Interview de Mme Christelle Dubos, secrétaire d'Etat à la santé à Radio Classique le 20 février 2019, sur le bilan et le déploiement de la prime d'activité sur les bas salaires.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Radio Classique

Texte intégral

DIMITRI PAVLENKO
Mon invitée ce matin, elle est la secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Santé, bonjour Christelle DUBOS.

CHRISTELLE DUBOS
Bonjour.

DIMITRI PAVLENKO
Merci d'être avec nous. Vous venez nous présenter ce matin le premier bilan, un petit peu consolidé, du nouveau barème de la prime d'activité, c'est le levier qu'avait choisi en décembre Emmanuel MACRON pour améliorer les revenus des bas salaires. Alors, on avait déjà ce chiffre de 700.000 demandes supplémentaires adressées aux CAF, aux Caisses d'Allocations Familiales, en janvier, le succès se prolonge-t-il au mois de février, Christelle DUBOS ?

CHRISTELLE DUBOS
Oui, alors le succès se prolonge, l'élargissement et l'augmentation de la prime d'activité est un succès, au mois de janvier c'est plus de 800.000 demandes, les chiffres actualisés, plus de 800.000 demandes, 55 % sont des nouveaux allocataires, mais qui auraient pu bénéficier de la prime d'activité en 2018, et donc cette prime d'activité elle bénéficie, au maximum, aux actifs les plus modestes, et donc 45 % sont les nouveaux allocataires éligibles avec l'élargissement de la prime d'activité, donc 800.000 demandes, c'est une bonne nouvelle.

DIMITRI PAVLENKO
C'est-à-dire qu'il y avait énormément de gens qui n'avaient pas recours à la prime d'activité à laquelle ils avaient pourtant droit, faute de quoi, faute d'informations, faute de… la CAF n'alertait pas suffisamment, comment vous expliquez ça, parce que c'est aujourd'hui ça le sujet quelque part ?

CHRISTELLE DUBOS
La lutte contre le non-recours est un sujet sur lequel moi je travaille bien évidemment, sur la prime d'activité, le travail est en cours sur l'automatisation de cette prime en 2020, ce sont des systèmes qui permettent aux Françaises et aux Français d'avoir moins de démarches administratives à faire, ça c'est important. Sur la prime d'activité, vous aviez 80 % des personnes éligibles qui la demandaient, un taux de non-recours de 20 %, c'est une méconnaissance des droits. Vous savez, on est sur un système qui s'est complexifié, avec des aides qui se sont juxtaposées les années passant, et de fait qui rendent un système complètement illisible et complexe, et donc les gens se disent ce n'est pas pour moi. Et on voit bien que sur la prime d'activité les personnes, les 55 % des nouveaux allocataires, ce sont des personnes qui étaient les actifs les plus modestes et qui auraient déjà pu en bénéficier, et donc nous devons aller plus loin. C'est la question aussi du Revenu Universel d'Activité, la concertation que je lance, là, dans les prochaines semaines, concertation avec les associations, les acteurs, mais aussi des bénéficiaires du RSA, des minima, ma seule ambition c'est : une seule prestation, un dossier. Simplification maximum.

DIMITRI PAVLENKO
Vous avez dit énormément de choses, on va reprendre point par point. Je précise quand même que cette prime d'activité on peut toujours la demander, c'est mensuel.

CHRISTELLE DUBOS
Tout à fait, exactement.

DIMITRI PAVLENKO
Eh bien, parce que dans les CAF on entend ça, il y a des confusions avec la prime exceptionnelle demandée par le chef de l'Etat aux entreprises.

CHRISTELLE DUBOS
La prime d'activité c'est une prestation versée par la Caisse d'Allocations Familiales et la MSA, parce que je rappelle qu'elle peut bénéficier aussi aux travailleurs indépendants, aux agriculteurs, aux salariés du privé, mais aussi aux salariés, les fonctionnaires, je pense à une secrétaire de mairie, je pense à une aide-soignante en EHPAD, etc., peuvent demander la prime d'activité.

DIMITRI PAVLENKO
On ne perd rien à tenter, à remplir…

CHRISTELLE DUBOS
Vous avez un simulateur, en 3 minutes le simulateur vous dit si oui ou non, c'est calculé en fonction de votre couple, si vous êtes seul, avec des enfants, du salaire de votre conjoint, de vos ressources.

DIMITRI PAVLENKO
Sur le site de la CAF.

CHRISTELLE DUBOS
Sur le site de la CAF, c'est très simple, une fois que vous avez fait votre simulation, vous cliquez, votre dossier part, c'est très simple. En effet, c'est une prestation qui se demande tout le long de l'année, par contre pour que la prestation du mois de février soit versée au 5 mars, il faut faire la demande avant la fin du mois de février, mais si vous ne la faites pas, vous la ferez au mois de mars, ça sera le mois qui sera payé. Donc, c'est une prestation qui se demande tout le long, et qui peut être redemandée derrière, ce n'est pas parce que vous avez fait une simulation que vous n'y avez pas droit, pas droit à ce moment-là, si vous avez une baisse de ressources il faut la redemander derrière parce que peut-être que vous aurez un nouveau droit ouvert.

DIMITRI PAVLENKO
Vous avez parlé d'automatisation du versement de la prime, on va y revenir, mais d'abord, automatisation pourquoi, parce que vous l'avez dit, il y a un taux de non-recours assez élevé. Il y a toujours une suspicion sur la sincérité de l'Etat quand il doit vouloir que tout le monde, tous les gens qui ont droit à une prestation puissent y accéder. Et puis il y a cette autre question, qui est posée d'ailleurs par la Cour des comptes, qui révélait dans son rapport annuel récemment, qu'elle considérait que la prime d'activité est un élément de fragilisation des finances publiques, pour parler simplement, on ne sait pas combien ça va coûter. Est-ce que vous chiffrez le coût de la nouvelle prime d'activité, Christelle DUBOS ?

CHRISTELLE DUBOS
Le chiffre, en effet, de la prime d'activité, est de 2,5 milliards, 2,6 milliards d'euros, c'est un choix politique que nous avons fait pour soutenir et aider les travailleurs, les actifs les plus modestes. Ce financement il se base sur… nous avions, le Premier ministre dans sa discussion de politique générale en 2017 s'était engagé à un retour à l'équilibre du budget de la Sécurité sociale en 2020, nous avions un retour prévu en 2019 à l'équilibre, donc nous avions 1 an d'avance, nous avons fait le choix de prendre cet engagement-là, d'accompagner les plus actifs, dans leur quotidien, pour leur donner du pouvoir d'achat, avec ce retour à l'équilibre sur lequel on avait une année d'avance.

DIMITRI PAVLENKO
Automatisation, comment vous envisagez, quel sera le mécanisme sur lequel vous travaillez, pour ce versement automatique ? Automatique, ça veut dire je n'ai même pas besoin de la demander, cette prime elle m'est versée systématiquement.

CHRISTELLE DUBOS
Alors, on n'est pas sur le même système lorsque la prime n'est pas versée lorsqu'on fait une demande, c'est ce qu'on appelle dans notre jargon technique « la quérabilité d'un dossier », ça, actuellement, on n'est pas encore capable de le faire. Moi, ce que je souhaite, quand on parle automatisation, c'est que les gens n'aient plus à déclarer leurs ressources et éviter des indus. Parce que ce qui est important c'est que, quand vous avez une prime d'activité vous devez déclarer vos ressources et parfois les personnes peuvent se tromper, et donc ça crée un indus et ça peut créer du stress et des questionnements des personnes en disant « est-ce que j'ai bien rempli, ça va être trop compliqué, je ne le fais pas. » L'automatisation c'est, la sphère fiscale et la sphère sociale se parlent, deux systèmes d'informations qui se parlent, et qui permettent de pré-remplir, et les gens n'ont plus rien à remplir dans le sens où c'est déjà fait. Il faudra quand même demander la première demande, par contre sur la question du non-recours, ce que l'on fait, c'est qu'on est en train de faire des courriers, par exemple sur la prime d'activité, en lien avec les déclarations de ressources des personnes, donc des déclarations fiscales des personnes, en disant « au vu de votre déclaration fiscale, vous aurez certainement droit à la prime d'activité, on vous invite à venir la faire. » Donc on insiste les gens, on informe les gens sur leurs droits. Et pareil au niveau de la CAF, la CAF regarde tous les allocataires qu'ils connaissent, regarde au niveau des ressources, et s'ils peuvent bénéficier de la prime d'activité, ou d'une autre prestation, les appelle et leur propose, en effet, d'ouvrir leurs droits.

DIMITRI PAVLENKO
Est-ce que le prélèvement à la source, quelque part, c'est une réforme qui facilite ce mécanisme que vous nous expliquez ?

CHRISTELLE DUBOS
Tout à fait. Le prélèvement à la source facilite et va nous permettre d'avoir une vision beaucoup plus large, de voir, dans les années à venir, comment est-ce qu'on peut, en effet, simplifier et, je dirais, rendre… simplifier, pas pour l'administration, mais vraiment mon ambition est de simplifier, dossier unique, simplification, pour les Françaises et les Français qui ne se posent pas la question de savoir quels sont mes droits, comment est-ce que je dois faire. Et puis aussi changer les clichés, un petit peu le regard des Français sur ces personnes bénéficiaires de prestations.

DIMITRI PAVLENKO
Edouard PHILIPPE vendredi, le Premier ministre, s'est dit personnellement favorable à des contreparties au versement des aides sociales. Ça fait polémique dans les rangs de la majorité, c'est très clair, puisque l'idée de contreparties, voilà, vous évoquez ce changement d'image nécessaire sur les personnes qui bénéficient des aides sociales. Est-ce que vous êtes, vous personnellement, vous êtes membre du gouvernement, personnellement favorable, vous, à ces contreparties, et vous envisagez quoi comme type de contreparties, si c'est bien la réflexion qui est actuellement menée ?

CHRISTELLE DUBOS
Alors la question est posée dans le cadre du grand débat, vous avez une question spécifique, « faut-il des contreparties par rapport à des allocations de solidarité ? » La contrepartie elle existe déjà, depuis 30 ans avec le RMI et le RSA, c'est le droit et devoirs, et le droit et l'obligation d'un accompagnement. Le constat qui est fait aujourd'hui c'est que 700.000 bénéficiaires en France, n'ont pas d'accompagnement, donc comment est-ce qu'on peut les accompagner, les accompagner vers un processus d'insertion sociale et professionnelle, dès lors qu'ils n'ont pas d'accompagnement…

DIMITRI PAVLENKO
Mais pourquoi dit-il ça le Premier ministre, si ça existe déjà, est-ce qu'il envisage d'autres contreparties, d'autres obligations, je ne sais pas ?

CHRISTELLE DUBOS
La question est posée dans le grand débat…

DIMITRI PAVLENKO
Vous n'avez pas d'idée, vous, sur le sujet ?

CHRISTELLE DUBOS
Moi je n'ai pas d'idée, la seule chose que je sais c'est que je ne veux pas de contreparties punitives, je veux que ce soit des contreparties qui permettent aux personnes bénéficiant des minima sociaux de pouvoir sortir et de pouvoir aller vers de l'insertion sociale et professionnelle. Vous savez, je crois que la seule contrepartie qui existe, c'est la pauvreté que créent les minima sociaux.

DIMITRI PAVLENKO
Donc pas des travaux d'intérêt général, comme, par exemple, ça avait été envisagé en contrepartie du versement du RSA dans certains départements ?

CHRISTELLE DUBOS
Vous savez, les mesures que l'on met en place dans le gouvernement c'est l'augmentation du nombre de formations, c'est l'augmentation des postes en insertion par l'activité économique, c'est l'augmentation de l'accompagnement global de ces personnes, des personnes qui sont en difficulté. Je crois que la contrepartie c'est aussi une contrepartie de politique publique, c'est être présent, être présent à côté d'eux de façon à les accompagner vers de l'emploi, et vers une activité. Vous savez, vous avez des personnes dans le cadre… une reprise d'activité peut commencer par quelques heures dans le cadre d'un chantier d'insertion, c'est ça la contrepartie, c'est leur proposer un accompagnement, et cet accompagnement ils doivent pouvoir en effet en bénéficier, ils doivent pouvoir le suivre et être acteurs. Donc, si vous me permettez, en effet, je crois que déjà la question de la contrepartie des minima sociaux c'est la pauvreté qu'elle génère.

DIMITRI PAVLENKO
Christelle DUBOS, secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Santé et des Solidarités, vous avez évoqué également le Revenu Universel d'Activité. Alors bon, effectivement, peut-être un éclaircissement. Il n'y a pas une contradiction déjà entre Universel et d'Activité, si l'allocation, en l'occurrence, est conditionnée à l'activité pour être versée ? Alors, on en est où de ce chantier justement, quel est le périmètre de cette future allocation ?

CHRISTELLE DUBOS
Le président, en effet, le 13 septembre dernier, a annoncé une prestation sui simplifierait et qui permettrait de fusionner a minima le RSA, la prime d'activité, l'aide au logement. Sur ce sujet, la concertation, donc les travaux sont en cours, vont commencer officiellement avec les rencontres avec les associations, les acteurs, les bénéficiaires eux-mêmes…

DIMITRI PAVLENKO
Un rapporteur a été nommé fin janvier.

CHRISTELLE DUBOS
Exactement, Fabrice LENGLART a été nommé, qui fera vraiment tout le travail technique, et tous les scénarios seront posés sur la table, parce qu'on ne peut pas dire on l'écarte si on n'a pas réfléchi à un scénario aussi. Donc toutes les prestations pourront être fusionnées seront réfléchies et travaillées, concertation en 2019 avec un texte en 2020, et qui va être lancée parallèlement avec la transformation du service public de l'insertion, c'est comment est-ce qu'on accompagne les personnes vers une reprise d'activité ou d'emploi.

DIMITRI PAVLENKO
Sur ce service public de l'insertion, là aussi vous envisagez comment, est-ce que ça pourrait impliquer des institutions déjà existantes, on pense par exemple à Pôle emploi ?

CHRISTELLE DUBOS
Bien évidemment. Alors ce sont déjà des choses qui sont déjà lancées dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté que je porte, qui sont lancées pour les bénéficiaires du RSA et sur lesquelles on travaille avec…

DIMITRI PAVLENKO
Oui, mais est-ce que ça pourrait être une nouvelle mission de Pôle emploi par exemple, l'accompagnement, l'insertion ?

CHRISTELLE DUBOS
C'est déjà le cas. Pôle emploi fait déjà de l'accompagnement des demandeurs d'emploi et propose aussi une garantie d'activité, qui est un accompagnement global de la personne, et qui fait du lien avec les travailleurs sociaux des différents services et structures présentes sur un territoire, ils le font déjà. Mais vous avez également un chef de file qui est important, c'est le département, puisque c'est lui qui est chef de file de l'action sociale, qui fait aussi des missions d'accompagnement, vous avez aussi les mairies, les CCAS, et vous avez aussi des acteurs pour les jeunes, la Mission locale, et vous avez des associations. Quand une personne a un besoin, a besoin de se retrouver et de se retourner, de dire « vers qui je vais ? », ce n'est pas normal qu'elle ne trouve pas la bonne réponse, qu'elle ne sache pas, et du coup elle n'y va pas, souvent elle n'y va pas, et donc moi mon intérêt, mon souhait, c'est que, dans le cadre du service public de l'insertion on parle vraiment d'accompagnement global et que la personne trouve la bonne porte, au bon endroit. Quel est l'échelon ? Ça reste à déterminer, parce que là aussi on va travailler avec les acteurs pour pouvoir le déterminer et, bien évidemment, les personnes qui peuvent en bénéficier.

DIMITRI PAVLENKO
Merci Christelle DUBOS d'avoir été avec nous ce matin.

CHRISTELLE DUBOS
Merci beaucoup.

DIMITRI PAVLENKO
Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Santé et des Solidarités.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 février 2019