Déclaration de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019, au Sénat le 18 novembre 2019.

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  • Olivier Dussopt - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Circonstance : Adoption d'un projet de loi modifié au Sénat

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2019 (projet n° 121, rapport n° 123).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances rectificative (PLFR) que je vous présente aujourd'hui est un texte d'engagements.

Un texte d'engagements, d'abord, car il s'inscrit dans la continuité des engagements pris par le Président de la République et Gouvernement à la suite du grand débat national.

Ainsi, et grâce à une action volontariste et vigoureuse sur la dépense publique, nous tiendrons, dans un contexte économique inchangé – c'est-à-dire avec une croissance à 1,4 % en 2019 – les objectifs fixés, tout en assurant le financement des dépenses qui n'avaient pu être anticipées au moment de l'examen du projet de loi de finances (PLF).

En chiffres, cela se traduit de la façon suivante : ce sont environ 3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, non intégrées à la budgétisation initiale, qui devront être financés sur l'exercice 2019, dont notamment : 800 millions d'euros en faveur de la prime d'activité, dont le montant sera ainsi passé d'un peu plus de 4 milliards en 2016 à 9,5 milliards cette année ; 600 millions d'euros liés au décalage au 1er janvier 2020 de la réforme des aides personnalisées au logement (APL) en temps réel ; et environ 300 millions d'euros liés au dynamisme de la prime à la conversion comme du bonus automobile, prime qui a elle aussi énormément progressé depuis quatre ans.

Nous tiendrons aussi, au-delà du financement des mesures nouvelles et malgré ces dépenses imprévues, l'engagement d'un déficit de 3,1% – en incluant la bascule du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) – et d'un ajustement structurel de 0,1 point. Il faut le souligner, car c'est un gage de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires.

Ce texte est aussi un texte d'engagements parce qu'il illustre les efforts que nous nous imposons depuis deux ans et demi en matière de responsabilité et de sérieux budgétaires.

Ces efforts nous permettent aujourd'hui de vous présenter un déficit public qui s'améliore de plus de 10 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale (LFI).

En effet, entre la prévision initiale en LFI et le solde budgétaire que nous vous présentons, nous passons de 107,7 milliards d'euros prévisionnels à 97 milliards d'euros dans ce PLFR.

Il existe plusieurs éléments d'explication à cette amélioration.

Il y a d'abord un élément conjoncturel et exogène lié à la révision à la baisse de la charge de la dette dans un contexte de taux d'intérêt bas persistants, pour 1,6 milliard d'euros. Certains parlent de chance, mais en réalité ces taux bas reflètent aussi la crédibilité de notre politique et de nos réformes structurelles dans un contexte de ralentissement général de la croissance mondiale et européenne.

M. Philippe Dallier. Mieux vaudrait être prudent !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. Il y a aussi deux éléments d'explication de nature politique.

Le premier résulte du volontarisme du Gouvernement dans son action de maîtrise de la dépense, grâce auquel nous pouvons confirmer que la norme de dépenses pilotables sera inférieure, en exécution, de 1 milliard d'euros à l'objectif fixé en loi de finances initiale. Comme indiqué en décembre 2018 et rappelé lors de l'examen du PLF pour 2020, cet effort en dépense représente le concours du budget de l'État au financement des mesures d'urgence économiques et sociales.

Le second élément plus politique est lié au dynamisme de notre économie, dynamisme qui est, je l'évoquais il y a un instant, le reflet des réformes structurelles que nous conduisons depuis deux ans et demi, et qui se traduit par une bonne dynamique de nos recettes.

Ainsi, alors même que les impôts baissent, vous relèverez une hausse des recettes fiscales de 5,7 milliards, une hausse des recettes non fiscales de 1,9 milliard et de 800 millions d'euros pour recettes des comptes spéciaux.

Enfin, ce texte est un texte d'engagements sur la méthode, car, pour la deuxième fois depuis plus de trente ans le Gouvernement n'a présenté et ne présentera aucun décret d'avance.

Nous avons tenu cet engagement l'année dernière et le tenons de nouveau cette année. Pour la deuxième fois depuis l'entrée en vigueur de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances), l'exécution budgétaire se fera donc sans recourir au moindre décret d'avance. C'est pour nous une illustration de notre volonté de respecter les autorisations budgétaires décidées par le Parlement.

Par ailleurs, vous le savez, nous souhaitons rendre au PLFR sa vocation première : cette année encore, le texte que nous vous présentons ne comporte aucune mesure fiscale.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C'est vrai !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. C'est un élément dont nous pouvons nous réjouir : il est rassurant pour les acteurs économiques de terminer l'année sans « mesure fiscale surprise » et il est rassurant pour l'ensemble de nos partenaires européens comme des Français de pouvoir constater que nous terminons l'année sans dérapage budgétaire par rapport au projet de loi de finances initial.

Le Gouvernement a fait le choix du sérieux et de la responsabilité budgétaires, un choix que chaque ministre s'est appliqué à rendre très concret dans la mise en oeuvre du schéma de fin de gestion.

Sur le fond, le PLFR 2019 est donc un texte très court : il ne comporte que trois articles de lettres strictement nécessaires, en dehors du schéma de fin de gestion et des dispositions relatives à l'équilibre proprement dit.

Il y a deux articles relatifs à l'ajustement des ressources de comptes d'affectation spéciale, qui tiennent compte de la révision de l'estimation de leurs dépenses, dont un article relatif à l'ajustement des ressources du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », qui tire les conséquences de l'évaluation actualisée des recettes de radars, en baisse pour les amendes de contrôle automatisé non majorées du fait des dégradations du parc de radars, mais en hausse pour les autres, et un article relatif aux ressources du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », qui ajuste le niveau des recettes affectées au compte au niveau de la prévision actualisée des dépenses transmise au Gouvernement par la Commission de régulation de l'énergie.

Le PLFR comporte également un article portant des mesures relatives à l'ajustement des ressources affectées à certains organismes chargés de missions de service public.

Compte tenu du décalage de l'entrée en vigueur du relèvement du seuil d'assujettissement à la participation des employeurs à l'effort de construction du 1er juillet 2019 au 1er janvier 2020, la mesure de compensation qui avait été inscrite au bénéfice de la société Action Logement Services en loi de finances pour 2019 pour en neutraliser l'impact n'a pas lieu de s'appliquer cette année, d'où le report.

Par ailleurs, le plafonnement de la contribution de vie étudiante et de campus est relevé de 45 millions d'euros, soit le montant de la révision du rendement à la hausse de cette contribution par rapport à la prévision initiale. Cela traduit le choix du Gouvernement d'affecter la totalité du rendement de cette contribution au financement de la vie étudiante et de campus, conformément aux engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen par le Parlement du projet de loi de finances pour 2019.

Le PLFR compte enfin sept articles portant le schéma de fin de gestion en matière de crédits et d'emplois.

Tout cela est possible grâce aux efforts de sincérisation des crédits que nous avons entrepris depuis 2017. Ils nous permettent de conserver la principale vocation de la réserve de précaution, qui est de faire face aux aléas de gestion et aux besoins de la solidarité interministérielle, dont les mesures d'urgence. En atteste le maintien, pour la deuxième année consécutive, d'un taux de mise en réserve à 3% sur les crédits hors masse salariale.

Cette démarche de sincérité a significativement contribué à la qualité de l'exécution, en offrant aux gestionnaires des marges de manoeuvre dont la contrepartie est une responsabilisation accrue sur leurs dépenses et sur le respect des plafonds votés. Nous la reconduirons en 2020 avec quelques ajustements pour tenir compte du caractère plus ou moins pilotable des différents chapitres budgétaires.

En réduisant la réserve à 3 %, nous avons permis une nette augmentation du niveau des crédits disponibles dès l'ouverture de l'exercice. Cela a donné aux gestionnaires une visibilité suffisante pour faire face à leurs besoins, si bien que, comme en 2018, la réserve de précaution a été intégralement préservée au premier semestre 2019.

Les quelques dégels réalisés au cours du second semestre ont permis, quant à eux, de couvrir les risques de trésorerie relevant des aléas intervenus en cours de gestion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la méthode, éprouvée l'année dernière, que nous vous proposons de reconduire, participe donc de la sincérisation de nos comptes publics et de la revalorisation de la portée de l'autorisation parlementaire. Elle nécessite, cette année encore, de préserver le caractère réduit du texte et de conserver les débats fiscaux pour le reste de la discussion budgétaire sur le PLF pour 2020.

C'est la condition sine qua non de l'absence de décret d'avance, élément qu'on ne saurait bien évidemment omettre de saluer par rapport aux pratiques antérieures.

Je l'ai souligné, le renoncement aux décrets d'avance répond précisément aux critiques formulées par les parlementaires depuis des années sur une pratique qui revient, il est vrai, à fausser la portée de l'autorisation parlementaire. Les décrets d'avance sont des instruments utiles, que nous voulons conserver, pour faire face à des urgences imprévisibles, mais nous refusons d'y recourir par facilité ou pour masquer l'insincérité initiale des projets de loi de finances. À cet égard, l'absence de décret d'avance est, pour nous, la meilleure preuve de la sincérité de la budgétisation initiale.

Je sais aussi que cette nouvelle méthode que nous éprouvons depuis deux ans implique des délais d'examen contraints, dans une période où nous sommes tous très mobilisés sur les textes budgétaires, qui sont eux-mêmes soumis aux délais constitutionnels et organiques.

L'examen en lecture définitive de ce PLFR à la fin du mois de novembre a néanmoins une vertu : il permettra l'ouverture des crédits de titre 2 nécessaires à la paye de décembre pour les ministères qui pourraient connaître une insuffisance de crédits de personnel, comme ceux de l'éducation nationale et de l'intérieur.

Cette méthode et ce calendrier sont, nous le savons, peu confortables. C'est la raison pour laquelle nous tenons à saluer l'ensemble des parlementaires d'avoir « joué le jeu » d'un PLFR resserré sur la fin de gestion. En témoigne le nombre très réduit d'amendements budgétaires déposés, ce qui nous permettra d'avoir un débat de qualité.

Je vous en remercie et vous propose donc d'adopter ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

(…)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai quelques mots pour répondre aux différents intervenants.

De manière collective d'abord, je remercie l'ensemble des orateurs et souligne le plaisir du Gouvernement à constater qu'au Sénat l'objectif d'un PLFR ramené à sa vocation initiale de texte d'ajustement sans mesure fiscale nouvelle et visant à entériner la fin de gestion est partagé par tous, au-delà de l'appréciation qu'on peut porter sur le fond des dispositions.

Nous avons, monsieur le rapporteur général, maintenu deux hypothèses qui nous paraissent importantes.

La première est l'hypothèse de croissance, car le jour de la présentation du PLFR en conseil des ministres, les nouvelles hypothèses de travail de la Commission européenne et du FMI confortaient la lecture du Gouvernement, tant pour le taux de croissance attendue pour 2019 que pour celui qui est prévu pour 2020. Nous avons agi avec prudence.

La seconde est l'hypothèse d'un déficit à 3,1% du PIB. Je ne remets évidemment pas en cause les commentaires faits sur le montant du déficit en valeur absolue, mais je souligne que nous avons toujours été attachés au respect de nos engagements européens en matière de poids du déficit en pourcentage de PIB. En réalité, 0,9 point de ce déficit de 3,1% étant lié à la bascule du CICE, de manière structurelle, le déficit s'établit à 2,2%, pourcentage à comparer aux 2,5% de l'année 2018 et aux 2,2% de prévision pour l'année 2020, tel qu'il est présenté dans le projet de loi de finances.

Me concentrant sur les plus grandes masses financières, je veux dire au président Requier que la modification des crédits que nous proposons sur le compte d'affectation spéciale « Transition écologique » est uniquement due aux nouvelles évaluations transmises par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Ces évaluations et les hypothèses de travail ont été validées par une délibération de la CRE de juillet dernier, confirmées en octobre, et nous en tirons les conséquences, comme nous l'avons fait les années précédentes.

Pour ce qui concerne la défense, nous proposons l'annulation de 1,4 milliard d'euros d'autorisations d'engagement qui sont reportées sur le budget de 2020. Cette annulation est liée à des reports d'opérations de maintenance ou d'investissement. Lorsqu'on regarde l'équilibre global de la mission, le solde net connaît une baisse de seulement 70 millions d'euros, qui s'explique par les conditions de négociation plus avantageuses que prévu d'un certain nombre de contrats de prestations et d'achat. Nous pouvons en féliciter les services de la défense.

Quant au besoin lié aux opérations extérieures, il s'élève à 400 millions d'euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale, ce qui nous conduit à mobiliser les réserves du ministère de la défense pour en assurer le financement.

Pour ce qui concerne la question de la cohésion des territoires, monsieur Dallier, vous avez le sentiment que nous avons dû ajuster à la hausse les crédits du fait d'une faute d'appréciation, mais l'essentiel de ce réajustement est lié à l'absence d'économie constatée du fait du report de six mois de la mesure de contemporanéisation des APL.

Enfin, pour répondre à la question de M. Carcenac relative aux cités administratives, trente-neuf projets sont en cours, et ils avancent bien ; j'étais la semaine dernière à Agen, où l'exécution du programme a été entamée. Il n'y a donc pas de retard significatif, même si nous avons pu constater un certain nombre de difficultés à engager les crédits sur l'année 2019. C'est ce qui nous conduit à procéder à tel ou tel report.

Je précise que, sur la question du programme de modernisation de l'action publique, l'annulation de crédits que nous proposons est liée à deux observations. D'abord, on constate une sous-consommation des crédits du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines, qui n'est consommé qu'à hauteur d'un peu moins de 25% des crédits de 50 millions d'euros affectés. Ensuite, on observe une sous-consommation du fonds pour la transformation de l'action publique, qui procède par appels à projets et par appels à candidatures. Nous avons d'ores et déjà engagé 350 millions d'euros sur les 700 millions d'euros prévus à l'échelle du quinquennat, mais force est de constater que l'année 2019 ne permettra pas d'engager les 200 millions d'euros que nous avions prévus. D'où le report sur les exercices suivants.

Pour le reste, l'examen des amendements me donnera l'occasion d'apporter quelques précisions.

M. le président. La discussion générale est close.


Source http://www.senat.fr, le 25 novembre 2019