Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le logement, la ville, deux sujets importants Julien DENORMANDIE. Bonjour.
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Info de BFMTV ce matin : il paraît que le président de la République, c'est Camille LANGLADE qui nous a appris cela, dispose d'une appli permettant de suivre les réformes engagées par chaque ministère. C'est vrai ?
JULIEN DENORMANDIE
Il ne me l'a pas dit mais ça ne m'étonnerait pas du tout. Pourquoi je dis ça ? Parce que, vous savez, le président de la République a une obsession, c'est les résultats. C'est de faire en sorte que les ministres ne soient pas là à dire : « On fait des politiques publiques de manière générale », mais que les ministres ne soient concentrés que sur l'impact de ces politiques publiques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc sur son téléphone portable, il peut suivre l'avancée des réformes que chaque ministre doit engager.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Et puis, vous savez, il a fait un acte fort, on en a peu parlé, mais il a changé l'ordre du jour du conseil des ministres il y a quelques mois. C'est passé assez inaperçu mais l'ordre du jour qui était quelque chose qui était gravé dans le marbre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
JULIEN DENORMANDIE
Il l'a changé pour créer une nouvelle partie qui s'appelle la partie résultats. C'est la partie D du conseil des ministres. Donc chaque semaine, le président de la République prend une politique publique, un ministre et lui demande de détailler les résultats de sa politique. Mais les résultats, ça veut dire quoi ? C'est combien de Français ont été impactés positivement par les réformes que nous conduisons. Moi, je crois que c'est de très bonnes politiques que d'avoir un président qui soit orienté sur les résultats, qui soit vraiment le pied sur le ballon comme on dit pour savoir si oui ou non ça marche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous allons voir si vos résultats sont bons ou pas, Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Comme tous les ministres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez des commentaires du président de la République sur vos résultats ?
JULIEN DENORMANDIE
On échange beaucoup. On échange beaucoup sur le sujet évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, alors je vais entrer dans le détail. Auparavant, quelques infos. La taxe d'habitation totalement supprimée quand ?
JULIEN DENORMANDIE
Elle sera supprimée pour 80 % des Français à partir de 2020 puis elle finira d'être totalement supprimée en 2023.
JEAN-JACQUES BOURDIN
2023.
JULIEN DENORMANDIE
C'est-à-dire votée en 2022 et complètement supprimée en 2023.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Complètement supprimée en 2023.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il était bon de le préciser. Les taxes foncières, pourquoi tant d'augmentation cette année, ce qui a surpris de nombreux propriétaires ?
JULIEN DENORMANDIE
Les taxes foncières, vous savez, c'est un impôt local.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais.
JULIEN DENORMANDIE
C'est-à-dire que c'est décidé par les élus locaux et les taxes foncières, moi je veux vraiment être très clair dessus parce que j'ai entendu tout et son contraire. Il n'y a aucun projet du gouvernement d'augmenter de manière générale les taxes foncières. Aucun projet. Les taxes foncières aujourd'hui, comme chaque année, vous avez des modifications qui sont portées par les élus locaux pour financer ici une école, ici un terrain de foot, ici un EHPAD, et donc ce sont des dynamiques locales. Après, on sait que la taxe foncière - on ne va pas se mentir - est un impôt qui est compliqué parce que c'est un impôt qui a été défini au début des années 70 et qu'il y a des inégalités. C'était le cas par exemple pour la taxe d'habitation. C'était un impôt parfaitement inégalitaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais je vous parle de la taxe foncière.
JULIEN DENORMANDIE
Et donc la taxe foncière, vous prenez par exemple un appartement dans le Marais. Quand ça a été défini…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, à Paris.
JULIEN DENORMANDIE
A Paris. Au début des années 70 à Paris, la taxe foncière était très faible. Elle reste très faible. Est-ce que c'est totalement normal ? Et dans d'autres endroits, c'est le contraire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous révisez.
JULIEN DENORMANDIE
Qu'on révise sur la durée mais ça va prendre cinq à dix ans. Les modalités de calcul, pourquoi pas ? Ce seront aux parlementaires de les définir, mais il n'y a aucun projet du gouvernement de l'augmenter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Julien DENORMANDIE, pourquoi la partie de la taxe foncière indexée sur l'inflation a doublé ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais non. Je le répète : aujourd'hui la taxe foncière, c'est un impôt local. Vous avez des dynamiques locales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ce sont les maires les fautifs.
JULIEN DENORMANDIE
Mais moi, je ne veux pas pointer du doigt. Vous savez, quand un maire doit construire ici une école, ici un gymnase ou autre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a besoin d'argent.
JULIEN DENORMANDIE
Il a besoin d'impôts locaux donc ce sont des dynamiques locales. Par contre le cadre, le cadre défini par l'Etat, il n'a pas bougé, il ne bougera pas à court terme. Ça ne veut pas dire que sur le très long terme, il ne faudrait pas revoir certaines modalités de calcul.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le prêt à taux 0 sera supprimé dans certaines zones ? Oui ou non ?
JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui, il perdure dans toutes les zones. C'est un débat. C'est un débat qu'on va avoir au Parlement. Moi j'y suis attaché pour plusieurs raisons. Je pense qu'on peut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On n'y touche pas ?
JULIEN DENORMANDIE
Je pense qu'on peut rendre peut-être plus efficace ce dispositif et qu'est-ce qu'on va faire ? Je vais remettre aux parlementaires au mois d'octobre un rapport qui précise l'efficacité du dispositif. Ensuite on aura la loi de finances.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous défendez le prêt à taux 0, vous souhaitez qu'on n'y touche pas. Qu'il ne soit pas supprimé quelle que soit la zone.
JULIEN DENORMANDIE
En tout cas, moi j'y suis attaché mais ce que je vais faire, c'est des choses dans le bon ordre. Je vais remettre un rapport aux parlementaires au mois d'octobre pour qu'ils puissent définir, sur la base de ce rapport, quels sont les meilleurs dispositifs qu'ils voteront donc au mois de décembre lors de la loi de finances. Je crois que c'est ça de faire de la bonne politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on garde le prêt à taux 0 pour toutes les zones.
JULIEN DENORMANDIE
Encore une fois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'accession sociale à la propriété, le prêt à taux 0.
JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais il faut faire attention à un point. C'est que quand vous faites de l'aménagement du territoire, vous devez prendre en compte les réalités de terrain. Ce n'est évidemment pas la même chose quand vous construisez en zone tendus ou quand vous construisez dans un village qui a des logements vacants par exemple. Ce n'est pas la même chose donc il faut partir des territoires. Donc je vais remettre ce rapport pour avoir la réalité de ce territoire et je vais dire aux parlementaires : « Discutons-en lors de la prochaine loi de finances. » Je crois que c'est très clair.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Loyers bloqués à Paris comme à Berlin.
JULIEN DENORMANDIE
J'y suis favorable. J'ai réintroduit par la loi l'encadrement des loyers. Je l'ai dit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a l'encadrement des loyers, oui. L'encadrement des loyers, c'est les loyers bloqués.
JULIEN DENORMANDIE
C'est ça, et moi j'y suis favorable mais pourquoi ? Pas par dogmatisme, pas par dogmatisme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai qu'Emmanuel MACRON est contre ? Qu'il n'y est pas très favorable.
JULIEN DENORMANDIE
Disons que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah, il y a des divergences sur ce point.
JULIEN DENORMANDIE
La première réflexion est de se dire est-ce que c'est une bonne mesure quand l'Etat intervient aussi fortement sur un marché ? Et puis on a beaucoup travaillé dessus et aujourd'hui, on est face à quoi ? Quand vous prenez une ville comme Paris, que vous êtes femme à la tête d'une famille monoparentale, que vous êtes un étudiant c'est juste impossible de se loger. Est-ce que c'est souhaitable ? Est-ce que c'est normal ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas qu'à Paris maintenant, il y a Bordeaux, à Lyon, de nombreuses villes.
JULIEN DENORMANDIE
Et moi, je pense que c'est un vrai sujet de société. Et donc, je n'accepte pas que des villes se dépeuplent des classes populaires, se dépeuplent de certaines populations. Et donc face à ça, je dis : il faut effectivement, dans une ville comme Paris, introduire cet encadrement des loyers. J'y suis favorable et je l'ai même fait voter dans la loi pour permettre à la mairie de le faire. Pas par dogmatisme mais par la vision d'une société qu'on souhaite. Une ville, ça doit garder tout son caractère populaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La rénovation des logements. Pourquoi ne pas rendre obligatoire la rénovation avant de pouvoir louer un logement ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est une sacrée question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et c'est une bonne question, Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
C'est une bonne question. Intuitivement, vous vous dites : « C'est un scandale de louer une passoire thermique. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment !
JULIEN DENORMANDIE
Donc obligeons tous les propriétaires, ou plutôt interdisons aux propriétaires de les louer. Il y a un problème. Vous savez combien il y a de personnes qui vivent dans des passoires thermiques aujourd'hui dans le marché locatif ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plusieurs millions.
JULIEN DENORMANDIE
Il y en a sept millions. C'est un Français sur deux qui loue un appartement qui vit dans une passoire thermique. Je vous laisse imaginer si demain moi, politiquement, je dis : « On arrête tout, interdiction de louer. » Vous faites quoi de ces sept millions de personnes ? Vous faites quoi de l'ensemble de ces un locataire sur deux ? Et donc moi la décision…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc obligation pour le propriétaire d'effectuer les travaux.
JULIEN DENORMANDIE
Et voilà, c'est ça que j'ai fait. On a dans ce cas-là dit « On ne fait pas une interdiction… »
JEAN-JACQUES BOURDIN
On donne un délai.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On donne un délai au propriétaire.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. C'est ce qu'on a fait par la loi, la loi énergie-climat. On a dit à tous les propriétaires : « Vous devez… Vous allez avoir une obligation d'ici 2023 de faire les travaux de rénovation énergétique. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec des sanctions si les travaux ne sont pas faits ? Interdiction de louer ?
JULIEN DENORMANDIE
Les sanctions, nous allons les définir en fonction de l'avancée au début de l'année 2023.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelles pourraient être les sanctions ?
JULIEN DENORMANDIE
On verra. Ça va dépendre des avancées mais on le fera dans cet ordre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'imagine, le propriétaire tarde à mettre son logement en conformité, il faut bien le sanctionner.
JULIEN DENORMANDIE
On le sanctionnera mais, vous voyez, dans la vie vous avez deux façons d'agir. Soit vous interdisez de manière bête et méchante…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon mais pas tout de suite, pas tout de suite.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Soit vous obligez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous donnez un délai. Ce que vous ferez : vous donnerez un délai.
JULIEN DENORMANDIE
Non seulement c'est-ce qu'on fera mais on l'a déjà fait par la loi votée il y a quatre mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais elle ne prévoit pas de sanctions.
JULIEN DENORMANDIE
Elle prévoit… Elle dit entre 2023 et 2028, tous les propriétaires, vous avez l'obligation de faire les travaux et les sanctions, on les déterminera en 2023.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous les déterminerez, les sanctions.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les sanctions ne sont pas déterminées. C'est ce qu'on vous reproche.
JULIEN DENORMANDIE
Elles ne pas à ce stade déterminées mais la loi précise qu'elles seront déterminées. Et pourquoi on fait ça ? Parce que la première chose à faire entre maintenant et cette obligation, c'est d'inciter les propriétaires à faire les travaux, c'est de les accompagner. C'est trop facile de jeter les propriétaires en pâture en disant « y'a qu'à ». Et donc moi mon boulot, c'est je les accompagne, je les incite les prend les prochaines années, ensuite je les oblige et s'ils n'ont pas fait on prend les sanctions. Je crois que c'est comme ça qu'on emporte les gens, qu'on fait avancer les choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors il y a ces logements passoires et puis il y a les logements indignes. Les marchands de sommeil.
JULIEN DENORMANDIE
Un scandale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un scandale. Je suis locataire, j'imagine que je suis locataire, comment puis-je savoir si je vis dans un logement indigne ?
JULIEN DENORMANDIE
Vous vous en rendez compte tout de suite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
JULIEN DENORMANDIE
Vous avez un trou dans le parquet, vous avez votre matériel électrique, votre compteur électrique qui est sous votre lavabo, vous avez de la moisissure partout, vous avez des fissures. Et puis après, votre propriétaire, vous l'appelez, il ne vous répond jamais sauf à la fin du mois où il débarque et il vous demande de payer en black le loyer. Et ça malheureusement, c'est des milliers de personnes qui sont concernées. Et quand je dis des milliers, c'est des dizaines de milliers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus encore même.
JULIEN DENORMANDIE
Mais le problème de fond, quel est-il ? Il y en avait deux. D'abord les marchands de sommeil, ils vivaient dans un sentiment d'impunité scandaleux. Et donc pour faire face à ça, on a modifié les sanctions et aujourd'hui un marchand de sommeil, je leur ai déclaré la guerre, ils sont concernés et considérés comme des trafiquants de drogue. On applique, rendez-vous compte, les mêmes sanctions pour les trafiquants de drogue maintenant et les marchands de sommeil.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vis dans un logement indigne, je ne connais pas trop bien mon propriétaire, je ne le connais même pas du tout, je fais quoi ?
JULIEN DENORMANDIE
Alors aujourd'hui, vous avez raison, c'était le deuxième problème.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
JULIEN DENORMANDIE
Vous vous sentiez complètement démuni, vous ne saviez pas quoi faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment. Je fais quoi ?
JULIEN DENORMANDIE
Et donc aujourd'hui, et je vous remercie de m'avoir invité, on lance, ça commence aujourd'hui, une plateforme d'accompagnement, un numéro de téléphone : le 0806 706 806. C'est une plateforme d'accompagnement qui fait que, dès que vous vous sentez sous l'emprise de ces malfrats, de ces escrocs, de ces marchands de sommeil, vous appelez ce numéro de téléphone et derrière vous avez quelqu'un qui vous accompagne. Qui vous dit : « Mais vous savez, monsieur, madame, vous avez des droits, vous avez un accompagnement qui est possible. Vous pouvez dénoncer ces personnes, on est là pour vous accompagner. » Parce que l'atrocité de ces marchands de sommeil…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si je dénonce, j'appelle ce numéro.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous appelez ce numéro, c'est une information que vous nous donnez.
JULIEN DENORMANDIE
Vous appelez ce numéro, vous avez des professionnels…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'appelle ce numéro.
JULIEN DENORMANDIE
0806 706 806.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je dénonce, que se passe-t-il ?
JULIEN DENORMANDIE
A ce moment-là, vous avez des professionnels. Le professionnel va vous dire : « Face à ça, on envoie les services de la mairie, on envoie les services de ce qu'on appelle l'ARS, c'est-à-dire les pouvoirs de police vis-à-vis de ces logements. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça va durer des semaines et des semaines. Je suis toujours dans le même logement.
JULIEN DENORMANDIE
Mais pas du tout. Enfin, je veux dire, vous ne pouvez pas me reprocher de ne pas essayer de faire accélérer les choses. C'est précisément parce qu'aujourd'hui, ceux qui sont sous l'emprise se sentent démunis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors interdisons l'acquisition de biens immobiliers à ces marchands de sommeil.
JULIEN DENORMANDIE
Mais oui. Et vous savez, avant que je ne passe une loi qui s'appelle la loi ELAN il y a six mois, le scandale : un marchand de sommeil qui se faisait choper, il avait la possibilité de garder le bien. Il avait souvent la possibilité d'aller racheter d'autres biens sur le marché. Mais dans quel monde vit-on ! Maintenant par la loi, quand quelqu'un se fait attraper parce que c'est un trafiquant, non seulement il a les sanctions des trafiquants de drogue, mais en plus de ça on réquisitionne son bien, et en plus de ça pendant dix ans, il n'aura plus le droit d'acheter un bien immobilier. Vous savez, moi il y a un truc qui m'a beaucoup marqué. J'en ai visité beaucoup de logements de marchands de sommeil. Il y a quelques mois, j'étais avec la garde des Sceaux Nicole BELLOUBET parce qu'il faut faire ça avec la justice. On était à Pierrefitte, on visitait pour accompagner des pauvres locataires sous l'emprise d'un marchand de sommeil. Le marchand de sommeil, il a vu qu'il y avait du bruit, il a débarqué et il nous a vus, il est venu papoter. Un sentiment d'impunité insupportable ! Et donc moi, je dis à ces marchands de sommeil qu'une véritable guerre leur est déclarée, que maintenant ils seront considérés comme des trafiquants de drogue, qu'on va réquisitionner leurs biens et que pour accompagner ceux qui sont à leur merci, qui sont soumis à leurs pressions, qui vivent aux dépends de ces marchands de sommeil, on les accompagne en créant cette plateforme. Derrière ce numéro de téléphone, il y a des professionnels pour leur dire : « Vous avez des droits, on est là pour vous aider. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien DENORMANDIE, insupportable oui, très bien. Insupportable ce que font les marchands de sommeil mais insupportable aussi dans le logement d'urgence ce qu'on voit. Ce matin nous diffusions sur RMC un reportage à l'hôpital Lariboisière à Paris. On voit des mères de famille et leurs bébés qui dorment par terre.
JULIEN DENORMANDIE
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que le 115 est saturé, parce qu'il n'y a plus suffisamment d'hébergement d'urgence.
JULIEN DENORMANDIE
Oui, moi je…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment se fait-il en 2019, dans un pays dit riche, comment est-ce possible Julien DENORMANDIE ?
JULIEN DENORMANDIE
Tous les matins, je me lève avec cette responsabilité-là. C'est moi qui en suis responsable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est pour ça que je vous interroge.
JULIEN DENORMANDIE
De trouver des hébergements et je le fais avec beaucoup d'humilité. La situation, on ne va pas se mentir, elle est difficile. Aujourd'hui malheureusement, beaucoup se sont habitués à voir des femmes et des enfants dormir dehors. C'est insoutenable, c'est insupportable. Et face à ça, qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut gérer l'urgence mais l'urgence avec la situation actuelle qu'on connaît, avec des crises migratoires qu'on a connues par le passé, elle est effectivement compliquée. Face à ça le gouvernement, depuis que j'ai la charge de ce ministère, a ouvert quinze mille – quinze mille – places de plus. Au moment où je vous parle, chaque soir Jean-Jacques BOURDIN, chaque soir c'est cent quarante-cinq mille personnes que j'héberge avec les associations. Chaque soir. Et on ne cesse d'en ouvrir plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Vous en ouvrez, vous en ouvrez, vous en ouvrez et il y a toujours des hommes, des femmes, des enfants qui sont dans la rue et qui n'ont pas d'hébergement d'urgence.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc que faire ?
JULIEN DENORMANDIE
Qu'est-ce qu'il faut faire pour régler durablement cette situation ? Gérer l'urgence, je viens de le dire, et puis surtout passer à une politique qu'on porte avec la Fondation Abbé-Pierre qui s'appelle la politique du logement d'abord. Quand vous mettez une personne malheureuse, dans la détresse, dans un hébergement d'urgence, c'est un abri. Ce n'est pas un logement, ce n'est pas une adresse. C'est impossible de se réinsérer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y a une baisse des dotations de l'Etat ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, elle est en…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ou non ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, elle est en augmentation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas ce que dit Emmaüs par exemple qui dit…
JULIEN DENORMANDIE
Non seulement elle ne baisse pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc Emmaüs ment…
JULIEN DENORMANDIE
Mais je… Moi je travaille très bien avec Emmaüs, je ne suis pas là pour jeter…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors non…
JULIEN DENORMANDIE
Non seulement elle ne baisse pas, elle augmente. Et dans le prochain budget que je présenterai bientôt, elle augmentera à nouveau.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?
JULIEN DENORMANDIE
Environ cent millions d'euros.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De plus ?
JULIEN DENORMANDIE
De plus. Sur un budget de deux milliards d'euros, c'est ça la réalité. Parce que moi, je me bats pour ça mais il faut gérer l'hébergement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire 5 %.
JULIEN DENORMANDIE
Mais attendez, il faut gérer l'hébergement et, de l'autre côté, il faut faire ce qu'on appelle cette politique du logement d'abord. C'est dire aux personnes : « Je vais vous sortir de ces centres d'hébergement et vous donner un vrai logement. » L'année dernière, on a porté cette politique. On a fait sortir de situations de précarité, d'hébergement précaire, soixante-dix mille personnes. Donc je le dis avec beaucoup d'humilité parce que la situation est difficile, mais je peux vous dire que je vous le dis aussi avec énormément de détermination.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-elle difficile ? Parce qu'il y a de plus en plus d'étrangers qui… Je vous pose franchement la question.
JULIEN DENORMANDIE
Mais vous avez deux raisons, je vais vous répondre franchement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'il y a de plus en plus d'étrangers qui viennent en France légalement ou illégalement ?
JULIEN DENORMANDIE
Vous avez d'un côté la pression migratoire, on ne va pas se mentir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, bien évidemment qu'elle existe.
JULIEN DENORMANDIE
Et puis de l'autre côté, la paupérisation qu'on a vue de certaines personnes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Les demandes de droit d'asile sont en très forte augmentation. Il y a donc de plus en plus de déboutés du droit d'asile et ces déboutés errent parfois dans nos villes.
JULIEN DENORMANDIE
Mais c'est pour ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le savez, Julien DENORMANDIE ?
JULIEN DENORMANDIE
J'y suis confronté tous les jours et c'est pour ça que moi je vous dis : aucune naïveté dans tout ça. Vous savez, la grandeur de la République c'est de pouvoir accueillir ceux qui doivent être accueillis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'un des sujets…
JULIEN DENORMANDIE
Ceux qui doivent être accueillis. Mais la fermeté de la République, c'est de dire aussi à ceux qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire national que leur destin, leur avenir il n'est pas sur le territoire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura un débat sur l'immigration à la fin du mois à l'Assemblée nationale.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'imagine que le gouvernement présentera peut-être à l'occasion des mesures nouvelles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous savez, le gouvernement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Concernant ces déboutés du droit d'asile par exemple.
JULIEN DENORMANDIE
L'objectif du débat, c'est de faire en sorte que ce qui a été mis en oeuvre puisse être là aussi évalué et puis de voir qu'elles peuvent être les nouvelles solutions prises. Le gouvernement, il a fait un choix qu'on doit mettre en application très rapidement, encore plus fortement. C'est de faire en sorte que quand un demandeur d'asile arrive, on puisse traiter sa situation, c'est-à-dire lui dire est-ce que oui ou non il peut rester le plus rapidement possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'empêche qu'il y en a de plus en plus et que le nombre de déboutés du droit d'asile est de plus en plus important.
JULIEN DENORMANDIE
Mais c'est pour ça que je vous dis : aucune naïveté là-dessus. Il faut accueillir ceux qui ont vocation à être sur le territoire et puis avoir le courage de dire à ceux qui n'ont pas vocation à être sur le territoire qu'ils doivent repartir et repartir dans les délais les plus courts. Parce que le drame humain, c'est quoi ? C'est que les pauvres personnes qui arrivent et à qui vous dites au bout de deux ans, trois ans, quatre ans : « Non, en fait, vous n'avez rien à faire ici. » Mais leur cadre de vie, ils l'ont reconstitué dans notre pays. Et donc c'est ça la nécessité d'avoir une politique du droit d'asile humaine, sans aucune naïveté et la plus rapide possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'AME sera réformée ?
JULIEN DENORMANDIE
Ça, il faut que vous en parliez avec la ministre de la Santé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, j'en ai parlé déjà mais je vous pose la question quand même.
JULIEN DENORMANDIE
Mais l'AME, il y a des choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a toujours un lien.
JULIEN DENORMANDIE
L'AME… Prendre soin et s'assurer de la santé de celles et ceux que nous accueillons y compris pour la santé du pays tout entier est une nécessité. Maintenant est-ce que le système de l'AME ne crée pas aussi certaines dérives ici ou là ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'en pensez-vous ? Vous posez la question.
JULIEN DENORMANDIE
Moi je pense que dans certains cas, on le voit bien, il y a certains pays qui se disent, à certains de leurs compatriotes, allez en France, on soigne très bien et c'est gratuit en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
JULIEN DENORMANDIE
Ça, ça ne peut pas être acceptable, vous êtes d'accord vous et moi. Et donc de se dire qu'on pose le cadre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc qu'il y aura une réforme de l'AME.
JULIEN DENORMANDIE
On ne doit pas avoir de tourisme médical en franc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura une réforme de l'AME.
JULIEN DENORMANDIE
En tout cas c'est un sujet qui est porté par la ministre de la Santé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous le souhaitez, vous, une réforme de l'AME ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, là aussi sans aucune naïveté, je souhaite que les débats y soient portés, décidés parce que notre grandeur, c'est de bien accueillir, mais il faut à un moment donné avoir aussi raison gardée, on ne peut pas avoir du tourisme médical, évidement vous le comprenez vous et moi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je termine avec Levallois-Perret, est-ce que vous savez que, vous le savez, vous êtes plus au courant que moi que le Premier ministre, le conseil des ministres, peut révoquer le maire.
JULIEN DENORMANDIE
Enfin il faut qu'il y ait des raisons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas de raisons ?
JULIEN DENORMANDIE
Vous savez, vous m'interrogez sur un commentaire de décision de justice, sur un comportement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je ne parle pas du commentaire de la décision, il y a une réalité, il y a un maire qui est en prison…
JULIEN DENORMANDIE
Ça arrive de révoquer des maires pour des fautes de gestion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il y a une première adjointe qui veut le remplacer, qui a été condamnée aussi à trois ans de prison. Est-ce qu'on doit révoquer le maire de Levallois ?
JULIEN DENORMANDIE
Etre élu, c'est quand même l'acte démocratique le plus fort, au-delà du jugement judiciaire, le plus grand jugement qui sera porté aux BALKANY est un jugement électif évidement. Après qu'en est-ce que le conseil des ministres a la possibilité de révoquer un maire, c'est quand il est prouvé, il est indiqué que le maire n'est plus en capacité d'administrer la ville dont il a la charge.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est en capacité d'administrer ?
JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui vous avez un positionnement qui est un positionnement moral quasiment, est-ce décent ou indécent quand une personne est condamnée d'aller ensuite pavoiser sur le parvis de l'hôtel de ville en disant, venez nous soutenir ? C'est une question qui est une question de comportement, qui n'est pas une question de gestion de la ville.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien merci Julien DENORMANDIE d'être venu nous voir ce matin.
JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2019