Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, à France Info le 14 mars 2019, sur Aéroports de Paris, le Brexit, l'indexation des retraites, la fiscalité et les élections européennes.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Notre invité ce matin est le ministre de l'Action et des Comptes publics, Renaud DELY est à mes côtés également.

RENAUD DELY
Bonjour Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

RENAUD DELY
Alors, la loi Pacte qui est actuellement en discussion à l'Assemblée, elle doit permettre à l'Etat de mener à bien plusieurs privatisations, et en particulier celle d'une entreprise florissante qui est AEROPORTS DE PARIS, une décision qui soulève des oppositions à droite, comme à gauche. On écoute Valérie RABAULT qui est la présidente du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

VALERIE RABAULT
Dans tous les pays de l'Union européenne, hormis le Royaume-Uni, c'est vrai, le capital des aéroports est détenu à majorité, à majorité, par la puissance publique, vous dépossédez les Français de leur patrimoine. Soyez gaullistes, ne privatisez pas AEROPORTS DE PARIS.

RENAUD DELY
Pourquoi privatiser une entreprise aussi florissante, est-ce que les caisses de l'Etat sont tellement vides que vous avez besoin de le faire ?

GERALD DARMANIN
Est-ce que c'est stratégique, pour l'Etat français, pour les contribuables que nous sommes, de gérer AEROPORTS DE PARIS, sachant que les recettes florissantes, que vous évoquez, d'AEROPORTS DE PARIS, à 70 % sont des recettes commerciales des boutiques que l'on voit lorsqu'on est à Roissy ou à Orly ? Non, ce n'est pas stratégique. Ce qui est stratégique c'est qu'on puisse réguler AEROPORTS DE Paris. D'ailleurs, contrairement à ce que dit Madame RABAULT, on n'est pas du tout en train de donner le patrimoine des Français, puisque nous récupérons AEROPORTS DE PARIS, c'est une concession, ce n'est pas une privatisation…

MARC FAUVELLE
De combien d'années ?

GERALD DARMANIN
70 ans, ce qui vaut bien la peine parce que…

RENAUD DELY
Donc vous vous engagez à ce que l'Etat récupère AEROPORTS DE PARIS dans 70 ans ?

GERALD DARMANIN
C'est comme les autoroutes, dès 2032 une partie des autoroutes françaises vont revenir dans l'escarcelle de l'Etat, soit l'Etat continuera à faire des autoroutes elles-mêmes, soit l'Etat dira on arrêtera les autoroutes parce qu'il y aura une innovation technologique, on ne prendra plus la route ou les autoroutes, soit l'Etat refera une concession, on aura cette discussion. C'est pareil pour AEROPORTS DE PARIS, on retrouvera, les Français retrouveront, nos enfants et nos petits-enfants, AEROPORTS DE PARIS, plus modernisé. Mais la compétition internationale aujourd'hui ce n'est pas un petit débat franco-français, AEROPORTS DE PARIS ça doit être l'équivalent de grands hubs internationaux, alors elle dit « sauf le Royaume-Uni » Madame RABAULT, mais allez voir ce qui se passe à Londres, allez voir ce qui se passe à Shanghai, allez voir ce qui se passe à Los Angeles ou à New-York, c'est ça la compétition d'AEROPORTS DE PARIS, ce n'est pas avec des villes secondaires du Sud de l'Europe.

RENAUD DELY
Vous évoquiez le précédent des autoroutes, on a précisément en mémoire ce précédent-là, cette affaire de privatisation des autoroutes, qui a été jugée d'ailleurs comme étant une mauvaise affaire par Emmanuel MACRON lorsqu'il était à Bercy, lui-même avait considéré que ça avait été mal fait, et les tarifs se sont envolés, sur les autoroutes, les clients ont été pénalisés. Est-ce que vous ne renouvelez pas la même erreur avec AEROPORTS DE PARIS ?

GERALD DARMANIN
Non, le parallélisme c'était pour effectivement évoquer le fait qu'à la fin nous allons récupérer AEROPORTS DE PARIS, nous resterons évidemment instance de régulation, l'Etat va s'intéresser à AEROPORTS DE PARIS, il y a un cahier des charges extrêmement précis, ce n'est pas la privatisation sauvage, que je lis ici ou là, c'est tellement vrai que Madame PECRESSE ce matin a évoqué qu'elle était favorable à la privatisation d'AEROPORTS DE PARIS, avec des conditions, c'est évidemment ce qu'a proposé Bruno LE MAIRE. Juste, sur un point, qu'est-ce qui est stratégique pour l'Etat, est-ce que c'est donc de gérer les boutiques commerciales d'AEROPORTS DE PARIS, Roissy ou Orly, où est-ce que c'est de créer la possibilité, c'est pour ça qu'on récupère l'argent, de faire un fonds d'innovation qui nous permettra de faire le GOOGLE français de demain, l'intelligence artificielle française de demain ? Est-ce qu'on doit encore subir HUAWEI, est-ce qu'on doit encore subir GOOGLE et FACEBOOK ? Tout le monde nous dit il n'y a plus de géants français, comme il y a eu des géants aéronautiques comme AIRBUS, il n'y a plus de géants français du numérique. Ce que propose Bruno LE MAIRE, et c'est d'une grande intelligence, c'est de récupérer cet argent, de ces privatisations, de ces concessions, pour pouvoir effectivement construire les leaders économiques de demain.

MARC FAUVELLE
Vous entendez quand même l'inquiétude qu'il y a en ce moment, Gérald DARMANIN, autour de cette privatisation, est-ce qu'il y aura des barrières, des garde-fous, et notamment est-ce que l'Etat restera, au final, au capital d'AEROPORTS DE PARIS ou pas ?

GERALD DARMANIN
Je crois que c'est en discussion, toutes les options sont sur la table…

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire que la loi est à l'Assemblée, mais on ne le sait pas encore ?

GERALD DARMANIN
Le principe de la privatisation c'est qu'on verra quelle sera la valorisation de l'entreprise, au moment où on le fait…

MARC FAUVELLE
Il n'est pas exclu que l'Etat garde une part du capital ?

GERALD DARMANIN
Comment on discute… Je crois que ce n'est pas tout, soit une part de capital, soit restera effectivement de façon plus importante dans le capital, je ne suis pas ministre de l'Economie et des Finances, mais ce qui est certain c'est que nous avons là un cahier des charges extrêmement précis. Alors bien sûr pour l'environnement des Parisiens et des Franciliens… Madame PECRESSE, Madame PECRESSE est dans l'opposition, Madame PECRESSE elle est présidente de la région Ile-de-France, et elle est intéressée bien sûr, aéroports de Roissy et d'Orly, si elle dit qu'elle est favorable à la privatisation, sous couvert de conditions, qui semblent être celles du gouvernement, je pense qu'il faut écouter les gens raisonnables.

RENAUD DELY
Mais ces craintes qu'on entend aussi elles sont liées à des précédents, il y a eu des précédents, par exemple la privatisation de l'aéroport de Toulouse, qui ont été sévèrement épinglés, en particulier par la Cour des comptes.

GERALD DARMANIN
Ce n'est justement pas du tout la même chose, je crois que dans ces conditions il faut que l'on regarde…

MARC FAUVELLE
Quelle est la différence entre ce qui s'est passé, c'est-à-dire un actionnaire chinois qui achète, à Toulouse, qui est en train de reprendre aujourd'hui avec, au passage, une très très belle plus-value, comment est-ce qu'on est sûr qu'on ne va pas faire la même erreur cette fois pour les aéroports parisiens ?

GERALD DARMANIN
Parce que Bruno LE MAIRE, justement, ça fait déjà 2 ans qu'il y travaille, a beaucoup travaillé, bien sûr avec AEROPORTS DE PARIS, a fait un cahier des charges extrêmement précis, encore une fois, je vous le répète, ce n'est pas la privatisation totale d'AEROPORTS DE PARIS, c'est une concession, c'est-à-dire que nous donnons la possibilité à des personnes, qui sont extérieures effectivement à l'Etat français, de pouvoir faire les investissements, de permettre de grandir AEROPORTS DE PARIS, pour être en compétition avec les grands aéroports internationaux, et dans 70 ans ce patrimoine reviendra aux Français, à l'Etat français.

RENAUD DELY
Avec des garanties pour que les compagnies, en l'occurrence AIR FRANCE, ne soient pas contraintes d'augmenter les tarifs des billets pour les voyageurs suite à cette concession ?

GERALD DARMANIN
La volonté d'AEROPORTS DE PARIS c'est de rendre une forme de service public, c'est une évidence que les choses doivent rester en l'état, mais vous savez, ce qui coûte cher, pour notamment les compagnies aériennes, c'est le prix du kérosène, on en parlera peut-être dans quelques instants si on parle de transition écologique, c'est aussi la compétition internationale. Vous savez, je crois que 50 %, je ne suis pas un spécialiste de l'aéronautique, mais il me semble que 50 % des vols, notamment des vols d'AIR FRANCE, se servent d'un hub à Roissy et à Orly, et l'un des inconvénients, vous le savez très bien, c'est notamment la non-continuité entre Roissy et Orly, le fait qu'il n'y a pas assez de terminaux, pas assez modernes, qu'il n'y ait pas de lien entre nos deux aéroports, qui est une grande plateforme. Encore une fois, quand vous voyagez à l'étranger, vous voyez ce qu'est devenue la compétition internationale des grandes plateformes, qui sont grandes pourvoyeuses d'emploi, tout le Val-d'Oise, même le sud de la région des Hauts-de-France, ce sont des emplois qui sont pour AEROPORTS DE PARIS, et c'est très important qu'on puisse donner les possibilités, demain, de grandir encore économiquement.

MARC FAUVELLE
Gérald DARMANIN, vous aurez votre mot à dire sur la personne qui va racheter les AEROPORTS DE PARIS ? Si par exemple un fonds de pension texan vous fait une proposition, vous vendez ?

GERALD DARMANIN
Il y a un processus qui est fait, il y a une forme d'appel d'offres si j'ose dire…

MARC FAUVELLE
Donc c'est le plus offrant, simplement, qui gagne la mise à la fin ou vous avez quand même… ?

GERALD DARMANIN
Non, il y a des conditions, ce n'est pas comme ça que se passe un appel d'offres. Evidemment le prix, la valorisation est importante, si elle ne l'était pas vous me diriez, mais alors vous êtes en train de céder à pas cher AEROPORTS DE PARIS, et puis il y a d'autres…

MARC FAUVELLE
Si par exemple le groupe VINCI, qui possède justement une partie des autoroutes françaises, est candidat ?

GERALD DARMANIN
Ecoutez, d'abord la privatisation, respectons le Parlement, n'est pas encore votée, il y a un ministre qui est en charge du dossier, je n'aimerais pas qu'il parle de mes sujets, donc je viens…

MARC FAUVELLE
Vous lui direz que c'est de notre faute.

GERALD DARMANIN
Je viens volontiers vous en parler, mais il me semble que c'est à Bruno LE MAIRE de vous l'expliquer. Et puis troisièmement, moi je n'ai d'option, ni d'action personnelle pour personne, et donc je crois que le meilleur doit gagner, le meilleur c'est celui qui va développer AEROPORTS DE PARIS et qui va rendre aux Français un meilleur patrimoine dans 70 ans, que maintenant.

MARC FAUVELLE
Et on poursuit cette discussion dans quelques instants, juste après le rappel de l'actualité.

(…) Infos

MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre de l'Action et des Comptes publics. On va maintenant évoquer le Brexit et ses conséquences.

RENAUD DELY
On est à une dizaine de jours de cette échéance. Pour l'instant, il n'y a pas d'accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Il y a une première conséquence déjà de cette absence d'accord et des craintes qui montent autour de cette échéance du Brexit : c'est la grève du zèle des douaniers à laquelle vous vous heurtez depuis une dizaine de jours, qui est liée directement donc aux conséquences du Brexit. Vous avez débloqué une enveloppe de 14 millions en termes de pouvoir d'achat mais elle est refusée aujourd'hui. Pour l'instant, la situation est toujours bloquée.

GERALD DARMANIN
Ce matin, le directeur général des douanes reçoit de nouveau les syndicats. Je les ai reçus pendant plus de cinq heures cette semaine d'ailleurs. Je me rends très souvent évidemment voir les douaniers qui font un travail courageux, pas simple parce que nous ne connaissons pas effectivement l'enjeu du Brexit. Quel accord ? Est-ce qu'on va continuer effectivement à avoir des liens commerciaux avec eux ? Sous quelles conditions ? Quelles normes ? On a un tunnel, on a des ports notamment à Calais très importants, et puis il y a des conséquences très fortes ailleurs, dans les aéroports justement franciliens mais aussi dans le sud de la France.

RENAUD DELY
Combien faut-il rajouter de douaniers justement aujourd'hui en prévision du Brexit ?

GERALD DARMANIN
Tout dépend de l'accord. C'est une question à laquelle on peut peu apporter de réponses sûres. Tout dépend de l'accord.

RENAUD DELY
Vous n'en savez rien.

GERALD DARMANIN
Ce n'est pas que je n'en sais rien. C'est qu'on a aujourd'hui augmenté de 700 le nombre de douaniers. C'est la seule indication…

MARC FAUVELLE
Les syndicats disent : il en faut 3 000 de plus.

GERALD DARMANIN
Non mais je l'entends bien, mais je pense qu'il est normal que dans cette position particulière, les syndicats essayent d'obtenir des choses qu'ils n'ont pas obtenues auparavant. Mais le problème me semble-t-il des douaniers, ce n'est pas qu'il y ait des personnes en plus. C'est qu'il y ait une amélioration de leur pouvoir d'achat. Je d'ailleurs aux agents publics, il va falloir choisir entre une augmentation d'effectifs ou le fait qu'on parle des conditions salariales. Ce n'est pas tout à fait la même chose sachant que l'Etat, vous l'aurez constaté, peut-être qu'on aura des questions après, il y a aussi des problèmes de déficit, de dette et de dépenses publiques. J'aimerais être le ministre allemand du budget qui distribue des excédents, et sauf que je suis le ministre français.

RENAUD DELY
Donc vous dites aux douaniers…

GERALD DARMANIN
Le budget qui est un budget déficitaire depuis 40 ans.

RENAUD DELY
Donc vous dites clairement aux douaniers, vous dites soit c'est des postes en plus, soit c'est une augmentation de salaire.

GERALD DARMANIN
Non, non. D'abord nous avons fait un peu les deux. Nous avons augmenté de 700 le nombre de douaniers pour faire face à un Brexit hard le 29 mars s'il devait avoir lieu. Et puis surtout, il faut éviter de dire des contre-vérités. Quand j'entends ou quand la grève du zèle touche par exemple les camions qui arrivent de la région des Hauts-de-France, par exemple, et qui prennent le port ou le tunnel de Calais pour aller en Angleterre, il n'y aura pas de file de camions sur les autoroutes françaises puisque nous n'allons pas contrôler les camions qui vont en Angleterre. Ce sera le travail des Anglais. Nous, on va contrôler les camions qui viennent d'Angleterre pour aller sur le marché commun et singulièrement lorsqu'ils arriveront à Calais. Il n'y aura pas de consigne de contrôler les camions, sauf si nous avons une information spécifique avec nos amis anglais, au port de Calais ou au tunnel de Calais. Nous contrôlerons les camions qui viennent d'Angleterre. Donc on a une discussion en ce moment. Ce qui est certain, c'est que je constate que les douaniers font ce qu'on appelle la grève du zèle. Pas tous les douaniers, une partie des douaniers. Ça veut dire quoi la grève du zèle ? C'est-à-dire qu'ils contrôlent plus qu'avant, ils n'ont pas arrêté de contrôler. Donc ils aiment leur métier. Par ailleurs le gouvernement aime beaucoup les douaniers, ils ont été très largement mis en avant me semble-t-il. On doit continuer à discuter avec eux et moi je suis très heureux de pouvoir continuer avec eux.

MARC FAUVELLE
Alors le gouvernement aime les douaniers. Est-ce qu'il aime aussi les retraités et est-ce qu'il y aura un geste dès cette année pour leur pouvoir d'achat ?

GERALD DARMANIN
Alors votre question, c'est l'indexation des retraites, c'est ça ?

MARC FAUVELLE
Alors on va rappeler exactement. Les retraites doivent augmenter cette année de 0,3 % seulement alors que l'inflation est bien supérieure. Le patron de la République en Marche Stanislas GUERINI a souhaité que parmi les conclusions du grand débat, il y ait un geste pour les retraités les plus modestes. Est-ce que vous allez le suivre ?

GERALD DARMANIN
C'est une possibilité. C'est une possibilité mais il faut qu'on ait une discussion globale. Je m'explique. Ne pas indexer les retraites sur l'inflation, c'est une mesure courageuse, difficile, impopulaire, il faut bien le dire. Elle rapporte entre deux et trois milliards d'euros à l'Etat. C'est deux ou trois milliards d'économies de dépenses publiques.

RENAUD DELY
Et c'est une mesure juste à vos yeux ?

GERALD DARMANIN
C'est une mesure qui permet à l'Etat de tenir sa dépense publique. L'Etat a demandé des efforts à tout le monde. Il a demandé également aux personnes retraitées. On a considéré, peut-être était-ce une erreur, mais que la suppression de la taxe d'habitation notamment pour les retraités les plus modestes compensait cette non-indexation, puisqu'en moyenne on rendait 300 euros de pouvoir d'achat aux retraités…

MARC FAUVELLE
Sauf qu'une partie des retraités justement les plus modestes ne payaient déjà pas la taxe d'habitation.

GERALD DARMANIN
Mais les petites retraites et notamment ce qui concerne le minimum vieillesse avaient une augmentation. Le RSA a continué une augmentation. Nous n'avons pas indexé, ne pas indexer toutes les prestations sociales. Mais on peut se poser la question. Les économies, vous savez, elles sont toujours difficiles qui est celui qui souhaite faire des économies dans la joie et la bonne humeur, c'est toujours à mon avis un bonimenteur…

MARC FAUVELLE
Si geste il y a, Gérald DARMANIN, est-ce que ce sera pour toutes les retraites ?

GERALD DARMANIN
Attendez !

MARC FAUVELLE
Ou uniquement pour les plus modestes ?

GERALD DARMANIN
Mais attendez ! Excusez-moi, je suis ministre des Comptes publics. Si ce n'est pas moi qui vous dis que ça rapporte, que ça fait des économies de deux à trois milliards d'euros, personne ne vous le dira. Donc pourquoi pas.

RENAUD DELY
Mais vous l'avez dit, c'était peut-être une erreur.

GERALD DARMANIN
Non, c'est une erreur de l'avoir pensé peut-être comme nous l'avons pensé. C'est-à-dire fiscalité versus indexation. Il y a peut-être une possibilité, il faut savoir écouter le peuple. Et notamment moi j'écoute beaucoup notamment les retraités de ma commune à Tourcoing, qui sont en général des gens modestes…

MARC FAUVELLE
Et ils disent pour certains qu'ils ne s'en sortent plus.

GERALD DARMANIN
Ils nous disent qu'ils ont beaucoup travaillé toute leur vie et qu'ils considèrent qu'il faut sans doute porter plus les efforts de l'Etat sur l'assurance chômage ou sur les retraites, c'est-à-dire l'âge de la retraite par exemple, que l'indexation. Mais juste sur un point, parce que sinon il faut qu'on ait un discours à peu rationnel et je l'évoque d'ailleurs avec Stanislas GUERINI et avec d'autres responsables politiques. Ça rapporte deux à trois milliards, ça c'est de la baisse de la dépense publique. C'est un effort très important. L'année dernière, le gouvernement il a fait 15 milliards d'économies. 15 milliards d'économies. C'est la plus grande économie faite par un gouvernement depuis vingt ans, la baisse de la dépense publique. On dit que ce n'est pas assez. Je lis parfois des interviews, encore ce matin, où ont dit que ce n'est pas assez comme on répéterait « Europe, Europe, Europe » comme disait le général de GAULLE sur sa chaise, mais enfin ce n'est pas facile à faire. Si demain nous réindexons les retraites, ce sera peut-être une décision du président de la République à la sortie du grand débat, je ne le sais pas, on le verra, il faudra faire des économies ailleurs. Et ces économies ailleurs, sachant que les retraites c'est grosso modo la moitié des dépenses sociales, il faudra qu'on se pose des questions effectivement sur les économies ailleurs. Moi j'aimerais que les gens qui proposent des dépenses en plus, c'est toujours du miel à entendre évidemment et c'est très agréable, proposent également le sel. Le moment où on fait des dépenses en moins. J'ai lu l'interview du responsable du Parti des Républicains…

MARC FAUVELLE
Vous ne vous souvenez pas de son nom ?

RENAUD DELY
Laurent WAUQUIEZ. C'est Laurent WAUQUIEZ.

MARC FAUVELLE
Laurent WAUQUIEZ qui vous demande ce matin de baisser drastiquement l'impôt sur le revenu de 10 % pour tous les Français.

GERALD DARMANIN
Oui. Que ne l'a-t-il fait quand il était aux responsabilités mais ce n'est pas bien grave. C'est nous qui y sommes aujourd'hui. Laurent WAUQUIEZ, c'est une forme de Victor LUSTIG de la vie française. Je ne sais pas si vous vous rappelez de monsieur LUSTIG…

RENAUD DELY
Non.

GERALD DARMANIN
C'est cet imposteur qui pensait faire croire à tout le monde qu'il pouvait vendre la tour Eiffel. Et puis à la fin, on s'est aperçu que c'était un imposteur. Après quelques années parce qu'il faut quelques années pour voir les imposteurs. Monsieur WAUQUIEZ ne propose aucune baisse de dépenses. Comment peut-on dire qu'on va baisser les impôts sans baisser les dépenses ? Alors à moins que monsieur WAUQUIEZ nous explique qu'il va augmenter la dette qui est déjà considérable dans notre pays. Il ne propose au contraire que des hausses de dépenses. Réindexer les retraites, c'est une hausse de dépenses. Les 35 heures, 39 heures dans la Fonction publique, c'est ce qu'il évoque. Il dit : on va faire un grand soir de la Fonction publique, tout le monde à 39 heures. C'est une hausse des dépenses de 30 milliards d'euros. 30 milliards d'euros ! Donc je crois qu'il faut être raisonnable. Je pense que ce qui frustre les Français, c'est d'avoir entendu beaucoup de miel et à la fin, quand on est en responsabilité, eh bien de s'apercevoir que ce miel n'existe pas.

MARC FAUVELLE
Et vous, vous êtes là pour rappeler un peu…

GERALD DARMANIN
Mais moi, je suis pour dire que si on augmente l'indexation des retraités, c'est tout à fait possible, à condition qu'on fasse des économies ailleurs. Et moi, je suis à la disposition de chacune et de chacun dans le débat public pour les aider à trouver des économies ailleurs.

MARC FAUVELLE
Gérald DARMANIN, le patron de la région des Hauts-de-France, Xavier BERTRAND, chez nos confrères de RTL vient de vous demander de repousser l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans.

GERALD DARMANIN
Alors j'ai entendu Xavier BERTRAND ce matin, pour qui j'ai beaucoup d'amitié. Il a dit : on va augmenter d'un trimestre par an. Bon, imaginons qu'on le fasse l'année prochaine, ça rapporte l'année prochaine 700 millions d'euros. C'est une possibilité. Beaucoup d'économies l'ont faite. Le président de la République aura l'occasion avec Jean-Paul DELEVOYE…

MARC FAUVELLE
C'est une possibilité ?

GERALD DARMANIN
En tout cas…

MARC FAUVELLE
C'est sur la table là ?

GERALD DARMANIN
Non, ce n'est pas sur la table mais le champ des possibles fait qu'on peut augmenter l'âge de la retraite.

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous souhaitez ?

GERALD DARMANIN
Ça pose des tas de problèmes qui sont intéressants à étudier. C'est-à-dire notamment lorsque les personnes partent en retraite à 65 ans, ce n'est pas la même chose pour vous, pour moi ou pour l'ouvrier maçon qui à 63 ans sera au pied du mur et qui sera peut-être en assurance maladie.

MARC FAUVELLE
Alors je vais reposer cette question, Gérald DARMANIN, est-ce que souhaitez que dans certains cas on travaille plus longtemps ?

GERALD DARMANIN
Non mais moi, je pense qu'il n'est pas interdit de penser qu'il faut travailler plus longtemps pour financer notamment les retraites, pour financer notre protection sociale.

MARC FAUVELLE
65 ans, pourquoi pas ?

GERALD DARMANIN
Je ne peux pas faire au coin de table comme ça. Je ne suis pas dans l'opposition, je suis en responsabilité et donc j'ai sans doute plus de responsabilités que les gens qui sont dans l'opposition.

RENAUD DELY
… Pas le même âge légal de départ en retraite selon les professions.

GERALD DARMANIN
Mais on verra bien. L'idée du président de la République et de Jean-Paul DELEVOYE, c'est une retraite par points qui s'adapte à la vie des gens donc les choses sont possibles. Mais la question que nous nous posons tous, c'est est-ce que ça vaut le coup en économies ? Donc l'année prochaine, si on applique ce que dit Xavier BERTRAND, c'est intéressant, ça fait 700 millions d'euros en plus.

MARC FAUVELLE
L'année d'après, ça fait un peu plus.

GERALD DARMANIN
Oui d'accord, mais on parle de 2020. 700 millions d'euros pour un trimestre de plus de travail, 3 milliards de réindexation des retraites. Donc très bien, où sont les 2,3 milliards qu'il nous reste ? Donc moi, je trouve que Xavier BERTRAND a au moins le mérite de faire des propositions d'économies contrairement à monsieur LUSTIG, mais la vérité c'est que nous avons besoin de travailler plus sérieusement. Parce que sinon qu'est-ce qu'on va faire ? A la fin du quinquennat on dira : vous avez augmenté le déficit, vous avez augmenté la dette. Finalement comme la dette, vous le savez bien, c'est les impôts de demain, vous laissez à nos générations ce qu'ont laissé grosso modo les hommes politiques qui m'ont précédé au ministère du Budget. Quasiment 40 ans de déficit où la France emprunte bien plus qu'elle n'a comme recettes.

MARC FAUVELLE
Vous êtes le dernier à tenir ce discours au gouvernement, non ?

GERALD DARMANIN
Non, je ne le crois pas.

MARC FAUVELLE
Attention, attention la cagnotte n'existe pas ?

GERALD DARMANIN
La cagnotte, quand on a une dette comme la nôtre, elle n'existe pas !

RENAUD DELY
Et pourtant le Président de la République a trouvé dix milliards au mois de décembre.

GERALD DARMANIN
Le président de la République, excusez-moi de vous le dire, il a été d'une grande responsabilité et il n'a pas dépensé 10 milliards d'euros. Je l'entends souvent. Il a dit : on ne va pas augmenter les impôts. Parce que c'était quoi la taxe carbone ? C'était une augmentation d'impôts. C'était quoi la défiscalisation des heures supplémentaires ? C'est une baisse d'impôts.

MARC FAUVELLE
Des impôts en moins, c'est de l'argent en moins dans les caisses de l'Etat. Il y en avait pour 10 milliards quand même.

GERALD DARMANIN
Non mais attendez. Ce n'est pas tout à fait à la chose de dire : on va faire moins d'impôts et donc du coup demain on fera moins de dépenses, qu'on va dire : on va faire plus de dépenses et donc du coup on fera plus d'impôts. C'est très important cette distinction.

(…) Infos

MARC FAUVELLE
Toujours avec Gérald DARMANIN, le ministre de l'Action et des Comptes publics, on va évoquer un autre dossier fiscal, comment dire, chaud, brûlant, les successions, Renaud DELY.

RENAUD DELY
Oui, parce que dans le cadre du grand débat a émergé l'idée, en tout cas la proposition de certains, d'alourdir les droits de succession sur les gros héritages, sur les grosses successions, vous y êtes hostile.

GERALD DARMANIN
Ah moi je suis, d'abord, de manière générale, hostile à l'augmentation d'impôt, quel que soit cet impôt, et par ailleurs j'ai déjà dit que mon point de vue personnel, le président de la République choisira, c'est que je suis fondamentalement hostile à alourdir effectivement les impôts sur les successions.

RENAUD DELY
Y compris sur les plus grosses, pour les plus fortunés.

GERALD DARMANIN
D'abord nous avons, il faut que les Français le sachent, nous avons les impôts sur les successions les plus élevés du monde, avec la Corée du Sud et le Japon, c'est nous qui avons les plus élevés du monde, je pense que ça suffit peut-être. Deuxièmement, qu'est-ce qui se passe si vous alourdissez très fort les impôts sur les successions très importantes ? Eh bien ils vont faire des choses ailleurs. C'est-à-dire que moi je passe mon temps à essayer de convaincre un certain nombre de personnes, de leur dire, eh bien ils vont aller aux Etats-Unis, parce que quand vous avez beaucoup, beaucoup d'argent, vous allez aux Etats-Unis, vous allez ailleurs en Europe, et vous organisez des trusts, et vous donnez votre argent, toute chose qui paraîtrait évidente avec d'autres personnalités médiatiques devrait vous interpeller, et du coup bas vous donnez votre héritage à vos enfants ou à vos petits-enfants, sans que l'Etat français ne touche aucun euro, donc vous êtes très content, vous avez fait 75 % par idéologie, et puis en fait vous ne touchez pas d'argent. Et puis, excusez-moi de vous le dire, on commence par les gros, et on finit toujours par les petits. Les Français ils en ont marre qu'on leur parle d'impôts en plus, ils en ont marre, ils en ont marre et ils ont bien raison, puisque l'Europe, quand vous regardez les choses, la France est le pays où il y a le plus d'impôts, donc…

RENAUD DELY
Sauf qu'on a entendu aussi, pendant le mouvement des gilets jaunes, des Français qui considèrent que les plus fortunés, justement, ont déjà bénéficié de la suppression de l'ISF et qu'ils pourraient payer davantage d'impôts, les plus fortunés.

GERALD DARMANIN
Mais, si vous pensez que la politique, et notamment la politique économique de la France, c'est non pas de rendre les pauvres plus riches, mais rendre les riches plus pauvres, alors on va continuer à avoir un pays de déficits, de dettes, où on se posera la question de savoir comment on fait pour indexer les retraites des plus petits retraités. Je voulais vous dire, aujourd'hui ce qui compte c'est que les Français pauvres deviennent plus riches, moins pauvres, et c'est ce que nous faisons, et on ne le fait pas en décourageant les gens qui réussissent dans la vie. Alors, il y a la question de l'héritage, pardon de le dire, on ne transmet pas à ses enfants, quand on est riche, sans impôts payés à l'Etat, on paye quasiment 40 %.…

MARC FAUVELLE
Avec un abattement !

GERALD DARMANIN
Oui, avec un abattement, ça dépend des conditions…

MARC FAUVELLE
Qui est un abattement important.

GERALD DARMANIN
Ça dépend de vos enfants, ça dépend de plein de choses, mais vous posez la question, c'est des droits…

MARC FAUVELLE
Une immense majorité de Français ne payent pas un euro de droits de succession.

GERALD DARMANIN
Oui, parce que beaucoup de Français, d'ailleurs, ont peu de patrimoine…

MARC FAUVELLE
Parce que ce sont des petits héritages.

GERALD DARMANIN
Mais moi je vais vous dire, le boucher charcutier de Tourcoing il a sans doute une envie dans sa vie, c'est de transmettre à son enfant et à son petit-fils le fruit de son labeur, il s'est levé à 5h00 du matin, il a été travailler, il a peut-être 3, 400.000 euros de côté parce qu'il a acheté une maison, et il a peut-être un fonds de commerce, il veut le transmettre, sans que l'Etat, alors qu'il a payé des impôts toute sa vie, toute sa vie, reprenne quelque chose de confiscatoire. Alors, on commence par les gros, on finit par les petits. Pardon de vous dire, arrêtons de raisonner par augmentation d'impôts, raisonnons par baisse de dépenses, et vous allez voir qu'il y aura moins d'impôts, que les Français seront peut-être un peu plus à l'écoute du pouvoir politique, parce que c'est très facile d'augmenter les impôts, c'est beaucoup plus difficile de baisser des dépenses.

MARC FAUVELLE
Ce soir votre collègue du gouvernement Nathalie LOISEAU va débattre sur France 2 face à Marine LE PEN, le service politique de France Info nous raconte ce matin que vous lui avez servi de « sparring-partner », pas à Marine LE PEN, à Nathalie LOISEAU, dans le rôle de la présidente du Rassemblement national. Vous êtes comment, Gérald DARMANIN, en Marine LE PEN ?

GERALD DARMANIN
D'abord, ce qui se passe dans le vestiaire reste dans le vestiaire…

MARC FAUVELLE
Enfin là c'est sorti du vestiaire…

GERALD DARMANIN
Je n'étais pas le seul, on a été plusieurs à…

MARC FAUVELLE
Comment vous jouez Marine LE PEN, sur quels arguments vous jouez, comment vous essayez de déstabiliser ?

GERALD DARMANIN
Ah ben moi j'ai fréquenté Madame LE PEN, si j'ose dire, à la région des Hauts-de-France, d'ailleurs je siège toujours avec elle, elle est d'une grande mauvaise foi, elle travaille assez peu, c'est d'ailleurs assez étonnant, et je crois que c'est une femme qui n'est pas très sûre d'elle, mais elle a par ailleurs des avantages de femme politique importants, qui fait que c'est une débatteuse, pardon de le dire ainsi, qui est assez efficace.

MARC FAUVELLE
Quel conseil vous avez donné à Nathalie LOISEAU ?

GERALD DARMANIN
Je crois que ce qui est le plus important c'est rester soi-même. Je ne suis pas Nathalie LOISEAU, Nathalie LOISEAU n'est pas moi, elle a sa personnalité, c'est une femme de grande qualité Nathalie LOISEAU…

RENAUD DELY
Elle ferait une bonne tête de liste pour les européennes ?

GERALD DARMANIN
Ce serait une très bonne tête de liste, mais moi je ne décide pas à la place des personnes, parce qu'il se trouve qu'en plus elle fait une très bonne ministre des Affaires européennes, donc. Je ne suis pas membre de la commission d'investiture de la majorité…

MARC FAUVELLE
C'est sa prestation ce soir, qui va en décider ?

GERALD DARMANIN
Non, ce n'est pas comme ça que les choses fonctionnent, ce qui est important c'est l'Europe, ce n'est pas de savoir qui sera député européen, qui sera tête de liste de la majorité, ce qui est important c'est l'Europe. Mais ce qui est surtout important c'est que face à des arguments qui conduisent au Brexit, et qui mettent la chienlit dans des pays amis dont la civilisation, la puissance économique, nous encourageaient plutôt à suivre l'exemple, l'Angleterre, on s'aperçoit que quand on écoute trop les sirènes de la facilité, qu'on écoute trop le miel donné par quelques démagogues, dont Madame LE PEN fait malheureusement partie, eh bien on met son pays dans la mouise. Eh bien Madame LOISEAU j'espère, et je sais, qu'elle arrivera à convaincre les Français ce soir que Madame LE PEN est une forme aussi de Victor LUSTIG.

MARC FAUVELLE
Grâce à vos conseils également donc, Gérald DARMANIN…

GERALD DARMANIN
Je n'étais pas le seul.

MARC FAUVELLE
Il y avait qui d'autre ?

GERALD DARMANIN
Ah ben, les propos de vestiaires restent dans le vestiaire.

MARC FAUVELLE
Merci beaucoup.

RENAUD DELY
Emmanuel MACRON il a donné quelques souvenirs, non, du débat ?

GERALD DARMANIN
Je n'étais pas là lorsque Madame LOISEAU a vu le président de la République.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Gérald DARMANIN.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mars 2019