Interview de Mme Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à Europe 1 le 18 mars 2019, sur la manifestation violente des "Gilets jaunes" le 16 mars à Paris et la question climatique.

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Intervenant(s) : 
  • Brune Poirson - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Média : Europe 1

Texte intégral

NIKOS ALIAGAS
La secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire Brune POIRSON est votre invitée Audrey CRESPO-MARA. Bonjour.

AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour Brune POIRSON.

BRUNE POIRSON
Bonjour à vous Audrey.

AUDREY CRESPO-MARA
Samedi, c'était la 18ème journée de violence à Paris depuis le début du mouvement de gilets jaunes. Comment se fait-il que le gouvernement ne parvienne toujours pas à garantir l'ordre au coeur même de la capitale ?

BRUNE POIRSON
Effectivement, nous n'y sommes pas, c'est ce qu'a dit le président de la République samedi. Il faut… et nous allons continuer à revoir notre doctrine, elle avait été remaniée, elle avait été repensée, notamment suite aux événements du 1er décembre…

AUDREY CRESPO-MARA
Mal apparemment !

BRUNE POIRSON
Il faut continuer de s'adapter. Vous savez, on n'est pas dans le cadre de manifestations ici, nous sommes dans le… c'est de la barbarie, c'est de la sauvagerie. Ce sont des gens qui sont là pour détruire la République et ils s'attaquent…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais le gouvernement est incapable d'y répondre, manifestement.

BRUNE POIRSON
Nous sommes et nous allons continuer à nous adapter. Vous savez, c'est un nouveau type de menace aussi sur lequel il faut que nous continuions de travailler. Aujourd'hui même, il va y avoir des annonces et des propositions claires.

AUDREY CRESPO-MARA
Le Premier ministre reconnaît lui-même qu'il y a eu des dysfonctionnements, à qui la responsabilité, au ministre de l'Intérieur clairement ?

BRUNE POIRSON
Je crois que là ce qu'il faut, c'est surtout travailler sur les solutions et les réponses à apporter à cette barbarie et à cette sauvagerie, c'est ça et c'est là-dessus que nous devons nous concentrer. Si on commence à jouer à s'accuser les uns les autres, ce n'est pas comme ça qu'on continuera à avancer. Mais de toute façon quoi qu'il en soit, bien sûr toute la mesure de ces dysfonctionnements sera prise.

AUDREY CRESPO-MARA
Le président qui skie à La Mongie alors que c'est le chaos au coeur de la capitale, ça aussi c'est un dysfonctionnement ?

BRUNE POIRSON
Le président de la République, est-ce qu'il a été de retour à Paris le samedi ? Oui…

AUDREY CRESPO-MARA
Il s'est précipité !

BRUNE POIRSON
Est-ce qu'il a tenu une réunion avec les ministres concernés ? Oui. Encore une fois le président de la République, il ne va pas se mettre à courir après… s'il avait été à Paris, il ne se serait pas mis à courir après chaque casseur sur les Champs-Elysées…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais l'image, l'image est terrible.

BRUNE POIRSON
Il a suivi dans le détail les événements de la journée et il est rentré immédiatement à Paris.

AUDREY CRESPO-MARA
Le président savait que l'ultimatum posé par les gilets jaunes laissait présager de graves violences à Paris. Donc son retour précipité prouve-t-il qu'il a commis une erreur ?

BRUNE POIRSON
Non, encore une fois il a suivi les événements de façon très régulière tout au long de la journée et il est rentré à Paris. Je…

AUDREY CRESPO-MARA
De façon précipitée…

BRUNE POIRSON
Non mais je peux le répéter encore une fois, ce n'est pas lui qui allait courir derrière chaque casseur sur les Champs-Elysées derrière chaque personne…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous avez vu la force des images aussi et ça révolte aussi les gens.

BRUNE POIRSON
Mais est-ce que…

AUDREY CRESPO-MARA
Vous pouvez l'entendre aussi !

BRUNE POIRSON
Vous avez aussi vu les images du président de la République assis au travail le jour même, avec Christophe CASTANER et le Premier ministre.

AUDREY CRESPO-MARA
Est-ce qu'on s'oriente Brune POIRSON vers une interdiction des manifestations sur les Champs-Elysées samedi ?

BRUNE POIRSON
Je ne peux pas vous répondre pour le moment, je vous ai dit que dans la journée il y aurait des annonces qui seraient faites, des annonces claires…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais ce n'est pas exclu en tout cas…

BRUNE POIRSON
Toujours est-il qu'il faut… en tout cas il faut s'adapter à ce niveau de sauvagerie.

AUDREY CRESPO-MARA
Ce n'est pas exclu donc cette interdiction. Brune POIRSON, vendredi vous avez participé à la Marche des jeunes pour le climat…

BRUNE POIRSON
Absolument.

AUDREY CRESPO-MARA
Quand la secrétaire d'Etat à l'Ecologie manifeste pour réclamer au gouvernement d'en faire plus sur l'écologie, c'est un symbole d'impuissance ?

BRUNE POIRSON
Non, vous savez moi une des choses fondamentales dans ma vie, c'est mon engagement pour la transition écologique et solidaire. C'est là-dessus que j'ai construit mon passé professionnel et que je continue, c'est le centre de mon engagement. J'ai une petite fille qui a 4 ans, pour moi, aller manifester pour le climat…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous êtes…

BRUNE POIRSON
Pour le climat, c'est fondamental. Et je soutiens ces jeunes-là qui ont envie de se lancer dans un vrai projet de société…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous êtes secrétaire d'Etat. J'imagine que vous n'avez pas crié avec le slogan « MACRON t'es foutu, les pandas sont dans la rue », mais…

BRUNE POIRSON
Non mais…

AUDREY CRESPO-MARA
C'est bien une plus forte action du gouvernement qu'ils réclamaient.

BRUNE POIRSON
Mais parce que moi je suis… je considère qu'ils ont raison de demander une société qui fait sens. Vous savez normalement parfois…

AUDREY CRESPO-MARA
Et un gouvernement qui agit.

BRUNE POIRSON
Souvent parfois les lycéens, ils vont manifester surtout… je ne nie pas ce qu'ils ont fait, je ne veux pas le balayer de la main, mais ils vont souvent manifester pour aller… éviter par exemple d'aller en cours. Et là au contraire, il y a un vrai objectif, derrière ça il y a un vrai engagement…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais je parlais de votre rôle.

BRUNE POIRSON
Et c'est pour ça que j'ai voulu le soutenir et que je continuerai à le faire. C'est une manifestation, c'est une Marche pour le climat. Vous savez, ce n'est pas le gouvernement…

AUDREY CRESPO-MARA
Et pour que le gouvernement agisse.

BRUNE POIRSON
Moi je ne me lève pas… Audrey CRESPO-MARA, je ne me lève pas le matin en me disant : comment est-ce que je vais faire pour faire en sorte qu'on pollue encore plus, pas du tout. Je suis mue par la même motivation, par la même envie de changer les choses qu'eux.

AUDREY CRESPO-MARA
Alors vendredi, quelle ironie, pendant que vous manifestiez pour le climat, l'Assemblée nationale et donc la majorité gouvernementale autorisait la fabrication en France de pesticides dangereux pour 3 ans de plus que prévu.

BRUNE POIRSON
Moi je vous l'ai dit, je me suis rendue à cette manifestation pour le climat parce que c'était fondamentalement important pour moi d'y être, et j'y serai à nouveau. J'y suis allée vendredi et samedi, donc pour moi c'est tout à fait cohérent comme engagement. Pour répondre à cette question précise de la décision qui a été prise sur les produits phytosanitaires, c'est une décision qui s'explique…

AUDREY CRESPO-MARA
Qui s'explique !

BRUNE POIRSON
Mais c'est une décision que je regrette, c'est une décision que je regrette. Et je la regrette d'autant plus que ça m'exaspère, ça m'énerve, ça m'énerve parce que c'est encore ce point noir-là que toutes nos oppositions vont utiliser pour faire croire qu'on ne fait rien sur les questions climatiques en France. Or nous faisons énormément, nous sommes le gouvernement qui allons fermer les centrales à charbon et on y travaille déjà ; nous sommes le gouvernement qui va fermer Fessenheim alors que le gouvernement précédent a dit qu'il le ferait et qu'il ne le ferait jamais ; nous sommes le gouvernement qui prenons des mesures drastiques de lutte contre la pollution ; nous sommes le gouvernement qui est très engagé en Europe, peut-être le plus ambitieux et qui pousse tous les autres pays…

AUDREY CRESPO-MARA
Et donc ça contrarie…

BRUNE POIRSON
Européens…

AUDREY CRESPO-MARA
Ce vote-là contrarie votre action.

BRUNE POIRSON
Nous sommes le gouvernement qui, par exemple juste là, était en Afrique et a mobilisé 50 milliards d'euros pour la transition écologique en Afrique ; nous sommes le gouvernement qui est au pied de guerre sur la question climatique et nos oppositions utilisent des petites choses pour faire un écran de fumée. Et c'est pour ça que cette décision-là, elle m'énerve.

AUDREY CRESPO-MARA
Nicolas HULOT dénonçait le poids des lobbies, c'est sous leur influence que l'Assemblée nationale a pris cette décision favorable aux fabricants de pesticides…

BRUNE POIRSON
Ecoutez ! Je ne vais pas vous expliquer là… déjà plusieurs choses… j'ai parlé à plusieurs députés, je peux vous dire qu'ils n'étaient pas du tout dans les mains des lobbies. Maintenant je vous l'ai dit, c'est une décision qui s'explique par exemple sur l'emploi et d'autres, je ne vais pas la défendre ici, je vous laisserai interroger les personnes qui ont pris ces décisions.

AUDREY CRESPO-MARA
Brune POIRSON, en février vous avez plaidé en faveur du retour de la taxe carbone, mais le président a tout de suite dit qu'il était contre. Ça veut dire que le débat est clos ?

BRUNE POIRSON
Le débat de la question du prix à mettre sur la pollution, il n'est pas clos et il ne sera jamais clos, parce qu'il faut qu'on arrive à mettre un coût, à mettre un prix sur la pollution. En revanche la façon dont nous, nous avons mis en oeuvre la taxe carbone, ça en revanche ça ne reviendra pas comme ça, c'est certain, ça ne reviendra pas comme ça, c'est certain. Et donc c'est là-dessus qu'il faut continuer de travailler. Mais une chose est sûre aussi, c'est qu'on ne va pas sortir du grand débat comme on est rentré dans le grand débat, c'est-à-dire qu'on ne va pas sortir du grand débat avec un impôt supplémentaire. Et donc c'est dans ce cadre-là qu'il faut qu'on travaille. Mais il va falloir qu'on mette un coût sur la pollution, bien sûr c'est une des solutions pour sortir…

AUDREY CRESPO-MARA
Brune POIRSON, il y a…

BRUNE POIRSON
Pour sortir… pardon de la pollution et faire plus pour lutter contre le réchauffement climatique.

AUDREY CRESPO-MARA
Il y a un an, Nicolas HULOT était votre ministre de tutelle, aujourd'hui sa fondation porte plainte contre l'Etat. Le vivez-vous comme une trahison ?

BRUNE POIRSON
Je pense qu'il porte plainte, en partie contre lui-même aussi et ceux qui sont derrière cette pétition aussi en partie contre eux-mêmes, parce qu'ils étaient aux responsabilités, ils étaient aux affaires. Vous savez c'est très facile, on est tous d'accord quand il s'agit des grands principes : oui, il faut faire plus pour l'environnement, on est tous d'accord là-dessus. Mais c'est quand il s'agit de se salir les mains et de rentrer dans le détail que là, ça devient beaucoup plus difficile.

AUDREY CRESPO-MARA
Nicolas HULOT porte plainte contre lui-même ?

BRUNE POIRSON
En partie, il porte… il a été aux responsabilités de même que Cécile DUFLOT, de-même que tous. Et donc chacun en porte la responsabilité. Et il faut lutter toujours plus et quand vous êtes au gouvernement oui, c'est très difficile, c'est très difficile parce que chacun défend son pré carré et vous devez – en réunion interministérielle – vous battre pour vos questions et pour les sujets qui vous tiennent à coeur et qui sont fondamentalement importantes. On a la chance d'avoir un président…

AUDREY CRESPO-MARA
Vous êtes toujours en contact avec Nicolas HULOT ?

BRUNE POIRSON
On a la chance d'avoir un président qui est très engagé sur les questions environnementales et climatiques, ce qui aide bien sûr beaucoup.

AUDREY CRESPO-MARA
Vous êtes toujours en contact avec Nicolas HULOT ?

BRUNE POIRSON
J'ai des échanges parfois avec lui.

AUDREY CRESPO-MARA
Tendus parfois ?

BRUNE POIRSON
Non, non, non.

AUDREY CRESPO-MARA
Merci Brune POIRSON.

BRUNE POIRSON
Merci à vous Audrey.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 mars 2019