Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur le projet de loi de finances pour 2020, à Paris le 26 septembre 2019.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de finances pour 2020

Texte intégral

Bonjour à tous.


Je suis très heureux de vous accueillir, avec Gérald Darmanin, afin de vous présenter, pour la troisième année consécutive, les grandes orientations du projet de loi de finances.

Vous me permettrez évidemment, au moment de présenter ce budget, d'avoir une pensée pour le président de la République, Jacques Chirac, qui a travaillé pendant plusieurs années ici, au ministère de l'Économie et des Finances, comme ministre du Budget. J'ai eu l'occasion de travailler avec lui pendant plusieurs années. Je veux dire à sa famille, en mon nom et au nom de Gérald Darmanin, toutes nos pensées, toute notre amitié et surtout toute notre reconnaissance. Je ne serai pas plus long, mais je ressens beaucoup de tristesse depuis ce matin.

S'agissant du projet de loi de finances, je voudrais revenir sur les orientations qui ont été les nôtres depuis le début de ce quinquennat.

Nous avons engagé, depuis 2017, une politique de l'offre qui vise à améliorer la compétitivité des entreprises, à recréer de la prospérité pour les Français et de l'emploi. Nous tenons cette politique de l'offre. Nous avons, depuis 2017, respecté une règle qui est celle de la constance. Constance dans notre politique fiscale, constance pour restaurer la compétitivité des entreprises, constance dans nos ambitions technologiques et écologiques.

En 2020, nous voulons garder cette constance dans notre politique budgétaire, notre politique financière, mais nous voulons aussi apporter des réponses à la crise sociale que la France a traversé et au ralentissement marqué de la croissance mondiale et de la croissance dans la zone euro.

Je rappelle que, de 3,8 % de croissance mondiale en 2017, nous sommes passés à tout juste un peu plus de 3 % cette année, et que la situation économique est claire : nous faisons face à un ralentissement marqué de la croissance mondiale et de la croissance dans la zone euro.

La principale raison, vous la connaissez, ce sont les tensions commerciales. Il y a un an, les États-Unis taxaient 50 milliards d'euros d'importations chinoises. Aujourd'hui, ils en taxent 520 milliards, soit la quasi-totalité des biens en provenance de Chine. C'est le chiffre qui sera atteint en décembre 2019. Cette guerre commerciale va aboutir à un résultat très simple : 0,5 point de richesse mondiale en moins en 2020 en termes de croissance mondiale.

Nous avons également des tensions géopolitiques au Moyen-Orient, qui peuvent affecter le cours du pétrole de notre approvisionnement énergétique, ce qui nous convainc encore plus de la nécessité de réduire notre dépendance aux énergies fossiles et de réduire notre dépendance stratégique par rapport à ces États du Golfe. La vie économique française ne peut pas dépendre de décisions qui sont prises à Riyad ou à Téhéran.

Enfin, les incertitudes européennes ne sont pas dissipées, loin de là, et la probabilité d'un Brexit dur est de plus en plus réelle.

Au-delà de ces incertitudes conjoncturelles, nous avons également une nouvelle donne économique dont chacun doit tenir compte. Cette nouvelle donne économique est très simple : une croissance faible, une inflation faible et des taux d'intérêt faibles, voire négatifs. Nous n'avons jamais connu de situation économique semblable.

Face à cette situation économique, le statu quo n'est pas une option. Nous devons agir. Nous devons d'autant plus agir que nous savons que les taux resteront bas dans les prochains mois, en raison des dernières décisions qui ont été prises par le président de la Fed et par le président de la Banque centrale européenne. Je veux d'ailleurs dire, à cette occasion, que nous soutenons les décisions courageuses prises par la Banque centrale européenne et par son président, parce qu'elles nous laissent du temps supplémentaire pour agir et que nous estimons que ces décisions étaient les seules responsables pour éviter une nouvelle dégradation de notre environnement économique.

Certes, Gérald Darmanin le dirait mieux que moi, cette politique de taux bas nous permet de réduire la charge des intérêts de la dette française. Elle donne également la possibilité aux particuliers et aux entreprises qui le peuvent, d'investir. Mais soyons lucides sur ces taux bas. Nous ne pouvons pas fonder notre politique économique sur le seul outil des taux bas ou des taux négatifs, pour une première et simple raison, c'est que ces taux bas ou négatifs remonteront un jour et qu'il faut nous y préparer, et surtout parce que les taux bas ne rétabliront pas la prospérité en Europe.

La politique monétaire est nécessaire, mais elle n'est plus suffisante. Il est indispensable qu'une politique budgétaire volontariste, fondée sur plus d'investissements, prenne le relais dans les pays qui en ont la seule possibilité. L'investissement est, en effet, à nos yeux, la seule réponse efficace face à ce nouvel environnement économique. Ces investissements doivent être faits en fonction de la situation budgétaire des États membres de la zone euro.

Je vois bien que certains nous disent, ici, en France, pour financer ces investissements : « endettez-vous. » Ce sont les mêmes qui nous reprocheront demain, lorsque les taux auront remontés, de ne pas avoir les moyens de financer la charge de la dette. C'est aux États européens qui ont les marges de manoeuvre nécessaires d'investir, et d'investir maintenant. Je l'ai dit à notre premier partenaire commercial, l'Allemagne, à l'occasion du 50ème Conseil économique et financier franco-allemand. Je le redis : l'Allemagne doit investir, et elle doit investir maintenant. Le plus tôt sera le mieux. N'attendons pas que la situation économique s'aggrave pour prendre les décisions nécessaires.

En revanche, s'agissant de la France, nous sommes dans une situation très différente. Nous avons un niveau de dette qui atteint plus de 98 % du PIB, qui a augmenté de 30 points au cours des dernières années. Nous restons déterminés à stabiliser la dette publique française et à la faire baisser au cours du quinquennat.

Il existe, pour la France, une autre voie pour financer ces investissements, et c'est cette voie que nous avons choisie dans ce budget 2020 et que nous vous présentons avec le ministre des Comptes publics.

D'abord, il y a des choix fiscaux dans ce budget, qui sont en faveur des entreprises et qui sont conformes à notre politique de l'offre.

Je vous confirme qu'il y aura, en 2020, un milliard d'euros de baisse d'impôts sur les entreprises. L'intégralité des allégements de charges, quel que soit le niveau de salaire, sera maintenu. Ces allègements de charges seront renforcés au 1er octobre, dans quelques jours, puisque le taux des allègements généraux diminuera de 4 points pour les plus bas salaires, entre 1 et 1,6 Smic. La baisse de l'impôt sur les sociétés se poursuivra, comme cela était prévu, et son taux atteindra 25 % pour toutes les entreprises sans exception en 2022.

Au total, les impôts baisseront de 13 milliards d'euros pour nos entreprises sur le quinquennat. Si on y ajoute les 27 milliards de baisse d'impôts pour les ménages, cela fait 40 milliards de baisse d'impôts sur tout le quinquennat. C'est une baisse qui nous permet de rompre une bonne fois pour toutes avec dix années d'augmentation massive de la pression fiscale sur les ménages comme sur les entreprises.

Financer l'investissement, au-delà des choix fiscaux que je viens de vous présenter, c'est aussi maintenir une politique d'innovation offensive.

Nous avons donc décidé de sanctuariser le crédit impôt recherche. Et je voudrais mettre un terme à un certain nombre de critiques sur le crédit d'impôt recherche, que je crois totalement infondées.

On nous dit que le crédit impôt recherche ne bénéficie qu'aux grandes entreprises. C'est faux. Les grandes entreprises représentent un tiers des dépenses de crédit impôt recherche ; les ETI et les PME, les deux tiers.

On nous dit que le CIR est inefficace pour promouvoir la recherche et le développement privés. C'est faux, puisque pour un euro de crédit impôt recherche versé, nous avons un euro de dépense en recherche et développement privé supplémentaire.

On nous dit que le CIR serait détourné par des entreprises qui ne font pas de recherche et de développement. C'est faux également puisque les risques de fraude sont contrôlés et que le crédit impôt recherche bénéficie en priorité à l'industrie, notamment à l'ingénierie et à l'informatique.

Pour toutes ces raisons nous estimons qu'il serait irresponsable de toucher aux paramètres fondamentaux du crédit impôt recherche. En revanche nous avons examiné les remarques de la Cour des comptes sur les forfaits des dépenses de fonctionnement. La Cour estime qu'ils sont surestimés et surévalués. Nous nous proposons de suivre cette recommandation et nous baisserons le taux de ce forfait de fonctionnement de 50 à 43 %, soit une économie de 230 millions d'euros à l'horizon 2021.

Ce budget répond aussi aux attentes des Français, qui veulent être mieux rémunérés pour le travail.

Nous engageons dans ce budget une baisse massive de l'impôt sur les ménages de 9,3 milliards d'euros que Gérald Darmanin vous précisera, s'agissant de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation, de la revalorisation de la prime d'activité ou de l'ensemble des mesures qui vont nous permettre de tenir le fil conducteur de notre politique économique : le travail doit payer et toutes les mesures que nous prenons visent précisément à faire en sorte que le travail paye mieux parce qu'il ne peut pas y avoir pour nous de modèle économique viable sans une juste rémunération de ceux qui le font fonctionner, c'est-à-dire les salariés.

Pour financer ces baisses d'impôts, nous allons réduire un certain nombre de niches fiscales.

La première niche, c'est le gazole non-routier. Il a fait l'objet de longs débats mais nous voulons réduire cette niche sur le gazole non-routier parce que c'est cohérent avec notre politique économique de transition énergétique. Comme je vous le disais précédemment, nous voulons être moins dépendants des énergies fossiles qui sont produites en particulier dans le Golfe.

Nous avons voulu faire cette réduction des avantages fiscaux sur le gazole non-routier de manière progressive, en tenant compte des difficultés des secteurs concernés et en les accompagnant avec les compensations nécessaires. Le tarif réduit du gazole non-routier sera donc supprimé non pas en une seule fois mais en 3 ans. Le début de cette suppression ne commencera pas au 1er janvier 2020 mais au 1er juillet 2020 afin que tout le monde et tous les secteurs d'activité soient préparés. Ni les agriculteurs ni le transport ferroviaire ne seront touchés par cette suppression du tarif réduit.

Par ailleurs cette suppression progressive sera associée à des mesures d'accompagnement et des compensations qui sont adaptées aux secteurs touchés. Nous avons écrit aux présidents des fédérations concernées avec Gérald Darmanin pour leur détailler ces mesures. Une clause générale de révision des prix sera mise en place. Un suramortissement sera également mis en place pour acquérir du matériel moins polluant. L'avance versée par l'État aux PME sera portée de 5 à 10 % dans le cadre des marchés publics passés avec les collectivités territoriales et les établissements publics les plus importants. Et les travaux d'entretien de réseau des collectivités territoriales deviendront éligibles au fonds de compensation : c'était une demande de longue date des professionnels. Il ne peut pas y avoir de modification des niches fiscales sans concertation et sans dialogue étroit avec les acteurs concernés.

La deuxième niche à laquelle nous toucherons, c'est le mécénat d'entreprise. Il est en croissance, nous ne voulons pas briser cette croissance mais nous voulons simplement encadrer cet avantage fiscal. Nous avons donc baissé le taux de défiscalisation de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d'euros. Je rappelle que cela ne concerne que 78 entreprises au total. Parallèlement, nous encadrerons plus strictement le recours au mécénat de compétences.

Je rappelle également que les dons aux associations d'aide aux plus démunis, notamment les banques alimentaires, ne seront pas concernés par cet effort d'encadrement du mécénat.

Enfin, le troisième dispositif auquel nous touchons sera le plafonnement de l'avantage lié à la déduction forfaitaire spécifique.

L'ensemble de ces mesures de réduction des niches fiscales et la dépense publique vont nous permettre de mieux maîtriser la dépense publique et de compenser partiellement les baisses d'impôts qui ont été décidées pour 2020.

Au total nous parviendrons à un déficit public de 2,2 % en 2020, soit le déficit public le plus bas depuis 20 ans, à une dette stabilisée à 98,7 % du PIB et à une baisse des prélèvements obligatoires qui ne sera pas de 1 point sur la durée du quinquennat mais de 1,3 point, pour répondre à cette attente forte des ménages comme des entreprises de baisse de leurs impôts et des niveaux de taxation.

Voilà donc les grandes orientations de ce projet de loi de finances pour 2020. Je voudrais conclure très simplement en disant à tous que nous pouvons être fiers de la manière dont l'économie française résiste aux tempêtes.

La France fait figure d'exception dans la zone euro. Nous avons une croissance supérieure à la moyenne de la zone euro puisqu'elle s'établira à 1,4 % en 2019 et 1,3 % en 2020. Nous avons un chômage en baisse avec des créations d'emplois dynamiques, et le chômage devrait continuer de baisser en 2020.

Nous avons des investissements des entreprises qui se maintiennent à un niveau très élevé : ils ont augmenté de 50 milliards d'euros en 2 ans et ils devraient continuer à augmenter de 20 milliards d'euros en 2020. Nous avons une consommation qui repart à la hausse.

Tous ces éléments nous prouvent une chose simple : la politique économique que nous menons sous l'autorité du président de la République et du Premier ministre donne des résultats. Elle permet à nos entreprises de résister au ralentissement de la croissance européenne et mondiale et elle permet surtout aux Français de commencer à toucher les bénéfices de cette politique et les bénéfices de leur travail.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 4 octobre 2019