Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin c'est Jacqueline GOURAULT, bonjour.
JACQUELINE GOURAULT
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, vous êtes avec nous pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale représentée ce matin par Julien LECUYER, bonjour.
JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane. Bonjour Madame la ministre.
ORIANE MANCINI
Journaliste à La Voix du Nord, qu'on est ravi d'accueillir dans cette émission, puisque c'est votre première Julien, bienvenue. Madame la ministre avant de parler de vos dossiers, évidemment, du statut de l'élu, des collectivités territoriales, un mot sur ce qui se passe à Rouen, puisqu'un incendie s'est déclaré cette nuit à l'usine Lubrizol de Rouen, c'est un site classé Seveso, 150 pompiers sont sur place. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire ce matin ?
JACQUELINE GOURAULT
Je n'ai pas d'information particulière, mais j'imagine, bien sûr, que la préfecture et tous les services de sécurité, en particulier la Sécurité Civile, ont tout fait pour évidemment prévenir et prévoir toute évolution de ce dossier. Le classement Seveso existe dans beaucoup d'endroits, et l'urbanisme, parfois, s'est développé de manière à ce que les usines étaient loin, ou assez loin, des centres-villes, mais l'extension de l'urbanisme fait que parfois les usines sont au milieu de la population, on se rappelle, malheureusement, ce qui s'était passé à Toulouse.
ORIANE MANCINI
On va passer à l'autre actualité du jour, c'est Emmanuel MACRON qui lance la consultation citoyenne sur la réforme des retraites, ce sera cet après-midi à Rodez. Emmanuel MACRON, c'est lui qui lance cette consultation, où est passé Edouard PHILIPPE ?
JACQUELINE GOURAULT
D'abord, la concertation ce n'est pas qu'avec la population, c'est avec la population, et c'est une chose importante que de consulter la population, mais comme vous le savez il y a la consultation avec les syndicats qui a déjà commencé, qui a été lancée la semaine dernière, et c'est Edouard PHILIPPE qui l'a lancée, et puis il y aura aussi une consultation avec ceux qui sont sur des systèmes de retraite particuliers, puisqu'on sait qu'il y a 42 systèmes de retraites spéciaux qui existent en France. Donc, il y aura trois types, je dirais, de discussions, et de négociations, avec les syndicats, avec les représentants des systèmes particuliers, ou spéciaux comme on dit, et bien sûr avec la population. Le président de la République lance le débat, mais, comme vous savez, il a participé, rappelez-vous, au Grand débat après les événements des Gilets jaunes, c'est un président de la République qui va sur le terrain, voilà.
JULIEN LECUYER
Est-ce que ce n'est pas le nouveau style aussi, MACRON, l'Acte 2 du quinquennat basé sur la concertation à tout-va, ce n'est pas un style simplement ?
JACQUELINE GOURAULT
Ecoutez, en tout cas c'est vrai que la concertation est quelque chose qui est un des signes, ou des paramètres, de l'Acte 2 de ce quinquennat. Le président de la République insiste beaucoup pour que la concertation ait lieu, au maximum…
JULIEN LECUYER
La concertation.
JACQUELINE GOURAULT
La concertation, pardon.
ORIANE MANCINI
Beau lapsus !
JACQUELINE GOURAULT
J'ai dit ?
ORIANE MANCINI
La contestation vous avez dit.
JACQUELINE GOURAULT
Non, j'ai dit la concertation, j'ai peut-être un peu mal prononcé, mais j'ai dit concertation.
ORIANE MANCINI
Vous parliez du Grand débat, est-ce que le président de la République a demandé à ses ministres de s'impliquer dans cette consultation, est-ce que vous-même vous allez faire des débats en région ?
JACQUELINE GOURAULT
Là où on pourra le faire, bien sûr, tous les ministres, parce que, je dirais tous les ministres sont concernés, comme tous les Français sont concernés par la réforme des retraites. Donc, effectivement, les ministres sont appelés à participer à ces grands débats. Alors, on ne peut pas aller toujours à tous les débats puisqu'on a d'autres… moi aujourd'hui par exemple, puisque c'est le lancement du Grand débat, j'ai le CFL, qui est quelque chose de très important, le Comité des Finances Locales, qui est un moment important de relations entre l'Etat et les collectivités territoriales.
ORIANE MANCINI
Mais vous y irez dans les prochaines semaines.
JACQUELINE GOURAULT
J'irai bien sûr participer à un grand débat.
ORIANE MANCINI
Et juste cette consultation, pour finir là-dessus, après on va changer de sujet, est-ce que c'est un moyen aussi de gagner du temps, de reculer ? Gérard LARCHER dit qu'il ne croit pas à un vote à l'été 2020.
JACQUELINE GOURAULT
Ecoutez, Gérard LARCHER croit ce qu'il croit, ce qui est important, effectivement, c'est de tester sur le terrain, et avec les Français, un certain nombre de choses, par exemple, comme vous le savez, la retraite par points a besoin d'être expliquée, pourquoi fait-on une retraite, c'est aussi – une réforme, pardon – c'est aussi très important…
ORIANE MANCINI
Quitte à reculer d'autant le débat parlementaire ?
JACQUELINE GOURAULT
Ce n'est pas qu'il va reculer, la démocratie participative n'est pas contraire à la démocratie représentative.
ORIANE MANCINI
A le repousser en tout cas, dans le temps.
JACQUELINE GOURAULT
Oui, mais c'est important de négocier, et comme votre confrère l'a dit tout à l'heure, la concertation c'est très important.
JULIEN LECUYER
Cela dit, parmi les retraites, il y avait une question qui se posait par rapport à celle des petits maires, qui se posent vraiment des questions sur la façon dont ils vont recevoir les fruits aussi de leur travail, en tant que maire, à la fin de leur carrière. Est-ce qu'il y aura un effort de fait par le gouvernement sur ce point ?
JACQUELINE GOURAULT
Est-ce que je peux me permettre de vous reprendre ?
JULIEN LECUYER
Allez-y, je vous en prie.
JACQUELINE GOURAULT
Les maires n'aiment pas du tout qu'on parle des petits maires…
ORIANE MANCINI
Les maires des petites communes…
JACQUELINE GOURAULT
Petites communes.
JULIEN LECUYER
Petites communes, vous avez raison.
JACQUELINE GOURAULT
Il y a déjà un système de retraite pour les élus, il y a une caisse, qui s'appelle l'IRCANTEC, et c'est souvent une caisse qui est complémentaire, je dirais, d'une autre activité, puisque la particularité, en France, des élus, c'est que ce sont… ils reçoivent des indemnités, et pas un salaire, parce que ce n'est pas considéré comme un métier, mais comme une fonction. Vous savez que la tradition française, issue de la Révolution française, c'est que, au fond, dans l'idée, la fonction de maire est bénévole, on donne des indemnités pour, au fond, défrayer les frais qui engendrent l'exercice de la fonction de maire, et c'est un débat en soi, d'ailleurs, que la rémunération des maires.
JULIEN LECUYER
Alors, excusez-moi d'insister, mais est-ce qu'il y aura un effort de fait, en tout cas une réflexion faite sur la retraite ?
JACQUELINE GOURAULT
Ah ben ça fait partie de l'ensemble de la réflexion du système des retraites.
JULIEN LECUYER
On n'en n'a pas entendu parler de la part…
JACQUELINE GOURAULT
Oui, parce que, souvent, les maires ont une activité professionnelle avec, en parallèle, une caisse de retraite professionnelle.
JULIEN LECUYER
On parle des retraites, mais on parle aussi d'augmenter les indemnités des élus, ça fait partie en effet de la réforme du statut, cela dit les maires des petites communes s'interrogent de savoir comment ils vont faire pour augmenter les émoluments de leur… avec un budget contraint, est-ce que vous allez les aider ?
JACQUELINE GOURAULT
Alors, oui pour les plus petites communes, en particulier celles qui sont à moins de 3500 habitants, Sébastien LECORNU l'a d'ailleurs dit hier, ici au Sénat, dans la consultation qui a été faite avec la commission qui était réunie hier avec les rapporteurs et le président de la commission des lois.
ORIANE MANCINI
Sur le projet de loi sur le statut d'élu.
JACQUELINE GOURAULT
Alors, il faut vous dire que le système va sûrement être encore amélioré, les sénateurs vont faire des propositions. Alors, il s'agit des trois premières strates de population, de 0 à 3500. Et il y a toujours aussi les effets de seuil, quand vous avez 150 habitants, ou 250 habitants, et que ça change de seuil, et que, il y a une différence notable entre les seuils, ce qui est donné dans la loi c'est la capacité de dépasser le seuil, on laisse les seuils, mais on peut dépasser les seuils. C'est une volonté du conseil municipal, c'est le conseil municipal qui décidera.
ORIANE MANCINI
Mais sur l'indemnisation c'est la question des moyens, comment on fait pour augmenter cette indemnisation ?
JACQUELINE GOURAULT
Ah mais, la tradition, là aussi républicaine, et les libertés locales, c'est que ce sont les conseils municipaux qui décident combien ils rémunèrent leur maire et leurs adjoints, mais…
ORIANE MANCINI
Donc sur le budget de leur commune.
JACQUELINE GOURAULT
Sur le budget de leur commune, c'est ça qui est très important.
JULIEN LECUYER
Oui, mais est-ce que ce n'est pas un voeu pieux dès lors que les budgets des communes sont assez contraints, et ils le reconnaissent eux-mêmes ?
JACQUELINE GOURAULT
Oui, ils sont contraints oui, mais il y a des petites communes qui ont des moyens, il y a des petites communes qui n'en n'ont pas.
ORIANE MANCINI
Et surtout, est-ce que ce n'est pas impopulaire, dans le contexte actuel, d'être un maire et d'augmenter son indemnisation ?
JACQUELINE GOURAULT
Alors, c'est toujours un sujet extrêmement délicat, que de parler d'indemnités, et en même temps les gens disent qu'ils sont très attachés à leur maire, à leur commune, à la proximité. Moi, quand j'étais sénatrice, j'ai fait passer une loi, qui j'espère sera maintenue, c'est-à-dire que dans les communes, les plus petites communes, eh bien qu'il y ait automaticité de l'indemnité des maires, parce que même aujourd'hui, avec le barème qui existe aujourd'hui, parfois un maire avait du mal à se faire voter les indemnités, parce que, auparavant il y avait un maire qui ne prenait pas d'indemnités, parce que il avait les moyens de ne pas prendre d'indemnités. Et c'était aussi, je dirais, une difficulté pour le renouvellement des élus, et en particulier des jeunes, qui parfois sont obligés de quitter une partie de leur temps de travail professionnel pour s'occuper de leur mairie et qui ne trouvaient pas en compensation des indemnités qui leur permettaient d'assurer leur fonction.
ORIANE MANCINI
Alors, ce texte sur le statut de l'élu il se veut une réponse au malaise actuel des maires, dont on parle évidemment beaucoup, est-ce que se sera la seule réponse du gouvernement ?
JACQUELINE GOURAULT
Ah non, bien sûr que non, il y a toute une mesure d'accompagnement puisque, comme vous le savez, c'est le sujet qui a été soulevé depuis de nombreuses années… alors, je tiens à préciser qu'il y a eu déjà beaucoup de lois qui ont permis d'améliorer, au fond, l'accompagnement des maires dans l'exercice de leur fonction, mais là, dans cette loi que Sébastien LECORNU porte, il y a des décisions qui permettent de mieux accompagner encore, sur la formation, sur la couverture, notamment de protection juridique, et c'est quelque chose de très important.
JULIEN LECUYER
Un effort sera fait pour engager les femmes ? 17 % seulement de maires, c'est vraiment faible.
JACQUELINE GOURAULT
Oui, c'est faible. Alors, vous savez que nous n'avons pas un système de liste dans toutes les strates de communes, c'est une question qui d'ailleurs a été évoquée hier, puisque, évidemment, quand on a un scrutin de liste ça favorise la parité, c'est une discussion parfois, et notamment chez les ruraux, ils demandent à ce que le scrutin de liste soit, comment dire, pour toutes les communes, pour toutes les strates de communes, tout le monde n'est pas d'accord, il y en a qui sont pour, il y en a qui sont opposés, mais c'est une vraie question que d'engagement de la parité. Le gouvernement a fait aussi toute une, comment dire, une campagne, qui a été lancée pour inciter les femmes à se présenter, parce que parfois les femmes, aussi, n'osent pas, c'est culturel, se présenter, en pensant qu'elles ne sont pas capables d'assumer ces fonctions, mais c'est vrai que la parité est aussi beaucoup liée au scrutin proportionnel.
ORIANE MANCINI
Sur cette question du malaise des maires, du découragement de certains élus, vous qui êtes quasiment quotidiennement à la rencontre de maires, est-ce que vous redoutez qu'il y ait un grand nombre de communes sans candidat aux municipales de mars prochain ?
JACQUELINE GOURAULT
Il y a toujours eu à chaque…
ORIANE MANCINI
Il y en a eu, mais pas beaucoup, je crois que c'était 56 en 2014, est-ce que là vous redoutez qu'il y en ait plus ?
JACQUELINE GOURAULT
Enfin, moi j'ai tendance à penser que non, on verra si j'ai raison ou si j'ai tort. Le sujet… cette crainte est à chaque fois, à chaque fois qu'il y a des élections municipales, elle est exprimée, et d'une manière générale on s'aperçoit, la dernière fois il y a eu 40 % de renouvellement de maires. On verra. Il y a des tas de raisons pour lesquelles les maires ne se représentent pas, il y a même des sondages qui sont sortis il y a quelques jours et on voit que, le premier point c'est pour des raisons personnelles, des raisons professionnelles, des raisons de santé, des raisons de durée…
ORIANE MANCINI
Mais il y a aussi des raisons administratives, l'intercommunalité, où ils ont l'impression qu'ils n'ont plus de pouvoir.
JACQUELINE GOURAULT
Oui, mais ce n'est pas ce qui arrive en tête, ce n'est pas ce qui arrive en tête contrairement à ce qui peut être véhiculé. Alors, ceci dit, l'insécurité est, je dirais une évolution de la société, dans laquelle on agresse de plus en plus les édiles, pas seulement, mais aussi les gendarmes, les pompiers, tout ce qui représente l'autorité, n'est pas très encourageant pour ceux qui pensent ou qui songent à se présenter. Mais je pense tout de même que le sens civique est très développé chez nos concitoyens et qu'on trouvera encore des candidats pour les élections municipales, en tout cas il y a des endroits où, on le voit, il y a déjà des concurrences…
ORIANE MANCINI
Il y en a beaucoup.
JACQUELINE GOURAULT
Qui se présentent.
JULIEN LECUYER
Une autre inquiétude, quand même, agite les communes, agite les communes, c'est la suppression de la taxe d'habitation, et surtout la compensation à l'euro près, qui a été promise par le gouvernement, des simulations ont été promises par le Premier ministre, où en sommes-nous ?
JACQUELINE GOURAULT
Eh bien, dès la semaine prochaine chaque commune, chaque maire, pourra s'adresser au directeur départemental des services financiers et obtenir le détail de la situation de leur commune, et je précise, bien évidemment, que c'est à l'euro près que, il y aura le dégrèvement dans un premier temps, parce qu'il y a deux phases au fond, il y a la phase de dégrèvement et ensuite il y aura la phase de compensation, quand on va entrer dans la réforme qui va être présentée pour le budget, dont la discussion commence prochainement, et que je vais expliquer au CFL aujourd'hui avec mon collègue Olivier DUSSOPT.
ORIANE MANCINI
Mais c'est à l'euro près pour toutes les communes ?
JACQUELINE GOURAULT
Pour toutes les communes.
ORIANE MANCINI
Sur du long terme ?
JACQUELINE GOURAULT
Bien sûr, le dégrèvement est évidemment quelque chose d'assuré, et ensuite la compensation.
JULIEN LECUYER
Il y aura une clause de revoyure dans 3 ans…
JACQUELINE GOURAULT
Oui, il y aura une clause de revoyure parce que, comme tout système, quand on met un nouveau système en place, il faut vérifier que tout marche bien, c'est tout à fait normal qu'on ait une clause de revoyure. Je signale, en plus que, là on vote dans le budget qui vient pour 2020, mais qu'en fait c'est mis en place seulement à partir de 2021, donc on aura encore le budget 2021 au cas où il y aurait des ajustements à faire.
ORIANE MANCINI
Cette compensation elle ne satisfait pas forcément les départements puisqu'ils disent qu'ils y perdent, vous ne toucherez pas à ce que vous avez prévu ?
JACQUELINE GOURAULT
Bien évidemment il fallait trouver une nouvelle ressource pour les communes, donc effectivement on descend, si je puis dire, un impôt qui est le foncier bâti, on le descend sur le bloc communal. Alors, je tiens à préciser, tout de même, qu'au regard de la lisibilité de l'impôt, c'est une bonne chose, parce que un même impôt qui est prélevé par deux niveaux de collectivités territoriales, ce n'est pas très lisible pour le citoyen, et quand une des collectivités décide d'augmenter son taux, ce n'est pas toujours effectivement clair, si le département décide d'augmenter son taux, le citoyen reçoit sa feuille d'impôt, avec le détail bien sûr, mais ce n'était pas aussi clair que cela, aujourd'hui le foncier bâti sera seulement prélevé par le bloc communal. Et, naturellement, les départements vont avoir une compensation, c'est-à-dire de la TVA, comme aujourd'hui les régions en reçoivent également.
ORIANE MANCINI
Alors justement, puisque vous parlez des régions, elles tiendront leur congrès lundi et mardi prochain, Edouard PHILIPPE sera présent ?
JACQUELINE GOURAULT
Oui, il sera présent.
ORIANE MANCINI
Il sera là au Congrès des régions donc à Bordeaux, et il sera également là au Congrès des départements ?
JACQUELINE GOURAULT
Ce n'est pas encore décidé, mais je pense que oui.
ORIANE MANCINI
Mais en tout cas il sera là au Congrès des régions. On va continuer à parler des régions puisqu'il y a un sévère rapport de la Cour des comptes sur la réforme territoriale, et notamment cette fusion des régions qui devait permettre des économies, or la Cour des comptes dit non seulement il n'y a pas eu d'économies, mais en plus ça a coûté 200 millions. Est-ce que c'est une réforme qui était mal pensée ?
JACQUELINE GOURAULT
Oui, c'est une réforme qui a été mal pensée. C'est une réforme qui, en fait n'a pas été, n'a pas abouti, parce que je rappelle qu'en plus il y avait dans l'air, à l'époque, une idée de supprimer les départements, et elle a été vraiment mal pensée parce que, en faisant des grandes régions, comme l'ancien gouvernement l'a fait, ça n'a fait que renforcer les départements, puisqu'il y a des régions qui ont de telles dimensions que les départements sont absolument nécessaires pour les politiques de proximité, et donc c'est des régions qui ont été, pour moi, comment dire, faites à la va-vite et qui sont beaucoup trop grandes.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous allez revenir dessus ou maintenant vous ne pouvez plus revenir sur ces grandes régions ?
JACQUELINE GOURAULT
C'est très difficile et, vous savez, les élus ont demandé, je me souviens très bien, au début du quinquennat, le grand mot d'ordre des élus c'était : « Arrêtez de nous faire des réformes. » Je rappelle qu'entre 2010 et 2017 il y a eu beaucoup de réformes, il y a eu la réforme des collectivités territoriales déjà en 2010, ensuite il y a eu la loi MAPTAM, la loi NOTRe, la loi de découpage des régions, et j'en passe sur d'autres plus petites lois qui ont modifié aussi certains fonctionnements des collectivités territoriales, donc c'était « Arrêtez de faire des réformes », et, au fond, nous avons dit « oui, nous ne ferons pas de grande réforme territoriale. »
JULIEN LECUYER
On va parler décentralisation, autre vaste sujet qui vous occupe. Le gouvernement a imaginé cette décentralisation à l'aune de l'expérience aussi de la Collectivité européenne d'Alsace, mais il y a une question qui s'impose, comment on va concilier différenciation et unité de la République ?
JACQUELINE GOURAULT
Pour répondre à votre question je me dis, « aujourd'hui est-ce qu'on peut dire que la République est unitaire, au sens est-ce qu'elle est égalitaire ? C'est ça qu'il y a derrière, je suppose, votre question, et quand on regarde aujourd'hui la situation on voit bien qu'il y a des territoires qui sont en déprise, qui sont en grande difficulté, et je crois que répondre aux situations différentes ce n'est pas contraire à l'esprit d'unité et d'égalité de la République, au contraire, c'est permettre de rattraper, au fond certains territoires pour les tirer vers le haut. Et je crois que la différenciation est non seulement une réponse à la diversité des territoires, on pense à diversité historique, géographique, etc., mais c'est aussi une réponse à la diversité de situation économique et sociale de nos territoires.
JULIEN LECUYER
Alors, on comprend l'urgence, mais quand est-ce que cette loi sera présentée, est-ce qu'il faut s'y attendre après les municipales ?
JACQUELINE GOURAULT
Elle sera présentée après les municipales, mais si on parle de différenciation, vous savez que c'est dans la réforme…
ORIANE MANCINI
C'est dans la réforme constitutionnelle.
JACQUELINE GOURAULT
Constitutionnelle.
ORIANE MANCINI
Qui pour le moment est bloquée. Est-ce que, du coup, vous allez faire la différenciation sans la réforme constitutionnelle ou pas ?
JACQUELINE GOURAULT
Alors, déjà, comme vous avez parlé d'Alsace, on peut faire de la différenciation à droit constitutionnel constant, et une étude qui va bientôt sortir – je ne veux pas la détailler puisqu'elle n'est pas encore sortie du Conseil d'Etat - montre que l'on peut, à droit constitutionnel constant, élargir les possibilités de différenciation, en légiférant bien sûr, mais en légiférant par une loi organique, mais pas par…
ORIANE MANCINI
Donc vous allez le faire ?
JACQUELINE GOURAULT
Voilà, et je pense que nous pourrions, dans cette loi, aussi imaginer cela.
JULIEN LECUYER
Donc plus de réforme constitutionnelle ?
JACQUELINE GOURAULT
Ah ce n'est pas ce que je dis…
ORIANE MANCINI
Mais en tout cas vous n'attendez pas la réforme constitutionnelle.
JACQUELINE GOURAULT
L'idéal c'est que la réforme constitutionnelle passe, parce que le champ le plus ouvert nous sera donné par la réforme constitutionnelle, et je le dis ici, au Sénat, nous espérons que la réforme constitutionnelle sera votée.
ORIANE MANCINI
Vous espérez, mais vous pensez qu'elle le sera ou pas ? Qu'il y aura un accord avec le Sénat ?
JACQUELINE GOURAULT
Eh bien on verra… oui, puisque tout dépend de l'attitude du Sénat.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que le Sénat fait vraiment blocage, parce que Gérard LARCHER dit qu'il est d'accord sur beaucoup de points ?
JACQUELINE GOURAULT
Oui, alors tout le monde est d'accord, mais à chaque fois il y a quand même des points qui bloquent, voilà.
ORIANE MANCINI
Puisque vous parlez du Sénat. Le Sénat examine actuellement la loi anti-gaspillage, il y a un point qui fait débat, et notamment qui bloque chez les élus, chez les sénateurs, mais chez les élus, c'est la mise en place de la consigne. Est-ce que vous comprenez la position des élus qui sont opposés à ce point ?
JACQUELINE GOURAULT
Alors d'abord, la première chose que je voudrais dire c'est que je soutiens tout à fait cette politique de lutte contre les plastiques qui envahissent notre vie et qui envahissent aussi nos océans, nos rivières, etc., donc je pense que c'est quelque chose de très important que de s'attaquer à cette pollution massive qui détruit notre écosystème. La deuxième chose, ce qu'il faut, bien sûr, dans ce système de collecte et de consigne, il faut que les syndicats d'ordures ménagères, il faut que tous les organismes qui s'occupent, s'y retrouvent, car, bien évidemment, c'est quelque chose qui doit à la fois être monté avec ceux qui produisent, les plastiques, les emballages, etc., et puis avec ceux qui consomment et qui collectent.
ORIANE MANCINI
…Ça veut dire, vous dites à Brune POIRSON il faut des compensations pour ces maires qui risquent de perdre avec la mise en place de la consigne ?
JACQUELINE GOURAULT
Il y a une étude qui a été faite et qui montre que les syndicats peuvent tout à fait trouver leur équilibre dans cette gestion. Moi j'attends qu'on m'explique le détail de ce traitement de la consigne, mais il est évident…
ORIANE MANCINI
Vous attendez de la part de votre collègue.
JACQUELINE GOURAULT
Non, j'attends d'une manière générale, et je discute avec les élus locaux, et c'est ma fonction, pour essayer de faire en sorte, mais Brune m'a déjà expliqué qu'elle avait discuté avec les associations d'élus, pour que la consigne soit neutre pour les finances des syndicats.
ORIANE MANCINI
Donc pas de conséquence pour les communes.
JACQUELINE GOURAULT
Absolument.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er octobre 2019