Texte intégral
MARC FAUVELLE
C'est le Secrétaire d'Etat à l'Intérieur qui est l'invité de Franceinfo jusqu'à neuf heures. A mes côtés Renaud DELY pour l'interroger.
RENAUD DELY
Bonjour Laurent NUNEZ.
LAURENT NUNEZ, SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DU MINISTRE DE L'INTERIEUR
Bonjour.
RENAUD DELY
Samedi, il y a encore eu des violences en marge du défilé des Gilets jaunes notamment à Paris. Et à Paris, devant l'Assemblée nationale un manifestant a été gravement blessé. Il a eu la main arrachée. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris. Voici comment votre ministre de tutelle, Christophe CASTANER, le ministre de l'Intérieur, racontait les faits. C'était sur Franceinfo hier.
CHRISTOPHE CASTANER, MINISTRE DE L'INTERIEUR – DOCUMENT FRANCEINFO DU 10 FEVRIER
Il y a eu une attaque contre le fronton de l'Assemblée nationale, des gens qui manifestement voulaient rentrer dans l'Assemblée nationale. Les gendarmes se sont déplacés d'ailleurs pour protéger les grilles et se sont retrouvés à un moment donné encerclés face à une foule très hostile et ils ont voulu se désencercler, comme vous le dites. Et un manifestant manifestement, sur les vidéos que l'on voit sur les réseaux sociaux, a voulu prendre dans la main cette grenade et elle a explosé.
RENAUD DELY
L'avocat du manifestant dit qu'il n'a pas voulu prendre cette grenade à la main. En tout cas, cette grenade a explosé et c'est bien cette grenade, qui est une grenade GLI-F4 qui contient vingt-cinq grammes de TNT, c'est bien cette grenade qui lui a arraché la main.
LAURENT NUNEZ
D'abord le contexte, je confirme ce qu'a dit le ministre de l'Intérieur en tous points. Les forces de l'ordre ont été victimes d'agressions avec une violence inouïe. Des forces de l'ordre qui étaient disposées pour protéger une institution de la République, il faut quand même le rappeler. C'est à ce moment-là où la manifestation dégénère. Et chaque fois qu'on utilise des armes intermédiaires, c'est parce que nous sommes confrontés à des phénomènes de violences extrêmes. Rentrer dans l'Assemblée nationale, vous conviendrez que c'est quand même un acte gravissime. Il est normal que les forces de l'ordre protègent à ce moment-là l'institution. Elles sont, comme le rappelle fort justement le ministre de l'Intérieur, complètement encerclées par une foule de plusieurs milliers d'individus. Les forces mobiles sont alors obligées d'utiliser l'armement intermédiaire en projetant sept grenades dont une grenade effectivement GLI-F4, donc qui est l'utilisation qu'on a juste avant l'usage des armes administratives. Donc c'est pour éviter une riposte policière avec des armes létales que sont utilisées des armes intermédiaires. Sur le contexte, ce manifestant vêtu de noir, comme on le voit sur des vidéos sur les réseaux sociaux, on n'a pas le sentiment au visionnage des vidéos qu'il fait un geste pour écarter une grenade. On voit très clairement que la grenade arrive, s'immobilise et qu'il la prend pour la projeter sur les forces de l'ordre, la confondant sans doute avec une grenade lacrymogène. On peut l'imaginer. En tout cas, tout ce que je vous dis je le dis prudemment. Il y a une enquête judiciaire en cours. On verra si ce que je dis est confirmé ou infirmé. Mais en tout cas, pour ce qu'on voit sur les réseaux sociaux actuellement, on n'a pas le sentiment qu'il repousse cette grenade. Maintenant, encore une fois, il y a une enquête judiciaire en cours et la vérité ne sort que des enquêtes judiciaires et pas de ce que l'on peut dire sur les médias.
MARC FAUVELLE
On a donc très clairement deux versions puisque l'avocat de cet homme qui était tout à l'heure l'invité de Franceinfo disait que c'était simplement en tentant d'écarter une grenade qui lui était…
LAURENT NUNEZ
Il n'y a pas deux versions. Il y a une enquête judiciaire en cours, je tiens à le préciser. Le parquet a saisi l'inspection générale de la gendarmerie nationale ; dans un premier temps, la… de la préfecture de police. Il y a une enquête judiciaire en cours, il n'y a pas deux versions, et puis il y a des images qu'on voit sur la vidéo. L'enquête déterminera si c'était ou pas le manifestant. On ne peut pas opposer un camp contre l'autre. Les forces de l'ordre utilisent une violence légitime lorsqu'elles sont agressées ou lorsqu'elles veulent protéger les institutions et il faut le rappeler à cet avocat. Heureusement que les forces de l'ordre étaient là sinon l'Assemblée nationale aurait été envahie, ce qui est gravissime pour la vie démocratique de notre pays.
MARC FAUVELLE
Cet avocat réclame aujourd'hui l'interdiction de cette arme. Je vous propose, Monsieur NUNEZ, de l'écouter et de réagir juste après.
ARIE ALIMI, AVOCAT DE LA LDH ET DU MANIFESTANT BLESSE SAMEDI
Moi, je commence à avoir une impression de redite toutes les semaines avec tous ces blessés, ces mutilations. Et moi la question que je me pose, c'est pourquoi est-ce que notre Gouvernement a besoin d'amputer ou de mutiler ses citoyens qui manifestent alors que la plupart des pays européens – tous d'ailleurs, les pays européens – n'ont pas besoin de le faire et qu'il n'y a pas de violence ni utilisation de GLI-F4 dans les autres pays.
MARC FAUVELLE
Pourquoi on est les seuls si c'est bien ?
LAURENT NUNEZ
D'abord moi aussi j'ai l'impression d'une redite comme vient de le dire cet avocat. On utilise l'arme intermédiaire quand les forces de l'ordre sont agressées, quand il faut défendre des positions, quand on est confronté à de la violence. Quand les manifestations se passent bien, il n'y a pas d'usage intermédiaire. D'ailleurs la plupart des enquêtes IGPN proviennent d'incidents qui se sont produits dans les temps les plus forts des manifestations, quand les forces de l'ordre étaient agressées. Sciemment – sciemment - on a un certain nombre d'individus, et l'avocat en question en fait partie, confondent le maintien de l'ordre et la guérilla urbaine et l'émeute urbaine. En matière d'émeutes urbaines, je suis désolé, dans d'autres pays on utilise aussi les armes intermédiaires. Peut-être qu'elles ne sont pas utilisées en maintien de l'ordre…
RENAUD DELY
Est-ce qu'il existe des grenades qui comportent effectivement du TNT comme c'est le cas de la grenade en question dans d'autres pays européens ?
LAURENT NUNEZ
Dans d'autres pays européens peut-être les utilise-t-on. En tout cas, on utilise aussi du LBD, pas forcément en maintien de l'ordre mais dès qu'on est en guérilla urbaine, en émeutes urbaines, on utilise aussi ce type d'arme. L'armement intermédiaire en France, il est indispensable pour éviter du corps à corps et pour éviter l'usage d'arme administrative dans des situations de violence extrême. Et je préférerais que cet avocat dénonce les violences extrêmes auxquelles les policiers et les gendarmes sont confrontés maintenant tous les samedis après-midi, dans des manifestations qui, on le sait maintenant, sont totalement noyautées par l'ultragauche et l'ultra droite.
MARC FAUVELLE
Laurent NUNEZ, c'est le cas aujourd'hui en France ? On est face à des phénomènes de guérilla urbaine ?
LAURENT NUNEZ
Le scénario du samedi, c'est toujours le même. Une manifestation de voie publique, en général pas déclarée même si on a eu deux ou trois samedis avec des déclarations à Paris. Maintenant Monsieur DROUET, pour tromper la vigilance des forces de l'ordre et il l'assume il le dit comme tel, n'a plus l'intention de déclarer. Donc on a des manifestations de voie publique où les forces de l'ordre les encadrent à distance, et qui systématiquement dégénèrent dans la violence du fait d'un certain nombre de casseurs qui sont parfois, et souvent même, des militants d'ultra gauche ou d'ultra-droite et des Gilets jaunes radicalisés - je ne fais pas l'amalgame avec le reste du mouvement - qui provoquent ces violences et qui font que nous sommes obligés, les forces de l'ordre sont obligées de riposter.
RENAUD DELY
Vous dites que vous ne faites pas d'amalgame mais vous venez de dire quand même à l'instant qu'à vos yeux aujourd'hui, le mouvement est totalement noyauté par l'ultragauche et l'ultra droite.
LAURENT NUNEZ
Le mouvement n'est pas totalement noyauté, je vous parle des manifestations de voie publique. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
RENAUD DELY
Chaque samedi en tout cas…
LAURENT NUNEZ
Je vous parle des manifestations de voie publique qui débordent, qui dégénèrent les samedis. C'est le fait en partie, et j'ai bien dit en partie, d'un noyautage donc de mouvance d'ultragauche et, on l'a vu samedi, ou d'ultra-droite en d'autres endroits du territoire. Mais samedi à Paris, c'est l'ultragauche qui était à la manoeuvre comme à Toulouse, comme à Bordeaux…
RENAUD DELY
C'est le profil de l'individu soupçonné d'avoir incendié le véhicule Vigipirate.
LAURENT NUNEZ
C'est tout à fait ce profil. Mais si vous voulez, je termine. Nous avons des individus donc qui noyautent ces manifestations. Et force est de constater qu'un certain nombre de Gilets jaunes radicalisés, avec lesquels je ne fais aucun amalgame avec le reste du mouvement des Gilets jaunes qui se structurent, qui participent au Grand débat, mais nous avons des Gilets jaunes radicalisée qui, avec les mouvances ultra, font le coup de poing. Et faire le coup de poing, quand on voit les violences dont sont victimes les policiers, pardon, mais c'est un euphémisme.
MARC FAUVELLE
Quel est le profil de l'homme qui a été arrêté après avoir mis le feu à cette voiture de police ?
LAURENT NUNEZ
Ecoutez, son profil nous le… C'est un individu qui était connu des services de renseignement, donc connu des services de renseignement, comme appartenant à la mouvance gauche et dont le parcours a pu être reconstitué sur la manifestation, et c'est pour ça qu'il a pu être interpellé.
RENAUD DELY
Il a été suivi toute la journée ?
LAURENT NUNEZ
Il a été suivi comme l'ensemble du mouvement. Il a été suivi toute la journée, bien évidemment. Et un grand nombre d'entre eux ont été d'ailleurs interpellés.
RENAUD DELY
Concrètement, comment ça se passe ? On peut s'interroger. Cet individu a été repéré, suivi et il a commis des dégradations toute la journée dans la capitale avant d'être arrêté le soir.
LAURENT NUNEZ
Oui. Oui, comme d'autres qui ont été interpellés à la première dégradation. Celui-ci a été interpellé à la fin de la séquence.
RENAUD DELY
Il ne peut pas être interpellé plus tôt ?
LAURENT NUNEZ
Oui, bien sûr. Mais vous savez, la meilleure formule… C'est toujours facile de voir ça de l'extérieur.
RENAUD DELY
Je pense qu'on peut légitimement se poser la question.
LAURENT NUNEZ
Oui, mais à Paris on a quatre mille personnes. Et au milieu des quatre mille personnes, il y a beaucoup de casseurs. La police ne peut pas interpeller sur le champ tous les casseurs. Ça vous renvoie d'ailleurs - j'espère que ça fait réfléchir - sur la disposition législative à laquelle nous sommes très attachés, qui consiste à interdire individuellement à un certain nombre d'individus qui ont été repérés précédemment pour avoir commis des violences, de pouvoir participer à des manifestations. Et dans la disposition de loi qui a été soutenue par le Gouvernement…
MARC FAUVELLE
On va en parler dans un instant.
LAURENT NUNEZ
Il y a bien cette volonté d'écarter ces individus. Ces individus n'ont pas leur place dans une manifestation, ils n'expriment aucune revendication. Ils sont là pour commettre des violences et pour faire tomber nos institutions.
MARC FAUVELLE
On va parler de cette loi anticasseurs si vous le voulez bien, Laurent NUNEZ, dans quelques instants. (…)
- Raquel GARRIDO, l'ancienne porte-parole de Jean-Luc MELENCHON à la France Insoumise, raconte avoir reçu avant-hier dans la manifestation des gaz lacrymogènes. Elle raconte aussi qu'elle a été malade pendant tout le week-end. Elle vous demande de dire ce qu'il y a dans la composition de ces gaz et notamment de savoir s'il y a des produits tenus secrets jusqu'à présent.
LAURENT NUNEZ
Non, il n'y a pas de produits tenus secrets. C'est du gaz lacrymogène. Non, non, il n'y a pas de produits de nature incapacitante, qui pourraient… Non, non, c'est uniquement du gaz lacrymogène.
MARC FAUVELLE
La recette, si vous me passez l'expression, n'a pas changé ces derniers mois ?
LAURENT NUNEZ
La recette n'a absolument pas changé. Vous avez donc le gaz lacrymogène, il est projeté par un diffuseur donc à main ou par des grenades lacrymogènes qui visent à disperser les manifestants. Et il est projeté soit en lancé à la main, soit avec une arme de projection.
RENAUD DELY
On va évoquer la loi anticasseurs qui a été adoptée en première lecture la semaine dernière à l'Assemblée nationale et qui va revenir en seconde lecture en débat devant le Parlement. Marine LE PEN ici même, invitée il y a quelques jours à votre place, a critiqué - et elle a d'ailleurs voté contre cette loi au nom notamment de l'article 2, celui qui transfère un certain nombre de pouvoirs du juge au préfet - et elle explique, la patronne du Rassemblement national, qu'en fait le Gouvernement connaît les casseurs qui agissent et il pourrait les interpeller avant. On l'écoute.
MARINE LE PEN, PRESIDENTE DU RASSEMBLEMENT NATIONAL
Ce sont des groupements qui agissent par la violence et qui revendiquent d'ailleurs cette violence et semblent pouvoir, alors même que les services de renseignement les connaissent tous quasiment personnellement, semblent pouvoir oeuvrer en toute impunité. Disons que je pense qu'ils sont utilisés. On les laisse faire en réalité pour tenter de décrédibiliser les manifestations.
RENAUD DELY
Est-ce qu'il n'y a pas une instrumentalisation du pouvoir ?
LAURENT NUNEZ
Non. Il y a surtout une inexactitude juridique majeure. Oui, les services de renseignement connaissent les individus et les mouvances ultra, bien sûr. D'ailleurs c'est mon honneur, ma fierté d'avoir dirigé un de ces grands services. Ils les connaissent parfaitement, bien évidemment. Mais est-ce que ça suffit pour pénalement pouvoir interpeller les individus ? Absolument pas, ça n'est pas possible. Donc inexactitude juridique. Puis bien évidemment, une grosse faille, une inexactitude politique majeure : on laisserait ces individus venir sur les manifestations pour commettre des exactions ? Enfin, c'est grotesque et franchement, voilà. Je n'ai pas d'autre commentaire à faire que de dire que cette deuxième remarque est grotesque au-delà d'inexactitudes juridiques majeures.
RENAUD DELY
Mais on a vu en décembre, Laurent NUNEZ, des interpellations préventives de certains individus.
LAURENT NUNEZ
Oui. Ce n'est pas la même chose. Attention, ce n'est pas la même chose. Il ne faut pas confondre les choses. On a procédé à des contrôles qui n'étaient pas des interpellations préventives, d'abord des contrôles en amont. Il y en avait samedi à Paris, il y en avait. Il y en a eu c'est plus de six cent cinquante.
MARC FAUVELLE
Dans ces cas-là, on fouille les sacs ? On demande les papiers ?
LAURENT NUNEZ
On fouille les sacs et si on découvre des armes par destination, les individus sont interpellés. Il ne s'agit pas d'interpeller des individus connus, donc Madame LE PEN raconte n'importe quoi. Elle sait très bien que les individus suivis en renseignement, ça ne suffit pas pour les interpeller pénalement. Et c'est bien pour ça que nous voulons, au titre des polices administratives, pouvoir écarter ces individus des manifestations.
MARC FAUVELLE
Qui prendra la décision ?
LAURENT NUNEZ
Ce sera le préfet qui prendra la décision au titre du texte nouveau, donc du fameux article 2.
MARC FAUVELLE
Si la loi s'applique, ce sera le préfet. Ce ne sera pas vous qui donnerez…
LAURENT NUNEZ
C'est le préfet qui prendra une décision. Mais attendez, les préfets exécutent certes la politique du Gouvernement mais dans des conditions juridiques très précises. Donc on ne pourra pas interdire de manifestation n'importe qui. Il faudra que l'individu soit connu pour avoir commis des exactions et ça se passera sous le contrôle du juge.
MARC FAUVELLE
Qu'il ait été condamné ?
LAURENT NUNEZ
Pas forcément condamnés. Pas forcément condamné puisque la justice a parfois un temps long et c'est normal, donc pas forcément condamné mais mis en cause.
MARC FAUVELLE
Par exemple, Laurent NUNEZ, un homme qui a été soupçonné d'avoir commis des dégradations hier ou avant-hier quelque part en France, qui n'a pas encore été jugé pourra être interdit de manifester.
LAURENT NUNEZ
Un individu qui aura été vu… Prenons l'exemple de samedi. Vous le disiez vous-même, on n'interpelle pas tous les gens et c'est normal : on ne peut pas interpeller mille cinq cents personnes sur une manifestation, ça n'est pas possible. Par contre, que les services de police et de renseignement repèrent un individu dans son périple, et si on n'a pas pu l'interpeller ce coup-ci, généralement on va le chercher après en judiciaire. Mais il serait irresponsable de notre part de laisser le samedi suivant cette personne venir à une manifestation alors qu'on a documenté d'ores et déjà les exactions qu'elle a commises.
MARC FAUVELLE
On est bien d'accord qu'il n'aura pas été condamné encore et que tout cela se fera sur la foi de renseignements pris sur le terrain.
LAURENT NUNEZ
Oui, mais qui seront produits devant un juge administratif et il faudra que le dossier soit étayé. Vous savez, ce n'est pas la première fois qu'on met en oeuvre des mesures de police administrative et que le juge les contrôle très strictement. Très strictement.
RENAUD DELY
Ça veut dire que cet individu pourra faire appel de cette décision ?
LAURENT NUNEZ
D'abord, il aura la possibilité de faire un recours puisqu'on a un délai préalable dans lequel on doit lui notifier cette décision pour qu'il puisse faire un recours. Mais je veux rappeler quand même quelque chose parce que cet article 2, on interdit individuellement à des individus de manifester. Mais il n'a échappé à personne, j'espère, que les préfets - les préfets, ce sont bien les préfets -ont la possibilité d'interdire globalement une manifestation dès lors qu'il y a des troubles à l'ordre public. Et ce qu'on veut mettre en place, c'est précisément d'éviter d'en arriver là.
RENAUD DELY
Mais est-ce qu'il ne faut pas préciser le profil de ces individus dans le texte ? En l'occurrence, ils sont juste considérés comme dangereux, je crois, dans le texte. Est-ce qu'il ne faut pas…
LAURENT NUNEZ
Pardon, il faut bien lire le texte. Il y a quand même un certain nombre de critères qui sont donnés. Au-delà de la menace qu'ils représentent pour l'ordre public, on a prévu un certain nombre de critères comme ayant participé à une manifestation violente, à plusieurs manifestations violentes et cætera et cætera.
RENAUD DELY
C'est ce que demande une bonne partie du groupe des députés Marcheurs. Il y a eu cinquante abstentions, ils demandent qu'on précise la définition de ces individus.
LAURENT NUNEZ
Oui. Ecoutez, le texte est déjà suffisamment précis. On verra dans la navette s'il faut encore le préciser.
MARC FAUVELLE
Il est amendable ce texte aujourd'hui ?
LAURENT NUNEZ
Il est bien sûr amendable. Mais on est sur l'article 2, entre le Sénat et l'Assemblée, où on est arrivé à un texte qui semble être un texte de compromis, mais bien sûr qu'il est amendable. La discussion va se poursuivre. Mais je crois que ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est l'objectif, c'est le but. Ecarter des individus qui viennent pour commettre des violences, pour permettre au plus grand nombre de manifester librement et éviter une interdiction générale de manifester qui est parfaitement possible dans notre police administrative et à la main des préfets.
MARC FAUVELLE
Comment est-ce qu'on interdit à quelqu'un de manifester ? Il doit rester chez lui ? Il doit pointer au commissariat ?
LAURENT NUNEZ
On lui notifie déjà cette mesure d'interdiction de manifester qui peut porter sur une manifestation ponctuelle ou sur une période. Actuellement…
MARC FAUVELLE
Je vous pose la question parce que pour un match de foot, on sait, c'est le parallèle qui est fait…
LAURENT NUNEZ
J'y viens, j'y viens.
MARC FAUVELLE
Un match de foot, ça dure une heure et demie. On demande à la personne d'aller pointer à la mi-temps. Il n'a pas le temps d'aller voir ni la première ni la deuxième mi-temps. Une journée de manifestation, ça va être long si on lui demande d'aller pointer toutes les heures.
LAURENT NUNEZ
On lui demande d'aller pointer au moins une fois. Il ira pointer au commissariat ou à la brigade territoriale. Et puis bien évidemment, s'il se présente sur la manifestation, ce sera une infraction qui est délictuelle.
RENAUD DELY
Ça fait ça donc treize samedis consécutifs de mobilisation en marge desquels il y a eu souvent des violences dont on parlait à l'instant. Comment est-ce qu'on sort, à vos yeux Laurent NUNEZ, de cette spirale ? On a eu l'impression aussi que dans la stratégie utilisée, il y a eu des changements au gré des manifestations dans la stratégie policière visant à éradiquer ces violences : des fouilles préventives, des périmètres fermés d'accès, et cætera. Comment est-ce que vous espérez ramener le calme ?
LAURENT NUNEZ
D'abord le calme, encore une fois je vous redis ce que j'ai dit en début de cette interview : la manifestation du samedi maintenant, c'est devenu quand même un grand moment de violence.
RENAUD DELY
Que vous n'arrivez pas à contrôler ou à éradiquer.
LAURENT NUNEZ
Enfin, qu'on n'arrive pas à éradiquer, pardon mais les forces de l'ordre sont présentes, sont mobilisées et chaque fois qu'il y a des exactions, on intervient. Et je peux vous dire que grâce à l'action de la police et de la gendarmerie, on a sans doute évité des morts sur ces manifestations. Parce qu'on nous reproche d'intervenir mais si nous n'intervenions pas, il y aurait des morts et il y aurait des pillages systématiques de magasins. Ce que nous parvenons à éviter quand même assez régulièrement dans les grandes villes, même si malheureusement les manifestations font que les gens se détournent des centres-villes au préjudice des commerçants.
MARC FAUVELLE
Vous dites stop aujourd'hui, Laurent NUNEZ ? Vous dites qu'il faut que ces manifestations cessent ?
LAURENT NUNEZ
Je dis stop à la violence. Je suis secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur et aussi garant des libertés individuelles. Le droit de manifester, c'est quelque chose de fondamental. Donc je ne dis pas stop aux manifestations, je dis stop aux violences. Et la doctrine, elle n'est pas changeante, la doctrine. Pardon mais le 1er décembre, on a eu le saccage de l'Arc de Triomphe. Avec Christophe CASTANER dans les soixante-douze heures, on a modifié la doctrine pour rendre les forces de l'ordre mobiles, en capacité d'intervenir sur les casseurs qui se dispersent par petits groupes. Etre mobiles, intervenir le plus vite pour mettre un terme à ces exactions. Voilà, la sortie de cette violence, elle dépend essentiellement des casseurs. Mais vous savez, les mouvances ultragauche, ultra droite qui n'attendent que ça pour faire basculer nos institutions, ils le font depuis les contestations des lois El Khomri, ils l'ont fait le 1er mai 2018, ils infiltrent des manifestations pour les faire dégénérer en espérant y voir là un grand soir insurrectionnel. Tant qu'il y aura des manifestations, il y aura ces intrusions. Maintenant les Gilets jaunes, ils s'organisent. On a des Gilets jaunes qui participent aux débats, il y a une revendication qui a été prise en compte. Il y a un grand débat qui s'est ouvert. Voilà comment on va sortir de cette crise. (…)
RENAUD DELY
Les menaces se sont multipliées ces dernières semaines et encore ces tout derniers jours à l'endroit de nombreux élus, il y a près de 70 à 80 élus qui ont été victimes de menaces. Voici ce qu'en disait ce matin sur l'antenne de France Info Cendra MOTIN qui est députée La République en marche de l'Isère.
CENDRA MOTIN
Nous sommes nombreux à avoir été pris pour cibles, plus d'une soixantaine. Je n'ai pas une protection quotidienne, mais des gendarmes qui veuillent tous les jours sur mon domicile et sur ma famille, heureusement.
RENAUD DELY
Est-ce qu'il y a beaucoup d'autres élus dans le même cas que Cendra MOTIN, qui bénéficient aujourd'hui d'une protection personnelle renforcée ?
LAURENT NUÑEZ
On a eu plus de 80 dégradations, exactions, commises sur des permanences parlementaires, sur parfois des domiciles, des intimidations au domicile. Donc d'abord moi je voudrais témoigner mon soutien à ces élus, redire combien c'est grave ce qui se passe, combien l'atteinte à notre démocratie est grave et vous dire que, bien évidemment, les gendarmes, les policiers, dans le cadre de rondes et patrouilles, prennent en compte un certain nombre de domiciles, un certain nombre de permanences parlementaires. On ne peut pas parler de protections personnelles, mais ce sont des protections par rondes et patrouilles, et voilà, je peux vous le confirmer bien évidemment, et c'est aussi notre devoir, notre rôle, de protéger la démocratie.
MARC FAUVELLE
Où en est l'enquête sur l'incendie qui a touché la résidence secondaire de Monsieur Richard FERRAND ?
LAURENT NUNEZ
C'est une enquête qui démarre, qui a été confiée à la gendarmerie, avec des moyens d'investigation scientifique importants, je n'en dirais pas plus, mais tout est fait pour retrouver rapidement les auteurs.
MARC FAUVELLE
Lien avec la politique ou pas forcément ?
LAURENT NUNEZ
Ecoutez…
MARC FAUVELLE
Trop tôt pour le dire.
LAURENT NUNEZ
C'est trop tôt pour le dire, mais enfin, au bout d'un moment, c'est quand même curieux dans le contexte actuel d'avoir le président de l'Assemblée nationale qui fait l'objet d'une atteinte au lieu de sa résidence secondaire, on peut penser qu'il y a un lien, mais voilà, moi je suis prudent et je fais confiance aux enquêteurs de la gendarmerie nationale.
MARC FAUVELLE
Laurent NUNEZ, qu'est-ce qu'il faut faire des combattants jihadistes qui s'apprêtent à être libérés, par la Syrie notamment, dans la zone tenue par les Kurdes, est-ce qu'il faut les rapatrier et les juger chez nous ?
LAURENT NUNEZ
D'abord, ça a été largement diffusé sur votre antenne ce matin, donc l'Etat islamique, en Syrie, est en voie de disparition totale, il ne reste plus que quelques poches en moyenne vallée l'Euphrate, et elles sont en train d'être totalement éradiquées. Il y a effectivement un certain nombre de jihadistes qui sont détenus par les Kurdes en Syrie…
MARC FAUVELLE
Combien de jihadistes français ?
LAURENT NUNEZ
Je ne veux pas le donner, ce sont des éléments qui relèvent du secret de la défense nationale, je regrette d'ailleurs…
MARC FAUVELLE
Vous avez peur que ça effraie aussi l'opinion ?
LAURENT NUNEZ
Non. Ecoutez, franchement, c'est de notre responsabilité de nous assurer du devenir de ces jihadistes. Il y a plusieurs options, vous évoquez un rapatriement, c'est une option, il y en a d'autres.
RENAUD DELY
Vous penchez pour laquelle ?
LAURENT NUNEZ
On ne penche pour aucune option, ce qui compte, le plus important pour nous, c'est de savoir que ces individus sont en sécurité et ne menacent pas la sécurité du territoire national. Pour l'instant ces individus sont détenus, nous en sommes là et nous verrons bien comment les choses évoluent. Mais je veux simplement rappeler, pour aussi rassurer vos auditeurs, le phénomène qu'on appelle des « retournismes », pardon, des « revenants », ce n'est pas un phénomène nouveau, ces dernières années, au total, on a 270 personnes adultes qui sont revenues de Syrie ou d'Irak, et qui ont été traitées sur le territoire national, qui ont été tous jugés….
RENAUD DELY
Et on sait aujourd'hui où sont ces 270 personnes ?
LAURENT NUNEZ
Bien évidemment on sait où ils sont, d'ailleurs, je vous rassure, une grande partie sont en prison, et pour ceux qui ont purgé leur peine ou pour ceux qui sont en contrôle judiciaire, ils sont tous suivis par les services de renseignement.
RENAUD DELY
Même après avoir purgé leur peine ils continuent d'être suivis en permanence ?
LAURENT NUNEZ
Bien évidemment, bien évidemment ils continuent à être suivis, et les enfants sont eux confiés à l'Aide sociale à l'enfance et font l'objet d'un suivi important, donc ce n'est pas non plus un phénomène nouveau, ce qui nous importe c'est vraiment la sécurité de nos concitoyens et c'est d'avoir la certitude que nous sommes… ces individus soient hors d'état de nuire où qu'ils se trouvent.
MARC FAUVELLE
Vous avez dit il y a d'autres solutions, à part le rapatriement, quelles sont-elles ?
LAURENT NUNEZ
Il y a des solutions où ces individus… enfin ils sont actuellement détenus, donc voilà, donc ces individus sont actuellement détenus, d'autres sont en moyenne vallée d'Euphrate…
MARC FAUVELLE
Les laisser là-bas, les faire juger là-bas, c'est ça l'autre solution ?
LAURENT NUNEZ
Ecoutez, il ne vous a pas échappé, enfin tout le monde est au courant, je pense, qu'un certain nombre d'individus ont pu être jugés en Irak, là où ils avaient commis des exactions, voilà. Les situations sont diverses et multiples, et, encore une fois, je crois que sur ce dossier-là il faut vraiment se garder… il y a eu un certain nombre de fuites, je le regrette, puisque les chiffres qui sont donnés sont totalement faux, et les options à venir sont totalement erronées, pour l'instant ce dossier est un dossier qui est à l'étude, simplement à l'étude.
RENAUD DELY
Les chiffres donnés sont faux dites-vous, mais vous ne voulez pas donner le vrai chiffre ?
LAURENT NUNEZ
Je ne veux pas donner le vrai chiffre, parce qu'il relève du secret de la défense nationale, la seule chose que je peux vous dire c'est que le chiffre de 150 jihadistes est totalement, mais totalement exagéré.
RENAUD DELY
Le meilleur moyen de dissiper le faux chiffre ce serait de donner le vrai.
LAURENT NUNEZ
J'entends bien, mais je peux vous dire qu'il est complètement exagéré, et que les Français se rassurent, pour ceux qui sont revenus, et si ça devait être le cas pour ceux qui sont actuellement en Syrie, dès qu'ils mettraient le pied sur le territoire français, ils seraient immédiatement judiciarisés, interpellés et incarcérés.
MARC FAUVELLE
La décision c'est la vôtre ou ce sera celle d'Emmanuel MACRON au final ?
LAURENT NUNEZ
Ecoutez, la décision c'est une décision qui se prend collectivement… c'est une décision du gouvernement, bien évidemment du président de la République comme vous l'imaginez, ce sont des sujets qui intéressent la défense nationale.
RENAUD DELY
Et en l'occurrence on sait aussi que les services ont pu, par le passé, mener des opérations d'élimination.
LAURENT NUNEZ
Ecoutez, je ne me prononcerai pas sur ces opérations d'élimination, il y a une coalition qui oeuvre actuellement en Syrie et en Irak, qui a connu le succès, que vous relatiez encore ce matin sur vos ondes, puisque maintenant l'Etat islamique est réduit à 1 % du territoire qu'il avait à ses heures de gloire, et donc il faut s'en féliciter.
RENAUD DELY
Vous, vous préféreriez quand même que ces individus restent là-bas, si on vous écoute bien ?
LAURENT NUNEZ
Je ne me prononce pas sur ce sujet, la seule chose que je peux dire c'est qu'en tant que secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur, en tant que membre de ce gouvernement, la préoccupation numéro 1 de ce gouvernement c'est d'éviter que ces individus commettent de nouvelles violences, et c'est ce qui guide toute notre action.
MARC FAUVELLE
Merci à vous Laurent NUNEZ, vous étiez ce matin l'invité de France Info.
LAURENT NUNEZ
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 février 2019