Interview de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, à RTL le 21 août 2019, sur la sécurité ferroviaire et la convention citoyenne sur le climat.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

BENJAMIN SPORTOUCH
Bonjour Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Bonjour.

BENJAMIN SPORTOUCH
Merci d'être avec nous ce matin sur RTL. Je le disais, vous avez un portefeuille chargé, notamment les transports, et ce matin Le Parisien révèle un rapport inquiétant, rapport du gendarme de la SNCF, l'EPSF, en effectuant eux-mêmes des contrôles le long des voies ferrées les enquêteurs ont trouvé des dizaines d'anomalies, dont certaines pouvant affecter la sécurité des voyageurs. Alors, au moment où les Français vont rentrer de vacances, est-ce que cette sécurité est en jeu ?

ELISABETH BORNE
Alors, c'est des rapports, il y en a plusieurs dizaines par an, et l'EPSF, l'Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire, est dans son rôle de signaler les insuffisances, voilà, ce qui appelle des corrections de la part de la SNCF, et c'est ce qu'ils ont fait. Je précise que s'il y avait un problème de sécurité immédiat, l'EPSF pourrait arrêter un équipement, arrêter une circulation, et donc il ne l'a pas fait, mais, évidemment, on va tous être vigilants, et également l'EPSF, à ce que les correctifs soient apportés, à court terme, à moyen terme, que toutes ces insuffisances trouvent des réponses. Et ce que ça pointe, vous savez, c'était au coeur de la réforme ferroviaire que moi j'ai portée l'an dernier, c'est des décennies de sous-investissement dans le réseau.

BENJAMIN SPORTOUCH
Mais alors, allez-vous investir davantage ? justement, il y a 413 anomalies de signalisation électrique, 20% sont traitées hors des délais réglementaires, peut-être notamment à cause d'un manque de moyens humains pour régler ces problèmes qui, encore une fois, peuvent mettre en cause la sécurité des passagers, puisque c'est le gendarme qui le spécifie, il fait notamment mention de l'accident de Brétigny qui avait causé sept décès.

ELISABETH BORNE
Je peux vous assurer qu'on a tous en tête cet accident et que, évidemment, tout est fait pour que ça ne se reproduise pas, et, effectivement, mais c'est des décennies de sous-investissement, de tout TGV, qui fait qu'on ne s'est pas…

BENJAMIN SPORTOUCH
Alors allez-vous augmenter…

ELISABETH BORNE
On va augmenter.

BENJAMIN SPORTOUCH
De combien, Madame BORNE ?

ELISABETH BORNE
3,6 milliards d'euros par an, c'est 50% de plus que ce qui se faisait au cours de la dernière décennie, et il faut que tous ces travaux se mettent en oeuvre, ce qui est un véritable défi pour la SNCF, mais toutes ces anomalies elles doivent avoir des correctifs rapidement.

BENJAMIN SPORTOUCH
Au final, 5 000 kilomètres de ralentissements sur les voies, c'est l'une des députées de votre majorité qui le dit ce matin dans Le Parisien, ça peut paraître surprenant, elle dit "puisqu'on n'a pas les moyens, pour l'instant, de régler tous les problèmes, on ralentit les trains."

ELISABETH BORNE
Ça veut dire que la sécurité elle est au-dessus de tout, et quand on a effectivement des installations qui ne sont pas au niveau, les trains ralentissent. Moi je ne peux pas m'en satisfaire. Vous savez, c'était le paradoxe que j'avais pointé l'an dernier, on fait des lignes à grande vitesse, et les Français qui prennent les trains tous les jours pour aller au travail, leurs trains roulent moins vite qu'avant. Donc c'est le sens, vraiment, de la réorientation des investissements sur les transports du quotidien, que moi je porte depuis 2 ans, et que, évidemment, le gouvernement va continuer à porter, il faut faire ces travaux, on y consacre les moyens nécessaires, on investit, plus qu'on l'a jamais fait, dans le transport ferroviaire, et on va continuer à le faire.

BENJAMIN SPORTOUCH
Mais Madame BORNE, est-ce que votre réforme justement, celle que vous avez menée l'année dernière, qui ouvre notamment à la concurrence les rails français, est-ce qu'elle ne risque pas d'aggraver les choses notamment ?

ELISABETH BORNE
Cette réforme, alors elle ne concerne pas l'infrastructure, qui reste le monopole de la SNCF, elle va permettre qu'il y ait des nouvelles entreprises qui viennent proposer des nouveaux services. Vous savez, il y a un sujet auquel, je pense, que beaucoup de Français sont attachés, et moi aussi, c'est les trains de nuit, ça fait des années qu'on supprime des trains de nuit, eh bien on a des opérateurs qui nous disent "tiens, nous on voudrait bien venir offrir des nouveaux services aux Français", et moi je m'en réjouis.

BENJAMIN SPORTOUCH
Mais vous nous dites ce matin la sécurité des voyageurs est garantie.

ELISABETH BORNE
C'est la priorité numéro 1 et évidemment tout le monde sera vigilant sur ce sujet.

BENJAMIN SPORTOUCH
Il ne vous faut pas un secrétaire d'Etat aux Transports, Madame la ministre ? Vous avez, on le disait, un portefeuille très important, peut-être serait-il nécessaire que vous en ayez un, quand on voit le nombre de dossiers qui concernent ce secteur en particulier.

ELISABETH BORNE
Ecoutez, ce n'est pas moi qui en décide, mais on aura évidemment forcément des discussions avec le Premier ministre sur ce sujet.

BENJAMIN SPORTOUCH
Donc c'est possible, ça peut venir, dans le cas d'un remaniement futur ? Vous semblez, peut-être, le souhaiter d'après ce que vous nous dites. Est-ce que, pour la SNCF aussi, il y a un nouveau patron qui va bientôt arriver, puisque Guillaume PEPY va partir après 20 ans à la tête de la SNCF, est-ce que votre choix est fait sur son successeur, on parle notamment, eh bien, peut-être, du patron de la BPI actuellement, est-ce que ça peut être le cas ?

ELISABETH BORNE
On est en train de travailler, évidemment, sur ce sujet, vous savez qu'il y a une nouvelle organisation de la SNCF qui se met en place à partir du 1er janvier 2020…

BENJAMIN SPORTOUCH
Vous avez fait votre choix ?

ELISABETH BORNE
Et on est en train d'y travailler, on aura des décisions prochaines.

BENJAMIN SPORTOUCH
Ça sera quand la réponse pour le patron de la SNCF ?

ELISABETH BORNE
Dans les prochaines semaines.

BENJAMIN SPORTOUCH
Fin du mois, peut-être.

ELISABETH BORNE
Dans les prochaines semaines.

BENJAMIN SPORTOUCH
Autre sujet à votre agenda notamment, en matière de transports, il y a la loi Mobilités, et des routiers qui sont mécontents, on les a entendus ce matin à 7h30, la présidente de l'Organisation des transports routiers, Aline MESPLES, qui dit que la profession est impactée notamment par les bonus-malus sur les CDD courts, mais aussi qui va perdre sa ristourne de 2 centimes sur le fioul. Est-ce que vous avez l'intention de faire un geste pour apaiser leur colère, ils menacent de bloquer les routes ?

ELISABETH BORNE
Alors, écoutez, moi j'ai rencontré les routiers avant les vacances, je les rencontrerai à nouveau, il y a plusieurs mesures qui concernent le secteur, celles effectivement de la réforme de l'Assurance chômage, des mesures aussi sur le gasoil non-routier, personne ne veut…

BENJAMIN SPORTOUCH
Vous allez les rencontrer, Elisabeth BORNE ?

ELISABETH BORNE
Prochainement, je les rencontrerai – personne ne veut mettre le secteur en difficulté, donc on va regarder tous ces sujets avec les transporteurs routiers.

BENJAMIN SPORTOUCH
Vous craignez cette rentrée ? Il y a 1 an à peine, puisque c'est aujourd'hui le premier Conseil des ministres de rentrée, personne n'avait vu venir la crise des gilets jaunes, est-ce que vous craignez que cette rentrée soit aussi socialement compliquée ?

ELISABETH BORNE
On est bien sûr très vigilants, je pense qu'on a aussi retenu ce qui s'est passé l'an dernier, sur la nécessité d'être à l'écoute, que les réformes elles ne se font pas simplement depuis Paris, qu'il faut être à l'écoute des territoires, des partenaires sociaux, des citoyens, c'est aussi le sens, vous savez, de la Conférence citoyenne, 150 Français qui vont réfléchir, faire des propositions, sur le changement climatique…

BENJAMIN SPORTOUCH
Ils vont être tirés au sort, Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Voilà, les tirages au sort vont commencer bientôt.

BENJAMIN SPORTOUCH
Donc, si j'ai bien compris, cette Convention citoyenne, avec 150 citoyens, elle sera à l'oeuvre début octobre, elle pourra faire des propositions très concrètes contre le dérèglement climatique. Si elle propose, Elisabeth BORNE, le retour de la taxe carbone, que faites-vous ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense que vraiment l'enjeu, c'est bien de dire : les réformes, on ne les fait pas tout seuls, on ne les fait pas pour les Français, on les fait avec les Français. Avec les collectivités, avec les Français. Donc si les Français nous font des propositions, en particulier ces 150 citoyens sur la façon dont on peut effectivement lutter contre le dérèglement climatique sans mettre des gens de côté, sans laisser des Français sur le bord de la route. Evidemment, on y sera attentifs.

BENJAMIN SPORTOUCH
Donc la taxe carbone, pourquoi pas si ça vient d'en bas, puisque vous disiez-vous-même dans Le Parisien début août : les contraintes, les taxes, quand ça descend verticalement ce n'est pas la bonne façon de faire. Donc quand ça descend, ça vient d'en haut. Et quand ça vient d'en bas, est-ce que ça peut du coup être acceptable ? Est-ce que la taxe carbone, clairement si ces Français tirés au sort la proposent, est-ce que vous dites : on pourrait la remettre en place ?

ELISABETH BORNE
Le sujet, vous savez, et je pense que c'est effectivement ce que nous ont montré ces derniers mois, c'est que cette transition écologique, moi je suis convaincue qu'elle ne doit pas laisser des gens de côté, qu'elle ne doit pas compliquer la vie des Français. Elle doit au contraire améliorer la qualité de vie. Et moi l'écologie que je porte, vous savez, c'est une écologie qui améliore la qualité de vie, qui fait qu'on respire un air de meilleure qualité, qu'on a une alimentation plus saine, qu'on se transporte plus facilement.

BENJAMIN SPORTOUCH
Vous ne répondez pas clairement. Est-ce que la taxe carbone est définitivement enterrée ?

ELISABETH BORNE
La taxe carbone, elle ne peut pas se faire dans les conditions qui avaient été envisagées précédemment et elle ne peut pas se faire en mettant des gens en difficulté. Ça, je pense qu'on a bien retenu ce message. On ne peut pas avoir des gens, par exemple, qui nous disent : j'ai une chaudière au fioul, vous augmentez la taxe carbone ; j'ai une voiture pour me rendre au travail, je n'ai pas d'autre solution. Donc on ne peut pas, effectivement, laisser des gens sans solutions et c'est ce à quoi on va travailler avec les territoires et avec les 150 Français.

BENJAMIN SPORTOUCH
Elle pourrait prendre une nouvelle forme si je comprends. En tous les cas…

ELISABETH BORNE
Si les 150 Français en question ont des propositions à faire qui ne mettent personne en difficulté, alors évidemment on le regardera.

BENJAMIN SPORTOUCH
D'accord, c'est entendu. Une taxe carbone remodelée peut-être. La loi énergie climat justement, c'est des propositions concrètes que vous allez porter, notamment pour lutter contre les passoires thermiques, ces appartements mal isolés. Et donc vous allez changer ce qui était un crédit d'impôt pour une prime immédiate pour changer ses fenêtres par exemple. Alors il y a eu dans la presse ce mois-ci des papiers disant que ce sera moins généreux que le crédit d'impôt et qu'il y aura des foyers perdants, souvent les foyers modestes. Par exemple les chaudières à gaz à haute performance énergétique ne bénéficieront plus d'aides. Est-ce que vous confirmez en effet qu'il va y avoir une baisse globale de ces aides ?

ELISABETH BORNE
Alors en aucun cas - en aucun cas - on ne va réduire l'accompagnement pour les Français modestes. Au contraire, on veut un système plus simple. C'est-à-dire qu'avant, vous deviez faire l'avance des travaux et ensuite vous aviez un crédit d'impôt. Là on veut qu'il y ait une prime tout de suite. On veut aussi un dispositif plus efficace, c'est-à-dire que plus vous faites des travaux qui vont réduire les consommations d'énergie, qui vont permettre de passer par exemple à un chauffage plus propre et plus vous aurez d'aide. Et on veut un système plus juste, c'est-à-dire que les aides seront plus importantes pour les Français les plus modestes. Donc c'est effectivement le contraire.

BENJAMIN SPORTOUCH
Alors justement, vous excluez une suppression totale pour les ménages les plus favorisés, c'est-à-dire 20% de la population.

ELISABETH BORNE
Vous savez, il y a beaucoup de dispositifs et c'est peut-être ce qui fait que ça va moins vite que ce qu'on voudrait, cette rénovation des logements. On a des crédits d'impôts, on a des aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, on a des Eco PTZ donc des certificats d'économie d'énergie. Des certificats d'économie d'énergie.

BENJAMIN SPORTOUCH
Mais est-ce que certains Français seront perdants, les plus favorisés ? Est-ce que vous pouvez nous le dire ce matin ?

ELISABETH BORNE
Ce que ce que je peux vous dire, c'est effectivement notre priorité c'est d'accompagner les ménages qui ne peuvent pas payer des travaux, qui ont besoin d'être plus aidés et qui seront plus aidés, mais on ne laissera pas… Aucun Français ne sera sans solution et les certificats d'économie d'énergie, par exemple tous les dispositifs qu'on a mis en place pour changer les chaudières au fioul, pour isoler les combles, ils vont continuer.

BENJAMIN SPORTOUCH
Alors autre sujet, ce sont les pesticides et le glyphosate. On apprend que le maire de Langouet en Ille-et-Vilaine, une commune de 602 habitants, comparaît demain, Elisabeth BORNE, devant le tribunal administratif de Rennes pour avoir pris un arrêté interdisant l'usage de pesticides près des habitations pour protéger, dit-il, la santé de ses administrés et il est attaqué par l'Etat. Est-ce qu'on ne marche pas sur la tête, Elisabeth BORNE ?

ELISABETH BORNE
Alors il n'est pas attaqué par l'Etat. Je pense…

BENJAMIN SPORTOUCH
A la préfecture notamment, parce que cet arrêté, la préfecture estime qu'il n'est pas légal.

ELISABETH BORNE
Donc je vous confirme qu'on a un travail qui est en cours et qui fera l'objet d'une concertation très prochainement sur la façon dont on protège mieux les riverains, justement sur les épandages de pesticides. Mais effectivement, si on veut aussi prendre en compte non seulement les problèmes…

BENJAMIN SPORTOUCH
Il a raison ce maire ou pas, Elisabeth BORNE ? Est-ce qu'il a raison ?

ELISABETH BORNE
Le maire a raison sur un point : il faut mieux protéger les habitants quand on a des épandages de pesticides. Et on mettra bientôt en concertation…

BENJAMIN SPORTOUCH
Donc la préfecture a tort, Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Non, je ne vous dis pas ça. Je vous dis que chacun ne peut pas définir ses règles comme ça dans son coin, mais qu'on aura en concertation des propositions très prochainement sur ce sujet : comment on protège mieux les habitants quand il y a des épandages de pesticides.

BENJAMIN SPORTOUCH
Est-ce que vous serez candidate aux municipales à Montrouge, Elisabeth BORNE ?

ELISABETH BORNE
Je pense que c'est très important d'avoir un mandat local qui permet de bien comprendre les problèmes du terrain. Donc je réfléchis à être présente sur une liste…

BENJAMIN SPORTOUCH
A Montrouge.

ELISABETH BORNE
Mais je vous donnerai la réponse un autre jour.

BENJAMIN SPORTOUCH
Toute dernière question. Est-ce que vous allez recevoir Brigitte BARDOT qui a publié une lettre ouverte à Edouard PHILIPPE pour s'indigner de votre rencontre notamment hier avec les chasseurs ?

ELISABETH BORNE
Vous savez, c'est une polémique je trouve un peu curieuse. Moi je pense qu'il faut parler à tout le monde. Donc je vois évidemment toutes les associations qui se préoccupent de protection de l'environnement, je recevrai prochainement les 17 associations qui ont demandé à me rencontrer sur le bien-être animal, je vous le confirme, mais je parle à tout le monde.

BENJAMIN SPORTOUCH
Et notamment Brigitte BARDOT ?

ELISABETH BORNE
Evidemment Brigitte BARDOT, sa fondation en tout cas, qui fait partie des 17 associations que je verrai la semaine prochaine.

BENJAMIN SPORTOUCH
Merci beaucoup Elisabeth BORNE d'avoir été au micro de RTL ce matin


source : Service d'information du Gouvernement, le 22 août 2019