Interview de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, à France Info le 30 avril 2019, sur la mise en oeuvre des réformes, suite aux annonces faites par le président de la République.

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Circonstance : Séminaire gouvernemental, à l'hôtel de Matignon le 29 avril 2019

Média : France Info

Texte intégral

JEROME CADET
Bonjour à tous. Bonjour Amélie de MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

JEROME CADET
A l'issue du séminaire gouvernemental, hier soir Edouard PHILIPPE a annoncé un calendrier législatif extrêmement chargé. Les projets de loi vont s'additionner jusqu'à la fin de l'été. Vous allez réussir à tout faire ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui est certain, c'est que les Français pendant trois mois ont fait part de leurs inquiétudes. Et au fond, ils ont dit surtout à mes yeux une chose : il faut que le service public soit à nouveau proche et soit nouveau efficace. Et pour ça, il faut qu'on fasse pas mal de changements. Parfois ça va demander des lois ; parfois ça va demander que dans le budget à l'automne il y ait des choses qui soient ajustées ; souvent ça va demander la concertation. C'est-à-dire que les élus locaux, l'Etat, parfois les associations, parfois tous les acteurs je veux dire de la société civile se coordonnent. Et donc notre objectif, c'est qu'on fasse des lois quand il y en a besoin mais que surtout… On voit dans beaucoup de domaines, il y a déjà des choses qui existent, il faut maintenant qu'on les rende applicables. Je pense par exemple à tout ce qui est dans l'écologie, la rénovation énergétique des bâtiments. Il y a énormément de dispositifs. La question qui est devant nous, c'est comment on rend tout ça beaucoup plus applicable dans la vie, pour que ce qui est vrai dans la loi devienne vrai dans la vie. Et au fond, c'est ce que les gilets jaunes pendant des mois nous ont dit. C'est vous nous dites des choses, mais nous, dans la vie quotidienne, on ne voit pas ces résultats. Et le changement de méthode de ce séminaire intergouvernemental, c'est vraiment de se dire : comment on travaille ensemble pour que le plus possible, ce qu'on annonce devienne vrai dans la vie.

RENAUD DELY
Cette urgence législative, elle répond aussi à une urgence politique. Il s'agit de sauver la deuxième moitié du quinquennat ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, on travaille activement depuis le début sur des choses très claires et qui sont maintenues. On veut créer plus d'emplois dans notre pays ; on veut s'assurer que la fracture territoriale, les injustices territoriales - on avait commencé avec la taxe d'habitation - puissent se résorber et on veut travailler autrement, notamment avec les élus locaux. Et donc on va continuer. Je ne sais pas s'il est question de sauver ou de ne pas sauver. On est là pour transformer les choses et que dans cinq ans…

RENAUD DELY
Mais depuis six mois, depuis le début du mouvement des gilets jaunes, l'action gouvernementale était un peu en panne.

AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne suis pas sûre qu'elle était en panne. Vous savez, moi j'étais députée, j'ai voté des choses importantes. Quand on a travaillé sur la loi Santé avec Agnès BUZYN pour essayer justement d'avoir plus de médecins formés et puis des médecins qui travaillent sur les territoires, notamment là où on manque de médecins de manière différente, on a travaillé. Quand on a préparé la réforme de la Fonction publique, qui va être présentée là au Parlement dans quelques jours, on a travaillé. Je n'ai pas eu l'impression qu'on se soit arrêté de travaille. En revanche ce qui est certain, c'est qu'on voit que sur la proximité, sur le caractère aussi de l'humanité, j'allais dire, qu'il faut apporter notamment dans les services publics, quand on crée les Maisons France Service, c'est au fond d'améliorer ce qui existe et surtout d'être le plus près possible de la vie quotidienne des Français.

RENAUD DELY
Alors il y a une autre annonce importante d'Emmanuel MACRON la semaine dernière que le Premier ministre s'est engagé à mettre en oeuvre, ce sont les baisses d'impôts. Cinq milliards d'euros de baisse de l'impôt sur le revenu. Voici ce qu'en disait Edouard PHILIPPE hier.

EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE
L'objectif de financement de cette réduction d'impôt doit passer, le président de la République l'a dit, à la fois par des économies mais surtout par une réduction d'un certain nombre de niches fiscales dont profitent les entreprises. Il ne s'agit pas de modifier les niches fiscales dont profitent les particuliers. Il y a deux dispositifs qui ne rentreront pas en ligne de compte. C'est évidemment le crédit d'impôt recherche et ce que l'on appelait le CICE.

RENAUD DELY
Alors ni le crédit impôt recherche, ni le CICE. Qu'est-ce qui reste comme niche à supprimer ? La TVA sur la restauration, par exemple les taux de TVA réduits ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, ça c'est un travail que j'avais aussi mené quand j'étais députée. C'était de revoir les niches une par une. Si vous commencez à faire des grands discours généraux, en fait vous êtes loin du sujet. Donc le travail qui va être mené, c'est je crois Joël GIRAUD, rapporteur général du budget et des députés ainsi que le gouvernement, vont travailler avec les entreprises pour identifier les niches et les petites taxes. Parce qu'il y avait beaucoup de choses à faire…

RENAUD DELY
Justement, si on les passe en revue une par une, par exemple la TVA sur la restauration à 10 % qui est un taux réduit, est-ce que…

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais ce qu'il faut, c'est que vous regardiez les petites taxes, les petites niches, que vous regardiez sectoriellement par exemple qui va bénéficier des nouvelles baisses de charges qui sont prévues au mois d'octobre, et que ce soit fait dans la concertation.

JEROME CADET
Mais là, sur la TVA sur la restauration par exemple ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais ce n'est pas à moi de vous dire ça ce matin.

JEROME CADET
Mais vous avez une idée. Vous l'avez exprimée à l'instant : j'ai travaillé niche par niche sur cette question.

AMELIE DE MONTCHALIN
Oui. Sur la TVA sur la restauration, eh bien je peux vous dire : on a travaillé avec des économistes qui vous montrent que…

JEROME CADET
Alors est-ce qu'il faut la garder ou pas cette TVA réduite ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Qui vous montrent que ce n'est pas du tout une mesure facile à prendre puisque c'est asymétrique. C'est-à-dire qu'il y a des moments quand on l'augmente, eh bien les prix augmentent, et quand on la baisse les prix ne baissent pas. Donc c'est des choses qu'il faut travailler en détail. Moi, ce qui compte pour moi, c'est qu'on soit très clair comme l'a dit Premier ministre. On n'est pas là pour se dire qu'on fait des cadeaux et ce serait financé par la dette plus tard que de baisser les impôts, et on est là surtout pour continuer ce qu'on a commencé à faire. On a, en 2018, le plus faible déficit depuis 2007. Ça ne s'est pas fait par magie, ça s'est fait avec méthode. On a contractualisé avec les collectivités locales, on a tenu à faire des vraies réformes en profondeur sur le logement social, sur les contrats aidés. Et donc je pense que l'objectif qu'on doit se fixer, c'est d'être extrêmement cohérent. Pourquoi le Premier ministre dit : « On garde le crédit impôt recherche et le CICE », c'est parce qu'on est cohérent. Parce qu'on dit : on a besoin de beaucoup d'innovation dans le pays parce qu'on a besoin de créer beaucoup d'emploi.

JEROME CADET
La cohérence justement. A l'automne dernier, le gouvernement voulait en finir avec l'avantage fiscal sur le gasoil non routier, avant de faire marche arrière devant la fronde des patrons, notamment des entreprises du BTP. Suppression progressive, ça coûterait 900 millions d'euros par an à l'Etat. Est-ce que vous pourriez revenir et donc supprimer cet avantage fiscal sur la gasoil non routier ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ça, je crois que c'est typiquement un sujet qui va être mis sur la table aussi dans le cadre de la Convention citoyenne sur, vous savez, le climat et sur l'écologie. Des citoyens l'ont dit, beaucoup sur les ronds-points. Pourquoi nous, les ménages, on paye et pourquoi les entreprises ne payent pas ? Je pense que ce sont de bons débats à avoir. Mais là où on a une méthode à faire évoluer, c'est qu'on l'a vu, les gilets jaunes ils ont dit : « On veut participer, on veut être consulté. » Les entrepreneurs de travaux publics…

JEROME CADET
Si vous demandez aux entrepreneurs de travaux publics s'ils veulent la fin de cet avantage fiscal, je pense connaître à peu près leur réponse.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais il y a demander la fin d'un avantage fiscal et il y a être accompagné, comprendre les contraintes, voir comment du coup ça peut se mettre en oeuvre, comment on a…

JEROME CADET
Progressivement par exemple.

AMELIE DE MONTCHALIN
Par exemple. Ce sont des choses sur lesquelles il faut travailler pour que les acteurs ne se sentent pas obligés à faire des choses qu'ils ne comprennent pas et surtout qu'ils n'ont pas le temps de s'adapter. Quand on dit qu'on veut accompagner, on le fait dans beaucoup de domaines. On le fait, vous savez, pour les personnes qui cherchent un emploi. On le fait pour les élus locaux. On essaie justement à la fois d'être ambitieux sur la transformation mais d'être dans la méthode extrêmement réaliste, pour qu'à la fin ça puisse se faire sans blocage.

RENAUD DELY
Vous disiez tout à l'heure que depuis 2017, la majorité s'était attaquée à la réduction des déficits. Emmanuel MACRON a annoncé l'abandon de son objectif de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires d'ici la fin de l'année. D'ici la fin du quinquennat, pardon. Ça signifie donc que cet objectif de réduction des déficits est devenue secondaire.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non. Alors ce n'est pas du tout ce qu'il a dit et ce n'est pas du tout ce qu'on a en tête.

RENAUD DELY
Ah, si.

AMELIE DE MONTCHALIN
Depuis le début, on a une méthode qui fait que par exemple en 2018, pour la première fois, la dépense publique en volume de l'Etat a diminué. Donc on a des vrais résultats. Sur les fonctionnaires, ce qu'a dit le président c'est : mon objectif, ce n'est pas de finir le quinquennat à 120 000 zéro-zéro, mon l'objectif c'est qu'on ait…

RENAUD DELY
C'était pourtant ce qu'il disait jusque-là. Lorsqu'il était en campagne et depuis son élection.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est ce qu'on a toujours dit. C'est une cible, maintenant il faut… On ne va pas être des comptables, on ne va pas gérer, vous savez comme sous Sarkozy, la RGPP, par le…

JEROME CADET
Mais ça veut dire que quand on entend le président de la République donner un objectif, il ne faut pas vraiment l'entendre. Quand il nous dit : Notre-Dame, il faut reconstruire d'ici cinq ans…

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, non, non, non.

JEROME CADET
En fait ce n'est pas vraiment cinq ans.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais vous savez, sur les fonctionnaires, la discussion elle est très claire. Bien sûr qu'on doit transformer en profondeur nos services publics. Bien sûr qu'on doit réduire le nombre de fonctionnaires parce que ça nous donne des marges de manoeuvre pour faire autre chose. Et que quand on fait une maison France Services, on va regrouper des agents en proximité et sûrement qu'on a des économies à faire sur les grandes administrations centrales. Si on fait 110 000, 112 000 122 000, ça ne sera peut-être pas 120 000 pile mais l'objectif…

JEROME CADET
Mais ça sera peut-être 119 000, c'est ce que vous nous dites.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais ce sera peut-être 119 000…

JEROME CADET
D'accord.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et au fond, ce que les Français nous demandent de faire, est-ce ce qu'ils nous demandent de jouer au comptable et de compter fonctionnaire, par fonctionnaire ou est-ce qu'ils nous demandent d'avoir un service public plus humain, plus proche, que les gens soient au bon endroit, que les agents publics soient aussi mieux formés ?

RENAUD DELY
Donc c'est au moins cent mille quand même.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais la réforme de la Fonction publique que fait Olivier DUSSOPT, qui dit plus de mobilité, plus de formation, des agents plus polyvalents, ça va nous permettre de faire des choses. Ça va nous permettre d'avoir des vraies ressources humaines, d'avoir aussi pour les agents une gestion de leur mobilité de leur carrière beaucoup plus adaptée à leurs attentes. Aujourd'hui l'attente elle est aussi du côté des fonctionnaires et donc on va faire les choses. Ce qui est intéressant pour moi, c'est qu'on sorte de l'idéologie comptable et qu'on soit vraiment sur la transformation de l'Etat. Et vous verrez qu'on fera le compte en 2022 et si c'est 112 000 ou 114 000 je pense que les Français ne pleureront pas et nous on aura l'impression surtout d'avoir transformé le service public pour que soit plus efficace. (…)

RENAUD DELY
Le chiffre de la croissance est tombé ce matin. Selon l'INSEE, au premier trimestre 2019 elle s'élève à 0,3 %. La croissance est encore là mais elle est faible et elle ralentie. La prévision pour l'ensemble de l'année 2019 est à 1,3 %, c'est moins qu'en 2018 et nettement moins qu'en 2017. Est-ce qu'avec une croissance aussi faible on peut encore faire reculer le chômage ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est plutôt l'inverse. C'est comment dans un monde qui ralentit, un monde économique : vous le voyez en Allemagne, vous le voyez dans le reste du monde ; aujourd'hui la croissance ralentit parce qu'il y a un cycle économique. Comment la France aujourd'hui réussit à avoir une croissance plus élevée que…

RENAUD DELY
Elle ralentit aussi, la France.

AMELIE DE MONTCHALIN
La croissance mais ce que je vois aussi, c'est que la France aujourd'hui a des atouts propres qui lui permettent d'être plus résistante que l'Allemagne, que l'Italie qui vivent aujourd'hui des situations difficiles.

RENAUD DELY
C'est mieux que si c'était pire.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui est certain… Je ne vais pas me lancer dans ce genre de débat. Ce qui est certain, c'est que notre objectif c'est de chercher pourquoi la croissance en France a souvent été plus faible que celle de ses voisins. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Mais pourquoi elle est faible ? Parce qu'on manque de recherche, on manque d'innovation. Au fond, on a vu qu'on manque de compétences. Aujourd'hui les entreprises disent que la première raison pour laquelle elles ne créent pas d'emploi, c'est qu'elles ne trouvent pas les compétences. Ça veut dire que tout ce qu'on est en train de faire sur la formation, sur l'éducation, sur l'apprentissage, toutes ces réformes qui nous permettent de remettre finalement la France dans des situations notamment de production industrielle beaucoup plus dynamique, c'est ça qu'il faut qu'on continue. Ce que je vois quand même, c'est qu'aujourd'hui la France résiste mieux au ralentissement mondial que ses voisins. Il ne faut pas claironner, ce n'est pas un objectif qui nous permet de se dire qu'on a fini notre travail, mais ça doit nous rassurer sur le fait que le cap économique qui est le nôtre est le bon.

RENAUD DELY
Et elle résiste mieux, dites-vous, que ses voisins malgré le mouvement des gilets jaunes. On a entendu Bruno LE MAIRE répéter à plusieurs reprises que le mouvement des gilets jaunes aurait un impact lourd sur la croissance. Ce n'est pas le cas.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais il a un impact de 0.1 ou 0.2 point de croissance sur l'année. Peut-être que le 1.3 aurait pu être 1.4, 1.5. On verra. Mais ce qui est certain, c'est qu'on doit travailler sur les fondamentaux de la croissance en France qui, depuis des années, nous ralentissent. Et ça, c'est la formation et les compétences et c'est la capacité pour nos entreprises à rester innovantes et à pouvoir, du coup, recréer des emplois partout en France par l'industrie. Et tout notre effort il est là-dessus, et il faut absolument qu'on continue pour que ces chiffres eh bien structurellement ils puissent être beaucoup plus élevés et qu'on puisse effectivement créer plus d'emplois. Mais on a quand même crée 500 000 emplois depuis le début du quinquennat. Et ces 500 000 emplois, il y en a quand même beaucoup qui se passent dans l'industrie et c'est un changement de cap. Parce que depuis dix ans, on avait surtout détruit des emplois dans l'industrie.

JEROME CADET
Amélie de MONTCHALIN, demain le 1er mai, le ministre de l'Intérieur Christophe CASTANER est inquiet, craint des violences, incite les commerçants à fermer boutique sur le parcours du cortège. Les syndicats eux aussi sont inquiets. Est-ce que vous appelez à ne pas manifester demain, les Français qui nous écoutent et qui voudraient aller manifester en ce 1er mai ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce que je sais, c'est que le droit à la manifestation il est constitutionnel et c'est d'ailleurs un des piliers de notre République. C'est qu'on a une liberté d'expression et qu'on a toujours le droit de pouvoir s'exprimer. En revanche, ce qui n'est pas constitutionnel et qui est contraire à l'intégralité des valeurs de la République, c'est d'aller dans la rue pour casser. Et c'est d'aller dans la rue pour chercher même pas à revendiquer quoi que ce soit, mais pour être dans la confrontation avec les forces de l'ordre et dans la confrontation avec tout ce qui représente la République. Si demain des Français ont l'intention d'aller casser, oui je leur dis de ne pas le faire. Si demain des Français ont l'intention, comme depuis des dizaines d'années voire des centaines d'années, s'exprimer dans la rue pour un jour qui est un jour traditionnel où effectivement les travailleurs, depuis des siècles, expriment, en tout cas depuis plus… presque un siècle… expriment la volonté d'être ensemble, des revendications collectives, et au fond ce qui fait peut-être parfois même l'identité d'un certain nombre de militants syndicaux, je pense qu'ils ont le droit de pouvoir le faire en sérénité. C'est pour ça que la loi anticasseurs elle était aussi importante. Parce qu'il faut qu'on protège le droit de manifester pour ceux qui l'expriment de manière républicaine et qu'on soit…

RENAUD DELY
Loi anticasseurs qui a été censurée par le Conseil constitutionnel sur une disposition essentielle de ce texte.

AMELIE DE MONTCHALIN
Enfin, on a quand on a même gardé beaucoup de choses. Notamment le fait qu'on puisse fouiller à l'abord des manifestations tous ceux qui viennent armés non pas de banderoles mais de boules de pétanque et qui viennent là surtout pour blesser les policiers.

RENAUD DELY
Mais l'interdiction administrative à certains individus jugés dangereux de manifester de nouveau, elle, a été censurée par le Conseil constitutionnel. Il faudrait revenir… à votre avis, il faudrait rétablir cette disposition-là ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi ce que je vois, c'est que le casseur qui doit payer, le principe de casseur-payeur est gardé. Le principe de fouilles pour éviter que la manifestation se transforme un champ de bataille est préservé, et que depuis des semaines, avec le préfet de police de Paris et puis toutes les forces de sécurité des forces de l'ordre, on essaie de faire en sorte qu'on puisse préserver le droit de manifester. Et d'ailleurs il y a eu beaucoup de manifestations tout à fait pacifiques. Mais qu'on soit aussi extrêmement intraitable avec ceux qui viennent là pour faire autre chose, pour mettre en danger la République, pour finalement exprimer de manière violente des contestations qui normalement doivent se passer dans les urnes si on croit en la démocratie. C'est comme ça que ça doit fonctionner.

RENAUD DELY
La justice a levé hier le contrôle judiciaire qui avait été infligé au journaliste Gaspard GLANZ pour l'interdire d'être présent aux manifestations et notamment à celles du 1er mai. Il pourra finalement couvrir la manifestation du 1er mai demain. Voici ce que votre collègue Christophe CASTANER, ministre de l'Intérieur, disait vendredi. Il était notre invité, voici ce qu'il disait de Gaspard GLANZ.

CHRISTOPHE CASTANER, MINISTRE DE L'INTERIEUR
Est-ce que c'est être journaliste ? Je vais être un peu brutal mais moi, je ne connaissais pas ce jeune homme avant le week-end dernier et comme il y a eu un débat, vous savez quand il a été interpellé - évidemment ça ne remonte pas au Ministère de l'Intérieur - j'ai regardé notamment ce qu'il disait de moi. Ça doit être un vrai journaliste d'investigation. La dernière fois qu'il a parlé de moi, son tweet c'était : « Tu n'es qu'une grosse merde, Castaner. » Voilà ce que vous pensez peut-être être un journaliste ; moi non.

RENAUD DELY
La décision de la justice qui lève le contrôle judiciaire de Gaspard GLANZ, c'est un désaveu pour les attaques de Christophe CASTANER ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est la décision de la justice et vous savez très bien qu'il serait, si on croit en la République, totalement malvenu que je puisse commenter une décision de justice. Si la justice l'a prise, c'est qu'elle a des fondements pour le faire.

RENAUD DELY
C'est un journaliste qui peut donc couvrir la manifestation demain du 1er mai comme celle des samedis à venir.

AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien j'espère bien que dans notre pays, vous voyez, ce n'est pas un membre du gouvernement qui doit dire aux uns ou aux autres s'il a le droit ou pas d'être dans une manifestation. La justice a parlé. Ensuite, il y a des débats politiques mais vous voyez que ce serait totalement malvenu et que vous seriez les premiers ensuite à me reprocher d'aller sur un terrain qui n'est pas le mien. La justice dans notre pays, elle est sacrée. Elle a une indépendance et elle a des décisions à prendre : c'est donc la sienne.

RENAUD DELY
En l'occurrence, Christophe CASTANER ne s'est pas privé d'émettre un avis tranché sur le cas de Gaspard GLANZ.

AMELIE DE MONTCHALIN
Il n'a pas demandé s'il avait le droit de manifester ou pas. Il a exprimé le fait que sur certains tweets manifestement il prenait des positions, et on peut le comprendre légitimement quand on est Christophe CASTANER, qu'il trouvait assez choquantes.

JEROME CADET
En tout cas, Gaspard GLANZ pourra être présent donc demain à Paris pour couvrir cette manifestation. Amélie de MONTCHALIN, vous avez succédé au secrétariat d'Etat aux Affaires européennes à Nathalie LOISEAU qui mène la campagne de La République en Marche pour les européennes. Campagne qui patine et qui souffre parfois des déclarations de l'ancienne secrétaire d'Etat. La dernière en date, c'était hier matin sur France Culture.

NATHALIE LOISEAU, TETE DE LISTE LA REPUBLIQUE EN MARCHE AUX ELECTIONS EUROPEENNES
Je sais ce à quoi je me suis heurtée, c'est-à-dire énormément de conservatisme de la haute administration, celle que j'avais en face de moi. Disons les choses : je n'ai pas été accueillie avec des fleurs. En n'étant pas ancienne élève de l'ENA, femme et moins de 50 ans, j'avais l'impression d'être une romanichelle quand je suis arrivée à la tête de l'ENA.

JEROME CADET
« Quand je suis arrivée à l'ENA, j'ai eu l'impression d'être une romanichelle » dit Nathalie LOISEAU. Il y a des gaffes dans cette campagne, Amélie de MONTCHALIN ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi ce que je sais, c'est que si on commence à faire de la polémique sur toutes les petites phrases des uns et des autres, on a que 61 % des Français qui se disent aujourd'hui intéressés par ces élections. Le but qui est le mien, c'est de montrer à chacun des 40 % restants que l'Europe c'est essentiel.

RENAUD DELY
C'est-à-dire que cette formule, elle ne vous choque pas.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bien sûr qu'il y a des mots maladroits et que, évidemment, on préférerait ne pas avoir à commenter les petites phrases des un et des autres puisque ce n'est pas ça l'objectif. L'objectif, c'est comment en Europe on retrouve des politiques concrètes qui protègent les Européens. Comment en Europe on se met d'accord sur des choses essentielles, notamment sur l'ambition qui est la nôtre sur le changement climatique. Comment on intéresse les Français sur un projet qui, au quotidien aujourd'hui, les concerne. Quand on parle de travail détaché, de dumping social, quand on parle de pêche électrique, d'interdiction du plastique, on parle de choses qui concernent des pêcheurs, qui concernent tous les Français…

JEROME CADET
Bien sûr.

AMELIE DE MONTCHALIN
Qui concernent tous les patrons de PME de notre pays qui savent très bien que le travail détaché, c'est un dumping insupportable. Donc moi ce que je veux, c'est qu'on parle d'Europe concrètement et qu'on puisse mener une campagne sur ce qui est l'important.

JEROME CADET
Donc pour que ce message passe, Amélie de MONTCHALIN, vous dites quoi à Nathalie LOISEAU ? « Fais attention à ce que tu dis » ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je dis à Nathalie LOISEAU qu'on a un combat commun : c'est qu'à la fin, il faut que l'influence française dans les institutions européennes soit renforcée et qu'il faut qu'on ait une liste française, républicaine, travailleuse et motivée extrêmement nombreux parce que si on veut pouvoir porter des combats qui sont les combats que le président de la République a annoncés, et qui d'ailleurs rassemblent parfois bien au-delà la liste En Marche et Renaissance, il faut qu'on ait de l'influence. Vous savez que la première délégation française au Parlement européen jusqu'à maintenant, c'était le Front national. L'avantage du Front national, c'est qu'ils votent contre tout, y compris contre des choses qu'ils disent être positives quand ils sont en meeting. Quand on renforce de 10 000 le nombre de gardes-frontières européens pour protéger nos frontières et avoir des vrais gardes-côtes et des vrais gardes-frontières, je ne comprends pas comment ceux qui nous font des grands discours sur l'immigration ne se disent pas qu'il y a par exemple là des choses à faire. Donc moi mon influence et mon objectif commun avec Nathalie LOISEAU, c'est que dans quelques semaines on puisse se dire : voilà, la France a retrouvé de la crédibilité, de l'influence et du poids en Europe. Parce que c'est ça dont on a besoin et c'est ça dont les citoyens France et européens ont besoin. (…)

JEROME CADET
La secrétaire d'Etat chargée des Affaires européennes, Amélie de MONTCHALIN est notre invitée ce matin.

RENAUD DELY
Vous disiez à l'instant que dans cette campagne il faut aller au fond, parler des sujets essentiels, des enjeux qui font l'Europe précisément, c'est ce que vous souhaitez, c'est ce que vous réclamez. Le scrutin c'est le 26 mai, la République En Marche ne présentera son programme que le 9 mai.

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, le programme qu'on défend, en tout cas l'ambition, on a déjà dit beaucoup de choses. Quand le président de la République…

RENAUD DELY
Non mais le programme, les propositions, précise Nathalie LOISEAU, c'est le 9 mai, à peine 2 semaines, un peu plus de 2 semaines avant le scrutin.

AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, la campagne officielle commence le 6 mai, et on est en train de proposer avec, mais le président, même depuis le début de sa campagne présidentielle, quelle était notre ambition pour l'Europe. Quand il fait son discours à la Sorbonne, il trace un cap. Quand il écrit à l'intégralité des citoyens européens que…

RENAUD DELY
Donc c'est Emmanuel MACRON, alors, la tête de liste.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, l'ambition, vous imaginez bien qu'elle est là pour justement réaligner le président de la République, le gouvernement et une majorité forte au Parlement européen. Bien sûr que dans le programme il y aura des détails, il y aura le travail législatif que ces députés européens veulent mener, mais je veux dire, le cap, l'ambition, pourquoi on veut avoir une campagne européenne qui justement parle du concret et pas seulement des valeurs de l'histoire, de la paix qu'il faut préserver, on n'est pas là-dessus, on est sur des choses qui sont extrêmement précises. Des choses ont déjà été amorcées, des choses ont été présentées et moi je pense que c'est plutôt sain…

RENAUD DELY
Le programme est secondaire par rapport aux engagements d'Emmanuel MACRON, c'est ce que vous voulez dire.

AMELIE DE MONTCHALIN
Le programme, il va détailler ce qui a notamment été écrit dans la lettre aux citoyens européens, il va détailler comment, sur par exemple le discours la Sorbonne, on va allez plus loin, mais ce qui est certain c'est que l'objectif de ce rassemblement qui est au-delà des partis, vous voyez bien qu'il y a des gens qui viennent de la droite, de la gauche, de l'écologie, qui se rassemblent. C'est aussi parce qu'ils pensent que l'ambition qui était fixée par le président de la République, eh bien on a de quoi, voilà, le soutenir de manière large.

JEROME CADET
Emmanuel MACRON qui était à Berlin hier pour rencontrer la chancelière allemande Angela MERKEL, sommet consacré aux Balkans et notamment au rapprochement entre la Serbie et le Kosovo. Le tête-à-tête entre Angela MERKEL et Emmanuel MACRON a été très bref, l'Allemagne est toujours un allié fidèle de la France, Amélie de MONTCHALIN ?

AMELIE DE MONTCHALIN
L'Allemagne est un partenaire essentiel, il l'est parce que c'est un partenaire historique, et il l'est parce qu'on sait très bien qu'il faut un moteur dans cette construction européenne et que la France et l'Allemagne peuvent être ce moteur. Quand on signe le traité d'Aix-la-Chapelle, il y a quelques mois, avec l'Allemagne. Vous savez il y a eu une campagne de fake news incroyable, nous expliquant qu'on était en train de vendre des parties de la France, à l'Allemagne. Qu'est-ce qu'on a fait dans ce traité ? On a réaffirmé très précisément les raisons, les aspirations, les ambitions communes qu'on avait. Donc le président de la République l'a très bien dit dans sa conférence de presse, l'Allemagne à chaque fois qu'on peut trouver des accords, trouver des compromis, avancer…

JEROME CADET
A chaque fois que l'on peut, ce n'est pas souvent en ce moment.

AMELIE DE MONTCHALIN
... on va le faire, et on va continuer à le faire, et c'est une partie de la mission qui m'a été confiée, c'est d'animer ce dialogue franco-allemand. En revanche…

JEROME CADET
C'est compliqué en ce moment.

AMELIE DE MONTCHALIN
J'observe que certains disent, vous savez, quand l'Allemagne dit non, c'est qu'elle est forte, et quand la France dit non c'est qu'elle est isolée. Donc je pense que le président il est aussi très lucide, on a le droit d'avoir, par moments, des désaccords, on a le droit de le dire. Ce serait hypocrite que de ne pas reconnaître que parfois…

RENAUD DELY
Ils se multiplient ces désaccords, ces dernières semaines, Amélie de MONTCHALIN, sur le Brexit, sur le budget, sur l'ouverture de discussions pour un accord de libre-échange avec les Etats-Unis qui sont sortis de l'accord de Paris, par exemple la France ne voulait pas l'ouverture de ces discussions, eh bien elles ont lieu quand même, c'est la preuve que la France est isolée.

AMELIE DE MONTCHALIN
Sur le budget de la zone euro, on a des avancées. Sur le travail commun, notamment sur des champions industriels, qui était un tabou absolu en Allemagne, qu'il y ait des champions industriels européens ça fait des décennies que la France et l'Allemagne ne sont pas d'accord, on avance. Ce que je vois, c'est qu'on fait beaucoup de choses ensemble. Et puis, parce qu'on fait beaucoup de choses ensemble, par moments on n'est pas tout à fait d'accord. Sur le Brexit, vous savez j'ai participé très activement à cette discussion, le désaccord c'est un désaccord de tactique, mais là l'objectif fondamental qui est : ce sont aux Britanniques de décider, c'est aux Britanniques de trouver l'accord qui leur convient le plus rapidement possible, il était totalement partagé, simplement que madame MERKEL pensait que pour arriver à cet objectif il fallait leur donner le temps, et le président pensait qu'il fallait leur donner moins de temps. Mais ce que j'observe dans mon travail quotidien, c'est que le dialogue franco-allemand, évidemment il faut qu'on y consacre du temps, évidemment il faut qu'on le fasse avancer le plus souvent possible, mais il ne faut pas qu'on soit hypocrite. On a le droit d'avoir des intérêts qui parfois divergent, parce que notre population n'est pas la même, parce que notre économie n'est pas la même, parce que notre situation budgétaire n'est pas la même, et parce que parfois on a une sphère d'influence, on a des objectifs qui ne sont pas les mêmes.

JEROME CADET
Amélie de MONTCHALIN, vous recevez vendredi, avec Franck RIESTER, ministre chargé de la Culture, les ministres européens de la Culture. Vous allez évoquer la reconstruction de Notre-Dame de Paris, notamment la création d'un mécanisme européen de solidarité pour le patrimoine. Hier plus de 1 000 experts ont signé une tribune dans le journal Le Figaro, demandant au gouvernement de ne pas aller trop vite et de les laisser faire. Qu'est-ce que vous leur répondez ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Là l'objectif, c'est aussi de faire vivre l'esprit européen. On a reçu énormément de messages de soutien de la part de mes homologues, de la part des chefs d'Etat et de gouvernement, de la part des ministre de la Culture, nous disant : au fond Notre-Dame on est prêt à vous aider, parce que c'est aussi une partie de notre identité commune, nous, d'Européens, et donc on reçoit nos homologues avec Franck RIESTER, pour avoir une discussion, non seulement sur Notre-Dame, parce qu'il y a peut-être des expertises qu'il faut aller chercher ailleurs en Europe, mais surtout sur ce patrimoine qui, à travers le continent européen, au fond, est une part essentielle d'une identité, et est-ce qu'on a des choses à faire ensemble pour que notre jeunesse, notamment, puisse aller sur les chantiers de rénovation du patrimoine, à travers l'Europe, est-ce qu'on a des choses à faire pour pouvoir financer…

RENAUD DELY
En 5 ans.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais là on n'est pas sur les 5 ans, là on est sur, comment en Europe le patrimoine reste une partie constitutive de notre identité. Souvent on se demande où est l'esprit européen, eh bien je peux vous dire, il s'est exprimé très fortement autour d'un élément qui s'appelle Notre-Dame, mais qui peut être aussi Pompéi, qui peut être les Temples grecs, qui peuvent être des lieux où les Européens savent qu'au fond il y a là une partie d'eux-mêmes.

JEROME CADET
Merci à vous Amélie de MONTCHALIN, secrétaire d'Etat chargée des affaires européennes, invité de France Info ce matin. Excellente journée à tous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 mai 2019