Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous. Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, vous êtes porte-parole du gouvernement. La semaine dernière, après les révélations sur les dîners de François DE RUGY avec homard sur la table, vous aviez déclaré : noua avons conscience que nos concitoyens ne mangent pas du homard tous les jours, bien souvent c'est plutôt des kebabs. Nadine MORANO, députée européenne des Républicains a déclaré à la suite de cela : outrée mais habituée à entendre des inepties débitées souvent en tenue de cirque, Sénégalaise très bien née, ayant obtenu la nationalité française il y a 3 ans, visiblement avec de grandes lacunes sur la culture française, indigne de cette fonction gouvernementale en France. Qu'est-ce que vous lui répondez Sibeth NDIAYE ?
SIBETH NDIAYE
Je crois qu'il faut essayer d'élever un petit peu le débat et ne pas se rouler dans la fange avec ceux qui s'y complaisent. Moi ce que je vois dans notre pays, c'est qu'il y a aujourd'hui un certain nombre de forces qui conduisent à ce que des lignes de fracture s'exercent au sein de la société française, où il y a de plus en plus de divisions. Moi ce qui a fait mon envie de devenir française, c'est parce que je partage avec ce pays à la fois une communauté de destin, puisque c'est là où j'ai construit ma vie d'adulte, où j'y ai fondé ma famille, mais aussi une communauté de valeurs. Et parmi ces valeurs, il y a l'égalité et il y a la fraternité, j'y tiens particulièrement et je crois que quand on est responsable politique, ces valeurs républicaines on doit les chérir par-dessus tout d'une part ; et en tous temps et en tous lieux on doit essayer de les faire respecter. Et ça implique qu'on ne dit pas du juif qu'il est riche parce qu'il y a un sous-jacent antisémite ; ça implique qu'on ne dise pas de l'arabe qu'il et voleur ou qu'on ne dise pas du noir qu'il est paresseux et porte des tenues de cirque. Et c'est un débat politique que nous devons avoir, et non pas simplement un débat polémique.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça vous a touché personnellement Sibeth NDIAYE ?
SIBETH NDIAYE
Ça fait longtemps que ce genre de propos ne me touche plus, mais je pense surtout à tous ceux qui, n'étant pas ministre et pouvant subir par ailleurs ce type d'attaque dans leur vie quotidienne, eux ont besoin que la parole légitime qui est la parole politique soit une parole qui est exemplaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous, les propos de Nadine MORANO sont clairement racistes ?
SIBETH NDIAYE
Oui, de toute évidence il y a… vous savez le racisme, ça n'est pas simplement de dire « tu es noir et tu es bête », c'est d'avoir des insinuations, c'est d'avoir des propos sous-jacents qui donnent des stéréotypes pour dire ce que je vous disais à l'instant, sur telle ou telle catégorie de la population, de la même manière qu'on pourrait l'avoir sur des gens qui sont homosexuels ou sur tous les types de personnes qui sont susceptibles de subir des discriminations.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez répondu sur tenu de cirque, elle précise également Sénégalaise très bien née, sous-entendant que vous ne pouvez pas forcément parler du kebab.
SIBETH NDIAYE
Alors en fait, je crois que c'est méconnaître ce qu'est la vie des étudiants en France, parce que j'ai fait mes études dans des lycées à Paris est également à l'université à Paris. Et quand on est étudiant, en fait on n'a pas beaucoup de sous quelle que soit la famille dont on vient et, en l'occurrence, c'était pour moi le cas parce que j'ai travaillé pour financer mes études. J'ai aussi été militante pendant mes études et donc oui, comme tous les étudiants, j'ai mangé chez McDo… pardon d'avoir donné le nom d'une marque, j'ai mangé aussi des kebabs comme j'ai mangé des jambon-beurre. Et donc il n'y a de raison de crisper la société française pour savoir ce qu'on mange, y compris parce que la gastronomie française elle est aussi faite d'apports qui viennent d'autres pays ; et la société française dans son ensemble, elle s'est construite parce qu'il y a eu des vagues d'immigration différentes qui ont contribué à nourrir notre pays, qui ont contribué à en faire le pays que l'on connaît aujourd'hui, il y a aussi des racines qui sont des racines judéo-chrétiennes. Et donc il ne convient pas de nier ce qu'est l'histoire de notre pays, il convient au contraire d'en faire une force et une richesse.
APOLLINE DE MALHERBE
Sibeth NDIAYE, quand elle dit que vous avez des lacunes sur la culture française et que vous êtes même indigne du coût de cette fonction, là-dessus aussi qu'est-ce que vous lui répondez ?
SIBETH NDIAYE
Ecoutez ! Là pour le coup, c'est un jugement personnel qu'elle porte sur ma capacité à connaître de notre pays. Je la laisse… je lui laisse la paternité de ses propos, honnêtement je ne vais pas me mettre à me justifier de savoir si j'ai bien lu les fables de La Fontaine et si je connais bien aimé classique chez RIMBAUD ou chez BALZAC.
APOLLINE DE MALHERBE
Sibeth NDIAYE, quand vous avez répondu au homard par le kebab, est-ce que vous-même vous n'êtes pas passée quand même un petit peu d'une caricature à une autre ?
SIBETH NDIAYE
Non, pas du tout, il ne s'agit pas de caricaturer les Français, il s'agit simplement de dire : aujourd'hui qu'est ce qui a choqué dans cette affaire de homard, c'est le fait qu'il s'agit d'un met qui est considéré comme un met de luxe, met de luxe auquel nos compatriotes n'ont pas accès de manière quotidienne. A quoi ont-ils accès de manière quotidienne ? Sans doute à des pâtes et à des coquillettes, sans doute à des sandwichs qui sont dans leur vie de tous les jours quand on n'a pas beaucoup de temps pour manger et pas beaucoup de sous, qui sont des sandwiches tels qu'on peut avoir avec des burgers ou tel qu'on peut avoir avec du kebab. Mais notre société, il faut essayer de l'apaiser, il y a des gens qui aujourd'hui essaient de faire en sorte de fracturer notre pays, de fracturer les individus, de faire en sorte que ceux qui vivent dans une ville soient opposés à ceux qui vivent dans une campagne, que ceux qui sont de couleur soient opposés à ceux qui sont blancs, que ceux qui sont musulmans soient opposés à ceux qui sont catholiques. Moi, la République française que je chérie ça n'est pas celle-là, elle dit : liberté, égalité et fraternité. Et en fait, il ne s'agit pas d'être un bisounours en disant cela, il s'agit de rappeler ce qu'est le creuset de notre République et ce que sont les fondements de notre pays et de notre nation. Et ça, j'y crois très profondément.
APOLLINE DE MALHERBE
Précisément sur des fractures qui ont abouti au drame absolu, je voudrais qu'on parle de Mamoudou BARRY, cet homme a été tué, tabassé vendredi juste avant le match de la finale de la Coupe d'Afrique Sénégal/Algérie. Mamoudou BARRY, chercheur associé à l'université de Rouen, il aurait été agressé par un supporter de l'Algérie juste avant le match, le supporter qui lui aurait dit d'après des témoignages : vous les sales noirs, on va vous niquer ce soir, avant de le frapper à mort. Racisme ?
SIBETH NDIAYE
Eh bien écoutez ! D'abord je veux assurer sa famille de tout le soutien possible, parce que c'est toujours des circonstances qui sont terribles et perdre quelqu'un de cette manière-là est particulièrement atroces. Après, il y a une enquête qui est en cours qui nous dira si c'est une agression effectivement à caractère raciste, si ça l'était et même si ça ne l'était pas, cette agression elle est évidemment éminemment condamnable et elle révèle aussi ces tensions dans notre société, qui ne sont d'ailleurs pas que des tensions entre Français d'origine et Français d'acquisition de la nationalité, qui montrent bien qu'il y a une forme de violence dans notre société et que nous devons faire en sorte de dépasser cette violence, parce qu'elle n'est évidemment pas acceptable. Mais je veux vraiment qu'on soit prudent parce qu'en l'occurrence, on a peut être des témoignages dont on a fait état médiatiquement, mais il y a une enquête du procureur qui est en cours qui ne confirme pas encore le caractère raciste de cette agression.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors vous êtes prudente, la LICRA l'est un peu moins que vous, la Ligue contre le racisme qui déclare ce matin : justice pour Mamoudou, toute la lumière doit être faite sur ce crime dont le caractère raciste semble de plus en plus évident.
SIBETH NDIAYE
Eh bien écoutez ! C'est normal qu'une association de lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination ait un positionnement fort, dès lors qu'il y a un soupçon de caractère raciste dans cette agression. Moi je suis membre du gouvernement et donc tenue de respecter ce qui est le cheminement de notre justice. Il y a une enquête très sérieuse qui a été ouverte évidemment, nous devons attendre d'en avoir les fruits pour pouvoir nous prononcer. Mais quoiqu'il arrive, il n'en demeure pas moins que c'est une agression terrible et condamnable.
APOLLINE DE MALHERBE
Sibeth NDIAYE, cette agression a eu lieu en marge de cette finale de la Coupe d'Afrique. Il y avait eu des violences y compris la semaine précédente au moment de la demi-finale. Le simple fait qu'une partie de la population française, de la jeunesse notamment française née en France veuille revêtir le drapeau algérien, montre à ce moment-là un support très intense à l'Algérie, est-ce que vous avez le sentiment que c'est parce qu'ils se sentent peut-être rejetés par la France, qu'ils se sentent plus proches d'origine familiale algérienne, qu'est-ce que ça révèle pour vous, est-ce que l'on peut supporter l'Algérie, supporter la France, les 2 de manière tout à fait… les 2 l'une après l'autre en fonction des différentes Coupe d'Europe, de France ou d'Afrique ?
SIBETH NDIAYE
D'abord, je veux rappeler qu'on a eu certes des débordements, mais qu'ils ont été extrêmement contenus ; et je veux saluer le travail des forces de l'ordre qui ont été positionnés dans un certain nombre de villes françaises et qui ont fait en sorte que cette soirée, ces soirées se passent relativement bien…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on vient de parler d'un mort quand même !
SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr mais là, c'est un mort qui peut-être d'abord… on n'est pas certain que ça a été en rapport avec la finale de la Coupe d'Afrique des nations d'une part ; et d'autre part ce qu'on a pu constater au moment d'autres événements sportifs, des dégradations sur la voie publique, éventuellement des violences sur la voie publique, on n'a pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Qui ont lieu effectivement à Paris à chaque grand match !
SIBETH NDIAYE
Qui ont lieu à chaque grand événement sportif et, en particulier malheureusement après des matchs de foot, là on n'a pas vu ça dans des proportions très importantes…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que vous voulez dire, c'est qu'il ne faut pas stigmatiser !
SIBETH NDIAYE
Donc ce que je veux dire, c'est qu'il faut savoir raison garder sur la nature des événements, on verra ce qu'il en est pour l'affaire de Mamadou BARRY, ça c'est le premier élément. Le deuxième élément, en réalité le supporter – quelle que soit sa nationalité – peut être amené à avoir des débordements, les hooligans ne sont pas forcément Algériens. La troisième chose, c'est que le fait qu'on focus… qu'on mettre le focus sur cet événement-là, sur le fait que des supporters algériens aient pu manifester leur joie…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on a quand même l'impression que pour l'instant, vous les minimisez !
SIBETH NDIAYE
Non, je ne les minimise pas, ce que je dis simplement c'est qu'il faut remettre les choses à plat. Est-ce qu'on a eu des débordements de la nature de ce qu'on a connu au moment des dimanches de gilets jaunes, où il y avait des villes entières, des centres-villes qui étaient mis à sac ? Ca n'est pas le cas. Donc il faut à chaque fois raison garder et ne pas s'emballer, c'est ce que je voulais remettre d'aplomb. Ensuite ce que je constate, c'est qu'on reproche à des supporters d'avoir fêté l'Algérie, moi je crois que c'est une manifestation de joie qui est assez naturelle, malheureusement le sous-jacent qu'il y a en dessous c'est de dire : finalement, vous n'êtes pas vraiment à votre place en France ; et pour être un bon français vous n'auriez le droit que de supporter l'équipe de France. Moi je ne crois pas du tout, au contraire, on est très riche de la diversité de nos origines, donc on peut avoir des origines qui vont nous pousser à supporter l'équipe d'Algérie, comme moi ce soir-là j'avoue, j'avais une petite tendresse particulière pour l'équipe du Sénégal. Est-ce que pour autant, ça veut dire que je vais trahir mon pays parce qu'à ce moment-là, j'ai une préférence pour le Sénégal ? Mais c'est complètement ridicule. Ce qui fait qu'on a envie de participer à une nation, qu'on se sent appartenir à la France… moi je vais vous dire, le jour où j'ai été naturalisée c'était…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a 3 ans.
SIBETH NDIAYE
Il y a 3 ans, c'était à la sous-préfecture de Seine-Saint-Denis, puisqu'à l'époque j'habitais en Seine-Saint-Denis. Et dans cette pièce-là, j'en parle avec encore aujourd'hui beaucoup d'émotion, dans cette pièce-là il y avait un dissident chinois qui venait d'acquérir la nationalité. La question traditionnelle qu'on vous pose à ce moment-là c'est : est-ce que vous voulez conserver votre première nationalité ? Il a eu une espèce de cri du coeur, il a dit « la Chine moi plus jamais ». Il y avait dans cette même pièce une vieille dame qui avait 91 ans, qui était d'origine algérienne et qui devenait française, ça faisait plus de 60 ans qu'elle vivait en France, elle y avait eu son fils et elle pleurait de joie parce qu'elle devenait française. Et puis il y avait un dernier profil qui m'a aussi beaucoup interpellée, c'était un monsieur qui était ressortissant de la République démocratique du Congo, qui venait là parce qu'il avait fui son pays, qu'il était réfugié en France et à qui on demandé : est-ce que vous voulez conserver votre nationalité congolaise ? Il a dit oui, parce qu'un jour mon pays aussi, mon deuxième pays se relèvera peut-être. Et donc toutes ces histoires mêlées, qu'est-ce qu'elles nous disent de notre pays ? Elles disent que la France est un pays à la fois accueillant et un pays qui est exigeant, exigeant parce que quand on rejoint la nationalité française on se plie à ses règles, on se plie à ce qu'est ce pays mais sans oublier ce que l'on a été, parce que notre diversité elle y apporte une richesse.
APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est le sentiment que vous avez vis-à-vis de tout ce qui s'est passé ces dernières semaines ?
SIBETH NDIAYE
C'est le sentiment de ce que j'ai vis-à-vis de ceux qui ont montré leur joie à travers la Coupe d'Afrique des nations. Mais à un moment donné, il y a aussi des règles et donc il y a des personnes qui ont été interpellées, il y a des personnes qui peut-être se verront poursuivre par la justice française et c'est tout à fait normal, parce que quand on faute on est puni et c'est bien naturel.
APOLLINE DE MALHERBE
Sibeth NDIAYE, est-ce que François DE RUGY a démissionné pour rien ?
SIBETH NDIAYE
Alors ça j'allais vous dire, l'avenir nous le dira, ce que je constate c'est qu'aujourd'hui on va y avoir un certain nombre d'enquêtes, dont les résultats vont être révélés je crois demain, que ce soit au niveau de l'Assemblée nationale…
APOLLINE DE MALHERBE
On en a déjà quand même de grandes lignes qui, jusqu'à présent en tout cas, le dédouanent.
SIBETH NDIAYE
Eh bien écoutez ! Moi tant que je n'ai pas les rapports sous les yeux, je me garderai bien de commenter des fuites dans la presse. Donc je vous renvoie à la parution des résultats de ces enquêtes…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous pourriez au contraire vous réjouir et dire « tant mieux, il n'a pas fauté » !
SIBETH NDIAYE
Eh bien tant mieux si ce qui a fuité est effectif, moi ce que je dis c'est qu'il faut simplement attendre que ces enquêtes soient officiellement rendues publiques. Et à partir de là, on pourra dire ce qu'il en est parce que moi je ne veux pas me fonder sur des rumeurs de presse.
APOLLINE DE MALHERBE
Si les comptes-rendus de ces enquêtes qui seront données demain confirment ce qu'on a déjà par voie de presse, c'est-à-dire que les dîners étaient professionnels, que les travaux menés dans le ministère étaient proportionnés, alors est-ce que dans ces cas-là François DE RUGY pourrait revenir au gouvernement ?
SIBETH NDIAYE
Il y a d'autres sujets évidemment sur lesquels François DE RUGY a été interpellé, donc il aura aussi à apporter, comme il l'a fait jusqu'à maintenant, toute la transparence. Ce que je constate là maintenant, c'est surtout qu'il a de la liberté pour pouvoir se défendre, donc il est en quelque sorte plus libre de ses mouvements dès lors qu'il n'est plus au gouvernement. Après, il ne m'appartient pas de décider qui est membre du gouvernement, ça c'est le travail du président de la République et du Premier ministre.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on ne vous sent pas… on ne vous sent pas quand même dans le regret de ce qui a pu se passer ou de l'emballement ou du fait qu'il ait été contraint à partir.
SIBETH NDIAYE
Dès le départ, moi j'ai été vraiment blessée pour lui, parce que je crois que c'est quelqu'un de très droit, dont on ne peut pas imaginer qu'il puisse avoir sciemment, volontairement transgressé la règle. Et on n'avait aucune indication et j'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire publiquement, on avait aucune indication du fait qu'il ait fait le choix de transgresser des règles. Et donc moi, je souhaitais qu'il puisse se défendre, c'est ce qu'il fait depuis quelques jours maintenant, donc il faut laisser la transparence se faire. Quand on est un responsable public…
APOLLINE DE MALHERBE
Il faut le renforcer ?
SIBETH NDIAYE
Il faut sans doute peut-être affiner des règles. Quand on devient ministre, c'est la première chose que j'ai trouvée dans mon bureau de ministre quand je suis arrivée dans mon ministère, c'est une circulaire qui a été écrite par les services du Premier ministre en mai 2017 et qui définit en fait les règles que vous devez suivre quand vous êtes ministre. Peut-être qu'il y a des éléments sur lesquels il faut éclaircir les choses, ça c'est au Premier ministre…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous estimez qu'il faudrait éclaircir… ça vous paraissait flou quand vous l'avez lu ?
SIBETH NDIAYE
Non, pas du tout, ça ne me paraissait pas du tout flou. On vous dit à chaque fois : dès que ça concerne votre vie privée, ça ne peut pas être pris en charge par les deniers publics. C'est complètement normal, c'est une évidence. Après dans la définition de la vie privée, par exemple vous êtes un ministre et vous êtes amené pour X ou Y raison – et malheureusement ou heureusement assez souvent, je ne sais pas – à manger tard le soir à votre ministère, est-ce que dans ce cas-là on considère que c'est à votre employeur de pourvoir à votre dîner ou est-ce que c'est vous qui devez le payer vous-même ? C'est un dîner professionnel, vous êtes dans votre bureau, parfois vous êtes avec des collaborateurs, parfois vous êtes avec des tierces personnes, vous le faites dans le cadre professionnel…
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous, vous faites au quotidien ?
SIBETH NDIAYE
Moi en général… en fait dans mon ministère qui dépend des services de Matignon, il n'y a pas de remboursement automatique qui soit fait, donc…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous estimez que quand vous devez dîner à votre bureau à 23 h 00, ça devrait être plutôt du ressort…
SIBETH NDIAYE
Alors je vais faire une petite confidence, moi ce que je fais très souvent c'est que j'essaie de ne pas dîner au ministère parce que j'ai des enfants en bas âge. Et donc je retourne chez moi et je travaille de chez moi. Donc la situation ne s'applique pas forcément à moi.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc forcément du coup, si ça sort de votre frigidaire c'est vous qui l'avez rempli. Mais vous estimez quand même que le Premier ministre doit renforcer ou en tout cas clarifier ce qui n'était pas suffisamment clair !
SIBETH NDIAYE
Il y a peut-être des éléments, c'est à l'appréciation du Premier ministre compte tenu de la situation aujourd'hui ; et puis à l'appréciation aussi peut-être de l'ensemble du gouvernement que de dire : écoutez là ! Il y a des zones d'ombre ou de flou, il vaut mieux être parfaitement certain que les choses sont le plus clair possible, parce qu'il est normal que nous ayons cette transparence vis-à-vis des Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Et une ligne de conduite.
SIBETH NDIAYE
Exactement.
APOLLINE DE MALHERBE
Un mot sur la PMA, le projet de loi sur la bioéthique va être déposé, va être présenté cette semaine en Conseil des ministres, avec cette mesure phare sur l'extension de la PMA à toutes les femmes. Est-ce que ça veut dire que vous y aller quoi qu'il arrive, vous estimez que le débat va être suffisamment apaisé en France ?
SIBETH NDIAYE
On a eu un travail important depuis plusieurs mois, même depuis le début du quinquennat pour avoir un débat dans la société française. Parce que nous ne souhaitions pas aller à la confrontation systématique, parce qu'on a eu l'expérience dans le quinquennat précédent de ce que ça pouvait représenter de frottements, de fractures dans la société française. Et donc on a fait le choix d'avoir beaucoup de dialogues, beaucoup de concertations. On a un projet de loi qui aujourd'hui sur la bioéthique est mûr, qui sera présenté cette semaine en Conseil des ministres…
APOLLINE DE MALHERBE
Le projet est mûr, la société aussi ?
SIBETH NDIAYE
Je crois que la société française est mûre parce que le sujet principal sur lequel on entend beaucoup parler, c'est celui de la PMA, je crois qu'il y a une évolution dans la société française, que les gens ont vu que le mariage pour tous n'avait pas conduit à un effondrement général de nos valeurs familiales ; et que somme toute, on a aujourd'hui des familles qui sont là encore très diverses et qu'il convient de l'accepter et qu'il convient de faire en sorte que toutes ces familles s'épanouissent.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Sibeth NDIAYE d'avoir été avec nous ce matin sur RMC et BFMTV.
SIBETH NDIAYE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 juillet 2019