Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour à tous. Mon invité ce matin est le ministre des Relations avec le Parlement. Bonjour Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Bonjour.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va commencer par l'actualité évidemment avec cet éventuel retour en France de 150 Français djihadistes qui étaient auparavant dans les mains d des prisons kurdes mais qui ont moins de moyens de les garder. Qu'est-ce qu'on en fait exactement Marc FESNEAU de ces Français, souvent binationaux ou français, qui ont combattu en Irak ou en Syrie ?
MARC FESNEAU
D'abord on est en train de regarder le nombre pour préciser les contours de population que ça concerne. Deuxième chose, il faut trier ceux qui sont les hommes qui ont été au combat et puis aussi un certain nombre d'enfants qui ont moins de 5 ans, moins de 7 ans, pour un certain nombre d'entre eux, donc on ne peut pas les ranger me semble-t-il dans la catégorie de terroristes ou de personnalités qui pourraient nuire à la France. Par ailleurs on a une responsabilité, c'est de faire en sorte qu'ils ne soient pas libérés sur place pour qu'après ils reviennent par des voies détournées en France. Donc je pense qu'il faut se porter garant du fait que il soit en de bonnes mains, c'est-à-dire dans les mains de la justice et de la police, pour répondre de leurs actes, et pour être mis hors d'état de nuire dans le cadre judiciaire qui est le nôtre. Le Premier ministre l'a rappelé hier, la garde des Sceaux et le ministre de l'Intérieur l'ont rappelé également, la volonté qui est la nôtre c'est de protéger les Français et de faire en sorte que par des mesures y compris de justice et de police ils soient à l'abri si je peux dire, et faire en sorte qu'ils ne puissent plus nuire sur le territoire français.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous comprenez quand même que ça choque et ça inquiète des Français de se dire qu'effectivement on va accueillir, même si on va le mettre en prison, des Français qui ont combattu contre leur propre pays.
MARC FESNEAU
Oui, sauf qu'on est dans la situation de ressortissants français qui risquent d'être libérés dans leur pays… dans le pays dans lequel ils sont qui n'est pas leur pays puisqu'ils sont pour beaucoup aux ressortissants binationaux ou nationaux simple français, et qui, moi je préfère qu'on les ait à l'oeil, qu'on les ait à l'oeil dans les prisons françaises plutôt qu'on les remette en liberté et qu'ils reviennent, parce qu'on sait comment ça se passe, en traversant les frontières, parfois c'est difficile de faire tous les contrôles, et donc je pense que c'est une mesure plutôt qui permet de contrôler mieux ce flux parce qu'on sait depuis le début qu'un certain nombre sont partis en Syrie sur les théâtres d'opérations comme on dit, un certain nombre sont morts sur place dans les combats qu'ils ont mené, et après tout ils avaient fait le choix des armes et ils ont pris la responsabilité du choix des armes, mais en même temps notre responsabilité c'est de faire en sorte qu'ils ne reviennent pas dans des conditions qui soient non contrôlées par nous.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc votre argument c'est de die qu'on ne peut pas compter sur les justices locales syriennes ou irakiennes…
MARC FESNEAU
Je ne suis pas certain que les justices locales aient envie de se saisir de ces questions, après tout c'est nos ressortissants, eux aussi ont des sujets et des questions, le départ américain pose des questions aussi de contrôle sur ces zones reconnaissons-le, ce n'est pas notre choix, ce n'était pas le choix qui était le nôtre que ce départ des Américains, et donc c'est une manière de mieux les contrôler, pour moi.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
De mieux les contrôler, on a appris en même temps qu'il y avait un certain nombre de suspects, de djihadiste qui vont être libérés en France parce qu'ils ont purgé leur peine, parce qu'ils n'ont pas commis d'actes mais qu'ils avaient juste été suspectés, qu'est-ce qu'on…
MARC FESNEAU
Il faut respecter la justice française dans ses prérogatives, c'est de gens qui avaient été condamnés et qui ont purgé leur peine, une fois qu'ils ont purgé leur peine, notre responsabilité c'est de les mettre sous surveillance pour ne pas qu'ils recommettent leurs actes, mais on ne peut pas mettre quelqu'un en prison sous le motif qu'ils pourraient recommencer une peine, parce que si vous élargissez le champ, vous voyez bien dans quelle dérive on pourrait être, on est dans un état de droit, et un Etat de droit il a des armes pour se protéger, y compris des armes de surveillance et donc ceux qui seront libérés, ils sont très peu en volume, mais reconnaissons qu'on a un certain nombre de gens qui ne sont pas condamnés pour des faits de terrorisme, pour des faits où d'apologie ou pour avoir imaginé peut-être qu'ils le feraient. A un moment il faut bien que la justice passe…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc on les libère.
MARC FESNEAU
Non mais on les libère et on les contrôle, vous savez très bien comment c'est, il y a des périodes de probation, il y a des périodes de contrôle, d'ailleurs il faut rendre hommage aux forces de l'ordre et aux des forces de renseignements qui font un travail remarquable pour en permanence contrôler les Français. Tous les jours on contrôle des citoyens français qui se mettent dans cette disposition de vouloir passer ou d'imaginer vouloir passer ou de faire l'apologie du terrorisme, et quand même reconnaissons aussi que ça a permis de produire des résultats dans le territoire français, Il n'y a pas de risque zéro, c'est très compliqué ces affaires de terrorisme, tout le monde le sait, et il serait responsable d'aller sur les plateaux télévisés et de se pavaner en disant « on a réglé tous les problèmes », mais en tout cas le les forces de l'ordre des forces de sécurité intérieure sont très mobilisées pour faire en sorte que ces actes-là ne puissent pas se produire.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors autre sujet dans la coulisse ce matin, ça n'a rien à voir, les 80 km/h, on a vu, on a entendu hier, on va écouter d'ailleurs le Premier ministre sur les 80 km/h, un Premier ministre qui ne veut pas manger son chapeau, un Premier ministre qui semble finalement faire de la résistance. On a compris que les 80 km/h allaient sans doute être amendés, mais Edouard PHILIPPE campe un peu sur ses positions. On l'écoute hier au micro de France Inter.
EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE – DOCUMENT FRANCE INTER
Il y a sans doute des façons très intelligentes d'aboutir à un niveau d'ambition aussi élevé que celui que je fixe. Mais je vous le dis, parce que je le crois profondément, tout ce qui consisterait à baisser la garde en la matière, serait oui fou, vraiment.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, excusez-moi, on ne comprend pas.
MARC FESNEAU
Eh bien si, c'est très simple.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, on va amender ou pas les 80 km/h ?
MARC FESNEAU
On va essayer de vous expliquer. C'est très simple. Le Premier ministre et le gouvernement, on a fait le choix de faire en sorte que nous ayons des mesures qui permettent de réduire le nombre de morts sur les routes. Personne ne peut remettre en cause cet objectif-là, c'était l'objectif de la mesure 80 km/h. Après, qu'il puisse y avoir des adaptations, qu'il puisse par exemple donner la responsabilité aux départements, c'est un exemple, mais peut-être d'autres solutions, de regarder route par route s'il n'y a pas des aménagements à porter, il y a des routes ou peut-être il faut aller à 70 km/h d'ailleurs et certains départements le disent, et puis d'autres ou peut-être il faudra d'autres dispositions.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça, ce sera pour quand, cette possibilité aux départements de modifier ?
MARC FESNEAU
On voit bien que c'est un sujet qui n'est pas au coeur, comment dirais-je, ce n'est pas comme ça qu'on va transformer la France, on va me dire, la crise des Gilets jaunes…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non mais j'aie envie de vous dire quand même, il est à l'origine en partie, du malaise et du ras-le-bol, réglementaire, fiscal, vous le savez.
MARC FESNEAU
Ecoutez, si nous résumions le ras-le-bol français à la question des 80 km/h, je pense qu'on serait…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non, mais c'était une des gouttes d'eau, de dire : arrêtez de nous embêter.
MARC FESNEAU
Non mais la goutte d'eau, il faut regarder le vase aussi si je peux me permettre. Et je pense aussi qu'il faut regarder les résultats. On a 100 à 150 vies qui ont été préservées, qui n'ont pas été perdues entre le 1er juillet et le 31 décembre 2018. Eh bien écoutez-moi je pense que ça mérite de s'arrêter, de se regarder et de regarder l'efficacité de la mesure. Ça permet peut-être de réfléchir aussi à éviter la démagogie qui fait que, en gros en France dès qu'on la démesure autour de la sécurité routière, on est toujours très réfractaire. Si Jacques CHIRAC en 2002, autant que je me souvienne, même peut-être un peu avant, n'avait pas pris des mesures assez lourdes, y compris l'installation de radars fixes sur les routes françaises, on aurait peut-être entre corps 7 à 8 000 morts. Et donc la responsabilité d'un gouvernement c'est d'oeuvrer pour que de moins en moins de vies soient perdues sur les routes. Et par ailleurs il peut y avoir des mesures d'adaptation pour préciser la pensée qui permette à chacun de se responsabiliser. Laissons faire le Grand débat, on regardera les adaptations. Il faut regarder aussi avec les collectivités ce qu'elles en pensent et à partir de là on prendra les dispositions. Mais l'objectif, et donc ce n'est pas une question d'entêtement, ce n'est pas une question de pour faire plaisir d'ennuyer les gens, l'objectif est de réduire le nombre de morts sur les routes, parce que c'est autant de drames qu'on évite. Quand vous avez été maire et que vous avez, ce qui ne m'est pas arrivé heureusement, mais parfois vous allez annoncer des blessés, eh bien écoutez vous seriez assez content d'en avoir moins sur nos routes, parce que je pense que c'est une oeuvre collective utile.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Des frondeurs à l'Assemblée nationale, on a vu cette nuit un des débats assez houleux au sein du groupe de la République En Marche sur cette fameuse loi anticasseurs, qui vient du Sénat, des Républicains, qui a été finalement approuvée par le président, qui a dit qu'il fallait que cette loi soit examinée à l'Assemblée, et puis on a vu des députés la République En Marche un peu réticents à adopter de nouvelles mesures plus coercitives. Pourquoi ?
MARC FESNEAU
Non alors d'abord il faudrait qu'on sorte dans ce pays de l'idée que quand on ne dit rien on est un godillot et quand on débat, qu'on essaie d'améliorer le texte, qu'on porte un regard qui peut être différent de celui du gouvernement, on est un frondeur. Enfin je pense que c'est une démocratie qui n'est pas saine et d'avoir en permanence fait naviguer les gens entre fronde et godille si je peux dire, on a mis le pays dans une situation d''impossibilité de dialoguer.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc ça vous plait d'avoir un groupe qui est remuant.
MARC FESNEAU
Ce n'est pas la question qu'il soit, le plaisir qu'il remue ou pas, ce qui est intéressant c'est qu'il y a eu des débats. Pourquoi on a fait cette loi ? Elle n'est pas d'ailleurs une loi d'opportunité à l'endroit des manifestations qui ont eu lieu depuis le mois de novembre. On voit bien qu'à partir du mois de novembre on a eu des manifestations très violentes, mais au fond, les phénomènes de violence dans les manifestations ne sont pas nouveaux. Ça fait 2 ou 3 ans qu'on voit que des casseurs viennent s'immiscer dans les manifestations, on l'a vu le 1er mai où il y a eu 2 000 casseurs en tête d'un cortège mené pourtant par des syndicats qui savent maintenir l'ordre. On a un sujet de maintien de l'ordre avec un certain nombre de casseurs, et donc cette loi elle est là pour se donner des règles nouvelles qui permettent d'éviter la casse, qui permettent d'éviter la dégradation, qui permettent d'éviter les violences sur les policiers, sur les journalistes et sur les manifestants eux-mêmes, parce qu'au fond c'est une façon aussi de protéger les manifestants, et donc il y a eu des débats dans la majorité.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais la loi elle disait par exemple : on va permettre aux préfets de définir un périmètre d'interdiction de manifester et les députés la République En Marche disent non, ça c'est liberticide.
MARC FESNEAU
Mais pourquoi ? Parce que ce n'est pas la question de liberticide, ils ont essayé de regarder l'opérationnalité des choses, et donc le périmètre il était là pour permettre de fouiller dans le périmètre. Les députés ont décidé que la fouille pourrait s'exercer dans un périmètre au fond plus large et que le périmètre ne serait pas défini, vous voyez bien que les gens, on l'a vu d'ailleurs à l'Arc de Triomphe, ils ne vont pas dans le périmètre, ils en sortent, ils arrivent avec des outils qui ne sont pas des outils de la manifestation, quand vous vous promenez avec des boules de pétanque, c'est pas pour manifester , il en faut pas nous raconter d'histoires non plus, et donc ils ont aménagé pour faire en sorte que ce soit opérationnel. Deuxièmement il y avait la question d'interdire un certain nombre de manifestants lors de manifestations…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
J'ai entendu des députés dans l'hémicycle cette nuit dire, alors ce n'était pas les vôtres, c'était des centristes, dire : c'est le retour de Vichy !
MARC FESNEAU
Oui, donc ça n'est pas la majorité, c'est Charles de COURSON que je connais bien, je sais sa sensibilité à ces sujets, je ne crois pas que ce soit une loi liberticide. Par ailleurs elle est sous le contrôle du juge administratif, c'est-à-dire que c'est le juge administratif qui déterminera les mesures de coercition qu'il faudra prendre à l'endroit de certains. Ecoutez, on l'a fait sur les gens qui allaient dans les stades, ça n'a choqué personne. Et qu'est-ce qu'on a fait en faisant ça ? On a invité les hooligans, et donc on n'a pas à priver les supporters à l'époque d'aller dans les stades, simplement on a privé les gens qui venaient casser, d'aller dans les stades et c'est plutôt sain.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Autre sujet concret sur lequel vous n'êtes pas parvenus à vous entendre, c'est cette mesure casseur-payeur, responsabilité collective, là aussi les députés disent non.
MARC FESNEAU
Non, ce n'est pas vrai, ça va être, d'ailleurs on n'est pas encore à ce stade dans le texte.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous ne l'avez pas voté.
MARC FESNEAU
Oui mais parce que je ne pense pas qu'on n'est pas encore à cet article-là, de tête c'est l'article 7, ça viendra un peu plus tard dans le débat, et je pense que les parlementaires, et là pour le coup peut-être plus globalement sont d'accord avec l'idée que celui qui casse, qui casse des bâtiments publics, qui dégrade des commerces, il doit être mis en situation de responsabilité. Ce n'est pas un jeu de casser, ce n'est pas l'activité du samedi, et donc c'est bien qu'on puisse prendre des mesures qui fasse qu'on responsabilise…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc cette loi elle sera votée et elle ne sera pas attiédie, amoindrie.
MARC FESNEAU
Je pense qu'elle sera votée et je ne crois pas du tout quand vous voyez les débats d'ailleurs vous voyez bien les positions contradictoires que vous avez évoquées, ceux qui trouvent que ça va trop loin et ceux qui trouvent que ça ne va pas assez loin. Sans doute c'est parce qu'on est arrivé à un point d'équilibre qui est utile, à la fois pour garantir le droit de manifester puis garantir la tranquillité et l'ordre public.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors dans l'actualité ce matin il a aussi quand même ces interrogations assez lourdes sur ce qui s'est passé samedi dernier. Est-ce que oui ou non un policier a utilisé une arme de défense, ces fameux LBD, et causé la blessure à l'oeil de Jérôme RODRIGUES, l'une des figures du mouvement des Gilets jaunes ? Jusqu'à présent la version officielle du ministre de l'Intérieur et son secrétaire d'Etat c'est de dire non, et là on apprend ce matin que si, il y a bien eu au moment de l'incident, un tir de Flash-Ball.
MARC FESNEAU
Mais il faut être très précis. Le ministre de l'Intérieur et le secrétaire d'Etat ont dit : il n'y a pas d'éléments qui nous permettent de dire qu'il y a eu un tir de LBD. Et ils ont dit, par ailleurs, il y a une enquête qui se poursuit. L'enquête se poursuit, manifestement l'un des policiers a l'air de dire, je ne suis pas dans l'enquête, je ne suis pas l'IGPN, personne ne l'est d'ailleurs, un policier dirais qu'il a fait usage du LBD. Eh bien l'enquête se poursuit, ça prouve d'ailleurs que les enquêtes sont transparentes et que la vérité sera faite, et à ce moment-là on pourra trancher et regarder éventuellement les erreurs qui ont été commises. Mais au passage je voudrais quand même rendre hommage aux forces de l'ordre qui depuis des semaines et des semaines sont harcelées par parfois, ce n'était pas le cas de monsieur RODRIGUES, sont harcelées par des gens qui sont extrêmement violents et qui globalement font oeuvre de grand calme pour maîtriser des situations qui sont parfois très difficiles à maîtriser.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais pourquoi avoir dit aussi vite : il n'y a pas eu de tirs de LBD, alors qu'il y avait une enquête ?
MARC FESNEAU
Mais parce que manifestement les premiers éléments qui remontaient étaient ceux qu'il n'y avait pas de tir de LBD, et vous-même vous demandiez une réponse du ministre, et des ministres. Simplement l'enquête se poursuit, un certain nombre de gens qui avaient fait des déclarations disent : manifestement j'ai utilisé le LBD, c'est bien que les enquêtes…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais il y a bien quelqu'un qui a menti à un moment donné, soit le policier, soit les autorités.
MARC FESNEAU
Enfin, laissons faire les enquêtes et je fais confiance aux enquêtes, preuve en est, les fais commencent à être manifestement établis.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va parler de des députés dont vous avez un peu aussi la charge comme ministre, des députés mal aimés, d'ailleurs ça c'est inadmissible, 70 à 80 députés ont été victimes d'agressions depuis le début de la crise sociale, alors évidemment rien ne le justifie, mais comment est-ce qu'on pourrait expliquer cette agressivité à l'égard des députés de la Nation ?
MARC FESNEAU
C'est une crise qui vient de loin je crois, parce qu'il y a une question de sentiments pour un certain nombre de citoyens qui est faux, que les parlementaires ne les représentent pas ou les représentent mal. Moi je connais le dévouement des députés de la majorité comme de l'opposition, des sénateurs aussi au passage, je le dis. Je trouve qu'un certain nombre de responsables publics ont parfois trop joué avec les mots, avec la violence verbale et je pense que la violence verbale elle est toujours une voie ouverte, en tout cas pour les esprits les plus complexes, ou les plus dangereux à la violence physique, et donc vous l'avez très justement rappelé, il n'est pas acceptable qu'en démocratie on menace ceux qui sont là pour vous représenter, qui n'ont pas d'autre rôle que de vous représenter, parce qu'au fond vous leur infligez une pression, y compris une pression dans la délibération, et les parlementaires ils n'ont pas à être soumis à la pression, ni à la suppression du gouvernement, ni à la pression d'individus qui leur disent : si tu ne votes pas ça, je te menace. Et donc je trouve qu'il y a une responsabilité collective à porter, c'est la même chose pour les journalistes, on ne peut pas accepter qu'on laisse des groupes ou des groupuscules exercer une pression qui est une pression d'opinion. C'est : si tu ne penses pas comme moi, je te menace physiquement. Ça ce n'est pas la démocratie, ça c'est la dictature en fait.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va parler ensemble des mesures pour justement réconcilier la Nation avec ses élus. Tout à l'heure Roselyne BACHELOT, dans son émission, ouvre un débat comme tous les jours, ça sera « est-ce qu'il y a trop de députés, est-ce qu'il y a trop de parlementaires ? » Votre réponse.
MARC FESNEAU
Je pense qu'il faut qu'on pose la question, je pense que c'est une question posée par les Français. En même temps la question, derrière, il y a souvent le trop de députés c'est parce que ça coûte trop cher, mais la démocratie ça a un coût, et je l'ai rappelé encore récemment, c'est une démagogie que de dire que la démocratie n'a pas de coût. L'ensemble des institutions françaises c'est 0,1 % de la totalité des dépenses publiques françaises. Je pense que la démocratie elle vaut 0,1 % de la dépense totale – c'est l'ensemble des institutions, pas seulement le Parlement…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça fait combien d'euros par an pour un Français à peu près ?
MARC FESNEAU
Je ne sais plus, je crois que c'est 1 euro par Français pour les Assemblées, de tête.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Par an ?
MARC FESNEAU
Par an. Enfin, je veux dire, ça peut valoir ça la démocratie. On ne voit pas le bonheur qu'est le nôtre, la chance que nous avons de vivre en démocratie, je pense qu'il y a bien des gens qui mettraient 1 euro parfois sur la table pour pouvoir avoir le droit d'avoir des représentants et de pouvoir confronter des opinions dans des Assemblées. Et donc je pense qu'on a, un à lucidement regarder si c'est la question du nombre, puisque c'est une question qui est posée…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et d'ailleurs c'est une promesse du candidat MACRON.
MARC FESNEAU
Oui, oui, c'est un engagement qui avait été pris…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Moins 30 % de députés et de sénateurs.
MARC FESNEAU
Regarder en même temps l'articulation du nombre avec la représentation territoriale, parce que les mêmes qui disent on veut moins de parlementaires, disent parfois on en veut plus sur le territoire, il y a des choses incompatibles parfois.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Par exemple, des grands élus… un ministre, je vais dire, breton, il se reconnaîtra, dit « on va passer de 8 députés en Bretagne à 4, ou dans le Finistère, à 4… »
MARC FESNEAU
On le reconnaît du coup.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
« Ce n'est pas assez. »
MARC FESNEAU
Non mais, il y a une question de représentation territoriale, et puis il y a une question de regarder comment on peut améliorer la dépense publique, mais l'entrée n'est pas seulement la réduction du nombre de parlementaires, c'est une responsabilité collective. Améliorer la dépense et faire en sorte que les citoyens la trouvent juste, et puis mettre sur la table les chiffres, parce que je pense qu'on a besoin de mettre sur la table les chiffres.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors il y a une autre idée qui émerge, là, depuis quelques jours, c'est le retour du député-maire, c'est-à-dire qu'on a interdit depuis 2 ans le cumul des mandats, et là, alors là tout d'un coup on se dit, comme il y aura moins de députés, ils seront déconnectés de la réalité locale, donc on va les autoriser à rester maire.
MARC FESNEAU
Non, ce n'est pas le retour du député-maire, c'est l'interrogation. D'abord c'est bien qu'en France, quand une mesure est mise à l'oeuvre, qu'on en fasse le bilan, ça a été valable pour d'autres questions, j'ai dit ici même sur ce plateau, je crois que c'était sur l'ISF, que c'était bien qu'une mesure, on regarde quels étaient les objectifs attendus et les effets produits, bons ou mauvais.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous qui avez été maire, vous êtes pour le retour des députés-maires ?
MARC FESNEAU
Non, il y a une question qui est posée autour du cumul des mandats, non pas pour l'ancrage, je ne pense pas…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ah, ce n'est pas pour l'ancrage ?
MARC FESNEAU
Je ne pense pas que ce soit…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce que c'est l'argument qu'on entend.
MARC FESNEAU
Je ne pense pas que ce soit simplement et uniquement une question d'ancrage, je pense que c'est une question aussi de regarder les effets d'une politique nationale au niveau local. Et puis deux, d'éviter que ne cohabitent sur des territoires des élus nationaux qui seraient séparés des élus locaux. On voit bien que, y compris la crise avec les élus locaux, elle est en partie produite par le fait que ce ne sont plus les mêmes mondes, et qu'il y a d'un côté les élus nationaux qui portent la loi et de l'autre côté les élus locaux qui attendent la loi ou récriminent contre la loi, et je pense qu'on a besoin de mieux interférer…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous êtes pour le retour du cumul des mandats ?
MARC FESNEAU
Oui, je pense que... mais il faut l'aménager, si on devait y revenir, et puis on interrogera peut-être les Français, on verra ce qu'ils diront, mais je pense qu'il ne faut pas… le président de la République a dit que ce n'était pas une question…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est intéressant ça, donc vous annoncez un référendum sur ce sujet ?
MARC FESNEAU
On verra.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous dites qu'on interrogera les Français.
MARC FESNEAU
En tout cas dans le paquet institutionnel, je pense que c'est une question qui est intéressante. Par ailleurs, vous avez des territoires qui s'estiment – les territoires qu'on a dit intermédiaires – qui ont beaucoup été sur les ronds-points, qui ont le sentiment de ne pas être représentés à l'Assemblée nationale, mais c'est pas mal qu'on ait aussi des gens qui soient l'émanation des territoires, et donc on peut se poser la question tranquillement, on verra quelle est la proposition qui peut être faite aux Français, soit par la voie de leurs représentations, soit par d'autres voies, et vous l'avez évoqué, mais je pense qu'il ne faut pas se fermer à cette idée, c'est-à-dire que, ce virage sec, on voit bien en 18 ou 24 mois comme il a produit des effets parfois pervers. L'idée générale c'était que les députés se consacrent mieux à leur fonction. Essayons de le faire, et en même temps regardons la question territoriale. Et puis deux, je pense qu'il y avait une question de cumul d'indemnités, et ça, ça peut se régler assez simplement…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On peut plafonner.
MARC FESNEAU
Oui, bien sûr, parce qu'on avait dit…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous pouvez cumuler, mais vous n'allez pas cumuler…
MARC FESNEAU
Voilà, parce que beaucoup de citoyens avaient le sentiment qu'on cumulait pour aller le plus loin possible au plafond - déjà il y avait un plafond d'ailleurs, reconnaissons-le – mais peut-être qu'on peut aussi regarder pour ne pas que ce soit une question d'indemnités, mais que ce soit une question de territorialité et de relation entre le local et le national.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, le retour du député-maire, le retour du ministre…
MARC FESNEAU
C'est un peu caricatural…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Un petit peu ; le retour du ministre maire aussi, Gérald DARMANIN qui est ministre du Budget, grosse responsabilité, on pense qu'il est à 300 %, mais il aimerait bien redevenir maire de Tourcoing après évidemment le triste décès du maire de Tourcoing, Didier DROART, dont les obsèques d'ailleurs, je crois, seront célébrées ce week-end. Est-ce qu'il faut faire une exception pour Gérald DARMANIN, votre collègue, et l'autoriser à être maire et ministre ?
MARC FESNEAU
D'abord il faut rappeler la règle, elle est assez simple. Rien n'empêche aujourd'hui un ministre d'être maire, dans la loi, rien ne l'empêche, donc il faut quand même, il y a des règles de droit…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, ce n'est pas la loi, mais c'est une sorte de jurisprudence, et une demande du président.
MARC FESNEAU
Oui, oui, c'est une espèce de jurisprudence, je pense qu'il y aura un dialogue entre le président de la République et Gérald DARMANIN, mais je connais à la fois sa grande implication au gouvernement, en particulier sur le prélèvement à la source, dont on parle trop peu, parce que, évidemment, comme ça marche on n'en parle pas.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vrai que ça marche, pour l'instant, attendez, attendez…
MARC FESNEAU
Oui, nous sommes le 31 janvier.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On est la semaine des bulletins de paie.
MARC FESNEAU
Oui, mais enfin, toutes les semaines on se dit dans 2 jours on ne sait pas si ça va marcher…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non, non, on fera le bilan là, on va faire le bilan.
MARC FESNEAU
Manifestement ça a l'air de fonctionner.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça a l'air de plutôt bien fonctionner.
MARC FESNEAU
Plutôt, et les Français ont vu à la fois l'attention qu'ont eu les fonctionnaires à leur endroit, et deux le fait que c'est un dispositif de simplification qui est quand même assez salutaire et qui marche.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc Gérald DARMANIN, la semaine prochaine il sera maire et ministre alors ?
MARC FESNEAU
Je l'ai toujours vu à la fois mobilisé sur cette question du prélèvement à la source, et toujours attentif à sa ville de Tourcoing, parce que vous savez, quand vous êtes élu, vous vous sentez aussi en responsabilité de ceux qui vous ont porté et parfois aussi ceux qui vous ont porté, finalement au poste où vous êtes, et donc vous procédez d'une question territoriale…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous ne serez pas jaloux, vous, d'avoir renoncé à votre… ?
MARC FESNEAU
Moi je ne jalouse jamais personne. Vous savez, quand on fait de la politique, quand on jalouse on commence mal, parce qu'après on finit par créer des tensions avec les uns et les autres, je n'ai pas de jalousie, je suis très heureux là où je suis, et je crois que Gérald DARMANIN est très heureux là où il est.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Une dernière question. Si on fait plein de référendums, vous l'avez évoqué, par exemple sur le cumul des mandats, ça ne vous choquerez pas qu'on court-circuite les députés et les sénateurs ?
MARC FESNEAU
Vous m'avez entendu tout à l'heure, je pense que les citoyens ils sont représentés soit directement par leur vote, dans leurs délibérations, soit représentés par la démocratie représentative, c'est-à-dire les députés, les sénateurs, et je pense qu'il faudra qu'on conjugue les deux, parce qu'on a besoin aussi de réinstaller la démocratie représentative, que les parlementaires se saisissent des questions. Ils sont, pour beaucoup, présents dans les débats, ils y assistent, ils écoutent ce qui peut s'y dire, c'est bien aussi qu'ils puissent se saisie des questions à l'Assemblée et au Sénat.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc il y aura des référendums et des paquets législatifs.
MARC FESNEAU
Il peut y avoir les deux. Les outils constitutionnels sont nombreux, utilisons-le à plein.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est le ministre des Relations avec le Parlement qui vous le dit. Merci beaucoup d'avoir été notre invité ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 février 2019