains centres-villes de France dans un état inacceptable.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va évidemment parler du sauvetage de Notre-Dame parce que je le disais tout à l'heure, on pourrait vous appeler « le ministre de Notre-Dame » tant ce chantier est important, tant il mobilise aussi l'attention des Français et leurs intérêts. Si on fait le point aujourd'hui quelques jours après l'incendie, est-ce que la structure de Notre-Dame est solide ? Est-ce qu'il y a encore des risques d'effondrement ou de dégradation supplémentaire ?
FRANCK RIESTER
Les seuls points qui restent encore fragiles, c'est des points sur la voûte, c'est la raison pour laquelle il y a des filets, c'est la raison pour laquelle on ne peut pas encore travailler …
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc on va regarder comment les bâches ont été installées sur le toit de Notre-Dame …
FRANCK RIESTER
Oui, c'est formidable ! Et quelle rapidité ! En deux semaines, les entreprises et les équipes du ministère de la Culture, vous disiez « ministre de Notre-Dame », le ministère de la Culture est le ministère qui a en charge la restauration des monuments historiques et donc bien évidemment, c'est mon ministère qui est en charge de la restauration de Notre-Dame-de-Paris. Et en quelques jours, quelques semaines, ils ont réussi à sécuriser tout le bâtiment, notamment le pignon qui était fragile, pignon Nord, pignon Sud …
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il n'y a plus de risque sur les pignons …
FRANCK RIESTER
Il n'y a plus de risque sur les pignons.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et les risques qui restent, je vous ai coupé, excusez-moi …
FRANCK RIESTER
Sur les voûtes et les voûtes, à certains endroits, risquent encore de s'effondrer …
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a deux voûtes qui se sont effondrées, deux parties de la voûte …
FRANCK RIESTER
Il y a trois parties de la voûte, il y a la croisée du transept, un peu plus loin dans la nef là où est tombée la flèche de Notre-Dame et au niveau du transept nord où, là aussi, il y a une partie de la charpente qui a percé la voûte. La voûte reste fragile au niveau de la nef, au niveau du coeur. C'est la raison pour laquelle on a installé des filets à l'intérieur de Notre-Dame de Paris mais qu'on ne peut pas encore travailler pour retirer les gravats au niveau de nef et du coeur et au niveau du transept et on les équipe et les entreprises …les équipes du ministère de la Culture et les entreprises travaillent avec un robot qui vient retirer les gravats, gravats qui vont être mis de côté pour être non seulement mis à disposition de l'enquête pour savoir exactement comment est arrivé le feu de le feu et deuxièmement, pour le laboratoire de recherche des Monuments historiques, pour l'archéologie et les enquêtes techniques pour mieux comprendre aussi comment a fonctionné l'incendie.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je crois que vous avez été étonné quand vous êtes rentré dans la cathédrale de voir que certaines oeuvres ont été miraculeusement préservées, Notre-Dame par exemple, la statue est intacte …
FRANCK RIESTER
Oui, la fameuse Notre-Dame de Paris, vous avez raison, qui est une Vierge à l'enfant du XIVe siècle qui a été préservée, elle avait dans le dos, elle a une marque noire, c'est-à-dire qu'elle a vraiment eu des braises qui sont tombées derrière elle. À ses pieds, il y a un tas de gravats et elle est miraculeusement restée intacte.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous croyez aux miracles, Franck RIESTER ? !
Rires
FRANCK RIESTER
C'est vrai pour Notre-Dame de Paris mais globalement les œuvres ont été protégées non pas d'une façon miraculeuse mais par le travail extraordinaire des sapeurs-pompiers …
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Peut-être aussi qui sait !
FRANCK RIESTER
Peut-être aussi mais …
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On ne se prononcera pas ce matin !
FRANCK RIESTER
Mais en tout cas, je peux vous dire que les sapeurs-pompiers de Paris, le sang-froid des équipes du ministère de la Culture, de l'évêché, des équipes de l'hôtel de ville de Paris qui ont su pendant l'incendie à la fois veiller à protéger le bâtiment, je dirais, le monument architectural mais aussi les oeuvres avec une stratégie d'aller chercher les oeuvres qui étaient les plus menacées notamment les reliquaires, la Sainte-Couronne, la tunique de Saint-Louis par exemple, qu'ils ont retirés de Notre-Dame de Paris avec un courage exemplaire et aussi la stratégie de lutte contre le feu pour veiller à ne pas inonder Notre-Dame de Paris et donc pour préserver notamment les « Mays », ces grands tableaux du XVIIe qui sont aujourd'hui en sécurité dans des réserves particulières. Quant aux saintes reliques, elles sont au Louvre en grande sécurité.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors on a beaucoup parlé de l'afflux de dons. Il y a plus d'un milliard de dons, c'est ça, aujourd'hui ?
FRANCK RIESTER
Non, on n'est pas à un milliard mais…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
A un moment donné, on a fait les calculs, on a dit un milliard. Non ?
FRANCK RIESTER
Oui, enfin, bon. C'est un petit peu moins d'un milliard.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et ce n'est pas trop ?
FRANCK RIESTER
Non, non. Ecoutez, vous savez, on ne sait pas quel sera le montant total de travaux. Ça va coûter très cher. Il y a beaucoup de choses à faire parce qu'il faut refaire évidemment la charpente. Il faut refaire la flèche. Il y a beaucoup de travail de sécurisation des endroits qui ont été fragilisés, même si aujourd'hui ils ne sont plus en danger. Et puis il y a la restauration globale de Notre-Dame de Paris. Peut-être il y a la question des accès pour le public, pour mieux présenter les oeuvres, le Trésor, etc. Donc…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas trop ? On peut dire aux Français de continuer à donner ?
FRANCK RIESTER
Oui, on peut dire aux Français et je les invite, les Français, à continuer à donner et je leur redis que les dons pour Notre-Dame iront à Notre-Dame de Paris. Parce que j'ai entendu une polémique…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Uniquement à Notre Dame ?
FRANCK RIESTER
Ils iront à Notre-Dame de Paris. On verra ensuite… On n'est qu'au début des travaux donc on verra.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ça.
FRANCK RIESTER
Ensuite, comment on inscrit les éventuels moyens financiers qui dépasseraient…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Excédentaires.
FRANCK RIESTER
Excédentaires pour assurer pour l'avenir aussi l'entretien et bon état de Notre-Dame de Paris.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que vous vous souvenez… On voit les images du lendemain de l'incendie effectivement, ce que vous évoquiez tout à l'heure. Vous avez été choqué par la polémique sur les dons des grandes fortunes françaises ?
FRANCK RIESTER
Oui, bien sûr.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pourquoi ?
FRANCK RIESTER
Ecoutez, il n'y a qu'en France où on a des débats de ce type. Il y a une grande générosité. Les Français, qu'ils aient peu d'argent ou qu'ils en aient plus, on eu envie pour certains d'entre eux de donner. Parce que Notre-Dame de Paris, c'est bien plus qu'une cathédrale, c'est évidemment un grand symbole de la chrétienté. C'est une cathédrale catholique qui, pour tous les fidèles, ça représentait un choc terrible, mais aussi pour les Parisiennes et les Parisiens. C'est le symbole de Paris, un des symboles de Paris.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Regardez ces chiffres, oui.
FRANCK RIESTER
Et c'est vrai pour les Français et pour les Européens. J'accueille tout à l'heure à Paris mes homologues ministres de la Culture pour faire un point patrimonial sur l'organisation de la réponse européenne en matière de sinistres patrimoniaux comme on l'a vécu avec Notre-Dame de Paris. Donc ça émeut l'humanité entière. Et donc il y ait eu un grand geste, enfin un grand mouvement, élan de générosité, tant mieux. Et qu'il y ait des grandes fortunes qui aient donné, mais on devrait les remercier. D'ailleurs, moi je les remercie, c'est formidable.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais est-ce que ça va coûter cher à l'Etat en termes de déductions fiscales, ces dons ?
FRANCK RIESTER
Alors vous savez qu'en matière de dons pour du patrimoine ou des oeuvres, c'est le dispositif de mécénat, et donc c'est une réduction d'impôt de 60 % pour les entreprises et de 66,7 % pour les particuliers, sauf spécifiquement pour Notre-Dame. Nous sommes en train de voter un texte à l'Assemblée nationale et au Sénat qui permettra une réduction de 75 % à hauteur, jusqu'à un plafond de mille euros pour les particuliers.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc si je donne cent euros, en fait ça ne va me coûter que vingt-cinq euros.
FRANCK RIESTER
C'est ça.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et eux, les plus riches ?
FRANCK RIESTER
Eh bien, c'est pareil pour les plus riches mais à hauteur de mille euros s'ils donnent en tant que particuliers. Sinon, c'est 66 % à hauteur de 20 % du revenu imposable. Et concernant les entreprises, c'est 60 % de réduction d'impôt à hauteur, jusqu'à une limite de 0,5 % du chiffre d'affaires.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Certains y ont renoncé, les familles ARNAULT et PINAULT.
FRANCK RIESTER
C'est ça. Ils y ont renoncé mais ils avaient le droit à leur réduction d'impôt.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il faut encourager les autres à renoncer aussi ?
FRANCK RIESTER
Non. Moi, vous savez, je dis qu'on a un bon dispositif en France qui est le dispositif de mécénat. Ça permet d'avoir des financements privés qui viennent abonder les financements publics. C'est une très bonne. Et oui, il y aura une dépense fiscale de l'Etat pour, évidemment, tenir compte des dons de nos compatriotes. Tant mieux, c'est un bon système et l'Etat, vous le savez, parce qu'on a critiqué : « Oui, mais l'État ne va pas… Ça ne va rien coûter à l'Etat. » Eh bien si, ça va coûter à l'Etat la réduction d'impôt et ça coûte déjà l'Etat puisque depuis deux semaines, ce sont les équipes encore une fois du ministère de la Culture qui sont au travail, à l'oeuvre, mobilisées nuit et jour pour sécuriser Notre-Dame de Paris et pouvoir dans quelques jours, quelques semaines, lancer la restauration de Notre-Dame de Paris.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors justement, la restauration. Quelle restauration ? C'est les débats comme les Français les aiment. Il y avait eu le débat sur la pyramide du Louvre dans les années 80.
FRANCK RIESTER
Oui, rappelez-vous.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Eh bien vous allez avoir la même chose, Franck RIESTER. Vous allez devoir gérer ce débat sur « comment on restaure la cathédrale ». Alors il y a plein de projets, ça c'est des projets provisoires. Il y a des projets de restauration les plus variés et alors les Français sont très partagés. Regardez ce toit-terrasse sur Notre-Dame, cette flèche qui est un cristal et ensuite un rayon laser. Bon, ça c'est plus baroques on va dire, on ne retient pas celui-ci.
FRANCK RIESTER
Non.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
N'empêche qu'il va falloir quand même, à un moment donné, trancher. Alors la question, c'est quand on demande aux Français qu'est-ce que vous voulez, il y a quand même 54 % des Français dans un sondage qui demandent qu'on ne touche pas à Notre-Dame et qu'on la reconstitue telle qu'elle était, reproduction à l'identique. Il y a seulement 25 % des Français qui souhaitent un geste architectural. Comment vous allez faire, Franck RIESTER ?
FRANCK RIESTER
Vous savez, je pense… D'abord le débat, c'est formidable. Il va y avoir un élan de créativité, des idées. Tant mieux, c'est formidable. Moi je préfère que les Français débattent de beaux projets comme ça, architecturaux, plutôt qu'ils s'écharpent des fois sur des choses beaucoup moins importantes et puis on verra bien ce que sera la décision de l'Etat. Mais je vais vous dire, tout ça se fera en concertation, en consultation. Rien ne sera fait dans le dos des Français, tout sera fait devant les Français. Et je voudrais vous dire aussi, vous savez, on dit souvent quand il y a une Coupe du monde qui arrive qu'il y a autant de sélectionneurs que de Français. De sélectionneurs de l'équipe de France que de Français. Eh bien, je pense qu'il y aura autant d'architectes que de Français pour savoir quelle flèche il faut pour Notre-Dame de Paris. Mais convenez que si on coupait tout de suite le débat en disant : « Niet, ça sera comme ça et pas autrement. Ça sera la même flèche ou ça sera une autre flèche différente », eh bien on aurait bridé nos compatriotes. Là, on laisse la possibilité à chacune et à chacun de s'exprimer, notamment évidemment ceux qui savent, enfin c'est-à-dire ceux qui ont du talent, les architectes. J'appelle toutes les écoles d'architecture à réfléchir, à proposer des choses et puis on tranchera. On tranchera après un grand débat, une grande consultation.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qu'est-ce que, selon vous, apporterait la modernité ?
FRANCK RIESTER
Eh bien écoutez, d'abord il faut savoir que les cathédrales, quand elles ont été restaurées dans l'Histoire, ont toujours été restaurées avec des nouveautés. Une des raisons était qu'on n'avait pas forcément les plans précédents ; là, on les a. Mais ce n'était pas seulement, c'était aussi parce qu'à un moment donné, il y avait des décisions d'embellir encore la cathédrale. Et donc quand j'entends certains dire : « Il faut revenir à la cathédrale d'il y a huit cents ans », la cathédrale d'il y a huit cents ans, elle n'avait rien à voir avec la cathédrale qui était celle qui était sous nos yeux avant l'incendie, puisque c'est VIOLLET-LE-DUC qui, au dix-neuvième siècle, a modernisé si je puis dire Notre-Dame de Paris. Donc d'une façon générale, les cathédrales quant elles sont restaurées, il y a des nouveautés. Eh bien pourquoi pas, là, qu'il y ait un geste architectural, et qui permette de se dire que, oui, il y a eu un avant et un après incendie et qu'on ne fasse pas exactement comme si de rien n'était. Mais la décision n'est pas prise. Moi en tant que ministre de la Culture, je ne dois pas pour l'instant - je donnerai mon avis le moment venu - donner mon avis. Ce que je dois faire en sorte, c'est que le débat vive, que le concours architectural puisse se faire et qu'ensuite nous puissions trancher et restaurer Notre-Dame.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors « nous puissions trancher ». Finalement, à la fin qui va trancher ?
FRANCK RIESTER
C'est le propriétaire de Notre-Dame de Paris, c'est l'Etat.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc c'est Emmanuel MACRON.
FRANCK RIESTER
Je pense qu'effectivement le président de la République aura un avis sur la question.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Plus que le vôtre.
FRANCK RIESTER
Oui, évidemment.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc celui qui va décider comment on va reconstruire Notre-Dame, c'est Emmanuel MACRON.
FRANCK RIESTER
Mais écoutez, on verra. Ce qui est certain, c'est que c'est l'Etat qui décidera à travers ses représentants et le premier d'entre eux qui est le chef de l'Etat. Mais vous savez, ce n'est pas du style à ne pas assumer ses responsabilités et à les faire partager nos compatriotes. Donc à un moment donné, une décision sera prise mais ce que je vous dis, c'est qu'il y aura un grand débat, une grande concertation, une grande consultation, que les Français pourront s'exprimer et on verra ensuite quelle décision et comment nous restaurerons Notre-Dame de Paris.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Comment ? Le président a dit qu'il fallait aller vite, cinq ans peut-être, à peu près la perspective des Jeux olympiques.
FRANCK RIESTER
Oui, il a fixé le cap, oui.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pourquoi il veut aller aussi vite et pourquoi faire une loi spécifique ? Un établissement public spécifique alors qu'il en existe déjà deux pour reconstruire des monuments historiques. Pourquoi cette précipitation et cette volonté ?
FRANCK RIESTER
Non mais il n'y a aucune précipitation. Il y a simplement, et c'est très bien, le cap de fixer un objectif ambitieux, cinq ans, pour mobiliser tout le monde. Après, la priorité des priorités, c'est de restaurer avec la meilleure qualité possible.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a un millier d'architectes, d'universitaires qui se sont mobilisés dans Le Figaro lundi pour vous dire : « Vous allez beaucoup trop vite et il faut respecter les règles. »
FRANCK RIESTER
On ne va pas beaucoup trop vite parce qu'heureusement qu'on a été vite pour sécuriser Notre-Dame de Paris. Ensuite on prendra le temps qu'il faut très clairement, et je tiens à rassurer ces experts : ils seront eux aussi associés. Parce qu'on veut associer très largement toutes celles et ceux qui savent : les architectes, les experts, les historiens, toutes celles et ceux qui ont une connaissance en la matière, qui pourront eux aussi donner leur avis. On ne le fera pas dans la précipitation. On ne mélangera pas vitesse et précipitation, ça c'est certain. Parce qu'on a une responsabilité très grande devant les Français, devant les catholiques et les chrétiens et devant - je dirai même, allons-y, n'ayons pas peur des mots - devant l'humanité. Parce que c'est un patrimoine qui est protégé par l'Unesco, c'est un patrimoine de l'humanité et nous devons le restaurer, ce monument, de la meilleure façon possible pour que la restauration soit d'une qualité exemplaire.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Si c'est plus que cinq ans, ce sera plus que cinq ans.
FRANCK RIESTER
Mais oui, bien évidemment. Et si c'est moins, ça sera moins. On prendra le temps qu'il faut. Mais qu'en même temps on se donne une ambition en matière de délai, c'est normal. Quant à la loi, il ne s'agit absolument pas d'une loi d'exception. La loi, d'abord, elle permet de donner la possibilité aux dons d'avoir 75 % de réduction d'impôts. Je vous l'ai dit tout à l'heure. Deuxièmement, elle nous donne la possibilité éventuellement de créer un EPIC spécifique dans le cadre du ministère de la Culture. Et troisièmement, elle nous permettra éventuellement de déroger à certaines dispositions de nos différents codes pour permettre la meilleure des restaurations. Je vous donne un exemple. Il y a des bâtiments qu'on va vouloir mettre pour le chantier à côté de Notre-Dame de Paris, il ne faudrait pas que les dispositions de préservation des monuments historiques nous empêchent de le faire. Voilà, c'est un exemple très concret. Comme sur l'archéologie, on ne va pas s'asseoir évidemment sur les règles en matière d'archéologie mais simplement aller vite sur l'instruction et choisir l'INRAP comme institution qui s'occupera de l'archéologie.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je vous laisse aller au Louvre et retrouver vos collègues ministres de la Culture. Le Louvre avec cette pyramide justement qui avait fait autant débat, vous verrez, que le fera le chantier de Notre-Dame. Merci beaucoup Franck RIESTER d'avoir été avec nous.
FRANCK RIESTER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mai 2019