Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Nous sommes en direct avec le Ministre de la Culture, Franck RIESTER. Nous sommes au coeur, d'une certaine manière, du sujet car vous savez que les manifestations, ce n'est pas simplement des questions de sécurité. Ce sont aussi des questions idéologiques et puis il y a la gestion du Ministère. Nous en parlons en direct avec lui. Bonjour Franck RIESTER et merci d'être sur l'antenne de Radio Classique.
FRANCK RIESTER, MINISTRE DE LA CULTURE
Bonjour Guillaume DURAND.
GUILLAUME DURAND
Au départ de cette affaire, il y avait évidemment des manifestations à caractère social. Là, on se retrouve face à une ultragauche en grande partie en tout avec les black blocs. Ces black blocs qui ont quand même un sous-bassement idéologique. Je voudrais qu'on écoute, puisque vous étiez hier justement à la réunion à l'Elysée avec les intellectuels, Pascal BRUCKNER intervenant auprès du président de la République et la réponse du président de la République. D'abord Pascal BRUCKNER.
PASCAL BRUCKNER
Moi, j'ai le sentiment que nous assistons en France à un coup d'Etat que je qualifierais pour ma part d'anarcho-fasciste puisque dans les événements des gilets jaunes, les deux grandes familles extrémistes : l'extrême droite et l'extrême gauche, se rejoignent. Ce sentiment de déliquescence pour ma part me paraît très inquiétant.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Il y a des manifestations dans toutes les démocraties. Mais moi, je ne confondrais pas la manifestation et ce qui s'est passé samedi.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous avez le sentiment, Franck RIESTER, qu'il y a quand même un terreau idéologique derrière justement ces black blocs ? Ou est-ce qu'on est dans le nihilisme dostoïevskien ?
FRANCK RIESTER
Oui. C'est une forme d'idéologie. Oui, il y a une idéologie de ces black blocs qui veulent casser toute forme d'Etat, toute forme d'ordre d'une société, voire une forme de nihilisme effectivement pour certains. Et un certain nombre de gilets jaunes qui sont entraînés par une sorte de mimétisme, d'effet de foule par les black blocs et par les casseurs. Et on voit bien que sur les Champs-Elysées ou effectivement à Toulouse, à Bordeaux, dans quelques villes où y a depuis maintenant plusieurs semaines ces casseurs, ces pilleurs aussi puisqu'il y a aussi certains qui sont là pour piller, pour voler, pour aller dans les magasins et dérober ce qu'il y a dans les magasins. Donc il y a une espèce de cumul, d'effet cumulatif de ces personnalités, de ces personnes qui fait que cette accumulation créée le trouble énorme et la colère des Français. Moi j'ai vraiment vu samedi soir des Français, beaucoup de Français, qui étaient en colère. En colère face à ces casseurs qui s'attaquent notamment à ceux qui sont – ç'a été très bien dit par Guillaume TABARD – s'attaquent particulièrement à ceux qu'ils sont censés défendre ou dont ils sont censés défendre la cause. Et là, il y a un ras-le-bol exceptionnel de ces casseurs qui sont pour beaucoup inspirés par les thèses d'extrême gauche ou d'extrême droite, mais particulièrement samedi d'extrême gauche.
GUILLAUME DURAND
Justement à ce propos, on a arrêté au tout début du mouvement Julien COUPAT qui avait été impliqué dans des affaires précédemment. Il y a pour certains des interrogations concernant la position de la France Insoumise. Vous leur répondriez quoi ce matin ? Je ne parle pas de Julien COUPAT puisque c'est un cas isolé. Par exemple Jean-Luc MELENCHON a critiqué l'arrivée du nouveau projet de police.
FRANCK RIESTER
Lors de ces séquences de casse, ceux qui véhiculent des incitations à la violence et ceux qui cautionnent, d'une manière ou d'une autre, ces violences se mettent complices de fait de ces violences. Et je pense que nous avons collectivement, en tant que responsables politiques, ceux qui sont élus de notre pays à l'Assemblée nationale, au Sénat, qui ont des responsabilités éminentes politiques doivent être solidaires de l'Etat dans le maintien de l'ordre. On ne peut pas accepter qu'il y ait des casses comme celles-là et ceux comme Jean-Luc MELENCHON qui contribuent à cautionner ces agissements sont d'une certaine façon complices de ces casses.
GUILLAUME DURAND
Vous savez que depuis le début aussi une grande interrogation est posée autour de la personnalité du président de la République. Je ne parle pas de l'épisode du ski mais de l'épisode qui est souvent dénoncé par les gilets jaunes de son parcours professionnel, de ce qu'il représente et cætera.
FRANCK RIESTER
Non, ça n'a rien…
GUILLAUME DURAND
C'est une caricature mais on l'entend énormément.
FRANCK RIESTER
Oui. On l'entend beaucoup moins parce que les Français ont vu depuis quelques semaines la façon dont le président de la République était à l'écoute à travers les grands débats auxquels il a participé, de quelle manière il connaissait les dossiers, de quelle manière il prenait en considération ce qui lui était dit, la reconnaissance qu'il avait de celles et ceux qui s'exprimaient et qui l'interpellaient. Bref, ils ont vu que le président de la République n'était pas déconnecté, qu'il était au contraire très bien au courant de la situation dans laquelle ces Français étaient et qu'il était à l'écoute et donc avec derrière des propositions très claires et très acceptées et acceptables par les gilets jaunes.
GUILLAUME DURAND
Mais peut-être un manque d'expérience dans le domaine de la sécurité puisqu'il a fallu quand même limoger un préfet, qu'on parle maintenant du Ministre de l'Intérieur et qu'au fond, quand on fait une carrière politique qui a quand même été extrêmement brève on n'a pas de relais dans la police, dans la sécurité. Tous ces gens-là, il ne les connaissait pas fondamentalement quand il était à l'Elysée François HOLLANDE et même avant.
FRANCK RIESTER
Oui, peut-être. Mais enfin en tout cas, là il y a une décision qui a été prise concernant le préfet de police, vraisemblablement dans le cadre d'une divergence de doctrine de maintien de l'ordre avec le ministre de l'Intérieur d'ailleurs. J'ai ce sentiment-là même si je ne suis pas au coeur des discussions qu'il y a…
GUILLAUME DURAND
Donc avec CASTANER quoi.
FRANCK RIESTER
Oui. Et donc c'est le préfet de police qui est en charge opérationnelle du maintien de l'ordre à Paris et donc il y a une décision qui a été prise. Le président de la République, le Premier ministre ont réaffirmé très clairement la nécessité que ça cesse à partir d'aujourd'hui. Que les zones qui ont été depuis des semaines victimes tout particulièrement de ces violences soient préservées et qu'ailleurs aussi on ne puisse pas se retrouver dans une situation similaire à ce qu'on a encore vu samedi. Vous savez, il y a un effet cumulatif. Il y a un moment donné où on peut comprendre qu'il y ait des manifestations, on peut comprendre la colère, l'envie d'exprimer une opinion, tout ça est compréhensible et on est dans une démocratie et il faut être fier de pouvoir être dans cette démocratie-là avec cette liberté de manifester. Mais quand on en vient à des situations où il n'y a que des casseurs qui sont là uniquement pour piller, pour brûler, pour mettre un certain nombre de nos compatriotes dans une situation de difficultés majeures, on ne peut plus le tolérer.
GUILLAUME DURAND
Le secteur des Champs-Elysées, on est bien d'accord ce matin en direct sur l'antenne de Radio Classique, est fermé comme le Capitole à Toulouse et comme la Grande Place de Bordeaux ?
FRANCK RIESTER
Interdits à la manifestation, au regroupement.
GUILLAUME DURAND
Donc ça c'est clair. Françoise FRESSOZ dans Le Monde qui est aujourd'hui en province et hier sorti à Paris dit : « Finalement le président de la République, le Grand débat n'a servi à rien, il se retrouve face à la rue. » C'est plus subtil que ça ce qu'elle raconte, je résume.
FRANCK RIESTER
Oui. C'est plus subtil que ça. Non mais attendez, on sait bien que dans notre Vème République, le président de la République est en première ligne et surtout avec l'évolution des institutions, l'inversement du calendrier, le quinquennat, on sait que le président de la République est en première ligne devant les Français. Alors est-ce qu'il faudra modifier à terme les institutions pour qu'il soit un peu, entre guillemets, pas protégé parce que c'est passible d'ailleurs du président de la République et puis ce n'est pas un bon fonctionnement démocratique. Mais en tout cas qu'il y ait un meilleur fonctionnement des corps intermédiaires, vraisemblablement. Mais pour autant, je peux vous assurer que le président de la République, il assume. Il est en première ligne, il doit rendre des comptes aux Français et il le dit et il en est convaincu. Et moi je trouve que… Il a été critiqué parce que soi-disant il faisait trop le Grand débat. Les Français se sont aperçus encore une fois, je le disais tout à l'heure, qu'il va devant eux. Il va à leur rencontre. Il n'a absolument aucune appréhension à s'expliquer devant les Français sur les décisions qu'il prend, la vision qu'il a pour le pays et les réactions qu'ont été les siennes depuis le début de la crise des gilets jaunes.
GUILLAUME DURAND
J'ai beaucoup de questions qui sont des questions qui concernent votre ministère et qui sont des questions formelles. D'abord est-ce que vous allez rendre visite au kiosquier qui a brûlé ?
FRANCK RIESTER
Je l'ai fait hier. J'étais sur les Champs-Elysées hier, j'ai rencontré plusieurs kiosquiers. Ils sont reçus à mon ministère cet après-midi à 17 heures 30 avec les représentants de leur profession. Il y a neuf kiosquiers sur les Champs-Elysées, sept ont été incendiés, cinq ont totalement brûlé. Ce sont des gens qui travaillent beaucoup, ce sont des gens qui d'une certaine façon assurent une mission de service public puisque…
GUILLAUME DURAND
Il y a 200 000 personnes qui passent tous les jours sur les Champs-Elysées.
FRANCK RIESTER
Ils distribuent la presse. Ce sont des lieux de culture et donc c'est inadmissible que leur lieu de travail ait été brûlé et donc nous allons prendre les dispositions, en plus de ce qu'a annoncé Bruno LE MAIRE pour tous les commerçants qui ont été brûlés ou vandalisés, des mesures spécifiques pour assurer la continuité de ce service public en lien avec la ville de Paris.
GUILLAUME DURAND
Question. Est-ce en matrice, en réflexion l'idée d'un conseil de déontologie des journalistes ?
FRANCK RIESTER
Alors dans le cadre…
GUILLAUME DURAND
Parce que vous savez que les patrons de presse, enfin beaucoup de journalistes sont vent debout contre cette idée qui est celle qu'il y aura une sorte de conseil de l'ordre des journalistes comme il existe un conseil de l'ordre des architectes ou des avocats.
FRANCK RIESTER
Oui. Alors ça ne serait pas sous ce format de conseil de l'ordre. Il ne s'agit pas d'avoir des sanctions vis-à-vis de journalistes. Simplement que dans notre démocratie, comme ça existe d'ailleurs dans bien d'autres démocraties et ça fonctionne très bien, et ce sont des démocraties qui ne remettent absolument pas en cause ni la liberté de la presse, ni de pluralisme de la presse, ni l'indépendance de la presse, qui permet d'avoir un endroit où on peut parler de la question du journalisme.
GUILLAUME DURAND
Mais qui, quoi, comment ?
FRANCK RIESTER
C'est les professionnels qui se saisissent de la question de la déontologie, qui se saisissent de la question de l'éthique, qui se saisissent de la façon dont est appréhendée l'information, pour que les Français qui aujourd'hui rejettent les politiques en premier lieu, mais ils rejettent aussi la presse et les journalistes, une forme de rejet des élites et rejet - je ne me considère pas comme une élite bien sûr - mais rejet de tous ceux qui ont d'une certaine façon un pouvoir, de retisser des liens de confiance avec les journalistes et avec la presse. C'est fondamental, c'est un pilier de notre démocratie. Et je pense d'avoir un endroit où on peut donner le sentiment aux Français qu'aucune profession, même les journalistes, sont à l'abri de toute critique est fondamental. Et qu'il y a un recours pour simplement dire : « Là, oui peut-être il y a eu… Toutes les précautions d'usage n'ont pas été prises », et qu'il y a un endroit où on peut dire : « Là les journalistes n'ont pas exactement fait le travail qui normalement devait être le leur », sans qu'il y ait des sanctions, sans que ça soit une administration, sans que ça soit lié directement au pouvoir politique. Mais je vais vous dire, Guillaume DURAND, ce conseil de presse ne pourra se faire que si ce sont les professionnels qui s'en saisissent. Il ne s'agit d'aucune façon de ma part ou de celle du gouvernement d'aller imposer quoi que ce soit.
GUILLAUME DURAND
Dernier point, quand est-ce qu'on remplace LISSNER ? Quand est-ce qu'on sait qui va remplacer LISSNER à l'Opéra de Paris ? Il est à la retraite. Alors les gens de Radio Classique connaissent bien comment fonctionnent les grands opéras, c'est le même problème à Lyon pour Serge DORNY qui va partir à Munich, comme les chanteurs et les chefs d'orchestre son programmables des années à l'avance, il faut qu'il y ait des gens. C'est le cas aussi au TNP à Villeurbanne. Tout l'ensemble de ces nominations, c'est quand ?
FRANCK RIESTER
Alors dans quelques semaines voire jours concernant l'Opéra de Paris. Il y a eu…
GUILLAUME DURAND
Quelques semaines ?
FRANCK RIESTER
Petites semaines, petites semaines.
GUILLAUME DURAND
Vous prenez l'engagement de revenir pour le dire ?
FRANCK RIESTER
Petites semaines, petites semaines. Ce n'est pas moi qui décide, c'est le président de la République.
GUILLAUME DURAND
Mais vous pouvez l'expliquer.
FRANCK RIESTER
Oui, bien sûr. Avec plaisir pour l'expliquer évidemment. Ça sera avec grand plaisir de revenir vous voir, Guillaume DURAND. Mais il y a eu un processus de mis en place avec un comité d'auditions. Les auditions ont été réalisées. Il y a eu onze candidatures avec onze auditions et je rencontre cette semaine le comité d'audition et on va ensemble… Ils vont me transmettre leurs remarques.
GUILLAUME DURAND
Je rappelle, il y a des candidats. Il y a celui qui dirige l'Opéra de Toulouse, le Capitole, il y a James CONLON, le chef d'orchestre.
FRANCK RIESTER
Non, James CONLON fait partie du comité d'audition.
GUILLAUME DURAND
Ah bon ? D'accord. Et Sasha WALTZ, elle fait partie du comité de sélection. Chorégraphe, elle.
FRANCK RIESTER
Exactement. Et donc, ils vont nous faire le retour de leurs auditions et de leur regard sur les différentes candidatures. Et ensuite, moi je ferai aussi mon retour au président de la République et c'est lui qui prendra la décision. Mais l'Opéra de Paris est une énorme maison avec des dimensions artistiques, des dimensions économiques, des missions d'aller chercher des mécènes, d'aller chercher des publics, sortir des murs. Il y a une troisième scène qui va être construite. On va à rapatrier les ateliers à Bastille qui sont actuellement dans un autre quartier de Paris. Bref il y a beaucoup de défis à relever et donc c'est très important de faire le bon choix et on va essayer de le faire.
GUILLAUME DURAND
Christophe GHRISTI, donc le directeur du Capitole de Toulouse, c'est une bonne candidature ?
FRANCK RIESTER
C'est une bonne candidature comme les onze qui ont porté leur candidature. Il vient d'arriver à Toulouse et il fait partie des candidats qui ont été auditionnés.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup. Donc il dirige le Capitole de Toulouse. Cette question des nominations fait évidemment partie des attributions du ministère de la Culture. Il y a aussi beaucoup de questions concernant le TNP à Villeurbanne et l'Opéra de Lyon. Merci d'être venu, vous reviendrez avec les nominations nous les expliquer.
FRANCK RIESTER
Avec grand plaisir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mars 2019