Déclaration de Mme Christelle Dubos, secrétaire d'Etat à la santé, sur la politique familiale, la baisse de la natalité et la protection des enfants mineurs par l'ASE, Paris le 5 mars 2019.

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M. le président. L'ordre du jour appelle les questions sur la politique familiale.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.

La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Durant des années, la politique familiale française a été considérée comme un modèle idéal qui était envié par de nombreux pays. Nous pouvions alors être fiers du taux de natalité de la France, car il constitue – en lui permettant de préparer son avenir – un critère essentiel du dynamisme d'un pays.

Or ce n'est plus le cas : entre 2011 et 2017, le nombre de naissances a baissé de 7 % : il s'agit d'un signal très inquiétant, tant pour le renouvellement des générations que pour l'avenir de la France.

Il est temps de se poser la question : quelles sont les raisons qui expliquent un tel décrochage de notre pays ?

Tel est l'objet de ce débat, que le groupe UDI, Agir et indépendants a souhaité inscrire à l'ordre du jour d'aujourd'hui.

Depuis quelques années, la politique familiale a en fait été recentrée : elle est devenue une politique s'adressant d'abord aux familles les plus vulnérables, et la quasi-totalité des prestations familiales a été progressivement placée sous conditions de ressources.

C'est un fait que la Cour des comptes a constaté dans un rapport publié en 2017.

Le système est devenu pervers : plus vous êtes pauvres et plus vous avez d'enfants, plus vous touchez d'aides et moins les femmes concernées ont intérêt à reprendre un travail après un congé maternité.

Il n'est d'ailleurs pas étonnant que, au cours des premières semaines du mouvement des gilets jaunes, des jeunes femmes aient appelé à de nombreuses reprises l'attention des pouvoirs publics sur le fait qu'elles avaient davantage intérêt à rester à la maison avec leurs enfants qu'à aller travailler.

Dans cette hypothèse, elles doivent en effet gérer un mode de garde coûteux, jongler avec des horaires variables et mettre de l'essence dans leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail.

Ce n'est donc pas par choix personnel qu'elles élèvent leurs enfants en restant au foyer, mais par choix économique.

M. Gilles Lurton. C'est vrai !

Mme Laure de La Raudière. Vous savez comme moi combien cette situation précarise ces femmes.

Êtes-vous prête, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, à rendre les gardes d'enfants beaucoup moins chères pour toutes les femmes, quel que soit leur niveau de ressources ?

Aucune femme ne doit calculer pour savoir ce qui est plus rentable : rester chez elle ou aller travailler.

Pourquoi la durée du congé parental est-elle de trois ans ? Ne faut-il pas la réduire à un an, et mieux le rémunérer, comme en Suède ?

Enfin, existe-t-il aujourd'hui une raison objective pour que le congé maternité pour le troisième enfant dure six mois, au lieu de trois mois et demi pour les deux premiers ? Si les femmes veulent s'arrêter plus longtemps, elles peuvent prendre un congé parental. Ce congé de six mois n'explique-t-il pas en partie les difficultés d'accès des femmes qui choisissent d'être mères aux postes de responsabilité ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la députée, permettez-moi, à l'ouverture de ce débat, de répondre de façon générale aux questions : qu'est-ce que la politique familiale ? Vers quoi voulons-nous tendre et vers quoi voulons-nous aller ?

Les missions que m'ont confiées Agnès Buzyn m'amènent à m'occuper des publics connaissant des difficultés aiguës, comme les personnes en situation de pauvreté. Je suis également responsable des politiques familiales, c'est-à-dire de ce qui évoque a priori des perspectives positives.

Les enfants symbolisent en effet l'avenir qui se prépare. Cependant, une forte obligation s'impose à nous : adapter notre politique familiale aux évolutions de la société et lutter contre la pauvreté des familles et des enfants, afin d'éviter que les enfants pauvres d'aujourd'hui ne deviennent les adultes pauvres de demain.

Notre politique familiale entend être au service de toutes les familles, mais en même temps accorde une attention particulière aux familles les plus modestes, afin de réduire les inégalités.

La politique familiale que nous défendons ne se limite pas à une approche monétaire reposant uniquement sur des prestations : elle constitue également une politique de service et d'accompagnement des familles au quotidien.

Les priorités que je perçois actuellement sont au nombre de trois : la première est la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle avec le développement des solutions – collectives ou individuelles – de garde d'enfants.

L'accent sera mis en particulier sur l'accès des personnes défavorisées à des modes de garde collectifs, notamment aux crèches, qui ne bénéficient qu'à 5 % d'enfants issus de familles défavorisées, alors qu'elles bénéficient à 22 % d'enfants issus de familles favorisées.

L'adaptation de nos dispositifs visant à concilier le travail avec l'arrivée d'un enfant – deuxième priorité – constitue également un enjeu fort : je pense au congé maternité, au congé paternité et au congé parental.

Les objectifs sont de faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes, d'accompagner la parentalité, même dans les familles que l'on pourrait qualifier d'heureuses, et enfin de prévenir – troisième priorité – les situations de rupture et d'accidents de la vie qui peuvent déstabiliser les familles. De telles situations justifient qu'une aide permette d'y faire face.

Cela peut être le cas momentanément, lors de la séparation des parents ou de l'amorce d'une situation difficile comme le handicap, la maladie ou le deuil.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.

M. Stéphane Demilly. Madame la secrétaire d'État, selon une étude du ministère du travail, près de 44 % des salariés, c'est-à-dire un peu plus de 10 millions de personnes, travaillent au moins une fois par mois en horaires dits atypiques.

Ils sont ainsi 35 % – soit plus de 8 millions de personnes – à travailler le samedi, 19 % le dimanche, 23 % en soirée, entre vingt heures et minuit, et 9 % la nuit, entre minuit et cinq heures du matin.

Dans ces conditions, lorsque les deux parents ont les mêmes contraintes professionnelles, il leur est bien sûr impossible de conduire et d'aller chercher eux-mêmes leurs enfants à l'école, ou de les garder avec eux lorsque celle-ci est fermée.

Ils doivent donc recourir à des assistantes maternelles ou à des centres de loisirs, par exemple. Or ces modes de garde présentent un coût pouvant dépasser 400 euros par mois, en fonction des situations de chacun.

Si de nombreux dispositifs d'aide à la garde d'enfants existent d'ores et déjà dans notre pays, ils disparaissent quasiment tous lorsque l'enfant atteint l'âge de 6 ans. Là est le problème. Je pense par exemple au complément de libre choix du mode de garde versé par les caisses d'allocations familiales – CAF – ou au crédit d'impôt de 50 % des frais engagés.

Dans ce contexte, madame la secrétaire d'État, pourquoi ne pas étendre la durée de ces aides et les accorder, par exemple, jusqu'aux 8 ans ou aux 10 ans de l'enfant, selon les conclusions d'une étude d'utilité plus précise qui pourrait être menée ? Cela faciliterait la vie des parents qui travaillent et contribuerait à donner de l'activité aux assistantes maternelles. Ce serait donc du gagnant-gagnant.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. L'aide à la garde d'enfants est un axe central de notre politique familiale. La branche famille de la sécurité sociale apporte en effet un soutien à toutes les familles, quels que soient leurs revenus et quel que soit le mode de garde retenu. Pour les modes de garde individuels, les familles bénéficient du complément de libre choix du mode de garde jusqu'aux 6 ans de l'enfant, ainsi que d'un crédit d'impôt, comme vous l'avez rappelé. Il est très important qu'un tel soutien soit apporté à tous les parents de jeunes enfants, afin qu'ils puissent autant que possible concilier vie familiale et vie professionnelle.

Vous avez soulevé le problème des horaires atypiques, qui est réel et qui pose en effet des questions concernant la garde des enfants de plus de 6 ans. Cependant des aides existent déjà, même si elles ne sont pas versées par la branche famille. En cas de recours à une garde à domicile, les parents peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. Cela étant, cette aide peut être considérée comme insuffisante pour certaines familles, au point de constituer parfois un frein à l'activité des parents. Les échanges que j'ai pu avoir dans le cadre du grand débat national m'ont montré que les difficultés liées à la garde d'enfants de plus de 6 ans sont réelles, notamment pour les familles monoparentales, qui ne bénéficient souvent d'aucun relais en cas de besoin.

Je partage donc vos préoccupations. Nous sommes justement en train d'expertiser ce sujet, qui est important mais pas si simple que cela ! Il s'agit en effet d'identifier les besoins des familles et de concevoir des solutions aussi adaptées et efficaces que possible.

M. le président. La parole est à Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Ma question porte sur les allocations familiales et leur attribution. Créées en 1938, les allocations familiales ont été versées dès le premier enfant jusqu'en 1939 ; depuis lors, elles sont versées à partir du deuxième enfant afin de dynamiser la natalité française. Elles constituent le premier pilier de notre politique familiale, dont on sait qu'elle est particulièrement difficile à réformer, et le poste le plus important en matière de prestations sociales. Touchées par les familles de deux enfants et plus, elles connaissent depuis 2015 une dégressivité en fonction des revenus des parents. En 2017, les allocations familiales ont été versées à 5 millions de foyers, pour un montant de 12 milliards d'euros, soit 16 % de l'ensemble des prestations sociales versées par les CAF.

Aujourd'hui, vous le savez, les familles françaises n'ont plus trois ou quatre enfants, mais un ou deux. Aussi, la logique d'attribution des allocations familiales à partir du deuxième enfant, dans laquelle on estime que le premier enfant n'a pas d'impact économique sur la vie du foyer, doit être remise en question.

Par ailleurs, la multiplication des foyers monoparentaux dus aux recompositions familiales entraîne de nombreuses difficultés pour ces parents qui se retrouvent seuls à élever leurs enfants. Les familles monoparentales sont actuellement constituées à 85 % de femmes, le plus souvent sans diplôme ni qualification, à la recherche d'un travail et d'une reconnaissance sociale difficiles à trouver alors que leur situation financière est délicate.

Au vu de ces constats, il ne serait pas inintéressant d'envisager la possibilité de verser les allocations familiales dès l'arrivée du premier enfant pour améliorer le niveau de vie des familles, notamment des familles monoparentales. Madame la secrétaire d'État, votre ministère a-t-il déjà eu l'occasion d'étudier cette question, et éventuellement le financement d'une telle mesure, dont le coût est estimé à 3 ou 4 milliards d'euros ? Le Gouvernement a-t-il l'intention de réformer l'attribution des allocations familiales pour les verser dès le premier enfant ?

Enfin, vingt-trois allocations familiales différentes existent actuellement. Ne serait-il pas temps de simplifier le système pour le rendre plus lisible, compréhensible et efficace ?

M. Gilles Lurton. Très bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Madame la députée, au-delà de votre question sur le versement des allocations familiales à partir du premier enfant, vous avez soulevé la question de l'universalité de ces allocations. Ce sujet n'est pas nouveau : il a déjà été débattu dans cette assemblée, notamment en 2015, lorsque les allocations familiales ont été modulées en fonction des ressources.

M. Gilles Lurton. Quelle erreur !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Il est vrai que certains se demandent aujourd'hui en quoi une allocation de 30 euros est utile à un couple de cadres supérieurs. Cependant, cela permet aussi à des parties de la population qui touchent peu de prestations et qui contribuent beaucoup au financement du système de se sentir partie prenante du pacte social. Il est important de le rappeler.

M. Gilles Lurton. Très bien !

Mme Valérie Boyer. Nous sommes d'accord !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Il est tout aussi important de maintenir le système de redistribution. Si la question émerge dans le cadre du grand débat national, nous devrons l'étudier. Tout est question de priorité ! À quoi voulons-nous consacrer prioritairement les crédits publics ? Qui voulons-nous aider d'abord, sans que les autres se sentent exclus du pacte social ? Voilà de belles questions de société.

Je souhaite cependant rappeler que l'universalité de la politique familiale ne se limite pas aux allocations familiales. Je pense en particulier aux aides à la garde du jeune enfant, qui passe par le financement des crèches et le versement du complément de libre choix du mode de garde, lequel permet d'aider tous les parents, quelles que soient leurs ressources et quel que soit le mode de garde choisi.

Les familles ayant un seul enfant n'ont pas non plus été abandonnées. Je pense notamment aux familles modestes, auxquelles d'autres prestations sont dédiées, comme l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant – PAJE – jusqu'aux 3 ans de l'enfant, la prime à la naissance, l'allocation de rentrée scolaire, le complément de libre choix du mode de garde, le congé parental et l'allocation de soutien familial destinée aux parents isolés. En somme, les familles comptant un seul enfant bénéficient également d'un vrai soutien de l'État.

Mme Laure de La Raudière. Vous nous répondez : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » Vous ne pouvez pas vous contenter de cela !

Mme Valérie Boyer. Vous ne pouvez pas vous contenter de lire vos fiches !

M. le président. La parole est à M. Joachim Son-Forget.

M. Joachim Son-Forget. Avant d'exposer mes réflexions, je souhaite rappeler la définition que le dictionnaire Larousse donne du mot « famille » : « ensemble de personnes formé par le père, la mère et les enfants, ou par l'un des deux, père ou mère ». Ce dernier membre de phrase a été ajouté dans les éditions les plus récentes afin de tenir compte des évolutions importantes et parfois malheureuses de la société que nous constatons et dont nous débattons aujourd'hui.

Alors que notre modèle social permet de diviser drastiquement les inégalités de niveau de vie, l'inégalité des chances persiste. La main invisible de l'organisation sociale nourrit les frustrations et les amertumes, qui s'expriment parfois par la violence ; elle alimente le caractère héréditaire des classes dominantes et leur entre-soi. L'actualité nous le prouve malheureusement tous les samedis.

La baisse édifiante de la fréquentation des crèches et des pratiques culturelles et sportives dans les universités et grandes écoles a de terribles conséquences : destins tracés et gâchés, violences, déterminisme social, montée des extrêmes.

Je me trompe peut-être, madame la secrétaire d'État, mais j'ai parfois le sentiment que le Gouvernement s'emploie à revenir sur des acquis obtenus lors des législatures précédentes. Je pense par exemple à la réduction du montant de la PAJE et du nombre des bénéficiaires de celle-ci. J'admets cependant que vous tentez de mener une politique ciblée en faveur des familles les plus pauvres et des familles monoparentales, dans le cadre tracé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Je rêve que ce débat ne serve pas à cacher les coups de rabot de Bercy, en quête des milliards perdus. La politique familiale, certes relativement bien dotée, pourrait porter de meilleurs fruits. Décidons qu'elle n'est pas une politique du chiffre, mais une politique de l'épanouissement de chaque enfant, propre à nourrir l'espoir que le destin de celui-ci ne sera pas déterminé par sa naissance. La cohésion sociale, le « bien vivre ensemble » et même la sécurité sont à ce prix. Cela exige la création d'un grand service public de la petite enfance. Y êtes-vous prête, madame la secrétaire d'État ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. En somme, monsieur le député, vous me demandez en quoi la politique familiale participe à la lutte contre la pauvreté.

Les familles monoparentales et les familles nombreuses sont les plus touchées par la pauvreté. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres : les personnes vivant dans ces familles représentent 22,7 % de la population globale mais 44,5 % de la population pauvre.

Les prestations familiales contribuent à la lutte contre la pauvreté.

Mme Laure de La Raudière. Non !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. C'est tout l'enjeu de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté annoncée par le Président de la République le 13 septembre dernier – un dossier que je porte politiquement et personnellement.

Concrètement, nous voulons permettre aux familles les plus modestes d'accéder à un mode de garde, collectif ou individuel, dès le plus jeune âge de l'enfant. S'agissant des modes de garde collectifs, nous allons créer 30 000 places de crèche supplémentaires et labelliser 400 crèches à vocation d'insertion professionnelle d'ici à 2022. De plus, 1 000 équivalents temps pleins seront embauchés dans le cadre des relais assistantes maternelles pour favoriser le lien entre les assistantes maternelles et les futurs parents employeurs. Pour ces mêmes assistantes maternelles, nous allons également mettre en oeuvre le tiers payant à compter du second semestre 2019.

Mme Laure de La Raudière. Ça, c'est bien !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Toutes ces mesures permettront aux familles les plus modestes d'accéder à un mode de garde, collectif ou individuel, qu'elles pourront choisir librement.

La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit également un accompagnement permettant à ces familles d'accéder à l'emploi. Dans le cadre d'une contractualisation entre l'État et les départements, chaque bénéficiaire du RSA pourra bénéficier d'un accompagnement, autrement dit de mesures fortes telles que la formation et l'insertion par l'activité économique. Ainsi, chacun pourra vivre d'une activité rémunérée sans être freiné par les problèmes de garde d'enfants.

Mme Laure de La Raudière. Cela doit aussi passer par les allocations familiales !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Le processus de création des 30 000 places de crèche supplémentaires est engagé : les premières sont déjà disponibles, et plus de 10 000 places sont en train d'être créées par les caisses d'allocations familiales en lien avec les collectivités locales. Les premières crèches à vocation d'insertion professionnelle sont labellisées. Sur les 400 qui vont l'être, nous avons déjà 150 demandes. Nous devons permettre à chacun de sortir de la pauvreté.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe La France insoumise. La parole est à M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. En matière de politique familiale, il y a des mesures urgentes à prendre. Certaines discriminations légales perdurent depuis trop longtemps, et la loi de 2013 n'y a rien changé. Je veux bien sûr parler de la procréation médicalement assistée, la PMA. Aujourd'hui, seules les femmes en couple hétérosexuel peuvent en bénéficier, et pas les autres. Pourquoi ? Parce que l'actuelle majorité – comme la précédente, d'ailleurs – a peur du lobby réactionnaire et homophobe qui se mobilise.

Nous apprenons par voie de presse une information mollement démentie par le Gouvernement : après avoir été reporté à la fin de l'année 2018, puis après les élections européennes, l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, qui devait permettre ce débat, aurait finalement lieu en 2020. À chaque report, à chaque atermoiement, des femmes dépassent l'âge à partir duquel elles ne peuvent plus porter d'enfant, que ce dernier ait été conçu ou non dans le cadre d'une PMA. Des projets parentaux sont abandonnés, non pas faute d'amour, mais à cause de la lâcheté insondable des décideurs politiques. Seules les femmes qui en ont les moyens ou qui sont prêtes à prendre des risques peuvent recourir à la PMA. À chaque report, les réactionnaires agitent les peurs et se voient confortés dans leur envie grotesque et égoïste de priver d'autres personnes de leurs droits.

Ce débat n'avait rien à faire dans une discussion éthique. À partir du moment où ces techniques sont permises, les ouvrir à toutes celles et à tous ceux qui pourraient en bénéficier est simplement une question d'égalité de droits.

Mme Agnès Thill. Non !

M. Bastien Lachaud. Aussi, ma question est simple : quand le Gouvernement prendra-t-il enfin ses responsabilités ? Quand tiendra-t-il la promesse du candidat Macron ? Quand ouvrira-t-il à toutes les femmes et aux hommes transsexuels les techniques d'assistance médicale à la procréation ? Quand mettra-t-il enfin un terme à cette discrimination légale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. L'élargissement de la PMA est un engagement que le Président de la République a pris lors de la campagne présidentielle et qui sera tenu. Ainsi, le projet de loi relatif à la bioéthique sera présenté en conseil des ministres avant l'été, et le président de l'Assemblée nationale, M. Richard Ferrand, a confirmé ce matin qu'il serait examiné par le Parlement. L'élargissement de la PMA est une mesure qui figurera dans ce texte.

Sur cette question, nous avons mis en place des séminaires, en lien avec Mme la ministre Agnès Buzyn, auxquels l'ensemble des parlementaires, qu'ils soient sénateurs ou députés, peuvent participer.

Le débat doit avoir lieu. Il doit permettre de clarifier les volontés des uns et des autres, tant dans cet hémicycle qu'au Sénat. Je le répète, ce texte sera présenté en conseil des ministres avant l'été et examiné à l'Assemblée nationale d'ici à la fin de l'année 2019. (Mme Stella Dupont applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Madame la secrétaire d'État, pour vous poser une question sur votre politique familiale, j'ai l'embarras du choix. Depuis le 1er janvier 2019, l'ensemble des allocations familiales et des pensions de retraite ne sont plus indexées sur l'inflation comme c'était le cas, jusque-là, tous les ans. Sont concernées les allocations familiales, l'allocation de rentrée scolaire, la prime de naissance, le complément de libre choix de mode de garde et les pensions de retraite, ainsi que la prime d'activité, le minimum vieillesse et l'allocation aux adultes handicapés, de même que les pensions d'invalidité, les rentes accident du travail et maladie professionnelle et les aides au logement. Ces prestations n'augmenteront que de 0,3 % alors que la hausse moyenne des prix pour 2018 est estimée à 1,6 % par l'INSEE – Institut national de la statistique et des études économiques. Quelle question faut-il donc vous poser ? Allez-vous enfin arrêter de prendre les Français pour des pigeons ?

La baisse des aides est également due à leur mode de calcul, toujours plus désavantageux. Revenons sur l'une de ces aides, qui est précisément d'actualité. Fin 2018, vous promettiez une revalorisation de la prime d'activité pour les travailleurs au SMIC. Or, du fait du mode de calcul de cette prime, de nombreuses personnes qui pourraient y prétendre ne la touchent pas. Ce sont notamment celles qui ont un revenu très faible, mais pour qui les revenus du conjoint sont pris en compte. On sait de façon sourcée et claire que les femmes seront les premières concernées par cette situation, puisqu'elles représentent 80 % des bas salaires.

Ma question est donc simple : lors du calcul de la prime d'activité, comptez-vous revenir sur la prise en compte des revenus du conjoint et des pensions alimentaires – lesquelles, je le rappelle, sont versées pour les enfants, et certainement pas pour le parent qui en a la garde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Madame la députée, vous évoquez la sous-indexation des prestations. Permettez-moi de rappeler la priorité qui a été donnée à l'augmentation, notamment, de l'AAH – allocation aux adultes handicapés.

Mme Caroline Fiat. Non ! Ce n'est pas vrai !

M. Bastien Lachaud. En changeant le mode de calcul !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Ce sont 900 euros à la fin du mois, madame Fiat : augmenter cette prestation de 100 euros pour des personnes qui ne peuvent pas aller travailler, c'est tout de même une évolution importante ! Nous avons également augmenté le minimum vieillesse, qui assure un montant minimum et garantit des revenus à des personnes qui ont travaillé, mais n'ont malheureusement pas assez cotisé.

Pour ce qui concerne la prime d'activité, nous avons fait et assumons pleinement le choix de cette mesure qui permet de l'adapter aux besoins en fonction de la cellule familiale, des revenus du couple et de la composition de la famille. Lorsque le conjoint gagne 4 000 euros, est-il normal que l'autre conjoint bénéficie de cette augmentation de 100 euros ?

Mme Caroline Fiat. Oui, s'il est au SMIC. C'est une promesse !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Nous avons choisi de prendre en compte la cellule familiale. On a le droit de ne pas être d'accord,…

M. Bastien Lachaud. Encore heureux !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. …mais nous assumons ce choix.

Cependant, depuis le 10 décembre, date à laquelle ces mesures ont été votées, et jusqu'à ce jour, 1,1 million de personnes de plus bénéficient de la prime d'activité. De fait, 55 % des bénéficiaires de cette prime auraient pu en bénéficier en 2018, mais ne connaissaient pas le système, qui est trop complexe et auquel nous devons apporter simplification et lisibilité pour nos concitoyens.

M. Bastien Lachaud. Augmenter les salaires, c'est simple !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Une partie de l'opposition affirme que la prime d'activité ne représente que des miettes, mais pour une personne seule au SMIC, qui touche 1 200 euros, ces 241 euros de prime d'activité ne sont pas des miettes. Pour une famille monoparentale, pour une femme seule payée au SMIC qui élève son enfant, les 292 euros de prime d'activité ne sont pas des miettes :…

Mme Caroline Fiat. Pas avec la pension alimentaire !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. …c'est un vrai coup de pouce pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens et des travailleurs les plus modestes. Nous assumons complètement ce choix.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il y a presque un an, nous examinions la proposition de loi que j'avais déposée pour une reconnaissance sociale des aidants. Le constat était et demeure sans appel : la perte d'autonomie est mal prise en charge par la solidarité nationale. La faiblesse chronique de l'engagement public en faveur des personnes en situation de handicap et de perte d'autonomie est telle qu'elle a de vastes conséquences dans la vie économique et sociale des aidants.

La situation est d'autant plus préoccupante pour les enfants en situation de handicap ou de maladie, qui nécessitent un accompagnement constant, permanent, de leurs parents, contraignant trop souvent ces derniers à laisser de côté leur activité professionnelle. Un long parcours du combattant, semé d'obstacles en tout genre, commence alors pour les familles.

Pour l'accompagnement des enfants, il existe l'allocation journalière de présence parentale, qui s'élève à 43 euros par jour. Le parent a droit à un maximum de 310 jours d'allocations journalières sur une période de trois ans. Les parents peuvent également percevoir l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Cependant, ces allocations sont largement insuffisantes et profondément injustes, car souvent inadaptées à la réalité des familles concernées. Elles ne permettent pas de vivre dignement et d'accompagner les enfants dans de bonnes conditions. Tout est un combat, tout est difficile, et les choses se font dans la douleur. Combien de parents sont consternés, révoltés, fatigués de cette situation injuste ?

Cela pose aussi la question d'un accompagnement professionnel qui soit à la hauteur et que les parents puissent mobiliser.

Madame la secrétaire d'État, quelles mesures allez-vous engager pour étendre la durée et le montant des droits de présence parentale auprès de l'enfant ? Cette demande sociale est forte et elle est relayée par des associations et des structures institutionnelles. Les enfants ont droit à leur pleine place dans la société. Pour ce faire, leur accompagnement est une mesure juste et nécessaire. Il est temps de répondre aux cris d'alarme répétés. Nous sommes là face à un enjeu de société et à un défi social auquel il faut répondre d'urgence.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Monsieur le député, vous évoquez le congé de présence parentale, instauré pour éviter que les parents salariés ne soient obligés d'interrompre leur activité ou de démissionner au cours des premières années de la maladie de l'enfant. Il permet, comme vous l'avez rappelé, de bénéficier d'un crédit de 310 jours d'absence par enfant et par maladie, pour une durée de trois ans.

Le Gouvernement attache lui aussi de l'importance à la question des aidants, que ceux-ci interviennent pour des personnes âgées ou handicapées, ou pour des enfants atteints d'une maladie grave, comme vous le proposez également. La proposition de loi que vous évoquez a été adoptée conforme au Sénat le 21 février en dernière lecture : il s'agit donc bien de mesures qui seront appliquées et qui permettront, notamment sur le plan pédiatrique, d'améliorer la situation.

Permettez-moi de rappeler les trois mesures qui augmentent la durée du versement initial, actuellement fixé à six mois, et qui sera désormais comprise entre six mois et un an, sur décision du médecin. Le renouvellement tous les six mois peut être une contrainte, car il oblige les familles à consulter le médecin tous les six mois dans les dans tous les cas. Or, il arrive que le médecin sache dès le diagnostic initial que le traitement s'étendra sur une plus longue durée. Cette mesure de simplification, si elle est définitivement adoptée, permettra d'acter d'emblée ce versement pendant une durée d'un an.

La deuxième mesure étend la possibilité de renouvellement de l'allocation au-delà de la durée de trois ans actuellement prévue dans les cas de récidive ou de rechute, lorsque la maladie se poursuit sans interruption et de façon continue.

La troisième mesure prévoit l'obligation, pour les caisses d'allocations familiales et les caisses de la MSA – Mutualité sociale agricole –, d'informer les demandeurs et les bénéficiaires de leurs droits et des démarches à effectuer, afin de leur permettre de s'orienter vers la prestation la plus adaptée.

Vous voyez donc que la proposition de loi qui vient d'être adoptée le 21 février prend en compte ces trois mesures.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir permis que je remplace Elsa Faucillon, qui a eu un empêchement de dernière heure.

II y a un an, le 14 février 2018, un jeune Pakistanais qui avait obtenu la protection subsidiaire de la France se suicidait en plongeant dans la Seine. Il avait 17 ans. Comme de nombreux mineurs non accompagnés, Malik Nurulain avait été pris en charge par l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, mais, faute de place dans un foyer adapté, il avait été logé seul à l'hôtel, sans encadrement adéquat, malgré une grande détresse psychique.

Le placement en hôtel est malheureusement le cas de nombreux jeunes pris en charge par l'ASE – les mineurs non accompagnés, évidemment, mais aussi des jeunes dits « difficiles ». Le reportage de l'émission Pièces à conviction intitulé « Les sacrifiés de la République » montrait notamment des cas de jeunes victimes de violences, placés à l'hôtel et laissés à eux-mêmes à 15 ans, sans véritable suivi. Ce système a pourtant un coût non négligeable pour l'ASE – entre 60 et 80 euros par nuit – et, surtout, un coût humain : comment se construire, adolescent, seul dans un hôtel ?

La loi de 2016 remettait l'enfant au centre de l'intervention et veillait à sécuriser son parcours, mais comment préparer un projet personnel pour l'enfant en présence de plusieurs référents ? Comment sécuriser son parcours, notamment de soins, lorsque le jeune est seul à l'hôtel ?

En obligeant les jeunes à quitter l'ASE à 18 ans, on les met au pied du mur et on leur demande d'être autonomes avant tout le monde. Laisser des jeunes de 15 ans à l'hôtel par manque de places ou de moyens, c'est un réel abandon de la part de l'État, qui peut mettre des jeunes en danger, comme le prouve le cas dramatique de Malik Nurulain.

Quand construira-t-on des places supplémentaires et interdira-t-on enfin de laisser des enfants seuls à l'hôtel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. En ce qui concerne la sortie sèche de l'ASE, plusieurs mesures sont en cours de contractualisation avec les départements dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il est en effet inadmissible de constater que 25 % des personnes sans domicile fixe – SDF – nées en France et actuellement dans la rue sont passées, à un moment ou à un autre, par l'aide sociale à l'enfance. Comment garantir à ces jeunes de connaître, à 18 ans et un jour, une sortie durable et leur permettre d'avoir un réel avenir professionnel, ainsi que des perspectives de construction familiale et personnelle ?

Dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, quatorze départements expérimentateurs ont déjà signé et d'autres les rejoignent. Vingt départements ont ainsi demandé à signer cette contractualisation pour plusieurs mesures, dont précisément celle-ci, qui permet à l'État d'apporter des engagements financiers supplémentaires – lesquels, je le précise à nouveau, sont bien neutralisés par rapport au pacte de Cahors et à la limite de 1,2 % d'augmentation des coûts de fonctionnement demandée aux départements. C'est un engagement financier de l'État, qui permet de mieux accompagner dès l'âge de 14, 15 ou 16 ans pour éviter les sorties sèches à 18 ans et un jour, mais aussi d'anticiper en fonction du projet professionnel de chaque jeune, en adaptant l'accompagnement selon qu'il aspire à suivre une formation professionnelle ou à devenir étudiant.

Au-delà du souci d'éviter les sorties sèches, il s'agit de permettre à tout jeune de 18, 20 ou 21 ans qui n'est plus accompagné par le département de trouver, s'il en a besoin, un soutien et la bonne personne – lui permettre de se retourner et de trouver la solution à son problème pour éviter de chuter ou de rechuter dans ses difficultés.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe Libertés et territoires.

La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. En novembre 2018, lors de la journée internationale des droits de l'enfance, Agnès Buzyn a annoncé le lancement de la stratégie nationale pour la protection de l'enfance en danger. Fin janvier, le Gouvernement a engagé une concertation avec l'ensemble des acteurs et nommé un secrétaire d'État à la protection de l'enfance, Adrien Taquet, chargé, entre autres, de nous présenter cette stratégie en juillet 2019. Elle s'articule autour de trois axes, dont l'un insiste sur le respect des droits fondamentaux des enfants.

En France, 340 000 mineurs bénéficient de mesures éducatives et 150 000 sont confiés à l'aide sociale à l'enfance pour des cas de violences intrafamiliales ou de négligences. Cependant, malgré les sommes engagées, le système français souffre de lourdes carences. Du fait de l'arrêt brutal de leur prise en charge dès leur majorité, 21 000 jeunes se retrouvent, du jour au lendemain, en situation de rupture, sans logement et totalement démunis, et une personne sans domicile fixe sur quatre est un ancien enfant accueilli.

L'arrivée de jeunes mineurs étrangers soulève aussi des questions préoccupantes en termes de capacités d'accueil et d'accompagnement social dans chaque département. Voilà quelques jours, la CEDH – Cour européenne des droits de l'homme – a condamné la France pour avoir infligé un traitement dégradant à un mineur isolé afghan qui n'avait pas été pris en charge par les autorités – conséquence directe du dernier décret entré en vigueur, issu de la loi asile et immigration.

Or, la protection de l'enfance est une politique décentralisée, placée sous l'égide des départements, qui dépensent plus de 7 milliards d'euros à ce titre, mais des inégalités territoriales apparaissent inévitablement.

Vous avez très récemment annoncé votre plan « zéro sortie sèche », ainsi qu'une allocation de 12 millions d'euros par an aux départements pour accompagner les enfants après leur majorité. C'est une première étape, je l'espère. Sur ces deux questions qui concernent les jeunes majeurs et mineurs étrangers, les départements ne peuvent tout faire à eux seuls. Dans quelle mesure les départements seront-ils consultés et soutenus, notamment financièrement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Madame la députée, vous soulignez la solitude du département. Sachez qu'à partir de maintenant, les départements ne sont plus seuls face à ces questions, et cela pour plusieurs raisons. Ainsi, comme je viens de l'expliquer à M. Chassaigne, l'État apporte, au titre de la contractualisation avec les départements, un soutien financier pour éviter les sorties sèches.

Je rappelle également que les référentiels associés à cette contractualisation ont été élaborés avec l'ADF, l'Assemblée des d��partements de France, qui les a validés, mais aussi et surtout avec des jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance, dont la jeune Fouzi Mathey, afin de trouver, dans la concertation avec ces jeunes, les solutions les plus adaptées à leurs besoins, en lien avec les acteurs que sont les départements.

Pour ce qui concerne les MNA – mineurs non accompagnés – comme la protection de l'enfance en général, la responsabilité est assumée par Nicole Belloubet et Adrien Taquet. L'appui aux conseils départementaux pour la mise à l'abri et l'évaluation des personnes se présentant comme mineures a été renforcé depuis le début de l'année par une compensation plus juste des dépenses engagées, sur le fondement d'un forfait…

M. Charles de Courson. Modeste !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. …de 500 euros par jeune évalué et de 90 euros par jour pour la mise à l'abri pendant quatorze jours. Au total, ce sont 115 millions d'euros qui ont été engagés dès le projet de loi de finances pour 2019.

Cependant, le Gouvernement continue de soutenir les départements en assumant également une partie des dépenses supplémentaires qui leur échoient au titre du droit commun de protection de l'enfance. Une fois les intéressés reconnus mineurs, ils doivent être pris en charge dans ce cadre car, avant d'être des étrangers, ce sont aussi des enfants.

Au total, ce sont plus de 175 millions d'euros que l'État a engagés pour aider nos départements. Il s'agit d'un dispositif exceptionnel, qui a été renforcé pour la deuxième année consécutive.

Enfin, cela permet d'éviter le nomadisme administratif et de « désengorger » le système, dont vous avez signalé la saturation. Un fichier d'évaluation de la minorité a été créé : permettez-moi de réaffirmer que l'établissement de ce fichier, en consacrant une fois pour toutes les minorités, est un moyen de protéger les mineurs en les faisant bénéficier du système de protection de l'enfance.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il y a un an, un grand suspense nous avait tenus en haleine autour du quotient familial : allait-il être supprimé ? À l'époque, un député de la majorité…

M. Gilles Lurton. Il est là ! (Sourires)

M. Charles de Courson. … avait en effet proposé de fusionner le quotient familial et les allocations familiales, qui représentent un total de 24 milliards d'euros, et de créer une nouvelle allocation mensuelle versée à toutes les familles dès le premier enfant. Finalement, le Gouvernement avait rassuré tout le monde : le quotient familial ne bougerait pas, l'universalité de la politique familiale était donc maintenue.

Nous voici, quasiment un an plus tard, à suspecter l'annonce prochaine d'une réforme des allocations familiales. C'est en effet ce que nous comprenons lorsque nous vous écoutons, madame la secrétaire d'État, mais nous n'en sommes pas sûrs.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Non !

M. Charles de Courson. Vous démentirez donc, madame la secrétaire d'État ! Ma première question sera donc la suivante : pouvez-vous nous confirmer ce qui semble se profiler ? Autrement dit, doit-on s'attendre à une réforme des allocations familiales ?

Ma deuxième question concerne la vision du Gouvernement sur le sujet. Vous affirmez vouloir profiter du grand débat pour donner la parole à ceux que l'on n'entend pas, en particulier les familles monoparentales. Ces mêmes familles monoparentales réclament notamment le versement des allocations familiales dès le premier enfant, et non dès le deuxième, comme c'est le cas aujourd'hui pour toutes les familles. Si l'on prend en compte les montants actuellement versés, le coût annuel d'une telle mesure s'élèverait à au moins 3 milliards d'euros. Vous ne semblez pas défavorable à cette mesure. Mais dans quelles conditions ? Uniquement pour les familles monoparentales, au risque de revenir sur le principe d'universalité, ou bien pour toutes les familles ? Et grâce à quel mécanisme financier, puisqu'il n'est pas question de toucher au quotient familial ? Comment une telle mesure pourrait-elle être financée ?

En outre, certains défenseurs de cette proposition suggèrent une dégressivité accentuée des allocations familiales en fonction du nombre d'enfants. Maintenant que le grand débat touche à sa fin, la position du Gouvernement s'est-elle stabilisée sur cette question qui revient régulièrement dans les débats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Les allocations familiales bénéficient à l'ensemble des familles comptant deux enfants ou plus et visent à compenser le coût de l'entretien et de l'éducation de l'enfant. 4,9 millions de personnes en sont actuellement bénéficiaires. La question de l'avenir des allocations familiales, et plus particulièrement de leur caractère universel, revient souvent dans le débat depuis 2015, date à laquelle les barèmes ont été mis en oeuvre. Aujourd'hui, ces prestations sont universelles car elles sont versées à toutes les familles, même si la précédente législature les a fait évoluer en 2015. Nous avons atteint un point d'équilibre avec l'évolution opérée en 2015 ; c'est pourquoi je tiens à vous affirmer que le Gouvernement n'entend pas aller plus loin et ne remettra pas en cause l'universalité des allocations familiales.

Concernant les allocations au premier enfant, j'ai incité les associations et les familles monoparentales à prendre la parole dans le cadre du grand débat, afin qu'elles ne demeurent pas invisibles et s'expriment sur leurs besoins – cela concerne notamment le logement, la prestation familiale et l'allocation dès le premier enfant. Nous étudions ce sujet, qui coûte cher – plusieurs milliards. De plus, nous ne pouvons réserver cette possibilité aux seules familles monoparentales pour des raisons juridiques et d'équité. La prestation familiale repose en effet sur un droit : celui d'élever et de subvenir aux besoins de l'enfant.

Par ailleurs, le sujet qui préoccupe principalement les familles monoparentales est la pension alimentaire. Nous devons aller plus loin que l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, dite ARIPA : adossée depuis 2017 aux caisses d'allocations familiales, cette agence répond à la problématique du non-versement ou de la difficulté dans le versement de la pension alimentaire. De même, l'allocation de soutien familial permet à une personne élevant seule son enfant de recevoir une prestation adaptée à sa situation.

M. Charles de Courson. Alors vous êtes pour ou contre l'allocation au premier enfant ?

M. le président. Nous passons aux questions du groupe La République en marche. La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain.

Mme Marie-Pierre Rixain. Je vous propose de revenir au commencement des inégalités entre les femmes et les hommes, si bien résumé dans cette phrase relevée par un interne en médecine : « Je n'ai pas le carnet de santé : ma femme ne l'a pas préparé. » En effet, comme l'a si bien démontré Françoise Héritier, la répartition sexuelle des tâches, qui n'a pourtant rien de naturel, perdure encore aujourd'hui : selon l'INSEE, les femmes consacrent quatre-vingt-quinze minutes par jour aux enfants en moyenne, contre quarante et une minutes pour les hommes. Ces chiffres ont évidemment pour corollaire les inégalités de revenus, de retraite et de salaires, rappelées par Muriel Pénicaud aujourd'hui.

Toutefois, ces schémas parentaux figés sont le fruit d'une série de raisonnements et de croyances qu'il nous revient, en tant que législateurs, de déconstruire. Parmi les leviers essentiels et favorables à la construction de schémas parentaux égalitaires, et dont les effets se poursuivront tout au long de la vie de l'enfant, figure la question du congé paternité, pendant du congé maternité. Le modèle français en la matière est à la traîne : il est actuellement en France d'une durée de onze jours, en plus des trois jours de congé de naissance légaux, alors que les pères canadiens bénéficient de cinq semaines de congé paternité et peuvent demander jusqu'à trente-deux semaines de congé parental. De même, les Suédois disposent de quatre-vingt-dix jours de congés rémunérés et jusqu'à 480 jours de congés parentaux payés à 80 % de leur salaire, à partager avec la mère de l'enfant. Un rapport d'évaluation mené l'année dernière par l'Inspection générale des affaires sociales, à la demande du Gouvernement, a démontré que la totalité du congé était pris en moyenne par sept pères sur dix en France. La mission d'évaluation de l'IGAS ainsi que le Haut Conseil à la famille ont proposé un allongement de sa durée à quatre semaines.

« Il nous faut croire en l'efficacité des gestes, des actes et des symboles pour parvenir au changement dans le tréfonds des esprits », nous rappelait Françoise Héritier. Je souhaite donc vous interroger, madame la secrétaire d'État, sur l'allongement du congé paternité afin d'atteindre une réelle égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Le congé paternité est un enjeu primordial, tant pour favoriser le développement de l'enfant, en renforçant le lien avec son père, que pour soutenir la mère et ainsi encourager l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, d'instaurer un congé paternité plus long en cas d'hospitalisation immédiate de l'enfant. Cette mesure est particulièrement importante : plusieurs études ont en effet montré l'effet positif sur le développement cognitif des enfants prématurés de l'implication des parents dans les soins de l'enfant.

S'il pourrait être envisagé d'allonger le congé paternité, je souhaite toutefois rappeler que son coût est loin d'être négligeable : plus de 350 millions d'euros pour dix jours supplémentaires. Par ailleurs, cet allongement favoriserait avant tout les catégories socio-professionnelles les mieux insérées sur le marché du travail, dont le taux de recours est supérieur à la moyenne. Nos efforts doivent donc d'abord se concentrer à court terme sur la réduction du non-recours : environ 30 % des pères ne prennent pas leur congé paternité. Ce taux, relativement stable depuis une dizaine d'années, correspond à peu près au taux des autres pays européens.

De plus, le taux de recours diffère grandement selon le statut des bénéficiaires : très élevé parmi les pères ayant un emploi permanent ou fonctionnaires, il est très faible pour les emplois précaires ou les indépendants – pour ces derniers, il ne s'élève qu'à 32 %. Selon les catégories socio-professionnelles, il y a donc une diversité des taux de recours : les cadres, professions intermédiaires et employés ont plus souvent recours au congé paternité que les ouvriers, les professions agricoles, les artisans ou les chefs d'entreprise. Les motifs de non-recours invoqués par les pères sont principalement professionnels, en particulier la charge de travail ou la peur de l'employeur. Des inflexions pourraient donc être envisagées afin d'augmenter le taux de recours au congé paternité, prioritaire dans ces catégories, même si l'incitation et l'information me semblent plus adaptées que la contrainte. Mais avant tout, la question de l'égalité entre les femmes et les hommes est primordiale.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. La politique familiale est un pilier essentiel de notre République, qui s'articule autour de trois leviers : des prestations monétaires, à l'image des allocations familiales ; des dispositifs fiscaux tels que le quotient familial ; des services publics, comme les établissements d'accueil de jeunes enfants.

Tous poursuivent une diversité d'objectifs : la lutte contre la pauvreté des familles ; une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale ; le soutien à la natalité. Or, force est de constater qu'aucun de ces trois grands objectifs n'est pleinement atteint, au premier rang desquels la lutte contre la pauvreté infantile. C'est tout simplement inacceptable, sachant qu'un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté ; c'est un sujet qu'ambitionne de régler la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Dans le cadre du grand débat national, ce sujet de la grande pauvreté des familles revient systématiquement. Qu'il s'agisse de retraités, d'actifs ou de personnes en recherche d'emploi, ils sont nombreux à faire état de leurs difficultés à subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants ou de leurs petits-enfants. Parmi eux, je veux souligner la singularité des familles monoparentales : 40 % d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté et les situations se compliquent encore un peu plus lorsque les enfants atteignent l'âge de six ans.

Une proposition revient de manière constante dans le cadre du grand débat national : l'attribution des allocations familiales dès le premier enfant. C'était l'une des propositions que j'avais faites dans le cadre d'une mission d'information sur la politique familiale. Dans le cadre de ses travaux, la Cour des comptes constate d'ailleurs que « la France se caractérise par un net ressaut de la prévalence de la pauvreté pour les familles avec un seul enfant. » Autrement dit, et presque paradoxalement, une famille ayant un enfant est plus exposée à la pauvreté qu'une famille ayant deux enfants. En partant du principe que l'on resterait à enveloppe constante, le coût de cette mesure pourrait être estimé à 2,5 milliards d'euros. J'aimerais donc, madame la secrétaire d'État, connaître votre avis concernant cette proposition d'allocations familiales dès le premier enfant.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Le sujet que vous soulevez a fait débat dans la sphère publique. Historiquement, les allocations sont accordées à compter du deuxième enfant afin d'encourager la natalité. Mais les familles ayant un seul enfant n'ont pas été abandonnées pour autant, en particulier les familles modestes, puisque d'autres prestations leur sont dédiées : l'allocation de base de la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant, jusqu'aux trois ans de l'enfant ; la prime à la naissance ; l'allocation de rentrée scolaire ; le complément de libre choix du mode de garde ; le congé parental ; l'allocation de soutien familial pour les parents isolés. En somme, les familles monoparentales ne sont pas oubliées et les familles avec un seul enfant encore moins. Je suis donc convaincue qu'il ne faut pas faire des allocations au premier enfant un symbole.

En outre, le coût d'une telle mesure est loin d'être négligeable puisqu'il se chiffre en milliards. Vous proposez de la financer par la réforme du quotient familial : or le quotient familial fait par nature partie intégrante de la norme fiscale et de la contribution à l'impôt. Cela serait potentiellement sensible alors que les aides aux familles les plus aisées ont été revues à la baisse, notamment en 2015 avec la modulation des allocations familiales. Je rappelle également que l'allocation au premier enfant uniquement pour les familles monoparentales pose un problème d'équité et un problème juridique, cette prestation constituant un droit relatif à l'enfant.

La question principale que nous devons nous poser est la suivante : devons-nous flécher prioritairement les crédits publics ? J'entends beaucoup d'interrogations concernant les modes de garde, les parcours de séparation, les pensions alimentaires non versées – j'en ai parlé en évoquant un peu plus tôt l'ARIPA. Il faudrait faire des choix et se demander de quoi les familles ont le plus besoin.

M. le président. La parole est à Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont. Les politiques familiales mises en place dans notre pays s'adressent à toutes les familles. Leur portée prend cependant un sens particulier pour certains dispositifs adaptés aux familles précaires. La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit trois mesures phares en la matière : première mesure, la création d'un tiers payant pour frais de garde – vous avez indiqué tout à l'heure une mise en oeuvre pour le second semestre 2019 –, qui permettra aux familles en difficulté de ne plus avoir à avancer ces montants de frais de garde. Une telle mesure favorisera l'accès à l'emploi des parents et sécurisera les assistantes maternelles ou les structures de crèches.

La deuxième proposition concerne le dispositif « petits déjeuners pour tous » : 15 % des enfants défavorisés ne prennent pas de petit déjeuner le matin. Il s'agit donc d'offrir à chacun la possibilité de bien commencer une journée d'école. La troisième mesure vise à inciter à la tarification sociale dans les cantines des communes de moins de 10 000 habitants.

M. Gilles Lurton. Qui paiera ?

Mme Stella Dupont. D'autre part, la hausse de 30 % du montant du complément de libre choix du mode de garde pour les familles monoparentales est effective depuis octobre 2018. Une famille monoparentale sur trois est en situation de précarité.

Les récents témoignages, notamment de femmes, sur les ronds-points, en particulier sur la commune de Chemillé, ne font qu'illustrer les besoins criants en la matière.

Ces quatre mesures vont dans le bon sens pour favoriser l'égalité des enfants à l'école, mais aussi pour permettre aux parents, et tout particulièrement aux mères, d'accéder plus facilement à l'emploi par le biais d'une facilitation de l'accès aux modes de garde.

En tant que rapporteure spéciale du budget « Solidarité, Insertion, Égalité des chances », je souhaiterais connaître, madame la secrétaire d'État, le calendrier de ces mesures ainsi que le nombre de bénéficiaires supplémentaires relevé, si la mesure est déjà mise en oeuvre, ou estimé, si ce n'est pas encore le cas, et le niveau des dépenses supplémentaires générées ou estimées.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. L'objectif principal de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté est d'éviter que les enfants pauvres deviennent des adultes pauvres. C'est la raison pour laquelle nous mettons en place des actions visant à l'égalité des chances dès le premier pas, pour rompre la reproduction de la pauvreté alors que 3 millions d'enfants vivent dans la pauvreté. L'investissement prévu s'élève à 1,2 milliard d'euros – je parle bien d'investissement social, et non de dépense.

Les mesures que vous avez citées sont en cours de déploiement. Le complément de libre choix du mode de garde a été augmenté de 30 % pour les familles monoparentales en octobre, et sera augmenté dans les mêmes conditions pour les familles ayant un enfant en situation de handicap dès novembre.

Le tiers payant pour la garde en accueil individuel sera un vrai progrès pour les familles, notamment les plus vulnérables, car il leur évitera de faire l'avance de trésorerie des aides versées. Il sera mis en place d'ici la fin du premier semestre 2019. La tarification sociale des cantines dans les écoles primaires des communes de moins de 10 000 habitants, notamment rurales, sera mise en oeuvre à partir de la rentrée scolaire 2019. Les délibérations des communes sont en cours pour une application dès le 1er septembre 2019.

Les petits déjeuners à l'école en REP plus et dans les quartiers relevant de la politique de la ville sont organisés à partir de la rentrée de février dans les territoires pionniers, pour un lancement dans toutes les académies à la rentrée de septembre. Les mesures annoncées sont donc mises en oeuvre, de même que les moyens pour sortir de la pauvreté.

M. le président. La parole est à M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. La politique familiale française est réputée plus généreuse que dans les autres pays. Selon l'OCDE, la France y consacrait en 2015 3,7 % de son PIB, contre 2,8 % en moyenne dans l'Union européenne et 2,4 % dans les pays de l'OCDE. Au sein d'une Europe vieillissante dont la démographie est à bout de souffle, la France fait figure d'exception : malgré un taux en baisse depuis 2015, elle reste championne d'Europe de la fécondité et présente également un excellent taux d'emploi des femmes.

Politique ambitieuse à la vocation universelle au travers des allocations familiales, horizontale par le biais du quotient familial et verticale pour mieux répartir la charge fiscale entre les familles, elle tend à privilégier les plus vulnérables. L'objectif premier est que les enfants de tous les milieux bénéficient des mêmes chances tout au long de leur parcours.

Pourtant, les chiffres révèlent que ce système socio-fiscal aide moins les familles des classes moyennes que celles des classes aisées. La somme de la réduction d'impôt et des prestations financières reçues pour un enfant est plus faible pour les 10 % de foyers aux revenus les plus faibles, stable pour les classes moyennes, mais croît fortement pour les 10 % les plus riches. Finalement, en dépit d'une politique familiale ambitieuse, ce sont toujours les plus aisés qui ont le plus d'opportunités de réussite.

Nos dispositifs en matière de politique familiale ne sont-ils pas discriminatoires ? Gardons à l'esprit que les enfants, dont la réussite future est l'objectif de notre politique familiale, ne doivent pas pâtir d'une situation familiale et sociale plus fragile. Leur situation doit tendre au moins à la moyenne. Il est alors nécessaire de s'interroger sur un taux d'effort équitable des foyers en fonction de leurs revenus, véritable mesure de justice sociale qui permettrait de garantir de manière effective l'équité plutôt que l'égalité des chances pour tous les enfants, qui commence par créer les meilleures conditions d'exercice de la parentalité. Dans cette optique, comment refonder en profondeur et dans leur globalité nos dispositifs de politique familiale pour passer d'un système d'égalité à un système d'équité ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Selon vous, monsieur le député, les familles les plus riches seraient les plus favorisées par les politiques familiales. Au contraire, les prestations familiales apportent un soutien financier important aux ménages modestes et opèrent une redistribution des ménages aisés vers les ménages défavorisés. C'est ce qu'on appelle la redistribution verticale.

Ainsi, les prestations représentent 11 % des revenus des ménages pauvres, 6 % des revenus des ménages modestes, contre 2 % pour l'ensemble des ménages. Les 30 % les plus pauvres perçoivent environ la moitié des prestations familiales. Cela tient d'une part à la surreprésentation des familles nombreuses ou monoparentales parmi les ménages modestes, d'autre part à la modulation du montant de certaines prestations selon le niveau des ressources. Les prestations jouent un rôle important dans la réduction de la pauvreté des enfants.

Par ailleurs, vous l'avez rappelé, la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté vise à renforcer l'équité pour assurer l'égalité des chances dès les premiers pas, pour rompre la reproduction de la pauvreté. Il existe en effet des inégalités auxquelles il faut remédier. Seuls 5 % des enfants défavorisés sont accueillis en crèche, contre 22 % des familles les plus favorisées.

Le financement des places de crèche va favoriser l'accès des plus modestes à ce mode de garde. Nous avons mis en place, dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, un bonus territoire qui fera varier la participation des CAF en fonction du potentiel fiscal des communes, ou de leur classement si elles sont en QPV – quartier prioritaire de la politique de la ville. Un bonus mixité sociale favorisera l'accès aux crèches des enfants les plus modestes. Enfin, 300 crèches à vocation d'insertion professionnelle seront créées d'ici 2020. Je ne vous présente là que le mode de garde collectif, sans parler de toutes les mesures pour les familles qui souhaitent accéder à des modes de garde individuels.

D'autres mesures de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté visent à promouvoir l'égalité des chances, telles que le plan de formation des 600 000 professionnels de la petite enfance, afin de favoriser le développement de l'enfant et l'apprentissage du langage avant l'entrée à l'école maternelle, ou encore la création de 300 centres sociaux dans les territoires prioritaires.

M. le président. La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. La politique familiale en France est historiquement largement construite sur les prestations sociales. L'effort social de la nation envers les familles et les enfants représente environ 4 % du PIB ; il est supérieur à la moyenne des autres pays européens.

Nous avons encore renforcé cet effort national, notamment par des mesures relatives au complément de mode de garde ou au congé maternité des agricultrices et indépendantes. En complément des prestations s'est développée depuis une vingtaine d'années une politique de soutien à la parentalité, selon des logiques sociales, éducatives et préventives. Elle constitue un formidable levier de prévention des risques sociaux. En cela, il ne faut pas seulement penser en termes de détection ou de prise en charge, mais aussi en termes de prévention : prévention des ruptures familiales, des troubles de santé spécifiques à l'enfance et à l'adolescence, des dérives sectaires ou du décrochage scolaire.

La stratégie nationale de soutien à la parentalité 2018-2022, intitulée « dessine-moi un parent », tente d'apporter de premières réponses, mais on sait que des problématiques fortes demeurent, dont les inégalités territoriales dans l'accès au dispositif de soutien aux parents, l'accessibilité et l'information quant aux ressources disponibles pour les parents, la pérennisation du financement des structures mises en place. Il faudrait donc rendre notre politique de soutien des parents plus lisible, plus visible et plus accessible. Il faudrait évaluer les nombreux dispositifs existants, encourager les collectivités à s'en emparer et pérenniser leur financement.

Comment le Gouvernement entend-il répondre aux problématiques restantes pour développer pleinement le soutien à la famille et à la parentalité ? Pouvez-vous nous préciser où en est la mise en place de la stratégie présentée en juillet 2018 ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Les politiques de soutien à la parentalité sont une priorité de la politique familiale. Même dans les familles que l'on pourrait qualifier d'heureuses, les parents n'échappent pas au stress croissant quant à leur capacité à être de bons parents. C'est difficile d'être parent – je sais de quoi je parle, aujourd'hui peut-être plus qu'hier . Plus de deux parents sur cinq jugent difficile d'exercer leur rôle.

Pour accompagner les familles dans l'exercice de leurs responsabilités tout en respectant leur façon d'être et de vivre le fait d'être parents, nous avons lancé en juillet 2018 la première stratégie de soutien à la parentalité, dont vous avez rappelé les lignes principales. Elle fait de l'État le garant de la cohérence et de l'efficacité de l'action des pouvoirs publics et des initiatives privées en la matière. L'un des principaux objectifs est de rendre l'offre de soutien à la parentalité plus visible, plus lisible et plus fiable. Le déploiement opérationnel de cette stratégie se fait en lien avec les acteurs concernés, notamment les collectivités territoriales, la branche famille et les associations.

Le plan d'action du deuxième trimestre 2019 et de premières mesures concrètes sont mis en oeuvre dès maintenant. Les moyens de la branche famille alloués au soutien à la parentalité dans la convention d'objectifs et de gestion 2018-2022 ont augmenté de 33 % sur le quinquennat, ce qui traduit le caractère prioritaire de cette politique, notamment dans le cadre de la prévention des ruptures des adolescents. Ces services sont très attendus par les familles, mais ils constituent aussi un outil de prévention et une politique d'investissement social dans l'enfance et la jeunesse.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Ma question concerne les solutions d'accueil pour les 0-3 ans. En effet, on assiste à un très net recul de l'offre. À la suite de la réforme du gouvernement précédent, le nombre des bénéficiaires du congé parental a diminué de 213 250 entre 2012 et 2017, selon les chiffres du rapport des comptes de la sécurité sociale pour 2018.

Si on analyse les chiffres mode de garde par mode de garde, il manque en 2018 pas moins de 180 000 solutions d'accueil pour les familles.

Cette diminution de l'offre de garde est particulièrement injuste pour les mères. Lorsque les familles ne trouvent pas le mode de garde dont elles ont besoin, ce sont le plus souvent les mères qui renoncent à leur travail. Depuis 2016, l'INSEE signale un repli – moins un point – du taux d'activité des femmes de 25 à 49 ans.

Confrontées au manque de modes de garde, une partie des femmes font le choix de ne pas avoir d'enfant supplémentaire, ce qui entraîne une baisse de la natalité. Une autre partie renonce à son emploi, avec des ruptures conventionnelles ou de l'intérim non renouvelé.

Aussi, je voudrais vous interroger sur l'efficacité de l'offre de garde. La politique du « tout crèche » est particulièrement coûteuse, puisque c'est le mode de garde qui coûte le plus cher aux finances publiques et aux collectivités. Votre politique fait disparaître des modes de garde moins coûteux et qui pourtant maillent bien le territoire. C'est en particulier le cas des assistantes maternelles.

Comment comptez-vous diversifier l'offre de garde pour répondre aux attentes de toutes les familles et faire en sorte que les besoins revendiqués par les femmes soient effectivement reconnus, avec une offre satisfaisante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Monsieur le député, vous parlez des conditions des modes de garde portés par les politiques locales. Permettez-moi de vous donner deux chiffres : de 2013 à 2017, plus de 30 000 places de crèche ont été créées et portées par les collectivités locales. Dans le cadre de la stratégie pour 2018-2022, nous avons plus de 30 000 places de crèche et 300 crèches à vocation d'insertion professionnelle à labelliser pour répondre à la problématique du mode de garde et concilier vie familiale et vie professionnelle.

Nous avons également, dans le cadre de la stratégie, le financement de 1000 équivalents temps plein pour les relais assistantes maternelles de façon à favoriser soit l'accueil collectif, soit l'accueil individuel. Le tiers payant, mis en place à la fin du premier semestre 2019, va permettre aux familles d'avoir ce choix et éviter à celles qui préfèrent l'accueil individuel de faire l'avance de frais concernant le complément de mode de garde.

Ce dernier va être augmenté de 30 % pour les familles monoparentales, et le sera également pour les familles dont les enfants sont en situation de handicap. Par ailleurs, les conditions d'indemnité du congé parental ont été remodelées en 2015, et la durée de ce versement a introduit une rupture à partir des deux ans de l'enfant. Une étude de l'IGAS est en cours ; elle nous permettra de nous poser les bonnes questions sur le congé parental. Permettre à la famille de concilier vie professionnelle et vie familiale est un enjeu important.

M. Patrick Hetzel. Vous ne répondez pas à la question, madame la secrétaire d'État !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Il est en effet dommage que cette séance de questions ne soit pas un vrai débat.

Je tiens à souligner que la politique familiale en France est un levier essentiel de nos politiques publiques. Cette politique soutient le dynamisme de notre économie et contribue également à la pérennité de notre système de retraites par répartition.

La France est ainsi l'un des pays au monde où le taux d'activité des femmes a été le plus élevé sans pour autant pénaliser – du moins jusqu'à présent – la natalité. Pourtant, vous le savez, selon le bilan annuel 2017 de l'INSEE, le solde naturel de la France est le plus faible depuis un demi-siècle. La chute de l'indice de fécondité à 1,88 enfant par femme constitue un point d'alerte pour l'équilibre de notre système de retraites par répartition.

M. Fabrice Brun. Vous vous attaquez à la famille !

Mme Valérie Boyer. Plus grave encore, nous le savons tous, il n'y pas de pire signal qu'une société qui ne se renouvelle pas.

Rappelons-le, aucun spécialiste n'exclut la possibilité que les différentes attaques contre les familles aient concouru à la baisse continue des naissances. La politique menée depuis 2012 a remis en cause les fondements de notre politique familiale. L'abaissement du plafond du quotient familial a pénalisé les familles, tout particulièrement celles qui ont plusieurs enfants et celles qui travaillent.

Surtout, la nature même de la politique familiale a été remise en question par la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Ce sont ainsi les familles qui ont supporté le poids des rares économies réalisées depuis 2012. La politique familiale ne peut plus être la variable d'ajustement de nos politiques sociales.

M. Gilles Lurton. Très bien !

Mme Valérie Boyer. En matière de politique familiale, je dois dire que notre Président Emmanuel Macron se situe dans la lignée de son prédécesseur, au point hélas d'apparaître comme le fils spirituel de François Hollande.

Après la diminution du montant et du nombre de bénéficiaires de la prestation d'accueil du jeune enfant, faut-il craindre d'autres attaques contre les familles ? Si de nombreuses femmes étaient sur les ronds-points avec leur gilet jaune, c'est parce qu'elles travaillent mais ne parviennent pas à s'en sortir. Elles ne veulent plus être obligées de choisir entre le travail et les enfants. Voilà les questions que les femmes françaises se posent aujourd'hui !

Alors que la France a atteint en 2017 un record historique de prélèvements obligatoires, Emmanuel Macron a alourdi le fardeau fiscal des Français : plus 4,5 milliards d'euros de prélèvements obligatoires sur les ménages en 2018 – sans pour autant, d'ailleurs, que la dette baisse ! Comme le gouvernement auquel vous appartenez n'a fait aucune économie, il est obligé de reprendre d'une main ce qu'il a fait semblant de donner de l'autre.

Le grand débat laisse augurer de très inquiétantes perspectives :…

M. Philippe Gosselin. Évidemment !

Mme Valérie Boyer. …taxation de la plus-value résultant de la vente de la résidence principale – mesure qui impacterait de nombreuses familles –, suppression des allocations familiales des foyers les plus aisés…

M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure.

Mme Valérie Boyer. …ce qui briserait le pacte social si fécond de 1945, que vous connaissez.

N'ayant pas le courage de faire de vraies économies, d'expédients en impostures, d'impostures en hausses d'impôts, la gauche incarnée aujourd'hui…

M. le président. Je vous remercie.

Mme Valérie Boyer. …je termine, monsieur le président… incarnée par La République en marche, prise au dépourvu, a toujours ce réflexe quasi-pavlovien : déclarer la guerre aux familles et leur présenter la facture de sa mauvaise gestion de nos comptes publics.

M. le président. Je vous remercie. Je vous demande maintenant de poser votre question.

Mme Valérie Boyer. Allez-vous prendre des mesures précises pour que les femmes françaises n'aient pas à choisir entre travailler et avoir des enfants ? Comment aiderez-vous les familles qui ont le courage d'élever leurs enfants tout en travaillant ?

Aujourd'hui, il n'est plus possible d'avoir une politique familiale…

M. le président. Je vous remercie.

Mme Stella Dupont. Les Françaises sont celles qui travaillent le plus au monde !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. La natalité est en effet en baisse : 2018 est la quatrième année consécutive de baisse du nombre des naissances…

Mme Valérie Boyer. Ce n'est pas un hasard !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. …même si cette baisse ralentit.

Cette baisse globale de la natalité reflète deux réalités. D'une part, la diminution du nombre de femmes en âge de procréer, due au ralentissement des naissances dans la génération précédente – ce sont les chiffres, et c'est une réalité ; d'autre part, elle illustre la baisse de la fécondité des femmes actuellement en âge de procréer. L'indicateur de fécondité diminue depuis quatre ans et s'établit désormais à 1,88 enfant par femme. La France reste néanmoins le pays dont le taux de fécondité est le plus fort en Europe.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution : la mise en couple tardive, dont témoigne par exemple l'âge du mariage, qui n'a cessé de croître depuis plus de vingt ans ; l'âge moyen de la maternité continue de croître régulièrement : il s'élève à 30 ans en 2018 contre 29 ans dix ans plus tôt ; la fécondité des femmes de moins de 35 ans est en baisse continue depuis 2011. Ce n'est pas une question de mode de garde, mais une question d'évolution de la société.

Mme Valérie Boyer. Non, madame, c'est faux !

M. Philippe Gosselin. Il ne s'agit pas d'une évolution récente !

M. le président. S'il vous plaît…

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Du reste, nous y apportons des réponses à travers le complément de libre choix du mode de garde, la création de 30 000 places supplémentaires dans les crèches ou les relais assistantes maternelles, afin que l'ensemble des familles puissent accéder à un mode de garde.

L'aide à la garde d'enfants est un axe central de notre politique familiale. La branche famille de la Sécurité sociale soutient en effet toutes les familles, quels que soient leurs revenus et quel que soit le mode de garde et d'accueil retenu. S'agissant des modes de garde individuels, les familles bénéficient du complément de libre choix du mode de garde jusqu'aux six ans de l'enfant, ainsi que d'un crédit d'impôt.

Mme Valérie Boyer. Ce n'est pas suffisant pour aider les femmes qui travaillent !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. De nombreuses questions ont déjà été posées, et sans doute les miennes les recouperont-elles un peu, mais cela vous permettra de préciser les choses.

Vous avez rencontré le 18 février 2019 à Amiens une centaine de femmes qui élèvent seules leurs enfants. Nous sommes nombreux à bien connaître les difficultés que connaissent ces familles monoparentales pour assurer l'éducation de leurs enfants et, en même temps, subvenir aux besoins de la vie quotidienne ou trouver un emploi tout en disposant des moyens nécessaires pour faire garder leurs enfants.

Oui, madame la secrétaire d'État, ces familles doivent bien sûr être aidées et pouvoir bénéficier des budgets sociaux et des politiques sociales mises en place dans notre pays. Je persiste néanmoins à le dire, et c'est sans aucun doute une profonde différence de conviction entre nous : cet effort en faveur des familles monoparentales ne doit pas se faire au détriment de la politique familiale qui, depuis de nombreuses années, a fait ses preuves en permettant à notre pays de bénéficier d'une forte natalité ; une politique qui assure à la famille la juste compensation de l'arrivée d'un enfant dans un foyer par rapport à une famille qui n'en a pas ; une politique familiale, enfin, qui doit évoluer et s'adapter aux nouveaux modes de vie pour permettre aux parents, par des modes de garde appropriés, de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Oui, cette conviction est profondément ancrée en nous : la famille est une richesse pour notre pays.

Malheureusement, depuis maintenant sept ans, budget après budget, notre politique familiale est attaquée méthodiquement par les gouvernements successifs...

M. Philippe Gosselin. Elle se réduit comme peau de chagrin !

M. Gilles Lurton. …et ne cesse d'être remise en cause.

À Amiens, le 18 février, vous évoquiez vous-même la possibilité pour certaines familles de renoncer à leurs allocations familiales, signant ainsi, de facto, la fin de l'universalité des allocations familiales, déjà bien écornée par le gouvernement socialiste, puis par celui auquel vous appartenez.

Mme Valérie Boyer. C'est une honte !

M. Philippe Gosselin. C'est scandaleux !

M. Gilles Lurton. Les familles de notre pays ont besoin de clarté : elles ne peuvent plus accepter que la politique familiale soit toujours remise en cause.

M. Philippe Gosselin. Ce n'est pas la variable d'ajustement !

M. Gilles Lurton. J'ai donc deux questions à vous poser. Envisagez-vous de mettre fin à l'universalité des allocations familiales ? Avez-vous l'intention de réformer ou de supprimer purement et simplement le quotient familial ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Je vais rappeler quelques réponses que j'ai déjà eu l'occasion de formuler à propos de l'universalité des allocations familiales.

Cette question est débattue depuis 2015 – depuis qu'elle a été rouverte, sous la précédente législature, par la modulation des allocations en fonction des ressources. Ce débat est ouvert, public, et cette question est également discutée dans le cadre du grand débat.

M. Gilles Lurton. Quelle est donc la politique du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Permettez-moi de poursuivre.

Le Gouvernement ne souhaitait pas revenir sur ce sujet extrêmement sensible : l'universalité des prestations familiales est un droit, c'est une volonté politique, c'est une politique…

M. Philippe Gosselin. Bien entamée !

Mme Valérie Boyer. Qui se réduit comme peau de chagrin !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. …et il n'est absolument pas question d'y revenir. Néanmoins, si la question se pose dans le cadre du grand débat, il faudra répondre de notre choix devant les Français : ne pas revenir sur l'universalité de la politique liée à la branche famille.

S'agissant des familles monoparentales, permettez-moi d'ajouter un point essentiel. Il faut les accompagner et les informer quant à leurs droits afin d'éviter les ruptures et les difficultés financières dans lesquelles elles se trouvent lors d'une déclaration ou d'un changement de situation. C'est ce qui est en train d'être expérimenté avec le parcours d'accompagnement mis en place par les caisses d'allocations familiales de cinq territoires ; nous travaillons à son évolution en vue d'une généralisation. Ces familles bénéficieront ainsi d'une réelle information quant à leurs droits – qu'elles soient ou non allocataires –, aux nouveaux droits, aux pensions alimentaires, et d'un accompagnement dans le cadre de la parentalité, sujet important de la politique familiale au-delà de la prestation monétaire.

M. le président. La parole est à M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Je souhaite revenir sur cette question des allocations familiales déjà soulevée par mes collègues.

Sous la majorité précédente, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 a mis à mal le principe d'universalité des allocations familiales issu du programme du Conseil national de la Résistance.

Mme Valérie Boyer. Tout à fait.

M. Fabrice Brun. Cette mesure de 2015 faisait suite au double abaissement du plafond du quotient familial en 2013 et 2014. Les Français payent aujourd'hui les pots cassés de cette politique anti-familiale, qui ne conçoit plus l'enfant comme une richesse : elle n'est pas étrangère à la diminution du nombre de naissances dans notre pays.

Dans le cadre du grand débat, vous avez annoncé vouloir réformer à nouveau les allocations familiales.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Pas du tout !

M. Fabrice Brun. Pouvez-vous nous donner des précisions sur vos intentions ? Envisagez-vous de revenir sur la diminution de l'avantage maximal en impôt résultant de l'application du quotient familial ?

Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. Fabrice Brun. Je profite de cette prise de parole pour vous interroger sur un deuxième problème. J'ai rencontré récemment dans ma circonscription des assistantes maternelles qui travaillent dans des maisons d'assistantes maternelles – MAM. Le code de l'action sociale et des familles limite leur nombre à quatre par MAM. Or, selon une réponse à une question écrite publiée au Journal officiel le 11 octobre 2016, ce nombre peut être porté à cinq pour assurer un remplacement ponctuel…

Mme Valérie Boyer. Oui.

M. Fabrice Brun. …en cas de congé maladie ou maternité, mais cette disposition n'est pas uniformément appliquée dans tous les départements. La PMI de l'Ardèche, par exemple, ne l'applique pas. Je souhaite donc savoir si vous allez mettre à jour le guide des MAM – il serait d'ailleurs temps, cela ayant été annoncé voilà plusieurs mois – et si vous en profiterez pour clarifier également la question de la délégation à la journée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

M. Philippe Gosselin. Il faut une réponse précise !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Je vais à nouveau apporter quelques précisions.

Notre politique familiale vise à être au service de toutes les familles, et en même temps à porter une attention particulière aux plus modestes d'entre elles afin de réduire les inégalités.

Je souhaite également rappeler que notre politique familiale ne se limite pas à une approche monétaire reposant uniquement sur des prestations : il s'agit aussi d'une politique de services, d'accompagnement des familles au quotidien. Nous le voyons bien avec l'évolution des CAF, qui étaient encore il y a quelques années un service de distribution de prestations et qui deviennent un service public qui propose de l'information et un accompagnement de toutes les familles, y compris, plus spécifiquement, des familles monoparentales. Nous devons répondre à ces familles, à l'ensemble des familles !

Je le répète : aucune réforme des politiques familiales n'est en cours. Nous nous interrogeons dans le cadre du grand débat, et la question qui domine est la suivante : faut-il ouvrir droit aux allocations familiales dès le premier enfant pour les familles monoparentales ? Nous disons simplement que cela coûterait plusieurs milliards d'euros et qu'un risque juridique risque de se poser si ces familles en sont les seules bénéficiaires.

M. Philippe Gosselin. Ce n'est plus de la politique familiale, mais de la redistribution !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Par ailleurs, nous ne soulèverons pas la question de la réforme du quotient familial, qui poserait celle de la nature de ce quotient, en lien avec la norme fiscale.

S'agissant des MAM, nous avons demandé à Michèle Peyron un rapport sur la PMI, qui nous sera rendu dans les prochaines semaines. Il prend en compte la question de la protection maternelle et infantile dans sa globalité – y compris, donc, le sujet des MAM. Nous apporterons des réponses à ce propos.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

La parole est à Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Ma question porte sur un dispositif qui est à cheval entre politique familiale et régime de retraite : il s'agit évidemment de la majoration minimale de 10 % du montant des pensions pour enfants accordée à la fois aux mères et aux pères d'au moins trois enfants.

Si cette majoration, créée pour offrir une sorte de compensation financière aux parents – les mères, en général, qui interrompent leur activité professionnelle pour s'occuper de leur famille nombreuse – est louable et même nécessaire, le dispositif est conçu de telle manière qu'il bénéficie davantage aux pères, qui touchent des pensions de retraite en moyenne plus élevées de 39 % par rapport à celles des femmes. Il bénéficie également davantage aux retraités les plus aisés, puisqu'il est proportionnel aux pensions et non forfaitaire. Vous le savez, nous sommes particulièrement attachés à l'universalité des allocations familiales.

De plus, l'attribution de ces 10 % est à la charge de la branche famille de la Sécurité sociale : c'est le cas, par exemple, pour le régime général, qui verse les pensions de base aux salariés du secteur privé. En 2017, pas moins de 30 % des nouvelles retraites attribuées ont été concernées par cette majoration.

Il y a quelque chose d'ubuesque dans cette majoration : soit on considère qu'avoir élevé trois enfants mérite une somme forfaitaire, car la République ne doit pas faire de différence entre mère ou père riche ou mère ou père qui connaissent des difficultés, soit on décide d'accompagner le parent qui a choisi de s'arrêter pour élever ses enfants, soit encore on décide d'aider ceux qui en ont le plus besoin. On ne peut en tout cas se satisfaire d'un système qui est à l'inverse des principes de répartition de notre modèle social.

Cette majoration est aujourd'hui une source d'inégalités, comme en attestent, je dois l'avouer, de nombreux échanges conduits dans le cadre du grand débat. Comment imaginez-vous réformer cette majoration pour qu'elle devienne un outil de reconnaissance et de compensation d'un service rendu à la Nation : celui d'avoir élevé ses enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Madame la députée, vous évoquez une mesure tendant à majorer les retraites pour les personnes ayant élevé trois enfants ou plus. Elle était initialement justifiée par l'impact sur les carrières que pouvait avoir le fait d'élever plusieurs enfants.

Cependant, avec la mise en place du système universel, la future réforme des retraites offre l'opportunité de repenser les objectifs et de réviser ensemble les éléments de solidarité du système, pour l'adapter aux réalités concrètes actuelles. Le Haut-commissaire à la réforme des retraites a soulevé une série d'enjeux avec les partenaires sociaux à propos de l'efficacité des droits familiaux.

Les majorations de pension réservées aux parents de trois enfants ou plus bénéficient plus aux hommes qu'aux femmes, qui sont pourtant les premières affectées dans leur carrière par l'éducation des enfants.

La majoration de la durée d'assurance attribuée au titre de la maternité et de l'éducation ne compense pas toujours les pertes de rémunération que subissent les femmes, en lien avec les enfants. En outre, la coexistence de dispositifs inégaux entre les quarante-deux régimes de retraite, notamment s'agissant de la règle de majoration de pension pour enfant, rend l'harmonisation nécessaire.

Le Haut-commissaire a donc annoncé le principe suivant : des points seront accordés pour chaque enfant, dès le premier enfant, afin de compenser les impacts de l'arrivée ou de l'éducation de l'enfant sur la carrière des parents. Sur cette base, la concertation se poursuit avec les partenaires sociaux dans la perspective du prochain projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Comme vous le savez, notre groupe est des plus attachés à une politique familiale ambitieuse et universelle, car à nos yeux, la politique familiale est un bien public à défendre. Elle est la clé de voûte de la pérennité de notre société, permettant une natalité forte et les externalités positives qui en découlent.

M. Gilles Lurton. Jusqu'ici, nous sommes d'accord !

M. Cyrille Isaac-Sibille. Mais les dernières statistiques sur les naissances en France sont inquiétantes, et la tendance ne semble pas s'améliorer pour les années qui viennent. Je vous ai entendue parler d'un problème sociétal, mais je pense que les causes sont plus profondes.

Depuis 2013, le nombre moyen d'enfants par femme est inférieur à deux, il est exactement de 1,88 en 2016, ce qui ne permet pas le renouvellement des générations.

C'est la troisième année consécutive pour laquelle la France enregistre une baisse de ses naissances. L'exception française, qui faisait notre fierté en comparaison à nos voisins européens, n'est plus. Et je ne pense pas que l'on puisse systématiquement mettre cela sur le compte d'un problème sociétal.

La question de la natalité doit être une priorité au regard des nombreux défis qui nous attendent : vieillissement de la population ou remplacement des départs en retraite. Il s'agit donc de faire de la politique familiale un sujet central pour que la société française de demain reste dynamique.

Quelles sont selon vous les causes de ce déclin, qui ne fait que s'accélérer ? Des éléments de réponse ne seraient-ils pas à chercher du côté de notre politique familiale ?

Parce qu'on ne peut trouver de solutions sans une évaluation préalable, il est nécessaire de lancer une grande évaluation de notre politique familiale, afin de mesurer et d'évaluer son impact sur la natalité, de proposer des solutions à la décroissance démographique constatée depuis plusieurs années et d'envisager les évolutions possibles de notre politique familiale dans un futur proche.

Plus précisément, quels mécanismes incitatifs pourraient être développés afin de maintenir la France au premier rang des nations en termes de taux de natalité, garant d'une société dynamique ?

Lors du dernier PLFSS, la ministre des solidarités et de la santé s'était engagée à lancer des travaux sur le sujet brûlant de la baisse de la natalité. Qu'en est-il à ce jour ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Nous sommes toujours l'exception, monsieur le député, puisque la France reste le pays dont le taux de fécondité est le plus élevé en Europe.

M. Philippe Gosselin. Mais il baisse depuis trois ans !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. C'est important de le rappeler : même s'il baisse, nous sommes encore l'exception.

Plusieurs facteurs expliquent cette évolution, je ne vais pas les rappeler. Ce sont effectivement des questions de société telles que la mise en couple tardive ou l'âge moyen de la maternité, qui est de plus en plus élevé. Il est surtout important de modifier le regard porté par notre société sur le travail et les femmes. C'est l'objet du chantier mené par Muriel Pénicaud et Marlène Schiappa sur l'égalité femmes-hommes ou hommes-femmes face au travail, visant à permettre une appréciation plus juste. Cette égalité doit être inconditionnelle du travail, de la grossesse, de la maternité – ou de la paternité.

L'ampleur des effets potentiels de la politique familiale est difficile à évaluer, en France comme ailleurs. En France, il semble que le soutien public apporté aux familles, notamment les plus modestes, a permis d'atténuer les effets de la crise de 2008, et donc son impact sur la fécondité. Afin d'encourager la natalité, la priorité des politiques familiales sera toujours la même : permettre aux familles de concilier vie familiale et vie professionnelle. Comment aider ces mères à continuer d'aller travailler, et concilier un mode de garde – collectif ou individuel – qui offre une sécurité de l'esprit pendant que les parents vont travailler, et permet également de répondre plus largement à la question des horaires atypiques ou à celle de la mobilité – comment faire garder son enfant lorsque l'on a une heure de trajet ? Ce sont des questions auxquelles la société doit apporter une réponse. Il ne s'agit pas uniquement de fécondité, c'est une question de société, d'ensemble, pour laquelle il faut prendre en compte la cellule familiale dans sa globalité.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Baudu.

M. Stéphane Baudu. Je vais revenir sur un sujet largement évoqué, mais terriblement important. Depuis plus de deux ans, notre groupe demande sans succès à revenir sur les décisions du quinquennat précédent qui ont considérablement fragilisé les familles avec enfants, par un double mécanisme : le relèvement du plafond du quotient familial pour le calcul de l'impôt sur le revenu d'une part ; la modulation du montant des allocations familiales en fonction du revenu d'autre part.

Ce choix a rendu notre politique familiale illisible en l'assimilant à la politique sociale. Or la lisibilité de nos politiques publiques conditionne l'adhésion des Français à un nouveau contrat, à la fois familial et social. Nous devons enfin redonner du sens à notre politique familiale : son sens historique, celui de l'universalité, selon lequel chaque enfant est une égale richesse pour le pays.

Ce sens a été perdu par la modulation des allocations familiales en fonction des ressources des parents. Nous avons éludé les enjeux de fond, comme le dynamisme de notre natalité…

M. Fabrice Brun. Et de notre pays !

M. Stéphane Baudu. …au profit d'une approche plus comptable que politique. La baisse des allocations pour les uns est venue compenser la hausse de prestations sociales pour d'autres, contribuant au sentiment d'un système qui s'appuie encore et toujours sur les classes moyennes. Un système qui étouffe progressivement les moteurs de solidarité.

Le chantier ouvert par le Gouvernement à propos d'un revenu universel d'activité ouvre des perspectives que notre groupe appelle de ses voeux : simplification de l'accès aux aides ; lutte contre le non-recours ou encore prise en compte des revenus de l'année en cours pour le calcul des prestations.

Mais s'agissant de notre politique familiale, cette réforme fait craindre une amplification des mécanismes enclenchés lors du précédent quinquennat : dilution définitive de la politique familiale dans le creuset des prestations sociales ; ou encore concentration accrue de l'effort de financement sur les classes moyennes pour faire face aux difficultés de financement du dispositif.

Comment, et selon quel calendrier, le Gouvernement entend-il dissiper rapidement ces inquiétudes et saisir l'occasion de cette réforme pour nous permettre de réfléchir ensemble, sous l'angle de la politique familiale, au modèle de société que nous voulons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur la question de l'universalité. Nous avons une politique familiale qui fonctionne, nous devons néanmoins la faire évoluer avec la société : familles monoparentales, accompagnement, service public apporté par la Caisse d'allocations familiales et la Mutualité sociale agricole, qui apporte des réponses au monde agricole.

Permettez-moi un aparté sur le revenu universel d'activité, dont le Président de la République a annoncé la création le 13 septembre dernier. Pour l'instant, nous travaillons à partir d'une feuille blanche. À partir de 2019, je lance la concertation pour déterminer en quoi consistera le revenu universel d'activité et quelles seront les prestations prises en compte. Je peux déjà vous rassurer, nous parlons notamment du RSA, des aides au logement, de la prime d'activité, de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation de retour à l'emploi, de l'allocation supplémentaire d'invalidité, mais en aucun cas les allocations familiales ne seront prises en compte, car ce n'est pas du tout sur ces prestations que nous souhaitons travailler. Ce sont bien deux choses distinctes.

Je porterai politiquement et personnellement ce chantier, qui va imposer un intense travail de définition en 2019. Nous partons d'une feuille blanche et nous allons travailler avec vous, parlementaires, et avec l'ensemble des acteurs : départements, CCAS, CAF, associations accompagnant ces publics, mais également avec les bénéficiaires actuels, passés ou potentiels de ces allocations. Ce travail est ouvert, il sera intense, et nous avons nommé il y a quelques semaines Fabrice Lenglart rapporteur général à la réforme du revenu universel d'activité. Il va poser toutes les hypothèses et vous les entendrez toutes. Nous n'allons pas en éluder une en prétendant qu'elle n'est pas concevable ou réalisable. Tant que nous n'aurons pas intégralement étudié chaque hypothèse, nous allons la travailler. Tous les sujets seront posés, ce n'est pas pour autant qu'ils seront tous retenus. Mais les prestations familiales et les allocations familiales ne seront pas prises en compte, je tenais à vous rassurer sur ce point.

M. le président. Nous passons aux questions du groupe Socialistes et apparentés. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Les familles monoparentales représentent une famille française sur cinq et sont davantage touchées par la pauvreté, la précarité et les difficultés à se loger correctement. Elles ont également plus de mal à faire garder leurs enfants, ce qui constitue un frein pour accéder à l'emploi ou pour concilier vie familiale et vie professionnelle.

Ces familles constituent un quart de la population pauvre. Il y a en France 350 000 séparations par an, dont la moitié avec des enfants mineurs. Les séparations entraînent une chute du niveau de vie de 3 % pour les hommes, mais de 22 % pour les femmes, qui occupent en majorité les emplois précaires, CDD et temps partiels subis. Or dans 85 % des cas, le parent isolé est une femme.

N'en déplaise aux réactionnaires, les femmes travaillent, les familles se recomposent, et les familles monoparentales sont, plus que d'autres, exposées à la pauvreté. La politique familiale doit tenir compte de ces évolutions pour mieux répondre aux besoins des parents et des enfants, et ne peut se limiter à la seule aide financière et matérielle. Sans remettre en cause l'universalité des allocations familiales, qui constitue le fondement du consensus républicain, il est nécessaire de considérer les prestations familiales sous un nouvel angle, plus juste et plus efficace.

Aujourd'hui, notre modèle social a créé des inégalités importantes qui doivent être corrigées. Certains dispositifs sont encore mal ciblés ou mal adaptés. Il faut soutenir davantage les familles qui en ont le plus besoin et ainsi ouvrir les allocations familiales dès le premier enfant pour aider les familles monoparentales, je rejoins mon collègue sur ce point.

Madame la secrétaire d'État, êtes-vous prête à prendre de nouvelles mesures pour améliorer le quotidien des familles monoparentales, souvent en situation de survie ? Si oui, quelles sont-elles ?

Et si vous me permettez une digression, alors que nous parlons de politique familiale, je constate que tous les conseillers assis derrière vous sont des femmes, alors que lorsque nous parlions de politique budgétaire, il n'y avait derrière M. Darmanin que des hommes…

Mme Stella Dupont. Très juste !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Vous avez raison de souligner, madame la députée, les difficultés particulières auxquelles sont confrontées les familles monoparentales. Elles ne constituent plus une exception : plus de 23 % des familles sont monoparentales, et dans 85 % des cas, le parent unique est une femme.

Notre système social, notamment pour les prestations familiales, s'est adapté depuis plusieurs décennies à ces évolutions. Les barèmes de la quasi-totalité des prestations sont majorés en cas de monoparentalité et certaines prestations, comme l'allocation de soutien familial, sont spécifiquement ciblées en direction de ce type de familles.

En 2017, la création de l'Agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire, ou ARIPA, adossée aux caisses d'allocations familiales, a permis de renforcer la dimension de nos politiques sociales. Elle peut recouvrer les pensions impayées pour le compte du parent, et verser une allocation de soutien familial en cas d'absence ou de pension inférieure à 115 euros par enfant. C'est une agence qui a besoin de se développer et d'être mieux connue.

Le mouvement des dernières semaines et le grand débat national ont rappelé la détresse de ces familles, et nous poussent à nous interroger sur les difficultés que connaissent les familles monoparentales et à réfléchir aux voies d'amélioration de leur quotidien, notamment la garde d'enfants avec le complément au mode de garde, l'accueil en crèche, l'accueil individuel, le tiers payant ou encore les impayés de pension alimentaire et le travail de l'ARIPA.

Je suis également convaincue que le non-recours des familles monoparentales aux droits et services qui leur sont dédiés est fortement déterminé par une information insuffisante. De nombreux dispositifs existent, tels que l'ARIPA, et nous devons aussi développer l'expérimentation en cours auprès des caisses d'allocations familiales en vue de mieux informer en cas de changement de situation, notamment lorsque les familles se déclarent monoparentales. Comment mieux les accompagner dans leur quotidien, les informer sur leurs nouveaux droits, l'accompagnement à la parentalité, la question de la garde, ou celle du logement. Les CAF proposent un accompagnement global dans des territoires expérimentateurs, et nous devons aller plus loin en étendant cette expérimentation à l'ensemble du territoire français.

M. le président. La parole est à M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Dans sa lettre aux Européens, le Président de la République a rappelé que l'Europe a toujours su définir les normes du progrès. Certes, mais parfois dans la douleur et a minima. C'est le cas pour le congé paternité.

Fin janvier, un accord a été trouvé entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil. Votre gouvernement a entretenu une certaine duplicité d'expression dans l'élaboration de cet accord. Plaidant pour l'égalité entre les femmes et les hommes à Paris, vous avez oeuvré à Bruxelles pour dézinguer le projet de directive européenne relative au congé parental.

Le texte prévoyait initialement un congé parental de quatre mois pour les deux parents, non transférable pour éviter que la mère prenne pour elle, comme c'est souvent le cas, la majorité du congé. Le texte proposait aussi que ce congé soit rémunéré au même niveau que celui du congé maladie dans tous les États membres. Alors qu'en France, l'indemnisation du congé parental approche les 396 euros mensuels, le nouveau montant correspondrait à 50 % du salaire plafonné à 1,8 fois le SMIC, soit un montant moyen de 950 euros mensuels.

Lors d'une réunion préparatoire en juin 2018, quatorze pays, dont la France, ont vidé de sa substance le texte, en abandonnant le projet phare d'indemnisation au niveau du congé maladie et en réduisant de quatre à deux mois la durée du congé, au motif qu'il aurait coûté trop cher.

L'accord récemment trouvé renforce le congé parental de quatre mois en rendant la rémunération de ce congé parental obligatoire à un niveau fixé par les États membres.

Ma première question est simple : quel niveau retiendrez-vous ? Nous savons qu'en France, l'indemnisation trop faible de ce congé explique en partie son échec.

Par ailleurs, lors de la discussion parlementaire autour du projet de loi « Avenir professionnel », en 2018, le groupe Socialistes et apparentés avait déposé plusieurs amendements destinés à rendre obligatoire le congé paternité et à le faire passer de onze à vingt-et-un jours. Rappelons qu'en France, un père sur trois ne prend pas son congé.

En 2017, nous avions adopté, à l'initiative du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un texte qui allongeait le congé paternité. Malheureusement, ce texte s'est perdu au cours de la navette parlementaire.

Ma deuxième question est encore plus simple : quand rendrez-vous obligatoire le congé paternité ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Je viens d'évoquer cette question avec votre collègue : faut-il rendre obligatoire le congé paternité ou réfléchir aux raisons du non-recours ? Dix jours supplémentaires coûteraient 350 millions d'euros. Or, 80 % de ce congé paternité est utilisé par les classes CSP+. Beaucoup d'autres personnes, qui y auraient droit, n'en profitent pas alors qu'elles auraient aussi leur rôle de parent à jouer. Nous devons plutôt informer et accompagner, mais également faire évoluer le regard que pose le monde du travail sur le congé paternité.

Concernant la directive européenne relative au congé paternité, nous souhaitons obtenir un consensus, aussi avons-nous restreint notre ambition pour réinscrire cette disposition dans le cadre d'un projet européen social. À plusieurs, nous pèserons davantage et nous pourrons aller beaucoup plus loin.

Ce travail, loin d'être abandonné, sera poursuivi au niveau européen, en particulier par la ministre en charge des affaires européennes.

Quant aux conditions d'indemnisation du congé parental, remodelées en 2015, la durée du versement est devenue strictement la même pour chacun des parents et ne peut faire l'objet d'un libre partage entre les deux. L'objectif était d'accroître le niveau d'emploi des femmes en les incitant à reprendre leur activité, en favorisant un meilleur partage des responsabilités parentales. Quatre ans après son adoption, le Gouvernement souhaite dresser un bilan. Nous avons demandé un rapport à l'Inspection générale des affaires sociales, dans un contexte où les dernières données disponibles font apparaître une baisse du taux de recours.

Des travaux sont en cours et nous pourrons évaluer les effets de ce congé afin de le faire évoluer en fonction des besoins.

M. le président. Nous terminons par une question des députés non inscrits. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est heureux que nous puissions aborder aujourd'hui la question de la politique familiale car ce thème crucial, qui n'a pas été retenu parmi ceux du grand débat, est le parent pauvre de votre programme.

Le nombre de naissances en France est en baisse, pour la quatrième année consécutive, et le solde naturel n'a jamais été aussi bas depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Vous expliquez cette baisse du taux de fécondité par le recul de l'âge de la maternité. C'est vrai, mais vous faites totalement l'impasse sur les raisons de ce recul.

Alors que les familles françaises constituent le socle de notre société, de notre nation, le premier lieu de sociabilité, votre gouvernement ne semble pas particulièrement s'en préoccuper. Bien au contraire, vous n'avez de cesse de matraquer toujours plus ces familles et de remettre en cause l'autorité parentale – il faut dire que la loi anti-fessée était de première urgence.

Allocations familiales sous conditions de ressources, imposition de la majoration de retraite pour les retraités ayant élevé trois enfants ou plus, modification du congé parental, baisse du plafond du quotient familial, décalage du versement de la prime de naissance... Cette liste, hélas, n'est pas exhaustive et, si vous n'êtes pas toujours à l'initiative de ces initiatives regrettables, vous ne semblez pas disposés à faire marche arrière.

Pourtant, selon une enquête de l'Union nationale des associations familiales, 53 % des ménages français auraient aimé avoir davantage d'enfants, ce qui aurait pu faire monter le taux de fécondité à 2,8 alors qu'il était de 1,87 enfant par femme en 2018.

Ce décalage s'explique notamment par des difficultés financières. Les attentes de ces ménages vis-à-vis de l'État sont claires : qu'on leur facilite l'accès aux équipements collectifs, surtout aux crèches – reconnaissons que pour certaines d'entre elles, en particulier les associatives, la suppression des emplois aidés fut une vraie difficulté – et qu'on leur apporte un soutien financier.

Cet immense chantier requiert une volonté politique forte. Souhaitez-vous soutenir enfin les familles françaises et de quelle manière ?

Par ailleurs, le ministre des relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a annoncé le report du projet de loi bioéthique, dont plusieurs aspects pourraient bouleverser la structure familiale traditionnelle. Qu'en est-il exactement de la modification de cet agenda ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Notre politique familiale est tournée vers toutes les familles, tout en accordant une attention particulière aux plus modestes afin de réduire les inégalités. Je n'évoquerai pas à nouveau les modes d'accueil collectifs, ni les 30 000 places, les 1 000 équivalents temps plein pour les relais assistantes maternelles ou le développement de l'accueil individuel. À tous ces sujets, nous apportons des solutions.

Il est important, en revanche, de mener une réflexion d'ensemble, à l'échelle de la société, en considérant l'égalité entre les hommes et les femmes, le rapport au travail, la vie en société, le modèle que l'on souhaite. Nous devons nous poser ces questions pour apporter les meilleures réponses.

L'accès au travail, le mode de garde, la mobilité, le logement, ont des conséquences sur le taux de natalité.

Rappelons simplement trois principes qui guideront mon action : le premier est celui de l'équité, afin que toutes les professions soient traitées de la même manière, notamment pour ce qui est des congés maternité – je pense aux agriculteurs, aux travailleurs indépendants et aux salariés. Nous avons avancé, mais nous devons aller encore plus loin s'agissant du congé paternité.

Le deuxième est celui de la souplesse, car le système évolue et nous devons tenir compte des nouveaux risques – dépendance, enfants handicapés et malades, prise en compte du congé de proche aidant.

Le dernier est celui de l'égalité entre les femmes et les hommes, notamment pour ce qui est du congé parental. Je vous renvoie au travail mené par Mme Schiappa et Mme Pénicaud pour renforcer l'égalité dans le monde de l'entreprise.

M. le président. Nous avons terminé les questions relatives à la politique familiale.


Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 12 mars 2019