Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances, sur le rôle des experts-comptables, à Paris le 27 septembre 2019.

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Circonstance : Clôture du 74e congrès des experts-comptables

Texte intégral

Monsieur le président de l'Ordre des experts-comptables, Cher Charles-René Tandé,
Mesdames et Messieurs,


C'était important pour moi de venir m'exprimer à cette tribune cet après-midi. Important parce que depuis 2 ans nous avons engagé une transformation de notre économie avec des mesures fortes et que vous avez joué un rôle instrumental dans leur mise en oeuvre.

Important parce que votre profession est en pleine mutation : la digitalisation de l'économie, le développement de l'intelligence artificielle font évoluer vos métiers.

Important enfin, car sans vous – sans le précieux travail d'accompagnement, de conseil qui est au coeur de l'expertise comptable – les entrepreneurs, les commerçants, les artisans seraient bien seuls.

1/ Je commencerai en revenant sur les chantiers que nous avons collectivement conduits au cours des derniers mois et pour lesquels votre appui a été crucial.

Vous êtes les premiers professionnels vers qui un chef d'entreprise se tourne quand il a besoin d'aide. Vous apportez votre expertise aux PME, aux TPE et à toutes les professions économiques du pays.

Vous leur apportez de la sécurité dans leur gestion et dans les relations avec leurs clients, fournisseurs ou financeurs, de la fiabilité dans leurs comptes, de la confiance dans leur projet et des conseils qui leur permettent de faire réussir leur entreprise.

Si aujourd'hui la croissance française est solide, si nous créons de nouveau des emplois, si les investissements des entreprises sont dynamiques, si le climat des affaires est bon ; c'est, je le crois, grâce aux transformations engagées depuis deux ans par ce Gouvernement. Mais évidemment, et avant tout, grâce à la détermination des entreprises à développer leur activité, grâce à votre travail et à votre engagement indéfectible à leur côté.

Nos entrepreneurs se portent bien quand les experts-comptables s'engagent comme vous le faites.

Vous avez accompagné les mesures du début de quinquennat : l'allègement de la fiscalité sur les bénéfices et le capital, la mise en oeuvre du prélèvement à la source, la bascule du CICE en allègement de charges, les ordonnances travail.

Ces chantiers étaient difficiles, pour les entreprises, pour vous qui les avez accompagnées. Nous avons eu des discussions sur la meilleure manière d'avancer. Nous avons parfois rencontré des obstacles techniques. Mais nous avons su les surmonter et collectivement aboutir au succès de ces réformes.

Je veux vous remercier pour cet engagement et ces efforts, qui ont permis des transformations majeures pour notre économie et notre système fiscal.

J'adresse tout particulièrement ma reconnaissance au président Tandé et à ses équipes pour leur disponibilité et le caractère très constructif des échanges que nous avons, au quotidien, avec l'Ordre des experts-comptables.

2/ Vous nous avez accompagnés. Nous devons aussi vous accompagner face à un monde économique en profonde mutation.

Nous devons vous accompagner face aux évolutions technologiques. Le numérique et l'intelligence artificielle vont changer à bien des égards les techniques comptables et le quotidien de vos équipes. La révolution numérique constitue un formidable enjeu de transformation pour les métiers du chiffre, à la fois une opportunité de services plus pointus, plus pertinents, mais aussi un défi pour l'acquisition d'expertises complexes et la formation des collaborateurs.

Vous êtes confrontés aux attentes accrues du monde de l'entreprise. Aujourd'hui, vous n'êtes plus simplement des professionnels des obligations comptables et fiscales des entreprises. Souvent vous intervenez sur des questions sociales ou de gestion des ressources humaines.

Vous apportez une expertise en droit des sociétés ou en droit du travail. Vous participez à l'élaboration des stratégies d'entreprise, par exemple en matière d'investissement, d'innovation ou de recrutement.

La montée en puissance de ces expertises nouvelles est essentielle pour apporter aux entreprises les services dont ils ont besoin et les aider à maîtriser la complexité. La diversité de ces besoins ne fera que s'accroître dans les années à venir. Vous serez toujours en première ligne pour y répondre.
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C'est pour vous aider à répondre à ces nouveaux défis que le Gouvernement a apporté son soutien aux nombreuses propositions de modernisation de la profession que vous avez portées et que nous avons décidé de mettre en oeuvre dans la loi PACTE.

Pour valoriser l'activité de conseil, nous vous avons donné la possibilité de fixer des honoraires au succès. Vous n'avez plus simplement un rôle strictement comptable. Un nombre croissant de professionnels intervient désormais sur des opérations complexes liées à la croissance de l'entreprise, par exemple des projets d'acquisition ou de financement. Il est donc logique de pouvoir être rémunérés en cas de succès sur ces prestations.

Nous avons permis la diversification de vos prestations auprès des entreprises en matière de gestion des créances et des paiements de vos clients.

Nous avons ouvert la possibilité pour les experts-comptables de bénéficier d'un mandat implicite pour faciliter les démarches, au nom du client, auprès des administrations fiscales et sociales.

Autant de démarches qui simplifient au quotidien la vie des entrepreneurs.

Nous avons aussi créé un statut d'expert-comptable en entreprise. Certaines d'entre vous peuvent avoir l'aspiration, légitime, de changer de mode d'exercice au cours de leur carrière et d'aller en entreprise sans perdre le lien avec la profession. Il était donc normal de permettre aux experts-comptables en entreprise de rester inscrit à l'Ordre. Cela permet d'avoir un seul statut tout au long de sa carrière. C'est beaucoup plus simple. Cela donne en outre une visibilité meilleure à cette profession.

Ces mesures, nous souhaitons qu'elles vous permettent d'enrichir vos missions auprès des entreprises et vos parcours individuels.

3/ Au-delà de ces avancées pour votre profession, il y a aussi de légitimes inquiétudes.

La loi PACTE a profondément renouvelé l'activité de commissariat aux comptes auprès des petites entreprises.

Je sais que beaucoup d'entre vous exercent également cette activité. Nous avons oeuvré pour apporter des pistes de diversification de l'activité, que je viens d'évoquer, et mettre en place une mission d'audit simplifié qui correspondra mieux aux besoins des petites entreprises. Nous restons, avec le ministère de la Justice, particulièrement vigilants sur le déroulement de cette réforme structurante.

Vous avez également des inquiétudes sur le développement de la facturation électronique.

Ce projet est important pour le Gouvernement. Il permettra de limiter les délais excessifs de paiement, qui sont encore un vrai handicap dans les relations inter-entreprises, le plus souvent au détriment des petites structures. La facturation électronique permettra aussi d'alléger la charge administrative des entreprises. Mais aussi, de mieux lutter contre la fraude en recoupant de manière automatisée les factures émises et les factures reçues.

Et je veux ici vous rassurer : notre projet n'est pas de rendre obligatoire du jour au lendemain la facturation électronique interentreprises. Nous avons engagé une réflexion avec la Commission européenne. Les travaux commenceront à l'automne et visent à instaurer un système de facturation électronique entre 2023 et 2025.

Cette transition est nécessaire. Elle sera bénéfique pour tous si nous permettons une transition souple, en écoutant les entreprises et en tenant compte de votre expérience. Je sais que Gérald Darmanin a déjà commencé ce travail. Il sera poursuivi dans les mois à venir en concertation étroite avec les experts-comptables.

4/ Car c'est en travaillant ensemble que nous répondrons le mieux aux attentes des entreprises et des Français.

Vous accompagnez quatre entreprises sur cinq au quotidien. Vous êtes le meilleur relai de la transformation économique que nous portons, pour rendre notre économie plus compétitive, plus innovante.

Nous avons besoin de vous pour accompagner les entrepreneurs, les artisans, les commerçants. Je veux citer notamment deux défis majeurs pour notre économie.

Le défi numérique, d'abord.

Je le disais tout à l'heure, la révolution numérique aura un impact sur l'activité quotidienne des experts-comptables. Mais il en aura un plus fort encore sur une grande majorité d'entreprises, dans l'industrie comme dans les services. Celles qui ne prendront pas le tournant du numérique seront, à terme, reléguées en deuxième division ou amenées à disparaître.

Vous êtes les plus avertis face aux changements technologiques qui, aujourd'hui, touchent toutes les entreprises dans les grandes villes comme dans les petites, dans les métropoles comme dans les territoires ruraux les plus reculés.

Nous avons lancé il y a un an l'initiative France num pour numériser toutes les TPE et PME d'ici 2022. Certains d'entre vous ont répondu présent à cette opération. Une petite centaine d'experts-comptables se sont inscrits pour devenir activateurs, c'est-à-dire pour aller sensibiliser ou proposer aux entreprises des diagnostics numériques.

Vous faites déjà beaucoup pour accompagner les entreprises et les artisans dans leur numérisation. Je lance un appel aujourd'hui pour un faire un peu plus. Je souhaite que le plus grand nombre d'experts-comptables puisse se former et participer à cette opération.

L'Ordre des experts-comptables a fixé un objectif de 10 000 diagnostics numériques : avec votre mobilisation à tous, cet objectif est à portée de mains. C'est une belle opportunité pour votre profession. C'est décisif pour la compétitivité de nos entreprises et pour développer leur activité. L'équipe France num est présente à votre congrès, à votre disposition pour échanger.

Je citerai ensuite le défi du partage de la valeur dans l'entreprise.

Depuis deux ans, nous avons pour objectif de mieux rémunérer le travail et de mieux associer les salariés au succès de leurs entreprises.

Nous l'avons fait l'année dernière en augmentant la prime d'activité, en défiscalisant les heures supplémentaires. Et nous le faisons cette année en baissant sur l'impôt sur le revenu pour 17 millions de Français et plus de 1,5 million d'entreprises.

Nous l'avons aussi fait en supprimant la taxe sur l'intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Nous nous sommes fixé un objectif avec cette suppression du forfait social : doubler d'ici la fin 2020 le nombre de salariés couverts par un accord d'intéressement dans les PME et passer ainsi d'1,4 million à 3 millions de salariés.

Cet objectif, vous pouvez nous aider à l'atteindre. Nous fournissons des accords clés en mains en ligne. Ils sont en ligne sur le site du MEF. Les entreprises n'ont plus qu'à les remplir et choisir la meilleure formule d'intéressement ou de participation possible.

Vous êtes idéalement positionnés pour informer les entreprises de ce dispositif et les conseiller sur la meilleure façon de le mettre en oeuvre.

C'est intéressant pour votre cabinet et c'est gagnant pour les employés de l'entreprise concernée.

Je compte sur vous pour vous faire les porte-paroles, auprès de toutes les PME, de l'intérêt de développer des accords d'intéressement.

Enfin, j'aurai un dernier mot pour votre rôle d'accompagnement auprès des PME/TPE.

Le choix d'une forme juridique d'entreprise adaptée est une préoccupation pour de nombreux entrepreneurs. Mais aussi un obstacle. On leur demande de savoir tout faire : ils devraient à la fois gérer leur entreprise, travailler leur savoir-faire et être des experts juridiques… C'est difficile.

Les entrepreneurs ont besoin de vos conseils, en particulier sur le choix du statut juridique qui convient le mieux à leur projet et ne leur impose pas d'obligations inutiles.

C'est pourquoi nous avons lancé une expérimentation dans les Hauts de France pour vérifier auprès des entrepreneurs s'ils ont choisi le régime statutaire, fiscal ou social le plus adapté à leur situation.

Il s'agit notamment de mieux faire connaître le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) et la possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés.

Des experts-comptables se sont engagés dans cette expérimentation. Je tiens à les en remercier. Je pense là encore que vous pouvez nous aider à faire plus.

Vous l'avez compris, sur tous ces sujets, digitalisation, intéressement, fiscalité, dématérialisation, j'aimerais que le congrès se mobilise et nous aide à accompagner les artisans et les commerçants.


Voilà les quelques grands messages que je voulais vous transmettre cet après-midi.

J'aimerais finir sur un dernier mot plus général. Dans un moment de doute sur la croissance économique mondiale qui ralentit, la France fait figure d'exception.

Nos entreprises investissent, la consommation repart, la confiance des entrepreneurs est à la hausse, le chômage baisse et va continuer de baisser. Notre pays se transforme et notre pays est l'endroit où il faut être si on veut entreprendre.

Je ne crie pas victoire, bien sûr que non, il reste encore un long chemin à parcourir. Mais la France est dans une bonne voie. Elle est dans une voie grâce aux mesures que nous avons prises. Elle est dans une voie grâce à votre travail et votre engagement.


Je vous remercie.


https://www.experts-comptables.fr, le 3 octobre 2019