Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, à BFM TV le 20 août 2019, sur les enjeux du sommet du G7 de Biarritz et la fiscalité des carburants.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire

Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée ce matin, Emmanuelle WARGON, bonjour.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être là. Secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Transition écologique. On va parler du G7 à Biarritz, puisqu'on va parler transition écologique, défense de l'environnement au G7, mais je voudrais revenir rapidement sur cette rencontre entre Emmanuel MACRON et Vladimir POUTINE. Bon, il y a eu cette passe d'armes sur les gilets jaunes, vous l'avez regardé, ça vous a fait sourire, c'est la réponse d'Emmanuel MACRON qui répond à Vladimir POUTINE, que en France on peut se présenter aux municipales, allusion à ce qui se passe à Moscou ?

EMMANUELLE WARGON
J'ai regardé bien sûr, comme tous les Français, ce n'était pas dans la discussion elle-même puisque c'était une question d'un journaliste à Vladimir POUTINE.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Exact.

EMMANUELLE WARGON
Vladimir POUTINE a fait un parallèle, le président de la République a dit « comparaison n'est pas raison », je crois que c'était la bonne réponde. On est fier, en France, de la liberté d'expression et de la démocratie, c'est important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors moi j'ai une autre question, parce que ça c'est l'anecdote, mais j'ai une question. A quoi a servi cette rencontre, pourquoi cette rencontre ?

EMMANUELLE WARGON
Je crois que c'est très important de garder un contact avec la Russie. La Russie n'est plus dans le G8, qui est maintenant le G7, et le président l'a redit, c'est lié à la situation en Ukraine, néanmoins c'est un acteur important, et si on veut construire le monde de demain on a aussi besoin de le construire avec des relations diplomatiques équilibrées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que ça veut dire qu'il va y avoir prochainement une rencontre, organisée par la France, entre le président Russe et le président Ukrainien ?

EMMANUELLE WARGON
Ecoutez, je ne suis pas en charge de la diplomatie, vous le savez, donc il faudra poser la question…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais je sais, mais enfin vous êtes au gouvernement !

EMMANUELLE WARGON
Au ministre des Affaires étrangères ou au président de la République, mais en tout cas ça veut dire que le lien est maintenu entre la France et la Russie, le président français a annoncé qu'il se rendrait en Russie…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Levée des sanctions, vous êtes favorable à la levée des sanctions européennes ?

EMMANUELLE WARGON
Je vous avoue, je ne connais pas le sujet assez bien, donc je ne prendrai pas de position là-dessus ce matin.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord. Vous êtes prudente là, vous êtes prudente. Vous savez qu'il se murmure que vous seriez bientôt candidate à la Commission européenne, c'est vrai ou pas ça ?

EMMANUELLE WARGON
Non, ce n'est pas vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas vrai ?

EMMANUELLE WARGON
Non, ce n'est pas vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas candidate ?

EMMANUELLE WARGON
Je ne suis pas candidate.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous restez à la transition écologique.

EMMANUELLE WARGON
Je suis fière, honorée, d'être à la transition écologique, c'est un sujet très important, c'est un sujet qui intéresse tous les Français, c'est un sujet difficile, parce qu'on est à un moment où on nous dit « les discours ça suffit, ça fait trop longtemps que les politiques nous disent qu'il faut agir », la prise de conscience est là…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est vrai ça !

EMMANUELLE WARGON
C'est vrai, et donc toute la difficulté c'est l'action, l'action sur ce sujet, c'est ce qui nous motive Elisabeth BORNE, Brune POIRSON et moi, comment est-ce qu'on arrive à transformer les choses, en France, et comment est-ce qu'on les transforme avec des coalitions internationales. C'est pour ça que le G7 c'est important, parce que la solution n'est pas toujours française, et c'est aussi pour ça que c'est un ministère absolument passionnant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On parle de remaniement dans les semaines qui viennent, non ?

EMMANUELLE WARGON
Je crois que la seule personne qui sait pour un remaniement c'est le président de la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le président de la République, bon d'accord ! Emmanuelle WARGON, parlons du G7, Biarritz donc. Je vais parler de la lutte contre les inégalités, si vous voulez bien, puisque c'est l'un des sujets, on va parler écologie évidemment, ne vous inquiétez pas, mais la lutte contre les inégalités c'est l'un des sujets qui sera abordé au G7, si j'ai bien compris, par les grands de ce monde. Est-ce que vous avez vu que, malgré le ralentissement de l'économie mondiale, les dividendes versés aux actionnaires ont progressé au deuxième trimestre de cette année 2019, et notamment en France, est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

EMMANUELLE WARGON
La lutte contre les inégalités c'est le sujet du G7 et c'est l'un des sujets centraux, je pense, de la révolution qui est devant nous, le changement du monde. On a un modèle économique aujourd'hui, qui est fondé sur l'économie de marché, le capitalisme, qui n'intègre pas suffisamment l'inclusion, c'est-à-dire la lutte contre les inégalités, la protection des plus faibles, des plus défavorisés, et l'environnement, mais d'une certaine manière les deux sujets on peut les mettre sur le même plan. On a un modèle capitalistique, dont l'objectif est de faire des profits à court terme, et en faisant ces profits à court terme, se désintéresse complètement des conséquences sur les gens et des conséquences sur la planète.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc le capitalisme actuel, actuel, se désintéresse totalement du sort d'une partie de l'Humanité ?

EMMANUELLE WARGON
Pas tout, pas tous les acteurs économiques, pas tout, mais le modèle lui-même n'a pas suffisamment intégré le long terme, et dans le long terme, les effets sur la planète et les effets sur les plus fragiles. Et donc la question qui est vraiment posée, à tout le monde, en France, mais à l'international, c'est est-ce qu'on peut imaginer, est-ce qu'on peut inventer, est-ce qu'on peut forcer, est-ce qu'on peut réguler, un modèle économique qui arrive à être plus inclusif ? Comment est-ce qu'on entraîne des grandes entreprises, comment est-ce qu'on entraîne les grands financeurs, les assureurs, les banques, vers un modèle dans lequel l'allocation de l'argent et l'action ne s'intéressent pas seulement à la rémunération des actionnaires et à faire toujours plus d'argent, mais réintègrent les préoccupation de base ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va falloir que la France donne l'exemple, Emmanuelle WARGON, parce que quel est le pays qui verse le plus de dividendes aux actionnaires, quel est le pays, en Europe ?

EMMANUELLE WARGON
Je ne sais pas, mais vous allez me le dire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi je vous le dis, la France, c'est la France qui verse le plus de dividendes aux actionnaires, à ces actionnaires, aux actionnaires des entreprises, et notamment des grandes entreprises, en Europe. Alors, c'est bon, ou mauvais, je ne sais pas, c'est bon pour l'économie ou pas ?

EMMANUELLE WARGON
Pour moi la question ce n'est pas le montant des dividendes eux-mêmes, c'est la manière dont les entreprises ont un impact positif et négatif sur les gens et sur la planète.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi ? Si on verse beaucoup aux actionnaires, on engage moins d'investissements.

EMMANUELLE WARGON
Ça dépend de ce que devient cet argent après, les actionnaires, est-ce que ce sont des actionnaires de court terme ou des actionnaires de long terme ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous pensez que ça a été une erreur de taxer à 30 %, justement, cet argent-là ?

EMMANUELLE WARGON
Je pense qu'on a besoin d'être dans un équilibre global. On est, en Europe, et dans le monde, en concurrence fiscale, et c'est la raison pour laquelle le G7 des financiers qui était…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc moins on taxe, mieux c'est quoi !

EMMANUELLE WARGON
Qui était présenté par Bruno LE MAIRE, que Bruno LE MAIRE a accueilli à Chantilly, sur la capacité à avoir un socle commun de taxation, est important, parce que sinon on se fait concurrence, et si on se fait concurrence c'est le moins-disant. C'est vrai pour la taxation, et c'est vrai pour les normes. C'est pour ça qu'on a besoin d'avoir des normes fortes en Europe, des normes sociales et des normes environnementales, et c'est aussi pour ça qu'on a besoin de partager ces normes au plan international parce que sinon l'Europe est en avance, mais elle est concurrencée par des pays qui le sont moins.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, il va bien falloir – c'est bien beau la réunion, le sommet de Biarritz – sur cette question des inégalités, il va bien falloir que des décisions soient prises, on est bien d'accord Emmanuelle WARGON, mais il va falloir que la France initie, que la France soit… puisque nous recevons, autant être le leader de nouvelles, je ne sais pas moi…

EMMANUELLE WARGON
Mais c'est l'ambition du président de la République, c'est lui qui a mis le thème des inégalités à l'ordre du jour du G7.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, alors s'il a mis le thème des inégalités, ça veut dire quoi, ça veut dire qu'il va initier, que va-t-il initier lors de ce G7 ?

EMMANUELLE WARGON
Vous lui poserez la question et puis on va voir ce qui se passe au moment du G7, c'est dans quelques jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, vous ne savez pas, mais vous savez qu'une initiative sera prise.

EMMANUELLE WARGON
Mais en tout cas c'est un sujet qui tient à coeur au président de la République, je sais que c'est un sujet sur lequel il travaille depuis longtemps, il a souhaité que le G7 français, c'est-à-dire la possibilité française de présider ce G7, permette d'avancer sur le sujet des inégalités.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et sur le sujet écologique, est-ce que ce G7 va permettre d'avancer, et avancer vers où, vers quoi ?

EMMANUELLE WARGON
L'écologie on avance au plan international et puis il faut qu'on avance en France, toute la question c'est de savoir comment est-ce que les pouvoirs publics, les entreprises, et puis les citoyens, on peut unir nos forces, pour passer à l'acte et avoir des résultats. Si je prends le sujet du changement climatique, dont on voit bien les effets, on a encore vu la sécheresse cet été, on a 85 départements en situation de sécheresse, alors ce n'est pas lié à l'évolution à long terme de l'augmentation des températures, mais quand même on sait que toutes ces perturbations ont un lien avec le changement climatique. En gros, on a plusieurs secteurs sur lesquels il faut agir, le premier c'est celui des transports, le deuxième c'est celui des bâtiments. Moi je… travailler avec Julien DENORMANDIE sur la rénovation thermique des bâtiments. Les bâtiments c'est à peu près 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre, c'est considérable, c'est, votre logement, mon logement, c'est les bâtiments publics, c'est les bâtiments des entreprises. Là on va essayer d'améliorer tout le système, des aides plus simples, versées de façon plus facile, des entreprises plus fiables, des démarches moins complexes, pour que chacun puisse vraiment faire des opérations de rénovation, c'est bon pour la planète, et ça c'est bon pour le porte-monnaie, puisque quand vous avez rénové vous payez moins chères vos factures. Donc ça ce n'est pas de la grande politique internationale, c'est très concret, c'est très local, moi je passe beaucoup de temps sur le terrain, je l'ai fait pour le Grand débat, vous le savez, mais j'ai continué à le faire, j'étais en Franche-Comté avant l'été, ce matin je vais avec Elisabeth BORNE à Epinay, la semaine prochaine j'irai en Occitanie pendant 3 jours, pour essayer de comprendre pourquoi ça ne marche pas, où sont les verrous et comment on fait mieux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est le logement.

EMMANUELLE WARGON
Ça c'est le logement, mais c'est très important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les transports, tiens, parlons des transports. Les transports ?

EMMANUELLE WARGON
Les transports, il y a plusieurs sujets.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez réduit de 2 centimes, j'ai vu, par litre, on est bien d'accord, la détaxe sur le gasoil pour les transports routiers, on est d'accord, c'est cela ?

EMMANUELLE WARGON
Les transports c'est un sujet…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va être quand d'ailleurs ça, c'est pour quand ?

EMMANUELLE WARGON
C'est pour le 1er janvier.

JEAN-JACQUES BOURDIN
1er janvier.

EMMANUELLE WARGON
Les transports c'est aussi un sujet de changement de pratiques de tout le monde, c'est est-ce qu'on arrive enfin à développer une alternative au transport routier ? Comment est-ce qu'on continue à développer le fret ferroviaire ? Comment est-ce qu'on arrive à faire un peu de covoiturage ? Comment est-ce qu'on arrive à changer un peu, puis progressivement plus, la flotte de véhicules, votre voiture, ma voiture, les voitures dans lesquelles on roule ? J'écoutais vos reportages ce matin, et vos échanges sur le E85, ça fait partie des solutions, parce que ce sont des carburants qui sont moins polluants, ce sont des carburants qui sont moins issus des hydrocarbures, quasiment pas, ils sont issus…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le super éthanol, non.

EMMANUELLE WARGON
Ils sont issus des végétaux donc des plantes, de la betterave ou des résidus végétaux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou du blé.

EMMANUELLE WARGON
C'est intéressant, c'est une solution comme une autre. La question, c'est comment est-ce qu'on arrive à ouvrir…

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'huile de palme.

EMMANUELLE WARGON
Pas sur l'éthanol. L'éthanol, c'est du sucre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas sur l'éthanol, c'est vrai. Vous avez raison. Oui, le super éthanol, Emmanuelle WARGON, à propos de ça, il n'est pas cher.

EMMANUELLE WARGON
Non. Il n'est pas cher parce qu'il est peu taxé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est peu taxé. Il ne sera pas taxé plus.

EMMANUELLE WARGON
Il n'y a aucun projet de changement de la taxation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Là, vous vous engagez.

EMMANUELLE WARGON
Il n'y a pas de projet, en tout cas à ma connaissance.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, non, attendez. Pas de projet, c'est une chose mais moi, vous savez, je me méfie quand on me dit « pas de projet ». Vous vous engagez : avant la fin du quinquennat, il n'y aura pas d'augmentation des taxes sur le super éthanol.

EMMANUELLE WARGON
On n'a jamais discuté de changement de taxe sur le super éthanol.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Très bien. Parce que ça se développe à vitesse grand V. Une pompe qui ouvre chaque jour en France.

EMMANUELLE WARGON
Ça se développe bien et c'est une bonne nouvelle. Après, tout est compliqué dans ces sujets parce qu'à un moment, il ne faut pas qu'on ait de la concurrence entre de la culture pour nourrir la planète, les Français et tous les habitants du monde, et la production agricole qui sert à autre chose. On sait aussi que la population du monde grandit, qu'il va falloir continuer à pouvoir nourrir tout le monde donc il faut faire très attention à la concurrence des cultures. Pour l'instant c'est très surveillé, on n'a pas de problème en Europe sur ce sujet, mais au fur et à mesure du développement, il faudra continuer à le surveiller.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, vous allez surveiller. Vous allez surveiller la déforestation au Brésil j'imagine.

EMMANUELLE WARGON
Vous allez me parler du Mercosur je suppose.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais évidemment ! Non mais évidemment !

EMMANUELLE WARGON
Et vous avez raison.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que c'est extraordinaire : il y a un très grand sommet à Biarritz, c'est formidable ce G7 et tout. Oui, d'accord. Mais enfin, il y a un pays dans le monde avec un gouvernement et un président, monsieur BOLSONARO, qui n'arrête pas de défaire ce que vous êtes en train de faire justement dans des grandes réunions comme celle de Biarritz.

EMMANUELLE WARGON
Mais la France n'a pas encore donné son accord au traité du Mercosur.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui la France ne le donnera pas.

EMMANUELLE WARGON
La France n'a pas encore donné son accord et la France prendra une position quand on aura une évaluation suffisamment solide pour voir avantages et inconvénients. Le Premier ministre a annoncé la création de la commission d'évaluation du Mercosur qui va être installée où vient d'être installée, qui va faire un état des lieux, c'est-à-dire qui va nous dire les apports et les risques de ce traité. Je crois qu'après ce sera important que ceci soit discuté de façon très large, démocratique, sous une forme de débat public parce que nous avons besoin de mettre tout ça sur la table. Et seulement après, la France prendra une position. Le président de la République a dit que la position française, c'était pas d'application sans son accord.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que vous condamnez cette politique brésilienne de déforestation ? Est-ce que vous dites : je condamne ce que fait monsieur BOLSONARO ?

EMMANUELLE WARGON
Moi ce que je dis, c'est que je condamne fortement tous ceux qui mènent des politiques qui mènent à la déforestation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous condamnez monsieur BOLSONARO.

EMMANUELLE WARGON
Mais la question, ce n'est pas tel ou tel.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ça « ce n'est pas tel ou tel » ? Mais il y a un exemple précis !

EMMANUELLE WARGON
Mais en tout cas au Brésil…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça s'accélère en plus !

EMMANUELLE WARGON
Et pas qu'au Brésil d'ailleurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas faux.

EMMANUELLE WARGON
Il y a plein d'endroits dans le monde dans lesquels il y a de la déforestation et il faut absolument qu'on lutte contre ça. On a des rapports récents, un rapport récent du GIEC sur la santé des sols et sur le rôle de l'agriculture et des forêts dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il nous dit, le GIEC, à la fois que c'est essentiel et que les sols et les végétaux sont potentiellement des puits de carbone et peuvent nous aider beaucoup, et aussi que la déforestation s'accentue notamment dans les zones tropicales. Paradoxalement, on a plus maintenant de stockage de carbone dans l'hémisphère nord que dans l'hémisphère sud. Le stockage de carbone se fait plus dans les climats tempérés. Il augmente alors qu'il baisse là où il y a les grandes réserves de biodiversité et ça, il faut qu'on lutte contre ça. Vous parliez du G7, on a aussi la grande convention qui arrive sur la biodiversité qui aura lieu en Chine à la fin de l'année prochaine. Ça sera l'occasion d'avoir un agenda à dix ans sur la protection de la biodiversité. C'est indispensable parce que, sinon, tous les efforts qu'on fait chez nous…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais tout le monde est d'accord : toutes ces grandes réunions sont indispensables. Mais ensuite, chacun rentre chez soi et parfois viole toutes les règles adoptées lors de ces grandes réunions ; vous le savez bien malheureusement. Malheureusement.

EMMANUELLE WARGON
Mais en fait…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais moi, je ne suis pas pessimiste, Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
D'abord je pense qu'il ne faut pas être pessimiste, il faut être déterminé. Il y avait un article intéressant cosigné par Jean JOUZEL, dans je crois que c'était dans Le Monde il y a quelques jours, en disant : l'effondrement n'est pas inéluctable, les solutions techniques existent de plus en plus, on est en capacité de construire les solutions. Les solutions, elles se construisent localement. Elles se construisent en France mais ce n'est même pas en France en général : elles se construisent sur les territoires. Moi je travaille avec 80 territoires avec lesquels je signe des contrats de transition écologique dans lesquels on fait plus d'énergies renouvelables, plus d'agriculture durable, plus de formation vers les métiers verts, etc etc. Ça se construit localement, ça se construit nationalement et on est obligé d'avoir une diplomatie verte, on est obligé d'avoir un agenda international pour mettre tout ça en cohérence. Bien sûr que c'est difficile, mais on n'a pas de chemin alternatif et donc on est déterminé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Vous me parliez de la sécheresse tout à l'heure. Est-ce qu'il faut construire des retenues d'eau ?

EMMANUELLE WARGON
Oui, mais pas n'importe comment. Oui parce que sous réserve que le travail soit bien fait avant, en concertation entre les agriculteurs, les associations de défense de l'environnement, tous les usagers – d'ailleurs même y compris les entreprises qui utilisent de l'eau - on peut se donner un projet de territoire sur l'eau avec un premier objectif qui est un objectif d'économies et pour soutenir cet objectif d'économies, la capacité de stocker de l'eau en hiver pour des besoins en été. Mais pas n'importe comment. C'est-à-dire la retenue d'eau, ce n'est pas la panacée. Ce n'est pas : il tombe de l'eau en hiver, elle ne sert à rien, récupérons-là. L'eau qui tombe en hiver, elle sert. Elle sert aux nappes phréatiques, elle sert à la biodiversité et à la nature. Donc c'est sous certaines conditions. Mais il y a des exemples dans lesquels ça marche, il y a des exemples dans lesquels les gens ont réussi à se mettre d'accord.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.

EMMANUELLE WARGON
Dans les Deux-Sèvres par exemple. Et nous avons signé une circulaire avec Didier GUILLAUME disant que nous souhaitons que ce type de démarche de retenue d'eau puisse se développer en France sous conditions.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez animé le grand débat, vous nous l'avez rappelé. Bientôt début des concertations avec les partenaires sociaux, gouvernement-partenaires sociaux sur la réforme de la retraite. Est-il vrai qu'un nouveau grand débat consacré à la réforme des retraites sera organisé ?

EMMANUELLE WARGON
Le président souhaite vraiment que la réforme des retraites fasse l'objet d'un débat approfondi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc un nouveau grand débat.

EMMANUELLE WARGON
Que ça s'appelle grand débat ou autrement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est un nouveau grand débat.

EMMANUELLE WARGON
Mais en tout cas, qu'il y ait un moment dans lequel on prenne le temps d'aller à la rencontre des Français pour poser les principes de la réforme, en discuter et les écouter.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura comme pour les gilets jaunes, dans le cadre de cette réforme des retraites, des rencontres en France avec les Français justement pour discuter de la réforme, organisées par les maires, les élus locaux ou par le gouvernement. Je ne sais pas moi.

EMMANUELLE WARGON
A ma connaissance, le format n'est pas du tout défini.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais il y aura une concertation nationale.

EMMANUELLE WARGON
Mais l'intention d'aller à la rencontre des Français et de prendre le temps de présenter la réforme, sa logique, son ambition, son fonctionnement, d'écouter, d'enrichir la réforme, de discussions avec les Français, cette volonté elle est présente. Le président a souhaité que la loi n'arrive pas trop vite, justement pour laisser le temps à la discussion.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc concertation nationale.

EMMANUELLE WARGON
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Concertation nationale dans le cadre de cette réforme des retraites. Est-ce que vous assisteriez à une corrida, vous, Emmanuelle WARGON ?

EMMANUELLE WARGON
Moi, je n'ai jamais assisté à une corrida, pas la moindre intention d'assister à une corrida. Ce n'est pas du tout ma sensibilité. Je crois que je ne me sentirais pas du tout à ma place.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai ? Vous comprenez qu'on puisse aller assister à une corrida lorsqu'on est ministre de la République ou pas ? Et notamment lorsqu'on est en charge du bien-être animal ?

EMMANUELLE WARGON
Vous m'avez demandé si moi j'assisterais à une corrida, la réponse est non. Je n'assisterais pas à une corrida, ce n'est vraiment pas ma sensibilité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'aimez pas la corrida ?

EMMANUELLE WARGON
Je n'y ai jamais assisté donc c'est difficile de répondre, de dire ce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Est-ce qu'il faut l'interdire d'ailleurs ?

EMMANUELLE WARGON
Après, c'est une tradition. C'est une tradition très forte dans le sud-ouest, ça fait partie de la culture de certaines villes, de certaines personnes. Et du coup, je pense que c'est un choix personnel de savoir si on assiste à une corrida ou pas. C'est légal, ç'a été autorisé, le Conseil constitutionnel s'est prononcé là-dessus en 2012. Je ne crois pas qu'il faille l'interdire. Après, l'action sur le bien-être animal, elle est portée par Didier GUILLAUME mais aussi d'ailleurs pas le ministère de l'Ecologie. On agit sur le sujet. Par exemple en période de sécheresse - on en parlait – Didier GUILLAUME est le ministre qui a interdit les transports d'animaux en période de sécheresse. C'est aussi le ministre qui a installé un observatoire des abattoirs pour essayer d'améliorer les pratiques dans les abattoirs. Le ministère de l'Ecologie a lancé un groupe de travail sur les animaux captifs type cirque etc. Donc c'est des sujets sur lesquels on travaille.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Interdiction des animaux dans les cirques ?

EMMANUELLE WARGON
Le groupe de travail a été lancé, c'est François de RUGY lui-même qui le présidait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous, quelle est votre position ?

EMMANUELLE WARGON
Moi, je pense que le sens de l'Histoire, c'est des cirques sans animaux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et des corridas sans mise à mort ?

EMMANUELLE WARGON
Je ne me prononcerai pas sur la corrida. Mais pour moi, le sens de l'Histoire, ça n'est pas de voir des animaux souffrir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on a bien compris. Merci beaucoup Emmanuelle WARGON d'être venue nous voir ce matin.

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 août 2019