Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin est Julien DENORMANDIE, ministre de la Ville et du Logement. Nous allons parler de la ville et du logement mais tout de suite je voudrais vous parler d'Ismaël EMELIEN. C'est votre ami.
JULIEN DENORMANDIE, MINISTRE EN CHARGE DE LA VILLE ET DU LOGEMENT
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'abord bonjour.
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est votre ami. Est-il vrai que si Emmanuel MACRON n'avait pas été nommé ministre, vous auriez créé une start-up avec lui ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est tout à fait vrai. Ismaël EMELIEN est un ami très proche et effectivement à l'été 2014, avec Emmanuel MACRON et Ismaël EMELIEN, on avait le projet de créer une entreprise, une entreprise qui visait à porter l'outil numérique pour aider les enfants, notamment les collégiens, à mieux apprendre comment on fait par, vous savez, ces applications éducatives à permettre à tous les collégiens d'acquérir de nouvelles compétences. Et donc, c'est un projet que nous avions porté avec Emmanuel MACRON qui avait à ce moment quitté l'Elysée et Ismaël EMELIEN à l'été 2014, juste avant qu'Emmanuel MACRON ne devienne ministre et qu'Ismaël et moi nous le rejoignons à Bercy.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous saviez qu'il allait quitter l'Elysée ?
JULIEN DENORMANDIE
Je le savais, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Pourquoi ?
JULIEN DENORMANDIE
Parce que, vous savez, Ismaël EMELIEN c'est quelqu'un qui est profondément un engagé. Moi je n'oublie pas début 2016, Ismaël EMELIEN quitte le cabinet du ministre de l'Economie de l'époque, Emmanuel MACRON, pour aller fonder le mouvement politique En Marche. Il s'avère que moi j'ai quitté à peu près à ce moment-là également le cabinet et Ismaël et moi-même nous avons fondé le mouvement. Nous étions à l'époque deux salariés, dix bénévoles. Tout le monde nous disait : mais qu'est-ce que c'est que votre truc ? Pourquoi vous quittez ce qui était les postes les plus enviés de Bercy. Pourquoi vous quittez ces postes-là pour vous lancer dans une aventure où tout le monde nous disait que cela ne marcherait jamais. Et donc Ismaël EMELIEN, c'est profondément un engagé. Et aujourd'hui, il fait ce choix de quitter l'Elysée parce qu'il a écrit un livre, un livre sur le progressisme. Un livre qui vise à expliquer quelles sont les valeurs du progressisme, quelles sont les méthodes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez d'ailleurs lu la première version de ce livre.
JULIEN DENORMANDIE
J'ai pu lire ce livre, j'en ai lu la première version il y a déjà quelques mois. Et donc ce livre, ce manifeste sur le progressisme Ismaël aujourd'hui veut le porter, veut mener ce nouveau combat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On démissionne pour un livre ?
JULIEN DENORMANDIE
On démissionne pour aller porter les idées qui sont dans le livre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Il porte les idées, pardon, à l'Elysée aussi j'imagine auprès du Président de la République.
JULIEN DENORMANDIE
Mais c'est très différent d'être conseiller et d'être conseiller du Président de la République ou de pouvoir aller porter sur les médias, dans les plateaux, à l'expérience les valeurs du progressisme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais n'y a-t-il pas quand même un peu d'amateurisme au milieu de tout ça, non ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais pourquoi de l'amateurisme ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas, je vous pose la question. Est-ce qu'il n'y a pas cachée derrière - je vais être très direct - une mise en examen possible ?
JULIEN DENORMANDIE
Pas du tout. Moi je trouve ces accusations…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notamment dans l'affaire BENALLA.
JULIEN DENORMANDIE
Moi je trouve ces accusations à la fois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce ne sont pas des accusations, ce sont des questions, Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais c'est beaucoup aujourd'hui… Moi, je les trouve à la fois ridicules et en même temps indécentes. Je connais par coeur Ismaël EMELIEN, c'est un ami très proche mais c'est quelqu'un avec qui j'ai mené des combats extrêmement lourds. Et pendant ces combats, je peux vous dire une chose : Ismaël EMELIEN est un engagé. Aujourd'hui, il croit en ses idées. Il croit en le Président de la République. Il croit dans le projet que nous avons porté. Et aujourd'hui, cet engagé fait un choix : le choix d'avoir écrit ce livre sur le progressisme qui sera publié dans les prochaines semaines, mais il veut aussi avoir cette voix, pouvoir porter ces idées, pouvoir porter ces valeurs du progressisme. Et pour faire ça, il faut sortir de la réserve, de la réserve d'un conseiller du Président de la République. Ça n'est pas possible d'être à la fois conseiller d'un Président de la République et en même temps de pouvoir aller porter ce combat pour le progressisme sur les plateaux télé ou dans la presse ou à l'extérieur. Et vous savez, moi je le connais très bien. Il fait ça parce qu'il sait aussi qu'il sera encore plus utile au Président de la République et au projet que nous avons porté, et à cet engagement que nous avons pris depuis maintenant plusieurs années, en faisant cela : en écrivant ce livre et en allant porter ses idées à l'extérieur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Julien DENORMANDIE, le Grand débat. Parlons de ce Grand débat. Est-ce que franchement ce n'est pas une campagne électorale déguisée, mise en scène par et pour Emmanuel MACRON ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais vous savez, c'est formidable parce qu'aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'entends ça partout et c'est une question que j'avais envie de vous poser.
JULIEN DENORMANDIE
Mais moi, je ne le pense absolument pas. Vous savez, beaucoup au début ont critiqué ce Grand débat en disant là aussi : « Qu'est-ce que c'est que ce machin ? Ça ne marchera jamais. » Qu'est-ce que je constate moi ? C'est qu'au moment où je vous parle, il y a à peu près 850 000 Français qui ont fait des contributions sur la plateforme du Grand débat. 850 000
JEAN-JACQUES BOURDIN
850 000.
JULIEN DENORMANDIE
Il a à peu près 6 000 réunions qui se sont organisées dont plus de 3 000 qui sont à venir. Moi j'ai participé à de nombreuses réunions du Grand débat. Qu'est-ce que j'y vois ? Bien j'y vois des Français qui ont envie de débattre, qui ont envie d'échanger, qui ont envie de porter des nouvelles idées. Ce que je vois c'est des associations, des élus locaux qui sont favorables à cette dynamique, qui eux aussi s'inscrivent dans cette dynamique. Et alors, c'est trop facile de ne retenir du Grand débat que les six ou sept réunions qu'a fait le Président de la République. On ne parle que de ça et c'est ça le sens de votre question. Derrière ces six ou sept réunions, il y a près de 6 000 réunions qui partout sur le terrain sont organisées et voient des Françaises et des Français qui débattent entre eux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin qui ne sont pas retransmises en direct et en continu à la télévision.
JULIEN DENORMANDIE
Ça, c'est votre choix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Oui, c'est vrai que c'est notre choix parce que c'est le Président de la République et puis parce qu'on veut surtout donner la parole aux Français et les entendre, Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Mais c'est ça l'objet du Grand débat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui n'a pas été fait pendant malheureusement de longues semaines et de longs mois.
JULIEN DENORMANDIE
Et je vous en félicite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et d'ailleurs, c'est ce que nous faisons sur RMC avec notre opération « Vos 30 propositions de lois citoyennes ».
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Et ça, je vous en félicite. Vous êtes vraiment dans justement cette dynamique du Grand débat, cette volonté de faire des propositions et au final…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De faire avancer la France.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Et au final, de faire quoi pour faire avancer la France ? De définir quel est notre projet en commun.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pour faire avancer la France, qu'allez-vous faire après le Grand débat ? Parce que j'entends tout. J'entends certains qui proposent un genre de Grenelle social, fiscal ou autre. J'entends d'autres dire « référendum ». Qu'est-ce que vous allez faire après le Grand débat, après la mi-mars ?
JULIEN DENORMANDIE
Il y a un engagement très clair qui a été pris par le Président de la République : c'est de prendre des mesures fortes à l'issue de ce Grand débat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Donc des mesures fortes comment ? Des projets de loi, des textes de loi ?
JULIEN DENORMANDIE
Ça, ce serait les moyens mais ça peut-être des projets de textes, ça peut être des projets de loi, ça peut être un référendum. Toutes les options sont sur la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc des mesures fortes seront annoncées à l'issue du Grand débat.
JULIEN DENORMANDIE
Des mesures fortes seront annoncés à l'issue du Grand débat. Et je vais vous dire : pour les faire, on sera d'une transparence totale. C'est-à-dire que les 850 000 contributions que j'évoquais, ce sera public. Tout sera public. On fera juste en sorte que les contributions soient anonymes évidemment mais tout sera public. Toutes les propositions remontées de ces 6 000 réunions que j'évoquais, tout sera public. Parce que c'est très important que n'importe qui puisse se saisir également du résultat de ce Grand débat. Et à l'issue de ça, à l'issue de ce Grand débat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est-à-dire « ce sera public » ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est-à-dire que n'importe qui, que ce soient des chercheurs, que ce soient des citoyens, que ce soient des think tank comme on dit, tout le monde pourra se saisir des remontées faites par les Françaises et Français. Tout sera public. Cette transparence, elle est essentielle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quand même le Président de la République et le Gouvernement qui décideront des mesures prises.
JULIEN DENORMANDIE
Mais évidemment. Mais vous voyez l'exercice démocratique qui est en cours. C'est-à-dire que vous avez des centaines de milliers de Français qui se sont saisis de ce Grand débat. A la fin, le Gouvernement qui dit : « Mais moi, je rendrai tout transparent. Tout. Et sur la base de ces propositions, je prendrai des mesures fortes. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais rendre tout transparent, des propositions, on est bien d'accord. Mais des décisions, c'est le Gouvernement et le Président République qui les prendront. On est d'accord.
JULIEN DENORMANDIE
Tout à fait. C'est même ça le… La politique, c'est décider.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui proposeront.
JULIEN DENORMANDIE
Qui proposeront.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des textes de loi qui seront soumis aux Français ou au Parlement, on est bien d'accord ?
JULIEN DENORMANDIE
Je vous le confirme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Référendum à la même date que les élections européennes, vous y êtes favorable ou pas ? Sincèrement ?
JULIEN DENORMANDIE
Sur le référendum, moi je pense qu'encore une fois, on est sur le moyen, sur le chemin. Ce n'est pas ça qui m'importe. Moi ce qui m'importe, ce sont les mesures fortes. Après, si un référendum devait être pris, moi je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut le dissocier des élections européennes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc après l'été ?
JULIEN DENORMANDIE
Objectivement, ça n'est pas mon sujet du moment. Mon sujet, c'est de savoir quelles vont être les mesures fortes et après les moyens pour…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est important de dire aux Français quand et comment ils vont pouvoir traduire leurs colères, leurs demandes et cette volonté de transformer la France.
JULIEN DENORMANDIE
Le Président de la République le décidera. Mais encore une fois, le sujet ça n'est pas référendum ou pas référendum : le sujet, c'est quelles sont les mesures. Moi dans le secteur du logement, dans le secteur des quartiers, on va prendre de nouvelles mesures qui sont attendues et qui sont importantes parce que la situation aujourd'hui n'est pas encore satisfaisante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, je voulais vous parler des niches fiscales dans l'immobilier parce qu'on parle beaucoup de fiscalité. Est-ce que l'immobilier coûte trop cher à l'Etat et crée peu d'emplois ?
JULIEN DENORMANDIE
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce qu'a dit Emmanuel MACRON.
JULIEN DENORMANDIE
Non. Mais l'immobilier, vous savez, c'est un secteur qui est essentiel. Aujourd'hui, il nous manque des centaines de milliers de logements dans notre pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on construit moins.
JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui, vous avez énormément d'activités liées à l'immobilier et donc moi je soutiens fortement l'immobilier. Je soutiens fortement les propriétaires et j'essaye de protéger avec beaucoup de détermination également les locataires. Et donc l'immobilier, c'est un secteur d'activité essentiel pour notre économie. Essentiel. Donc on ne dépense pas trop d'argent. La question, c'est de savoir comment on peut mieux utiliser l'argent que nous dépensons. Ça, c'est une vraie question. Parce que si tout ce qui avait été fait par le passé était parfait, on n'en serait pas à la situation actuelle c'est-à-dire des millions de personnes qui ne sont pas dans un bon logement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai des questions précises, Julien DENORMANDIE. Est-ce que les plus-values réalisées lors de la revente d'une résidence principale seront taxées ?
JULIEN DENORMANDIE
Moi, je n'y suis pas favorable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles seront taxées ou pas ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, je n'y suis pas favorable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites non ? Bon, d'accord. Est-ce que la taxe d'habitation sera bien totalement supprimée ?
JULIEN DENORMANDIE
J'y suis favorable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle sera totalement supprimée ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est un des sujets…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même pour les 20 % des Français les plus riches ?
JULIEN DENORMANDIE
J'y suis favorable parce que quand un impôt n'est pas bon pour 80 %, il n'est généralement pas bon 100 %. Mais cette question, le Président de la République l'a explicitement inclus dans le Grand débat en disant : « Certains considèrent que cette taxe d'habitation pour les 20 derniers pour cent, il n'est pas forcément justifié de l'arrêter. » Et donc c'est un sujet qui est discuté actuellement dans le Grand débat. Vous me demandez ma position personnelle : personnellement, je suis favorable…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce que j'aime bien, Julien DENORMANDIE, c'est que vous êtes franc et direct. Mais j'ai d'autres questions justement. Tiens, la taxe foncière qui s'envole parfois, il faut la réformer cette taxe foncière. Est-ce que par exemple les communes pourraient toucher plus ?
JULIEN DENORMANDIE
Alors la taxe foncière, ça fait partie de ses impôts un peu comme la taxe d'habitation qui sont très différents d'un territoire à l'autre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exact.
JULIEN DENORMANDIE
Ça résulte d'une histoire de la fiscalité locale, pour faire simple, qui a été extrêmement compliquée. Parce qu'on a mis année après année beaucoup de critères différents. La taxe foncière aujourd'hui, c'est un impôt qui est versé aux collectivités locales et il est important pour ces collectivités locales. Pourquoi ? Parce que quand une collectivité locale donne l'autorisation de construire un logement, à la fin derrière ce logement vous avez quoi ? Vous avez les écoles, vous avez les centres sportifs, vous avez la bibliothèque. Et donc, il faut quand même qu'il y ait un revenu nécessaire pour ces collectivités locales. Il ne s'agit pas juste de construire le logement. Et donc moi la taxe foncière, je pense que c'est un impôt qui est nécessaire pour les collectivités locales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Réforme de la taxe foncière ?
JULIEN DENORMANDIE
La question, ce n'est pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de la réformer mais de réorienter l'argent de la taxe foncière ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est une option qui est sur la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vers les communes ?
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. C'est une option qui est sur la table de se dire est-ce que la taxe foncière…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais je pense que c'est un sujet qu'il faut vraiment regarder.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ou pas ?
JULIEN DENORMANDIE
Les discussions sont en cours mais je dis pourquoi pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi pas. Bon. Loi Cosse, loi Malraux, loi monuments historiques, dispositif Pinel, dispositif Censier Bouvard, réduction d'impôts pour les résidences de tourisme, les SCPI fiscales, les locations meublées, l'immobilier Outre-mer, les investissements forestiers, les investissements dans des parcelles de vigne : niches fiscales. Toutes des niches fiscales. Est-ce que vous allez y toucher ?
JULIEN DENORMANDIE
Le moins possible. Le moins possible, pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui vous avez un véritable défi qui est de construire de plus en plus de logements. Et parmi tous les dispositifs que vous avez indiqués, il y en a beaucoup qui sont très utiles. Très utiles. Alors après, quand un dispositif n'est pas utile, il faut absolument pouvoir le revoir ou pouvoir l'ajuster.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le moins possible, ça veut dire que vous allez toucher à certains de ces dispositifs.
JULIEN DENORMANDIE
Non. Moi, ce que je veux… Enfin pour moi, l'urgence n'est pas du tout là. Mais pas du tout là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous ne touchez pas à ça.
JULIEN DENORMANDIE
Pour moi l'urgence est de faire en sorte de donner de la visibilité aux acteurs. Vous savez quel est le drame dans le logement ? C'est que d'année après année, de loi de finances en loi de finances, à chaque fois les ministres du logement y reviennent ou les parlementaires en disant : « Tiens, si on bougeait tel curseur, si on modifiait telle chose. » Mais à la fin, quand vous êtes un promoteur, un opérateur, vous avez la conséquence de ça. C'est-à-dire que vous ne savez jamais année après année à quelle sauce vous allez être mangé l'année suivante. Et donc ce manque de lisibilité, ça implique quoi ? Ça implique que vous avez des promoteurs ou des opérateurs qui parfois posent le crayon, voire les élus locaux, et donc il faut une stabilité. Moi je prône la stabilité. Je pense que la stabilité dans le domaine économique, elle est importante et notamment dans le domaine du logement. Et donc j'avais pris un engagement il y a un an et demi où j'étais au Parlement, de faire en sorte de regréer ces dispositifs. Je l'ai fait sur des dispositifs comme le prêt à taux 0, le Pinel. Je l'ai fait. J'ai pris un autre engagement, c'est : une fois que je l'avais, je n'y touche plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous n'y touchez plus, vous ajoutez un dispositif appelé Denormandie d'ailleurs puisque chacun laisse finalement son nom à un texte. Dans l'ancien, j'investis dans un logement ancien de centre-ville, je le loue à des ménages modestes en dessous du prix du marché, j'ai droit à une réduction d'impôt.
JULIEN DENORMANDIE
Effectivement, j'ai introduit ce nouveau dispositif. Je n'y suis pour rien sur le nom, c'est les commentateurs qui l'ont donné avec beaucoup d'humilité. Mais j'ai introduit ce nouveau dispositif, pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, vous avez un véritable fléau dans notre pays : c'est la qualité des logements. J'étais avec la Fondation Abbé Pierre il y a peu. La Fondation Abbé Pierre dans son dernier rapport met en avant que des millions de logements sont soit insalubres, soit vacants. Et donc face à ça, qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut se dire que la réhabilitation, la rénovation des logements, c'est une priorité parmi les priorités, mais peut-être la plus importante de la politique du logement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où est-ce que vous en êtes de ce dispositif Denormandie alors ?
JULIEN DENORMANDIE
J'ai signé tous les décrets d'application vendredi dernier, donc aujourd'hui le dispositif est totalement opérationnel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quels territoires concernés ? Combien de villes concernées ?
JULIEN DENORMANDIE
Il y a au moins 222 villes qui sont concernées au moment où je vous parle. Des villes comme Poitiers, Cahors, Angoulême.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je pourrai louer à mes enfants ou à mes parents ?
JULIEN DENORMANDIE
Oui. Vous pourrez louer en famille, tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On peut louer en famille.
JULIEN DENORMANDIE
On peut louer en famille. Mais ce qui est essentiel c'est que demain, quand vous êtes un propriétaire qui souhaite investir dans un logement, aujourd'hui qu'est-ce qu'on leur proposait ? Toujours d'investir dans un logement neuf. Grâce à ce dispositif, vous pourrez acheter par exemple dans un coeur de ville, dans une ville dont l'âme parfois a été mise à mal parce que vous aviez beaucoup de logements vacants ou des logements qui périclitaient. Bien demain, vous pourrez aller investir dans cette ville, acheter un logement par exemple 150 000 euros. Vous faites 50 000 euros de travaux, il faut faire au moins 25 % de travaux. Et à ce moment-là, vous avez un dispositif d'aide fiscale qui fait que sur ces sur ces 50 000 euros de travaux, l'Etat va vous en rembourser 42 000 euros. Donc c'est extrêmement incitatif, c'est extrêmement avantageux. Mais pourquoi c'est nécessaire ? Parce qu'il suffit d'aller se balader partout dans nos villes, dans nos sous-préfectures, dans nos villages et on voit qu'on a véritablement un enjeu qui est d'améliorer la qualité du bâti, d'améliorer aussi… Vous savez tous ces logements qui sont vides parce que parfois c'est trop cher d'y faire des travaux, grâce à ce dispositif on apporte un véritable soutien aux investisseurs, aux propriétaires et c'est très bien ainsi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Les professionnels du bâtiment qui sont inquiets, vous les avez vus, tous inquiets.
JULIEN DENORMANDIE
Je passe mes journées avec eux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais. Ils vont publier le 20 février un texte demandant vraiment des mesures. Est-ce que vous vous souciez franchement du nombre de logements construits ? C'est ce qu'ils disent, ils s'interrogent. Ils se disent : « Mais on ne nous écoute pas. » Comment faire ? Attendez, on construit moins de logements. Pourquoi ?
JULIEN DENORMANDIE
Attendez. Cette année, on construit un peu moins de logements que l'année dernière ; par rapport aux cinq dernières années, on en construit 25 000 de plus. Donc on est dans une année par rapport aux cinq dernières années qui est très positive. Maintenant effectivement, l'année qu'on vient de passer a été une année particulière…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais impossible contraindre les élus locaux qui refusent d'accorder des permis de construire.
JULIEN DENORMANDIE
Mais, vous savez, ce n'est pas aussi simple que ça, ce n'est pas aussi simple que ça. Cette année on a passé une année avec énormément de nouvelles mesures, avec une loi logement qui a été adoptée il y a 1,5 mois, cette loi logement elle est maintenant effective, elle va permettre maintenant de libérer des terrains, maintenant de faciliter la construction, maintenant, par exemple, de transformer des bureaux vacants, des bureaux vides, vous savez, qui restent parfois des années et des années vides, eh bien grâce à la loi on facilite la transformation de ces bureaux en logements. On va faciliter l'acte de construction, mettre beaucoup plus d'innovations, parce qu'aujourd'hui le monde de l'immobilier c'est un truc de dingue, le code de la construction il est plus épais que le code civil, il est plus épais que le code du travail, et donc, tout ça, on a mis énormément de simplifications, d'innovations, avec toujours le même souci de qualité. Eh bien ça, cette loi, elle a été adoptée il y a 1,5 mois, 1,5 mois simplement, donc on est en train de la mettre en oeuvre, pour justement aider les constructeurs, aider les promoteurs, aider les élus locaux, à faciliter l'acte de construction.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les droits de succession, faut-il alourdir les droits de succession notamment sur les très gros héritages ?
JULIEN DENORMANDIE
Moi je ne suis pas favorable à toucher aux droits de succession, de manière générale. Pourquoi ? Parce que vous savez, très souvent on dit les droits de succession, notamment la transmission des maisons ou du patrimoine immobilier, mais il ne faut pas oublier qu'en France la majeure partie des propriétaires, notamment des propriétaires immobiliers, font partie de la classe moyenne, voire de la classe moyenne inférieure, la majeure partie, et donc moi je ne suis pas favorable à alourdir encore ces fiscalités. Vous savez, on a pris un engagement qui était très fort pendant la campagne présidentielle, c'était de ne pas alourdir les fiscalités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On peut encore augmenter les déductions d'impôts, on peut encore augmenter, lorsqu'on donne de son vivant, en deçà d'un certain chiffre on ne paie pas d'impôts, on peut encore monter le plafond, non ?
JULIEN DENORMANDIE
Là c'est sur la donation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur la donation, mais enfin c'est un droit de succession.
JULIEN DENORMANDIE
Sur la transmission et les droits de succession, moi je ne suis pas favorable à toucher à cela parce que, pour beaucoup de familles, ce patrimoine immobilier, notamment quand vous êtes des familles modestes, eh bien vous avez travaillé dur, vous avez parfois souffert pour pouvoir vous le constituer, et vous voulez pouvoir le passer à vos enfants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernier mot sur AIRBNB et les plateformes de location. Toute mise en vente en ligne, location de courte durée, passant par une plateforme, doit être enregistrée, on est bien d'accord ?
JULIEN DENORMANDIE
Ça dépend des villes, mais à Paris, par exemple, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A Paris oui, d'ailleurs pourquoi ne pas généraliser, pourquoi ne pas obliger l'enregistrement ?
JULIEN DENORMANDIE
Parce que ça dépend des villes, c'est aux élus locaux de décider, ça dépend vraiment des… vous avez des villes où AIRBNB ne pose pas un problème. Mais pour en venir, je vois bien le sens de votre question, aujourd'hui vous avez des abus qui sont insupportables, et donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que vous dites ce matin que, parfois, les agences de location, comme ceux-là, sont complices des propriétaires qui fraudent le fisc, qui ne déclarent pas ?
JULIEN DENORMANDIE
Je ne voudrais pas jeter l'opprobre sur les propriétaires, moi ce que je dis c'est que vous avez des plateformes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y en a !
JULIEN DENORMANDIE
Non, mais ce que je dis c'est que vous avez des plateformes, aujourd'hui, qui font des abus, et donc moi je déclare cette guerre aux abus faits par ces plateformes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment, vous allez les punir ?
JULIEN DENORMANDIE
Non seulement je vais les punir, mais vous avez vu que, ces derniers jours, vous avez un certain nombre de municipalités qui ont même porté en justice ces plateformes, mais comment ils l'ont fait, cette guerre contre les abus, comment ils ont pu la faire ? Eh bien parce que toutes les armes, c'est moi leur ai données. C'est moi qui leur ai donné par la loi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que vous allez leur donner d'autres armes ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais les sanctions, je viens de renforcer les sanctions, dans la loi logement que j'évoquais tout à l'heure, je viens de les renforcer, elles sont effectives depuis 1,5 mois, ce qui fait que… vous parliez des règles tout à l'heure, eh bien si les plateformes, aujourd'hui, ne respectent pas les règles, elles ont des sanctions, et des sanctions qui sont très importantes financièrement. Mais pourquoi je fais ça ? Parce que, aujourd'hui, vous avez des abus, et moi, vous savez, je suis le ministre du logement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez encore renforcer les sanctions, vous allez encore prendre des mesures ?
JULIEN DENORMANDIE
Je viens de les renforcer, elles ont 1,5 mois, et moi je suis le ministre du logement, je ne suis pas le ministre de la location de courte durée, clairement pas. Et quand vous voyez aujourd'hui que, à cause de ces abus, vous avez parfois des quartiers entiers qui se vident de leur population, des appartements qui ne sont plus du tout habités, eh bien moi je ne veux pas que Paris, ou que d'autres villes, deviennent des villes musées, deviennent des villes où il n'y ait que des touristes, c'est très important des touristes, mais je ne veux pas que des villes comme cela deviennent des villes musées. Et donc oui, il y a des abus, face à ces abus on est très ferme, il y a des nouvelles sanctions qui ont été adoptées il y a 1,5 mois, certaines municipalités s'en sont saisies, et les armes utilisées par ces municipalités c'est moi qui les ai introduites dans la loi logement, donc je serai très ferme vis-à-vis de ces plateformes, elles sont nécessaires, pour beaucoup, et c'est très bien ainsi, mais il faut respecter les règles, on n'est pas dans la loi de la jungle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, merci Julien DENORMANDIE d'être venu nous voir.
JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2019