Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, à Europe 1 le 29 avril 2019, sur la politique fiscale et la réduction des dépenses publiques.

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Média : Europe 1

Texte intégral

AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour Gérald DARMANIN.

GÉRALD DARMANIN
Bonjour.

AUDREY CRESPO-MARA
Vous vous rendez ce matin au séminaire gouvernemental pour mettre en place les engagements annoncés par Emmanuel MACRON, parmi lesquels la baisse de l'impôt sur le revenu. Pourquoi la reporter à 2020 et ne pas la faire maintenant ?

GERALD DARMANIN
Parce que l'année… aujourd'hui les Français paient leur impôt sur le revenu, pour l'année 2018-2019 avec l'impôt à la source c'est toujours 1 an de décalage l'impôt sur le revenu. Grâce à l'impôt à la source à partir de 2020 justement, lorsque le Parlement votera la baisse des 5 milliards d'euros proposée par le Président de la République, dès le mois de janvier 2020 ils auront effectivement la baisse d'impôt sur le revenu promise par le Président de la République.

AUDREY CRESPO-MARA
Ça aurait été quand…

GERALD DARMANIN
S'il n'y avait pas eu l'impôt à la source, ça aurait été octobre 2020, ça a toujours été comme ça. Je pense que parmi les choix du Président de la République pour savoir quel impôt baisser, l'impôt sur le revenu c'est l'impôt des gens qui travaillent, donc je pense que d'abord il y a un message pour les Français qui travaillent de leur dire qu'on les soutient, mais aussi je crois l'impôt à la source permet une baisse plus rapide de l'impôt.

AUDREY CRESPO-MARA
Parmi les 15 millions de foyers fiscaux qui seront concernés, qui précisément le sera ?

GERALD DARMANIN
Alors aujourd'hui, il y a à peu près 16 millions de foyers fiscaux qui payent l'impôt sur le revenu, c'est à peu près 45 % des Français. Et on peut penser qu'effectivement ce sont les 15 millions des Français des classes moyennes, ceux qui paient l'impôt sur le revenu, on paye l'impôt sur le revenu à partir de 1.400 euros grosso modo par mois, on peut penser que c'est les Français qui sont ceux des classes moyennes qui travaillent, qui ont du mal à s'en sortir, qui ont des familles nombreuses, qui vivent difficilement malgré leur travail, qui vont voir cette baisse de l'impôt sur le revenu. Le Parlement, nous avons une réunion cet après-midi avec le gouvernement mais aussi avec le Parlement, choisira là où il souhaitera en premier baisser l'impôt de nos compatriotes.

AUDREY CRESPO-MARA
Pour financer cette mesure, vous piochez notamment dans les niches fiscales des entreprises, ce qui fait hurler les organisations patronales qui sont reçues cette semaine par Bruno LE MAIRE. Les négociations avec les patrons s'annonce tendues !

GERALD DARMANIN
Mais moi d'abord depuis le début du quinquennat, on fait beaucoup de baisse d'impôts, on en fait pour les particuliers, c'est le cas de la suppression de la taxe d'habitation, c'est qu'à la suppression des cotisations, mais on le fait pour les entreprises et aussi pour le capital. On a supprimé l'impôt sur la fortune, nous avons supprimé ce qu'on appelle… enfin nous avons mis en place une flat tax, c'est-à-dire on a limité une augmentation d'impôts notamment sur le capital, on a baissé l'impôt sur les sociétés. Et il faut désormais que chacun puisse aller dans le sens de la nation, dans le sens de l'intérêt général, dans le sens des travailleurs, de la force du travail comme dirait peut-être Karl MARX si vous me permettez cette citation. Et je crois qu'une bonne politique, c'est une politique qui n'est pas de démagogique, pas de remettre de l'ISF mais qui est en même temps sociale. Et il faut que le patronat aujourd'hui comprenne qu'après avoir beaucoup aidé les entreprises de France, on a aussi besoin d'eux pour qu'ils puissent effectivement nous accompagner dans la baisse d'impôts. Donc il y a 40 milliards d'euros de niches fiscales entreprises, 40 milliards, nous leur demandons de participer une partie des 5 milliards d'euros de baisses d'impôt sur le revenu, je pense que c'est tout à fait possible pour le patronat français que de faire cet effort.

AUDREY CRESPO-MARA
Dans quelles niches fiscales allez-vous piocher ?

GERALD DARMANIN
On le verra bien, le principe de l'annonce du président de la République, c'était de ne pas de changer de cap économique, de pouvoir poursuivre l'attractivité, la baisse du chômage. Je rappelle que nous créons 500.000 emplois depuis le début du quinquennat, que pour la première fois le chômage est le plus bas depuis 10 ans dans notre pays ; et en même temps que changer un peu de méthode, de plus se concerter. Donc concerter les organisations syndicales, concerter les élus et puis concerter aussi ceux qui sont concernés. Donc je ne vais pas faire les arbitrages de niches fiscales avant que Bruno LE MAIRE n'ait reçu les organisations professionnelles, mais ce qui est certain c'est que sur 40 milliards de niches on devrait bien pouvoir trouver quelques centaines de millions d'euros.

AUDREY CRESPO-MARA
Donc en tout cas, les entreprises doivent aussi contribuer, vous dites à l'intérêt général et moins râler quoi en gros, c'est ça, les patrons doivent moins râler ?

GERALD DARMANIN
Je pense que l'intérêt général, ce n'est pas les intérêts particuliers, nous baissons beaucoup les impôts des entreprises, beaucoup les impôts du capital. Il n'y a jamais eu autant de baisses d'impôts pour les entreprises, pour la création de richesses ; et nous disons aussi aux entreprises que nous avons compris la demande des Français, notamment des Français de classe moyenne, qui veulent qu'on baisse leurs impôts aussi. Et donc nous leur disons effectivement qu'on peut – tout en baissant l'impôt des entreprises – mieux répartir sans doute la baisse de la fiscalité.

AUDREY CRESPO-MARA
Gérald DARMANIN, financer une baisse d'impôts pour les particuliers en augmentant les impôts des entreprises, est-ce que ce n'est pas un tour de passe-passe fiscal quand on a du mal à baisser les dépenses publiques ?

GERALD DARMANIN
Non, nous baissons les dépenses publiques, je suis le ministre des Comptes publics qui grâce à l'action d'Edouard PHILIPPE baisse en volume la dépense publique. C'est très difficile de baisser la dépense publique, parce que l'augmentation de la population chaque année en France fait qu'on dépense plus, parce que les gens sont de plus en plus âgés et ont de plus en plus besoin de dépenses de santé par exemple. Mais nous baissons la dépense publique. Et parmi les choses qu'a dites le président de la République, il a dit la révision des niches bien sûr, mais il a aussi dit qu'il fallait travailler davantage et qu'il fallait travailler davantage, notamment en allongeant la durée de cotisation pour les départs à la retraite. Vous savez les retraites, c'est 30 % de toute la dépense publique, et quand le président de la République a dit « il faut travailler davantage », c'est une manière de mieux financer les baisses d'impôts que nous évoquons.

AUDREY CRESPO-MARA
Alors justement, pour Marine LE PEN les annonces d'Emmanuel MACRON sont (je cite) une succession de malhonnêtetés, à commencer par celle sur les retraites.

MARINE LE PEN
…On ne touche pas à l'âge de départ, en revanche vous ne toucherez pas votre retraite pleine, ce qui veut dire que la durée de cotisation va augmenter. C'est mal de la part du président de la République, faire croire aux gens qu'on ne touche pas à l'âge de la retraite alors qu'en réalité, par un biais détourné on y touche.

AUDREY CRESPO-MARA
Par un biais détourné, vous y touchez !

GERALD DARMANIN
Mais non mais c'était dans le coeur même de la campagne du président de la République Emmanuel MACRON. Qu'est-ce qu'il a dit ? Nous allons faire une réforme par points, nous allons changer de réforme des retraites et c'est Jean-Paul DELEVOYE qui y travaille. Et il y a un âge légal à partir duquel les gens peuvent partir en retraite ; et puis il y a un âge pivot, c'est un petit peu compliqué, les retraites c'est extrêmement compliqué, mais il y a un âge pivot qui fait qu'on peut partir effectivement à l'équilibre et partir avec 100 % de la retraite à laquelle nous avons le droit. Quel est le montant de cet âge pivot ? Jean-Paul DELEVOYE nous le dira, ça dépend beaucoup des personnes qui travaillent…

AUDREY CRESPO-MARA
En tout cas Emmanuel MACRON a dit « on ne touche pas à 62 ans », si on part avant on ne touche pas sa retraite pleine, donc on a intérêt à partir après !

GERALD DARMANIN
62 ans c'est l'âge légal du départ aujourd'hui, il y a déjà beaucoup de gens qui partent avant 62 ans, c'est notamment le cas des régimes spéciaux. Vous savez que dans la réforme DELEVOYE, il n'y a plus ces régimes spéciaux, tout monde quand il cotisera 1 euro, public comme privé, aura le droit effectivement à 1 euro de cotisations, ce sera 1 euro égal 1 euro pour tout le monde. Dans le cadre de cette grande réforme des retraites, il y aura un âge de départ légal pour tout le monde ; et puis il y aura un âge à partir duquel on partira avec 100 % de sa retraite…

AUDREY CRESPO-MARA
63, 64, 65.

GERALD DARMANIN
Le savent bien. Déjà Madame LE PEN ne peut pas dire tout et l'inverse, la semaine dernière nous dire « il faut faire des efforts » et cette semaine, quand le président de la République propose des efforts dise « ce n'est pas ces efforts-là qu'il fallait faire ». Donc c'est assez cohérent ce que nous présentons aux Français. La baisse de l'impôt pour les classes moyennes, nous disons au patronat français, au MEDEF : ayez conscience de l'intérêt général et participez vous aussi à la Concorde nationale, faites un effort également. Et puis nous disons aux Français : il va falloir travailler plus longtemps parce qu'on n'est pas démago et on considère aujourd'hui, comme tous les pays européens autour de nous, qu'il vaut mieux baisser les impôts et travailler un peu plus parce qu'il y a plus d'espérance de vie, que de vous raconter des garnousettes. Je sais que vous aimez ça à Europe 1 que je dise garnousette.

AUDREY CRESPO-MARA
Garnousette, c'est le mot de ce matin. Si on additionne Gérald DARMANIN les 10 milliards de mesures annoncées en décembre aux 10 milliards promis la semaine dernière, ça veut dire que vous ministre des Comptes publics, vous allez devoir réduire les dépenses publiques de 20 milliards ?

GERALD DARMANIN
D'abord ce n'est pas de 10 milliards qu'a annoncé le président de la République…

AUDREY CRESPO-MARA
Alors faites un compte, faites un compte, c'est combien ?

GERALD DARMANIN
Rapidement, il y a 5 milliards de baisse d'impôts sur le revenu et à peu près 1,5 milliard, 1,4 milliard de réindexation des retraites pour les personnes…

AUDREY CRESPO-MARA
Vous parliez le 14 mars de 2 à 3 milliards pour la réindexation des pensions de retraite !

GERALD DARMANIN
Oui mais le président de la République a dit jusqu'à 2.000 euros de retraite, donc c'est à peu près 1,4 – 1,5 milliard, donc ça fait à peu près 6,5 milliards annoncés par le président de la République. Et il est vrai qu'en décembre dernier, à peu près 10 milliards d'impôts en moins, 7 milliards d'impôts en moins et à peu près 3 milliards d'euros de prime activité, ça fait donc à peu près 17 milliards en tout.

AUDREY CRESPO-MARA
Et l'instauration d'une retraite minimale !

GERALD DARMANIN
Alors nous essayons de le faire pour l'année prochaine effectivement et ça, ça coûtera un peu à peu moins de 1 milliard d'euro normalement, on est en train…

AUDREY CRESPO-MARA
Et le dédoublement des classes ?

GERALD DARMANIN
On est en train de le regarder. Et puis le dédoublement des classes, on a un séminaire aujourd'hui gouvernemental. Vous savez le dédoublement des classes, j'ai été maire de ma commune de Tourcoing, je suis le travail très important que fait Jean-Michel BLANQUER, ça met un petit peu de temps quand même de construire, de dédoubler des classes, donc je ne suis pas sûr que tout puisse se faire intégralement dans toute la France l'année prochaine. Mais enfin…

AUDREY CRESPO-MARA
Au total, vous évaluez à combien la nécessité de réduire les dépenses publiques là, si vous me dites « ce n'est pas 10 milliards », c'est combien ?

GERALD DARMANIN
Alors d'abord pardon de le dire, mais la révision des niches par exemple c'est une première réponse. L'allongement de la durée de cotisation, je rappelle que 30 % de la dépense publique ce sont les retraites, c'est beaucoup de financements des politiques publiques que nous évoquons. Et puis par ailleurs, nous avons la chance d'avoir une croissance assez forte, donc nous continuons à avoir de bonnes rentrées. Donc nous considérons qu'il faut continuer à tenir la dépense publique, à faire des efforts. C'est ce que nous faisons avec Olivier DUSSOPT en présentant la réforme de la fonction publique, qui sera présentée au Parlement dans les prochains jours, c'est ce que nous faisons…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais le président est prêt à renoncer à supprimer 120.000 postes de fonctionnaires, c'est ce qu'il a dit !

GERALD DARMANIN
C'est ce que faisons lorsque nous faisons la réforme de l'allocation chômage, on n'en parle pas beaucoup mais c'est beaucoup d'argent, c'est quelques milliards d'euros pour ne pas dire davantage ; et je crois que Muriel PENICAUD va bientôt la présenter devant vous. C'est le cas lorsque nous faisons la réforme des retraites, c'est le cas lorsqu'on fait la réforme de l'audiovisuel public, qu'on demande des efforts à l'audiovisuel public. Donc ça, l'Etat continue à se transformer et à tenir la dépense et nous pouvons dire que nous tiendrons les comptes publics et nous serons autour de 2 % de déficit année prochaine, c'est-à-dire que nous serons le gouvernement qui aura baissé d'un point et demi le déficit en 2 ans, ce sera remarquable.

AUDREY CRESPO-MARA
Le président promet de réduire les dépenses publiques et en même temps, il est prêt à renoncer à supprimer 120.000 postes de fonctionnaires. Vous ne trouvez pas ça contradictoire ?

GERALD DARMANIN
Non, pas du tout parce que le Président de la République a dit que la transformation était plus importante que la comptabilité et il a raison…

AUDREY CRESPO-MARA
Ce sont des mots !

GERALD DARMANIN
Ce sont des mots mais ce sont des mots très importants, parce que d'abord il faut transformer l'Etat et puis ensuite, on voit combien on a besoin d'agents en moins.

AUDREY CRESPO-MARA
Combien ?

GERALD DARMANIN
Nous le verrons bien. Le président de la République a dit mercredi que le Premier ministre allait lui proposer un certain nombre de choses ; et je vais travailler avec le Premier ministre pour lui proposer. Ce qui est certain c'est…

AUDREY CRESPO-MARA
Vous pensez qu'on peut réduire combien de…

GERALD DARMANIN
Non mais ce qui est certain, c'est que nous tiendrons une grande partie de l'objectif du président de la République indépendamment des annonces du Premier ministre, qu'il s'agisse de la tenue du nombre d'agents dans les collectivités locales, je pense que nous y arriverons aux 70.000 dans les collectivités locales. Et puis nous aurons peut-être quelques milliers de différence de postes entre l'annonce du président de la République et les 120.000. Mais ce qui est certain, c'est que nous continuerons à baisser le nombre d'emplois publics, pourquoi ? Parce que…

AUDREY CRESPO-MARA
Et sur les 50.000 de la fonction publique d'Etat…

GERALD DARMANIN
Mais nous le verrons, le Premier ministre… mais vous ne pouvez pas demander au gouvernement de changer de méthode…

AUDREY CRESPO-MARA
Non mais vous en êtes à combien, je ne vous dis pas sur une projection mais aujourd'hui sur les 50.000 promis sur le quinquennat ?

GERALD DARMANIN
Sur les 50.000, on en a un peu plus de 10.000 en budget et demi. Et donc là, on va arriver à un projet de loi de finances du mois de septembre où on continuera à proposer la baisse d'emplois publics et nous verrons bien, parce que nous ne faisons pas de la comptabilité, quelles sont les conséquences des transformations de l'Etat. Lorsqu'on supprime la taxe d'habitation par exemple, on va la supprimer à partir de 2021-2022 complètement, il y a 3.000 agents à la Direction générale des Finances publiques qui pourront faire autre chose ou ne pas être remplacés parce qu'on aura supprimé un impôt. Il vaut mieux d'abord supprimer des missions et ensuite, nous voyons les conséquences sur l'emploi.

AUDREY CRESPO-MARA
Merci Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2019