Déclaration de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur l'Union européenne et l’Ukraine, la protection du patrimoine européen, le plastique à usage unique et sur l'état de droit en Europe, à Bruxelles le 21 mai 2019.

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Circonstance : Arrivée au Conseil des affaires générales de l'Union européenne, à Bruxelles (Belgique) le 21 mai 2019

Texte intégral

Q - Parmi les thèmes que vous portez aujourd'hui, vous allez faire un point sur la défense du patrimoine européen ?

R - Exactement. Aujourd'hui nous avons beaucoup de thèmes. D'abord l'action extérieure de l'Union européenne. J'étais hier à Kiev pour l'investiture du nouveau président Ukrainien. Et aujourd'hui nous aurons une discussion sur les moyens, notamment budgétaires, pour soutenir à la fois le développement, mais aussi toute la politique de partenariat extérieur. Dans ce cadre-là, la France porte des éléments très concrets. Nous souhaiterions que 10% du budget alloué à cette politique extérieure soient liés à des enjeux de migrations, que 50% de ce budget soient liés à des enjeux climatiques et de protection du climat.

Nous avons aussi à l'ordre du jour, un échange sur le patrimoine européen, qui est la suite de la réunion que nous avions tenue à Paris. Nous avions réuni les 27 ministres des affaires européennes et de la culture. Il y a là un enjeu à la fois pour la jeunesse européenne, pour que les apprentis puissent circuler sur les chantiers de rénovation du patrimoine en Europe. Il y a un enjeu de partage de l'expertise, et enfin un enjeu de moyens financiers. Donc ce sont des sujets que l'on réintègre finalement dans nos discussions européennes, pour donner un sens très concret.

À l'agenda aussi, un point très important c'est la directive sur le plastique à usage unique. À partir de 2021, un certain nombre de produits seront interdits en Europe. La France porte un regard renforcé sur ce point, car nous avons pris l'engagement d'avoir en 2025 100% de plastique recyclé. Et dernier point de l'agenda, l'Etat de droit. C'est extrêmement important. La France a pris la présidence à Helsinki du Conseil de l'Europe qui travaille activement sur les enjeux d'Etat de droit. Là nous avons bien sûr un rôle important pour faire le lien entre la Commission de Venise et ce qu'il se passe au sein de l'Union européenne.

Q - Il y a des tensions au sein du Conseil de l'Europe, des pays ayant tendance à quitter ou s'abstraire du Conseil. Le rôle de la Russie est problématique ?

R - Effectivement, à Helsinki nous avons eu de nombreuses discussions sur l'unité du Conseil de l'Europe. Ce qui est très important c'est que le Conseil de l'Europe n'est pas une organisation d'abord intergouvernementale. C'est une organisation ayant été créée pour protéger les droits des citoyens. La raison pour laquelle un certain nombre de pays pensent qu'il faut que tous les pays soient représentés, ce n'est pas une question de géopolitique, ce n'est pas une question d'Est ou d'Ouest, c'est de pouvoir assurer à 800 millions d'Européens le droit de saisir, par exemple, la Cour européenne des droits de l'Homme, et même d'être protéger contre les jugements arbitraires, les conditions de détentions, etc.. Donc effectivement, le Conseil de l'Europe est une institution très importante. Elle a 70 ans, c'est la première institution européenne créée après la guerre pour poser ce que sont les valeurs européennes.

Q - Ces valeurs européennes posent aussi problème ici, au sein même de l'Union européenne. Le pays qui assure actuellement la présidence tournante de l'UE est un peu sous les feux de la rampe. Comment est-ce que vous voyez la situation par rapport à cela ?

R - L'Etat de droit, c’est plusieurs choses. D'abord c'est effectivement le respect absolu des principes d'indépendance et du bon fonctionnement de la justice. C'est aussi pour nous l'absolue clarté sur le fait que la corruption n'est pas une méthode de bonne gouvernance et il n'est surtout pas acceptable en particulier quand cela touche des dirigeants politiques. Puis un troisième enjeu sur lequel nous sommes extrêmement clairs, c'est la liberté d'expression et la liberté de la presse. Chacun des pays de l'Union suit bien sûr les évènements, et la Commission européenne et Frans Timmermans en particulier les suivent dans les différents pays. Et donc, il s'avère que dans certains pays il y a des alertes et nous suivons cela très près. Nous pensons que sur les valeurs européennes, il ne faut pas en faire quelque chose de relatif ou de politique. L'Union européenne, comme on vient d'en parler sur le Conseil de l'Europe, s'est construite sur un certain nombre de principes qui sont extrêmement clairs et n'ont pas à être remis en cause. Et donc, nous continuerons à regarder cela en détail.

Effectivement, sur la Roumanie, nous avons des inquiétudes sur notamment les amnisties proposées sur la corruption, le Président roumain a proposé un référendum qui se tiendra dimanche pour clarifier la volonté collective de bien affirmer que la corruption et les régimes judiciaires d'exception n'avaient pas leur place, ni en Roumanie, ni dans l'Union européenne, ni dans l'Europe au sens large.

Q - Est-ce que vous pensez que cela complique le travail de la présidence ou les relations avec la présidence ?

R - Aujourd'hui, la présidence roumaine fait un très bon travail à Bruxelles. Elle a permis des avancées très significatives sur des dossiers complexes, je pense au travail détaché, aux droits d'auteur, tout ce qui a pu se passer sur le fonds européen de défense. Il y a énormément de sujets où elle a fait un très bon travail, d'animation, de coordination, de finalisation. Maintenant, il en reste que nous sommes extrêmement lucides sur le fait qu'il y a des sujets, des enjeux, sur lesquels nos valeurs doivent être absolument respectées.

Q - La crise en Autriche, c'est dangereux pour la stabilité en Europe avant les élections ?

R - Ce qui est dangereux pour l'Europe, c'est quand certains dirigeants, élus ou qui souhaitent être élus, utilisent finalement la désunion en Europe pour faire avancer des intérêts qui ne sont pas les nôtres, qui sont des intérêts étrangers. Donc je pense que pour moi, l'essentiel c'est que nous soyons extrêmement lucides sur le besoin d'union pour faire face notamment à l'ingérence et à l'influence de puissances étrangères. Ensuite, est-ce que la situation en Autriche est une crise pour l'Europe ? Je ne pense pas qu'il faille le présenter comme ça. Il y a un processus démocratique, des élections ont été annoncées, et puis comme dans tous les pays, nous allons suivre le fait qu'un gouvernement stable doit être formé et pouvoir de nouveau travailler. J'aurai aujourd'hui un entretien bilatéral avec mon homologue autrichien pour parler effectivement de la suite du processus, notamment politique et électoral, qui s’annonce en Autriche.

Q - On the MFF, there was a speculation that France is pushing for more than 10% of the external budget to be devoted to migration management. Is that accurate and if so, why ?

R - So, what we said that we need to have clear objectives and priorities. And indeed, what we will say today is that we have a clear objective on migration issue and we said that at least 10% of the external budget should be devoted to actions around migration control. And what we said also, it is the second objective, not in priority but in the list of the items we will put on the table, is that we push for that at least 50% of the budget of external action is devoted to climate transition and environmental issues. So, this is the line we push, we think it is very important we give consistency in the different internal and external policies the EU is developing and implementing. This is why we think, that if we put the question of frontiers, of protection, of better migration control on the table, we need to be consistent also with the external policies tool.

Q - Are you worried that, if you do that, then you would dilute the traditional aid programs?

R - So, what we also make clear, we want the focus on Africa and southern countries to be very clear. We don't want any dilution, but we want all the tools to be consistent, with a number of priorities the Heads of State have put on the table. This was debated in Sibiu, with the Heads of State during the European Council and this is what we will discuss today. Thank you.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 juin 2019