Texte intégral
"Nous allons proposer une adaptation du droit européen de la concurrence"
L'interdiction de la fusion entre Alstom et les activités ferroviaires de Siemens par la Commission européenne intervient dans une phase cruciale pour la politique industrielle européenne. Elle aura pour conséquence d'empêcher avant longtemps la création d'un champion industriel européen dans le domaine ferroviaire et de la signalisation.
Toutes les grandes régions économiques du monde comme la Chine, le Japon, la Corée et les Etats-Unis se préparent à la concurrence, au plan mondial, dans des secteurs industriels extrêmement importants : le numérique, notamment l'intelligence artificielle, les voitures électriques et les batteries, mais également l'acier, l'aluminium et le secteur ferroviaire. Ce dernier a une très grande importance pour nos économies, en France comme en Allemagne, et donc pour l'Union européenne entière.
De nouveaux champions industriels ont émergé dans le reste du monde avec une rapidité sans précédent : qui aurait pu anticiper l'arrivée de Netflix dans le secteur du cinéma, de Tesla dans le secteur automobile ou de SpaceX dans le spatial ? S'agissant du ferroviaire, l'opérateur chinois CRRC est devenu en quelques années un leader incontesté au niveau mondial, avec 540 trains construits par an quand la France et l'Allemagne n'en produisent que 40, et 29.000 kilomètres de lignes à grande vitesse quand nous en avons à peine 9.000. Du point de vue de la technologie, nous sommes avec nos systèmes ferroviaires en tête de la concurrence mondiale.
* Un acteur franco-allemand fort
Néanmoins, d'autres acteurs se préparent à la conquête des marchés nationaux partout dans le monde. Le montant total d'investissements dans ce secteur prévu dans les prochaines années se chiffre en centaines de milliards d'euros. Déjà en 2015, la Chine avait déclaré le secteur ferroviaire comme partie intégrante de sa stratégie industrielle "made in China 2025". Nous, les Européens, devons en tirer les leçons pour ce qui nous concerne.
Nous voulons une politique industrielle à la hauteur de notre puissance technologique et de la compétence des ouvriers européens.
Pour pouvoir agir sur un pied d'égalité avec nos concurrents partout dans le monde, la création d'un acteur franco-allemand suffisamment fort sur le plan industriel aurait été un énorme atout face à des groupes internationaux d'ores et déjà beaucoup plus grands et puissants que les nôtres. C'était exactement la raison d'être et la justification de ce projet de fusion, maintenant rejeté par la Commission.
Tout en respectant les compétences propres de la Commission européenne et de ses services, ainsi que les règles actuelles du droit européen de la concurrence, nous regrettons cette décision. Nous la jugeons insuffisante pour affronter le défi de la concurrence internationale. Nous sommes et resterons convaincus qu'il est tout à fait indispensable de trouver une solution appropriée à ce problème immédiat.
* Avant les élections européennes
Pour cela, nous allons explorer toutes les pistes possibles au niveau juridique, politique et pratique. Nous sommes d'avis que les règles actuelles auraient permis une solution appropriée et flexible. Néanmoins, nous allons proposer une adaptation du droit européen de la concurrence. Il devra dorénavant mieux prendre en compte les exigences de la concurrence mondiale. Nous sommes convenus de faire des propositions ensemble, France et Allemagne, avant les élections européennes. Nous associerons également nos partenaires de l'Union européenne qui veulent une industrie forte.
Ces propositions s'appuieront sur une vision de long terme, car la concurrence mondiale se développe en permanence, avec des effets qui ne se manifestent pas nécessairement dans l'immédiat mais se concrétiseront au cours des prochaines années. Il s'agit d'un projet extrêmement important pour pouvoir servir au mieux les intérêts économiques et sociaux de nos citoyens. Nous voulons une politique industrielle à la hauteur de notre puissance technologique et de la compétence des ouvriers européens. En réformant le droit de la concurrence, nous voulons en faire un instrument de notre souveraineté économique.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 février 2019