Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à LCI le 5 avril 2019, sur les remontées du Grand débat national.

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Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'État auprès du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Christophe JAKUBYSZYN, Emmanuelle WARGON est avec vous, coanimatrice du grand débat, ce grand débat qui est terminé.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qui est terminé, on va évidemment en parler, on va parler de l'après grand débat, bonjour Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais on va commencer évidemment par ce camouflet, cette censure du Conseil constitutionnel. Est-ce que vous êtes déçue et est-ce que ça vous enlève, finalement, des moyens de lutter contre les casseurs ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, c'est le président de la République qui avait choisi de saisir le Conseil constitutionnel, donc c'est lui-même qui a pris l'initiative…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais c'est sa majorité qui avait voté la loi quand même !

EMMANUELLE WARGON
Absolument. Cette loi comporte 10 articles, le Conseil constitutionnel en a censuré un, celui sur l'interdiction préventive de manifestation, l'interdiction administrative, parce qu'il a considéré que le texte n'était pas suffisamment précis. Le reste du texte a été validé, il donne déjà beaucoup d'outils pour lutter contre les violences dans les manifestations, parce que ce n'est pas un texte anti-manifestations, c'est un texte antiviolences dans les manifestations, donc c'est un progrès.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Nouvelle mobilisation demain, vous pensez que ça va continuer comme ça, indéfiniment, pendant tout le quinquennat, ces samedis de mobilisation ?

EMMANUELLE WARGON
Ce qui est sûr c'est que cette violence, très forte, tous les samedis, elle doit cesser. Après, le maintien de l'ordre, c'est un maintien de l'ordre proportionné, il faut arriver à trouver la bonne manière de le faire, en protégeant à la fois les personnes et les biens, c'est l'effort que fait le ministre de l'Intérieur, bien sûr, avec le nouveau préfet de police à Paris.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, vous rentrez tout juste de Corse, vous m'avez dit que vous avez atterri à 1h30 du matin, puisqu'il y a eu le dernier grand débat avec les élus Corses jusqu'à 21h00, à 21h00 vous avez fait "ouf, c'est terminé" ?

EMMANUELLE WARGON
Le grand débat ça a été une aventure démocratique magnifique, à la fois dans la partie de réunions locales, à l'initiative des maires ou des citoyens, et aussi dans la rencontre du président de la République avec les élus locaux. La réunion d'hier c'était la fin de la tournée du président de la République, qui s'était engagé à aller dans chacune des régions, et qui a terminé cette tournée à la rencontre des élus Corses.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
92 heures de discussions au total, c'est presque une performance, on collectionne les records, 8 heures avec les intellectuels, 7 heures par-ci, 6 heures par-là.

EMMANUELLE WARGON
Tous ceux qui disaient que le président de la République n'est pas dans la proximité, qu'il est loin du terrain, trop à Paris, etc., on a vu un président allant à la rencontre des maires, généralement dans des villages, dans des petites villes rurales, et prenant le temps de discuter des sujets locaux, et des sujets nationaux, et ça je crois que c'est très précieux.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, il y a eu beaucoup de discussions, je vais vous faire écouter le son de notre compatriote député de Guyane Gabriel SERVILLE, je pense qu'il dit à peu près ce que les Français pensent tout bas. Ecoutez-le.

GABRIEL SERVILLE, DEPUTE DE GUYANE (A L'ASSEMBLEE NATIONALE)
Monsieur le ministre, je vous le dis au nom des Guyanais, assez de paroles, assez de patapatas, assez de glouglous, les constats sont faits. Les solutions, Monsieur le ministre, on les connaît, il est donc temps de passer aux actes.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Assez de patapatas, assez de glouglous, ce n'est pas la peine de traduire le créole, on a compris je crois !

EMMANUELLE WARGON
J'y étais, c'était le débat à l'Assemblée nationale sur la transition écologique. Il y a un temps pour la discussion, je crois que ce temps pour la discussion il est important, il était important, et il y a un temps pour la décision.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ça, maintenant on attend la décision, Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Le temps de la discussion s'achève, et entre le temps de la discussion et le temps de la décision, il y a le temps du rendu compte. Lundi nous montrons, nous présentons ce que les Français ont dit dans le grand débat, parce que c'est vrai et pas vrai ce que dit Monsieur le député, quand il dit "les solutions nous les connaissons", sur certains sujets tout le monde n'est pas d'accord, et ça sera une décision de savoir quelle conclusion on tire de tout ça, mais pour tirer des conclusions encore faut-il savoir ce que les Français ont dit, et ça c'est ce que nous faisons lundi.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, qu'est-ce qu'ils vous ont dit les Français ? Parce qu'on commence à avoir, par nos informations, certaines synthèses. En fait, ce qui ressort beaucoup, c'est la fiscalité, le pouvoir d'achat, les services publics, la santé, l'éducation, et les Français vous ont fait des propositions concrètes. Voici les trois propositions qui ressortent le plus : suppression de la TVA sur les produits de première nécessité, mise en place d'un impôt symbolique pour tous, et rétablissement de l'ISF. Qu'est-ce que vous en pensez ?

EMMANUELLE WARGON
Alors d'abord j'en pense que vous avez plus d'informations que moi parce que les synthèses ne sont pas prêtes, elles seront prêtes lundi…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça c'est des fuites qui viennent des ministères quand même !

EMMANUELLE WARGON
Et par ailleurs ces synthèses elles montrant que les Français n'ont pas dit la même chose selon les canaux de communication. Nous avons eu des gens qui se sont exprimés sur le site Internet, nous avons eu des gens qui se sont exprimés dans les cahiers citoyens, et puis dans les réunions locales, et ça ne dit pas exactement la même chose. Ce qui est sûr c'est que la fiscalité est le sujet sur lequel les Français se sont le plus exprimés, que les quatre thèmes proposés par le président de la République, donc fiscalité, transition écologique, démocratie et services publics, ce sont des sujets sur lesquels les Français se sont vraiment exprimés, et qu'on a quatre thèmes complémentaires qui ressortent, pouvoir d'achat, emploi et entreprise, éducation et santé.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ce que je vous disais, je ne me suis pas trompé.

EMMANUELLE WARGON
Tout à fait, donc sur les thèmes je suis d'accord, mais la restitution, ce que les Français ont dit, c'est vraiment lundi.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et ces trois propositions, elles vous semblent fantaisistes ou intéressantes ?

EMMANUELLE WARGON
Elles sont par définition intéressantes puisque ça fait partie de ce qui ressort, avec d'autres, ce ne sont pas les seules sur la fiscalité, mais après c'est la cohérence globale que nous allons rechercher, et là c'est trop tôt pour répondre.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On dit aussi que le RIC, le Référendum d'Initiative Citoyenne, n'est pas vraiment en tête des préoccupations, et que dans le grand débat ce n'est pas beaucoup ressorti, est-ce que c'est vrai ?

EMMANUELLE WARGON
Ce qui ressort beaucoup c'est la nécessité de trouver une respiration à la démocratie représentative classique, parce que cette démocratie elle est vécue comme trop rigide, finalement trop éloignée des Français, on vote une fois, pour la présidentielle, puis pour les législatives, tous les 5 ans.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est quoi cette respiration alors ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, toutes les formes de démocratie directe…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Référendum.

EMMANUELLE WARGON
Possibilité de participer plus à la décision, possibilité d'avoir des gens tirés au sort dans certaines assemblées, possibilité d'avoir un moment de co-construction, nationale et locale, le référendum, ça en fait partie, mais ça peut être un référendum national, ça peut être des référendums locaux, en fait toutes les formes ont été présentées.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le président, aussi, c'est ce qu'il a commencé à dire notamment en Bretagne, il dit qu'il avait beaucoup appris de ces grands débats, alors on peut se dire bon, tant mieux, mieux vaut tard que jamais, mais peut-être qu'il aurait pu apprendre avant, et qu'il avait sous-estimé les difficultés de la France périphérique. Est-ce que c'est vrai ?

EMMANUELLE WARGON
Je crois qu'il y a deux choses très frappantes dans les réunions que le président a eues avec les maires et avec les Français dans cette tournée. La première c'est le sujet de la ruralité, ce n'était pas absent du programme du président, mais on a tendance à voir la France comme un territoire homogène et en fait la France des territoires on l'a probablement sous-estimée. Une manière de vivre très différente, dans les villes, dans les petites villes ou les villes moyennes, et vraiment dans la ruralité, et cette France des territoires, cette France de la ruralité, le président a dit qu'il souhaitait un agenda rural pour qu'on puisse bien vivre sur tous les types de territoires. C'est vrai que quand on fait des mesures, ou des aides, ou des allocations, on prend toujours en compte la taille de la famille, célibataire, en couple, avec ou sans enfant, et les revenus, mais finalement on vit très différemment avec la même taille de la famille et les mêmes revenus selon qu'on habite en centre-ville ou en grande périphérie, ou vraiment dans la ruralité.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc on tiendra compte désormais, dans les critères d'attribution, par exemple d'aides, de là où on se trouve ?

EMMANUELLE WARGON
Non, je ne dis pas qu'on va changer tous nos critères d'aides, je dis juste qu'on a un système qui est un peu aveugle, aujourd'hui, aux différents modes de vie que l'aménagement du territoire, que la manière de vivre sur le territoire, il faut mieux la penser, penser mieux les différences. Et puis la deuxième chose que le président a beaucoup ressenti, je crois, pendant ce tour de France, c'est la nécessité d'aller plus loin sur la décentralisation, sur les transferts des compétences aux collectivités territoriales, et son corollaire qui est plus de déconcentration, c'est-à-dire donner plus de pouvoirs à l'État de proximité, les services publics de proximité.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous annoncez un Acte III de la décentralisation.

EMMANUELLE WARGON
Je n'annonce rien, parce que c'est le président qui fera des annonces…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Eh bien si !

EMMANUELLE WARGON
Mais je vous dis, le président l'a dit, que la décentralisation est un sujet qui est apparu dans le débat.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors ça va être compliqué de répondre à tous les Français, écoutez ce qu'en disait le président, en Bretagne il y a quelques jours. On l'écoute.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE (SAINT-BRIEUC MARDI)
(…) Un risque du débat, je n'évoquais tout à l'heure rapidement, c'est l'individualisme, c'est de dire la réponse au débat ça doit être 66 millions de réponses, et ne bougez pas, j'ai mon chéquier dans la poche et je vais vous faire une réponse à chacun, ce sera bien. Et vous trouverez toujours des gens qui diront « moi on n'a pas répondu à mon sujet dans le grand débat. »

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Eh oui, il y a 66 millions de Français qui vont vous dire "moi on n'a pas répondu à ma préoccupation individuelle." Qu'est-ce que vous allez leur répondre alors ?

EMMANUELLE WARGON
D'abord je vais leur répondre que leur parole elle sera restituée, c'est-à-dire toute personne qui a participé à une réunion, qui a écrit dans un cahier, sur le site, etc., verra sa contribution, quelque part, dans la manière dont on en rend compte, donc ça c'est l'engagement qu'on a pris, transparence et exhaustivité. Après ce que le président…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça sera la semaine prochaine, au Grand Palais lundi avec le Premier ministre, et puis après à l'Assemblée et au Sénat la semaine prochaine.

EMMANUELLE WARGON
Ça sera lundi cette restitution, et après deux débats, avec le Premier ministre, à l'Assemblée et au Sénat. Ensuite, je crois qu'il y a un point très important dans ce qu'a dit le président en Bretagne, il a dit la question qui nous est posée c'est de refaire un projet collectif, de retrouver le sens du collectif, au plan national et au plan européen. La réponse n'est pas la somme de réponses individuelles, ne serait-ce que parce que cette somme de réponses individuelles, forcément…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il faut retrouver l'intérêt général.

EMMANUELLE WARGON
Elle est contradictoire.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il faut retrouver…

EMMANUELLE WARGON
Retrouver une vision, collective, qui nous porte vers demain, après-demain, et qui nous porte vers un demain et après-demain dans lequel on vit mieux.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça va être plus dur ça, de présenter aux Français un nouveau projet de société, et peut-être compléter, enrichir le programme d'Emmanuel MACRON.

EMMANUELLE WARGON
Le projet de société, qui va découler de ce grand débat, il sera écologique, il sera solidaire, il sera fondé sur le programme du président, le président l'a dit, pas de reniement, et il sera enrichi, il aura évolué, il a dit pas d'entêtement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais qu'il y aura un programme qui sera quand même enrichi, élargi, amendé.

EMMANUELLE WARGON
Enrichi.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Enrichi. On va parler d'un point très concret, qui concerne tout le monde, c'est la question des retraites, la réflexion est en cours sur les retraites, mais alors il y a un cafouillage au sein du gouvernement, notamment sur l'âge de départ à la retraite. On a vu des ministres éminents, notamment Agnès BUZYN, qui est en charge du dossier, Gérald DARMANIN, qui tient les cordons de la bourse, nous dire ça serait quand même peut-être bien de travailler un peu plus longtemps pour pouvoir financer les retraites. Quelle est la position du gouvernement sur ce sujet ?

EMMANUELLE WARGON
Nous avons lancé une réforme des retraites, qui est menée par le Haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul DELEVOYE, depuis…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais qui se sent un peu désavoué, qui menace de démissionner.

EMMANUELLE WARGON
Depuis plus d'1 an. Cette réforme des retraites elle a comme principe de ne pas modifier l'âge des retraites, c'est une réforme du mode de calcul des retraites, d'unification des retraites, avec une hypothèse de passer à une retraite à points, et puis surtout d'aller vers des règles plus équitables, parce qu'aujourd'hui, selon le régime de retraite dans lequel vous êtes, vous ne cotisez pas de la même manière. Cette réforme des retraites, qui est en cours de concertation, avec toutes les parties prenantes, elle ne porte pas sur l'âge de la retraite.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais pourquoi est-ce qu'Agnès BUZYN et Gérald DARMANIN disent il faut travailler plus longtemps ?

EMMANUELLE WARGON
Après, dans la question qui nous est posée à moyen/ long terme, il y a la place du travail, dans notre société, et cette place du travail elle touche à la fois les règles d'assurance chômage, comment on indemnise, les règles de cumul du travail et des allocations, parce qu'on a beaucoup de questions sur l'équité du système, et elle pose aussi la question de la durée du travail pendant toute la vie, et cette question c'est une question devant nous, qui est très ouverte, qui n'est pas dans la réforme des retraites actuelle.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça veut dire qu'il y aura une réforme des retraites, avec notamment le fameux point, la réforme par points, que ça sera toujours 62 ans, vous nous le confirmez aujourd'hui, on ne va pas changer l'âge officiel du départ, mais qu'on incitera les Français à travailler plus s'ils veulent avoir une pension plus élevée, c'est ça finalement.

EMMANUELLE WARGON
Ce que je veux dire c'est qu'il y a deux temps dans la réflexion, un temps rapide qui est la réforme des retraites en cours…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Avec un système par points.

EMMANUELLE WARGON
Avec un système par points, et une. réflexion plus large, qui doit s'ouvrir, sur la place, l'intensité, la durée du travail, mais qui peut être autour de l'âge de la retraite ou d'autres questions autour de la durée du travail, qui est une question très ouverte, sur laquelle chacun a le droit d'avoir une opinion, et qui n'est pas du tout tranchée.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc, pareil pour l'assurance chômage, autre réforme en cours, de votre collègue Muriel PENICAUD, là encore une question pour vous, puisque vous avez travaillé aussi dans le privé, est-ce qu'il faut revoir les modalités de l'indemnisation du chômage, est-ce qu'il faut inciter davantage les gens à rechercher un emploi, il y a beaucoup d'offres d'emplois non pourvues, et donc, par exemple, est-ce qu'il faut instituer un plafond, ou la dégressivité des indemnités chômage ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, cette réforme elle est en cours aussi, elle est sous le pilotage de Muriel PENICAUD, mais Pôle emploi a sorti une étude intéressante, qui confirme que, 1 chômeur sur 5 touche, en tout cas à un moment de son indemnisation, plus que ce qu'il touchait, ou ce qu'elle touchait quand cette personne travaillait.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas normal ça !

EMMANUELLE WARGON
Donc on voit bien qu'on a un problème avec des règles qui, comme toujours, se sont complexifiées, et qui mènent à des situations qui ne sont pas logiques et qui ne sont pas souhaitables. Donc les partenaires sociaux ont été saisis, la négociation n'est pas allé à terme, l'État la reprend, c'est important.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je vais vous poser une question personnelle. Vous avez sillonné la France, aux côtés notamment du président, parce que vous êtes co-organisatrice du débat…

EMMANUELLE WARGON
Avec Sébastien LECORNU.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Avec Sébastien LECORNU, que j'allais citer, ne vous inquiétez pas, qu'est-ce que vous avez retenu - la politique ce n'est pas votre métier d'origine - qu'est-ce que vous avez retenu de cette immersion pendant 3 mois, est-ce que ça vous a changée, qu'est-ce que, au fond, les Français vous ont dit, qu'est-ce que vous personnellement, Emmanuelle WARGON, vous avez retenu de cette expérience ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, oui bien sûr ça m'a changée, parce que c'était beaucoup de temps, et beaucoup de contacts, j'ai été très frappée par la défiance des Français vis-à-vis des dirigeants, c'est l'un des sujets qui a émergé dans ce débat, même si ce n'était pas un thème mis au débat, mais ça a émergé, par exemple dans la partie "démocratie". Les Français sont dubitatifs sur notre volonté d'être là pour améliorer les choses, quand je dis « notre », c'est la volonté des membres du gouvernement, des parlementaires…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ils n'y croient plus…

EMMANUELLE WARGON
Et d'ailleurs, de toute la haute fonction publique.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ils n'y croient plus.

EMMANUELLE WARGON
Ils n'y croient plus, dubitatifs sur la volonté ou sur la capacité, donc des réformes dans ce champ-là, redonnant de la liberté de faire, la capacité à régler les problèmes. Moi je reviens aussi avec beaucoup de sujets concrets en matière d'écologie, notamment sur les énergies renouvelables, sur la gestion de l'eau, sur le réaménagement des friches industrielles par exemple, sur lesquels les élus nous disent on veut avancer, mais c'est trop compliqué, les procédures sont trop lourdes, elles sont trop difficiles. Comment bâtir du compromis local de qualité, et comment le bâtir vite, comment est-ce que le ministère peut être en appui pour que la transition écologique se fasse de façon écologique, mais aussi économique, mais aussi solidaire, comment est-ce qu'on est plus efficace collectivement, ça c'est vraiment une interrogation forte qui remonte.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça c'est aussi votre portefeuille de secrétaire d'Etat à l'Ecologie, qui fait que cette dimension-là elle vous a semblé importante, mais, est-ce qu'au fond les Français vous les avez senti préoccupés par l'écologie, ou est-ce que, comme des dirigeants politiques avant, ils disent ça commence à bien faire, finalement ce qui est plus important c'est notre pouvoir d'achat, plutôt que l'avenir de la planète ?

EMMANUELLE WARGON
Alors pas du tout, je n'ai pas du tout entendu ça, même quand j'ai reçu des délégations de personnes qui portent des gilets jaunes, et je l'ai fait beaucoup pendant toute cette période du mouvement. Les gens nous disent, bien sûr qu'on est préoccupé, on la ressent l'urgence écologique, l'urgence climatique, et on est inquiet, pour nous et surtout pour nos enfants, mais simplement rendez ça possible, trouvez les solutions, on ne va pas trouver les solutions tout seul, il faut que ce soit équitable.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
N'augmentez pas l'essence pour financer soi-disant…

EMMANUELLE WARGON
Il faut que les solutions soient opérationnelles et équitables.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va dire un mot des élections européennes, puisque les sondages révèlent le relatif désintérêt des Français pour cette échéance et, au fond, beaucoup de Français vont faire de ces élections européennes un référendum pour ou contre Emmanuel MACRON. Est-ce qu'ils ont raison ?

EMMANUELLE WARGON
C'est dommage, parce que l'Europe est un acteur qui prend des décisions importantes, et quand on dit l'Europe est un acteur qui décide, ce n'est pas la Commission européenne qui décide, ce sont les Etats qui décident, et souvent à l'unanimité, donc le poids de la France dans le consensus européen il est très important, y compris pour les sujets écologiques. par exemple, sur le fait de mieux faire contribuer le transport aérien à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, de carbone, c'est clairement une décision communautaire, que d'ailleurs la France porte avec les Pays-Bas, et d'autres, au plan communautaire. Donc il y a un enjeu, et il y a la possibilité de penser un projet pour l'Europe, j'espère que ça sortira de cette campagne.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
L'enjeu c'est quand même que Nathalie LOISEAU, la liste La République en marche, arrive en tête, j'imagine, pour vous.

EMMANUELLE WARGON
Bien sûr. La majorité porte un projet, et la majorité souhaite que ce projet recueille le plus de voix possibles, et arrive en tête, mais au-delà de l'échéance électorale nationale, c'est la reconstruction de l'Europe, la construction de l'Europe d'après qui est en jeu.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, il y a 3 jours, à votre place, il y avait Marine LE PEN, elle, elle est sûre d'arriver en tête aux européennes, écoutez là.

MARINE LE PEN, PRESIDENTE DU RASSEMBLEMENT NATIONALE
Si on n'arrive pas en tête ce sera un échec, mais surtout un échec pour la France. Est-ce que ceux qui nous écoutent imaginent ce que va faire Emmanuel MACRON s'il arrive en tête de cette élection européenne ? Mais, il va se sentir pousser des ailes, il va se dire que la politique qu'il a mis en oeuvre depuis 2 ans, eh bien est réclamée par les Français, il va donc accélérer ce calendrier.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc, soit elle gagne et vous perdez, soit vous gagnez et elle perd, c'est ça les européennes ?

EMMANUELLE WARGON
Les européennes c'est un projet, on le défend, on veut que le plus de Français possibles nous rejoignent sur ce projet, et bien sûr je souhaite que Nathalie LOISEAU arrive en tête.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Emmanuelle WARGON, j'imagine que vous êtes essorée par ces centaines d'heures de débat, vous revenez de Corse à 1h30 du matin, et vous allez devoir travailler tout le week-end pour préparer les restitutions lundi, en présence du Premier ministre, au Grand Palais, on vous souhaite beaucoup de courage et des nuits bien courtes. Merci beaucoup Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2019