Texte intégral
FREDERIC RIVIERE
Bonjour Didier GUILLAUME.
DIDIER GUILLAUME
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Nous sommes le 29 mars, et c'est donc en principe aujourd'hui que le Royaume-Uni devait quitter l'Union européenne, mais on le sait, les choses ne se sont pas passées comme prévu, les parlementaires britanniques vont se prononcer une dernière fois aujourd'hui sur l'accord négocié par Theresa MAY. L'incertitude est totale, il faut le dire. Le secteur agricole français serait sans doute l'un des plus concernés par une sortie sans accord. Est-ce que ces conséquences ont été estimées, chiffrées, de manière relativement précise ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, le secteur agricole va être très concerné, mais d'abord, permettez-moi, en une demi seconde, de dire que ce qui se passe là est quelque chose d'incroyable, d'inédit, c'est-à-dire que moi je respecte le peuple britannique, même si comme beaucoup, je pense que le fait qu'un pays, pour la première fois dans l'histoire de la construction européenne, décide de quitter l'Union, est un événement, est un événement gravissime par rapport à cette histoire, mais par rapport à l'avenir, et quand c'est le Royaume-Uni, c'est encore plus important. Et donc aujourd'hui on est dans une situation inédite, où le Parlement britannique a déjà voté à trois reprises, et aujourd'hui bien malin qui peut dire ce qu'il va sortir. Madame MAY est globalement dans une situation très délicate, où évidemment il y a des gens qui la combattent, mais personne n'arrive à se mettre d'accord…
FREDERIC RIVIERE
Elle est obligée de mettre sa démission dans la balance.
DIDIER GUILLAUME
Voilà, donc c'est quelque chose quand même de terrible. J'espère que les choses s'amélioreront, je ne sais pas si on va vers un hard Brexit, un no deal, peu importe, en tout cas la France est prête à l'affronter. La France est prête à l'affronter à deux niveaux. D'abord en termes de frontières, et je crois qu'il faut bien rappeler qu'à partir du moment où le Royaume-Uni quitte l'Union européenne, eh bien il va y avoir des douaniers, il va y avoir des contrôles aux frontières. Et le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, a recruté des contrôleurs sanitaires, parce qu'il va falloir faire du contrôle documentaire, du contrôle direct du matériel. Et puis après, il y a deux sujets sur lesquels la France est très impactée : il y a la pêche, évidemment, et puis il y a toute la partie transformation des produits de pêche, parce que cela se fait notamment à Boulogne, se fait en France, et puis toute la partie échanges agricoles, échanges de viande notamment. Et oui, c'est un vrai sujet sur lequel nous travaillons beaucoup.
FREDERIC RIVIERE
Ceux qui seraient les plus sévèrement touchés ce sont les pêcheurs, entre autres.
DIDIER GUILLAUME
Oui.
FREDERIC RIVIERE
On vous a vu il y a deux jours auprès des pêcheurs, dire : « On sera à vos côtés, personne ne sera laissé sur le côté ». Vous êtes sûr que cet engagement-là pourra être tenu ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, je suis sûr. D'abord, quand on dit : « Je suis à votre côté, le gouvernement français est à votre côté », c'est l'annonce du président de la République qui a dit qu'il était hors de question que la pêche soit la variable d'ajustement du Brexit et que l'on négocie une sortie sur le dos des pêcheurs. Aujourd'hui, les pêcheurs français, comme les pêcheurs européens, ont le droit de pêcher dans toutes les eaux, appartenant au pays de l'Union. Si un hard Brexit devait intervenir et si les Britanniques, comme ils pourraient le faire dans ce cas-là, fermaient leurs eaux territoriales, leurs eaux, alors ça veut dire qu'il y a tout un tas de bateaux et de pêcheries françaises, comme espagnoles, comme néerlandaises, qui vont pas pêcher autour du Royaume-Uni, qui ne pourraient plus y aller. Ce serait un drame social. Donc d'abord, nous voulons négocier, faire en sorte que cela ne se produise pas, c'est dans ce sens que j'ai dit : « On ne vous laissera pas tomber ». Mais dans un deuxième temps, si par malheur les choses devaient arriver, alors évidemment il y aurait des drames, des drames humains, des drames sociaux, parce que ça veut dire qu'il y aurait des entreprises entières qui ne pourraient plus aller faire leur travail, ça pourrait conduire à des licenciements, ça pourrait conduire à des fermetures, donc ce n'est pas possible d'accepter cela.
FREDERIC RIVIERE
Une sortie sans accord serait un très mauvais scénario pour les pêcheurs et pour les agriculteurs, mais même en cas de sortie négociée, il y aura tout de même des conséquences, notamment sur les aides de la PAC, la Politique Agricole Commune. Est-ce que les professionnels de l'agriculture, peut-être les organisations syndicales, se sont bien préparés à cette échéance ?
DIDIER GUILLAUME
C'est difficile, vous savez, de bien se préparer, parce qu'il y a ce que l'on peut réfléchir et ce qui est écrit dans les livres, et puis après il y les choses concrètes.
FREDERIC RIVIERE
La réalité.
DIDIER GUILLAUME
Je prends un exemple. L'Irlande, qui fait beaucoup d'échanges avec nous, mais par l'intermédiaire du Royaume-Uni, est dans une situation très difficile. Ça veut dire que la viande irlandaise ou les produits agroalimentaires irlandais, qui vont entrer chez nous, il faudrait les taxer, compte tenus qu'ils passent par l'Angleterre. Vous voyez, il y a des choses sur lesquelles on n'est pas au bout, je veux le dire, parce qu'il y a encore des discussions à avoir. Mais oui, ils se sont préparés, notamment la filière viande, pour laquelle il y a beaucoup d'échanges, et la filière de transformation des produits de la mer pour laquelle il y a des milliers d'emplois sur la façade maritime française, notamment vers Boulogne.
FREDERIC RIVIERE
L'Assemblée nationale a voté mardi dernier en faveur de la création d'une commission d'enquête relative – je cite – aux pratiques de la grande distribution dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs. Il s'agit en fait de comprendre et sans doute de corriger les dysfonctionnements de la loi alimentation, qui n'a pas profité autant aux producteurs que vous l'espériez ». Est-ce que vous allez passer à une formule un peu plus contraignante ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, c'est déjà fait, la DGCCRF, la Direction de la Concurrence la Répression des Fraudes, a fait 60000 contrôles, pour voir comment les choses sont appliquées. Cette loi est issue des états généraux de l'alimentation, dans lesquels pendant 18 mois tout le monde s'est mis autour de la table, des transformateurs, des industriels, des distributeurs et des producteurs. L'idée ça a été de dire : il faut inverser la construction des prix. Aujourd'hui les agriculteurs…
FREDERIC RIVIERE
Et l'initiative a été saluée par tout le monde, d'ailleurs.
DIDIER GUILLAUME
Par tout le monde.
FREDERIC RIVIERE
Mais ses résultats beaucoup moins aujourd'hui.
DIDIER GUILLAUME
Oui, bien sûr, parce qu'il y a eu les premières négociations commerciales qui s'ouvrent de décembre à février et qui n'ont pas donné les résultats escomptés, vous avez raison de le souligner, et moi j'appelle un chat un chat, pas donc de bois. Ça n'est pas allé assez loin, c'est la raison pour laquelle deux groupes de l'Assemblée nationale, le groupe majoritaire et le groupe centriste, ont décidé de mettre une commission d'enquête, non pas pour montrer du doigt la grande distribution, ça n'aurait aucun sens, mais pour mettre en transparence, face aux Français, comment les choses se passent, comment un agriculteur qui vend, qui produit du lait, dont le litre de lait lui revient en gros à 39 centimes, comment est-il acceptable qu'il le vende à 32 centimes ? Et qu'on le retrouve sur un étal de grande surface à 1 € ou 1,10 €. Ce n'est plus possible ces pratiques, ce n'est plus possible. Il faut mieux répartir la valeur dans les produits agricoles, les paysans sont les seuls qui vendent à perte, je ne connais pas un autre producteur, celui qui a fait la table de votre studio, si la table elle coûte 100, ils la vendent 120. L'agriculteur qui produit du lait à 39 centimes, il le vend 32, il produit de la viande à 5 €, il le vend à 3 ou à 4 €. Ce n'est plus acceptable. Donc il faut inverser la charge de la preuve.
FREDERIC RIVIERE
Vous partez dimanche pour deux jours en Angola. Qu'est-ce que vous allez y faire ? Qu'est-ce qu'on peut attendre de cette visite ?
DIDIER GUILLAUME
Deux 2 choses. Les relations internationales voulues par le président de la République, notamment avec l'Afrique sont très importantes, l'Angola est un immense pays, je vais d'abord remettre une missive de la part du président français à son homologue monsieur LOURENÇO, le président angolais, et puis il y a une immense coopération. Le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, une immense coopération avec l'Afrique, notamment avec l'Angola sur la formation, sur la recherche et l'enseignement supérieur, et donc je vais visiter des centres, je vais rencontrer les ministres de l'Agriculture, de l'Education, des Affaires étrangères. Nous faisons beaucoup de travail avec les instituts de recherche français.
FREDERIC RIVIERE
Et cette lettre que vous allez remettre au chef de l'Etat angolais est en rapport avec les questions agricoles ?
DIDIER GUILLAUME
Est en rapport avec les questions agricoles, mais pas uniquement.
FREDERIC RIVIERE
Un remaniement va avoir lieu dans les prochaines heures, dans le courant du week-end ou lundi matin. Pour ce qui vous concerne, vous êtes bien où vous êtes ?
DIDIER GUILLAUME
Ah, moi je suis ravie d'être là où je suis, mais je ne pense pas être concerné comme beaucoup de mes collègues, parce que je ne sais pas si c'est vraiment un remaniement, comme on l'entend, où on changerait de gouvernement, je ne crois pas que ce soit cela. Le gouvernement est au travail, mais pour diverses raisons, madame LOISEAU puis monsieur GRIVEAUX et monsieur MAHJOUBI ont quitté le gouvernement, donc faut les remplacer. C'est plutôt un remplacement qu'un remaniement.
FREDERIC RIVIERE
Un mot de l'intervention du président de la République hier dans une école, il est allé s'exprimer devant des enfants, dans le cadre du Grand débat. Est-ce qu'il est dans son rôle quand il répond à la question d'un gamin qui lui parle des Gilets jaunes et qu'il lui répond, grosso modo, les Gilets jaunes ça commence à bien faire ?
DIDIER GUILLAUME
Mais…
FREDERIC RIVIERE
A des gamins, dans une école. Parce qu'il peut y avoir, les parents de ce gamin sont peut-être des Gilets jaunes.
DIDIER GUILLAUME
Ah mais évidemment, évidemment, mais il n'a pas dit « ça commence à bien faire », il a dit qu'il y a des moments où il faut régler les questions, il faut régler les questions par la discussion, pas uniquement par la violence, c'est ce qu'il a voulu dire. Vous savez, la vie politique a changé, le président de la République Emmanuel MACRON a été élu sur l'explosion de la vie politique française et des partis politiques traditionnels, il faut changer notre façon de faire, et aller discuter directement avec des mômes, je trouve que c'est bien, il discute avec tout le monde.
FREDERIC RIVIERE
Merci Didier GUILLAUME. Bonne journée.
DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 avril 2019