Interview de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, à Radio Classique le 3 septembre 2019, sur l'engagement du président de la République et du gouvernement en faveur de l'environnement.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
D'abord bienvenue, c'est important, nous allons parler évidemment d'écologie et de transports, puisque c'est votre ministère, puis-je vous demander d'entrée si on va apprendre le nom du successeur de Guillaume PEPY à la tête de la SNCF dans les heures ou dans les jours qui viennent ? Je sais bien que c'est un peu une surprise tôt le matin, à 8h16, mais il faut commencer par l'information.

ELISABETH BORNE
Ecoutez, une nouvelle organisation doit se mettre en place à la SNCF au 1er janvier 2020, et donc je vous confirme qu'on est en train de travailler, de réfléchir, au successeur de Guillaume PEPY, donc qui a par ailleurs annoncé qu'il ne souhaitait pas poursuivre son mandat à la tête de la SNCF, je pense qu'on aura des informations à vous donner sur ce sujet prochainement.

GUILLAUME DURAND
Un nom ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, ça viendra le moment venu.

GUILLAUME DURAND
Voilà, je ne vais pas vous torturer, mais je peux réessayer, un nom ?

ELISABETH BORNE
Non, je vous confirme que ça viendra.

GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il y aura par exemple, à vos côtés, puisque ce ministère est maintenant colossal, dans les jours qui viennent, dans le cadre d'un remaniement, un secrétariat d'Etat qui pourrait justement permettre d'affronter la tempête, puisqu'effectivement, en matière d'écologie, de transports, beaucoup de choses pointent à l'horizon, notamment par exemple le mécontentement des routiers ?

ELISABETH BORNE
Alors il y a déjà deux secrétaires d'Etat à mes côtés…

GUILLAUME DURAND
Oui, mais un de plus.

ELISABETH BORNE
Brune POIRSON et Emmanuelle WARGON, après l'organisation du gouvernement, là encore, ce n'est pas moi qui en décide.

GUILLAUME DURAND
Mais vous le souhaitez ?

ELISABETH BORNE
C'est un champ qui est effectivement très large et donc c'est de sujets que je préfère évoquer avec le Premier ministre.

GUILLAUME DURAND
D'accord. Hier, Yannick JADOT, pour les Verts, est venu dire que cette formule d'Emmanuel MACRON, que tout le monde connaît, "Make Our Planet Great Again", était tout simplement du pipeau, vous allez lui répondre, regardez, ou plutôt écoutons.

YANNICK JADOT
Ils ne veulent pas faire de l'écologie pour sauver l'Amazonie, pour sauver nos territoires, nos terroirs, nos paysans, pour sauver notre santé, le climat, la biodiversité, ils veulent faire de l'écologie parce qu'ils pensent qu'électoralement c'est important d'en faire.

GUILLAUME DURAND
Donc vous considérez que le fameux slogan "Make Our Planet Great Again" c'est du pipeau ?

YANNICK JADOT
Aujourd'hui c'est du pipeau.

GUILLAUME DURAND
Voilà, la formule est un peu violente, mais c'est la mise en cause par quelqu'un qui a des sondages qui sont en progression considérable, de la politique que vous incarnez avec le Premier ministre et le président de la République, vous lui répondriez quoi ce matin ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, je ne vois pas très bien ce qui peut lui permettre ce procès d'intention, ou de douter de la légitimité de l'engagement du président de la République et du gouvernement dans ce domaine. D'abord il y a des actes qui ont été posés dès le début du quinquennat, des grands objectifs qui ont été donnés, notamment dans le plan Climat, et effectivement je pense qu'aujourd'hui on a une prise de conscience de tous les Français, de tous les acteurs économiques, des territoires, sur l'importance de ces enjeux écologiques, une prise de conscience qui a largement progressé ces derniers mois. Moi je veux en faire une chance pour agir, pour proposer des mesures concrètes aux Français, pour changer de voiture, avoir une voiture qui pollue moins et qui coûte moins cher, pour moins gaspiller, pour isoler son logement, donc avoir des propositions très concrètes, parce que je suis convaincue que l'écologie c'est aussi notre qualité de vie et donc c'est ça ma feuille de route.

GUILLAUME DURAND
Est-ce que ça passe par la fiscalité à un moment ou un autre ?

ELISABETH BORNE
Je pense que les Français nous ont aussi dit à la fois qu'ils sont prêts à changer, je vous dis, 3 Français sur 4 nous disent qu'ils ont davantage pris conscience des enjeux de l'urgence écologique au cours des derniers mois, ils nous ont aussi dit qu'ils souhaitent être associés aux réponses qui sont apportées, et ce sera au coeur de la Convention citoyenne, vous savez, les 150 Français qui vont travailler pendant plusieurs mois pour justement faire des propositions, que ces propositions ne viennent pas d'ailleurs, mais qu'ils puissent participer à l'élaboration des propositions, et c'est vraiment le sens de l'Acte 2 de travailler, d'être à l'écoute des Français, de leurs propositions, et puis de travailler avec les collectivités, avec les entreprises, pour répondre à…

GUILLAUME DURAND
Mais est-ce qu'il faut une fiscalité verte ?

ELISABETH BORNE
C'est une des questions qui pourra être abordée dans le cadre de la Convention citoyenne

GUILLAUME DURAND
Oui, mais d'accord, mais on ne peut pas, quand on est ministre, on est quand même dans un système, la 5e République, qui est vertical, on ne peut pas toujours demander leur opinion à tous les gens, fusent-ils les représentants de la démocratie, ce qu'ils pensent, il est important de savoir ce que vous pensez dans cette affaire.

ELISABETH BORNE
Très clairement le gouvernement a pris la décision de ne pas poursuivre la trajectoire de fiscalité qui était prévue en 2019, et je vous dis très clairement, on ne prendra pas la décision sans avoir écouté les Français, c'est une proposition qui pourra venir dans la Convention citoyenne, et c'est peut-être effectivement une nouvelle méthode, mais c'est bien celle que le gouvernement souhaite adopter, d'être à l'écoute des Français, qui nous disent à la fois qu'ils sont prêts à changer, mais qui veulent être associés à la construction des solutions.

GUILLAUME DURAND
Question, elle est importante, pour JADOT et pour beaucoup de gens à gauche, la France insoumise et beaucoup d'autres. Au fond, il n'y a absolument pas de manière de pouvoir concilier le libéralisme, qui dirige le monde, et l'écologie. C'est aussi ça le fond du problème, et j'allais dire de l'attaque contre Emmanuel MACRON, c'est un libéral - il est libéral – ne peut pas être un écologiste parce que c'est contraire à l'économie de marché.

ELISABETH BORNE
Oui, je pense qu'ils pourraient écouter aussi ce que le président de la République dit, ce qu'il a eu l'occasion de dire à l'occasion du G7, qu'il faut effectivement, certainement, transformer la mondialisation qui prend insuffisamment en compte les enjeux sociaux et les enjeux environnementaux. Donc c'est bien ça que l'on…

GUILLAUME DURAND
Attaque contre MONSANTO, attaque contre les salaires, problèmes posés par déforestation, effectivement en Amazonie, la voiture, les transports aériens, vous voyez la petite Greta THUNBERG qui dit qu'il faut arrêter de prendre l'avion, dans tout le monde scandinave on considère que là aussi il faudrait une révolution pour les petites distances, prendre le train. Alors, il y a beaucoup de gens qui… il y en a qui qualifient ça de bond en arrière, mais qui réclament un changement total de l'appréhension qu'on peut avoir de notre vie.

ELISABETH BORNE
Alors, il y a quelques-uns qui proposent un changement radical, et je pense que tous les Français, tous les citoyens, beaucoup de citoyens en Europe et dans le monde, souhaitent une autre façon de gérer une économie qui ne doit pas se faire au détriment de l'environnement, qui ne doit pas se faire en accentuant les inégalités. Moi je rappelle que le président de la République a mis la lutte contre les inégalités au coeur du dernier G7, donc le message c'est aussi celui que portent le président de la République et le gouvernement, on doit être capable de trouver un modèle qui prend mieux en compte ces enjeux environnementaux, c'est essentiel pour l'avenir de la planète, je pense que l'urgence elle est là, il faut trouver un nouveau modèle qui prenne en compte ces enjeux environnementaux, et qui permette également de réduire les inégalités.

GUILLAUME DURAND
Demain Dimitri PAVLENKO recevra Alexis DEGOUY, que vous connaissez, qui est un des délégués généraux du mouvement des transports. Il y a des problèmes, vous le savez, en tout cas des projets de blocage des routes, en général quand les routiers bloquent les routes c'est d'une certaine manière le blocage de l'économie qui s'en suit, est-ce que vous allez, après les annonces qui ont été faites par Bruno LE MAIRE, essayer de converser avec eux pour éviter ce qui pourrait être une catastrophe pour l'économie française ?

ELISABETH BORNE
Alors, Bruno LE MAIRE a parlé du gasoil non-routier, qui par construction ne concerne pas les transporteurs routiers, les transporteurs routiers ont réagi sur le fait que nous avons fait le choix de réduire la niche fiscale, dont bénéficie le transport routier, pour financer nos infrastructures, pour financer notamment l'entretien plus important, qui est nécessaire, sur nos réseaux routiers, et puis nous avons aussi mis à contribution le transport aérien pour financer des transports plus propres, notamment le transport ferroviaire. Et donc moi je pense que c'est une décision…

GUILLAUME DURAND
Mais est-ce qu'il faut faire un geste ?

ELISABETH BORNE
Je pense que c'est une décision qui est juste et qui fait sens en termes d'écologie, par ailleurs il y a d'autres sujets qui préoccupent les transporteurs routiers et je vous confirme que le gouvernement les recevra, l'objectif n'est évidemment pas de mettre un secteur en difficulté.

GUILLAUME DURAND
Elisabeth BORNE est en direct avec nous. Vous savez que le président de la République a dit que même si le mouvement des Gilets jaunes on l'entendait un peu moins vers la fin de l'été, il considère que la question sociale est toujours très prenante en France, Agnès BUZYN va recevoir les urgentistes car la grève ne désarme pas. Est-ce que vous aussi, qui êtes au coeur de ce secteur qu'est les transports, vous n'avez pas le sentiment que si la colère s'est apparemment calmée, cette colère est encore dans le pays et qu'elle vous attend ?

ELISABETH BORNE
Je pense que cette colère elle a exprimé des difficultés profondes, qui ont été mis en lumière au cours des derniers mois, ces difficultés profondes, les fractures territoriales qui traversent notre pays, les fractures sociales, elles ne se sont pas réglées en quelques mois, et donc il faut être évidemment attentif à ces difficultés, continuer à apporter des réponses aux Français et être à l'écoute des difficultés ou des craintes qui s'expriment, c'est bien la philosophie dans laquelle nous sommes.

GUILLAUME DURAND
Mais est-ce qu'il faut par exemple, puisqu'au départ de tout ça il y avait la fiscalité justement sur les carburants, mais il y avait aussi les 80 km/h voulus par le Premier ministre, est-ce que vous ne pensez pas qu'à un moment ou à un autre, bon on a dit que ça allait se décider région par région, mais est-ce qu'il faudrait rétablir les 90 km/h ? Est-ce qu'il faudrait désarmer, pour tous qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller au bureau, justement est-ce qu'il faudrait désarmer cette petite bombe ?

ELISABETH BORNE
Alors, on est très attentif à la situation de ceux…

GUILLAUME DURAND
En rappelant à tous ceux qui nous écoutent que vous avez aussi en charge les transports, en dehors de l'écologie.

ELISABETH BORNE
Oui. Donc je dis qu'on est très attentif à la situation de ceux qui doivent prendre leur voiture tous les jours pour se rendre au travail, c'est pour ça que dans la loi Mobilités, dont la discussion vient de reprendre à l'Assemblée nationale, on a beaucoup de mesures pour notamment s'assurer que sur tout le territoire on a des solutions alternatives à la voiture individuelle, qu'on a aussi accompagné les Français, notamment avec une prime à la conversion pour leur permettre de passer à des véhicules qui consomment moins, qui polluent moins et qui pèsent moins sur le pouvoir d'achat. Et s'agissant des 80 km/h, moi je vous confirme que dans le texte qui a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, comme le Premier ministre s'y était engagé, il sera possible, quand le texte sera définitivement adopté, qu'un président de conseil départemental, après avis de la commission départementale de sécurité routière, puisse relever à 90 km/h la vitesse sur certaines routes, donc c'est ce qui avait été annoncé par le Premier ministre et qui sera mis en oeuvre dans le cadre de cette loi.

GUILLAUME DURAND
Maintenant vous êtes une responsable politique, c'est normal, c'est le jeu là encore de la 5e République pour les ministres, est-ce que vous avez l'impression que VILLANI est en train de défier le président de la République et défier la majorité que vous incarnez ?

ELISABETH BORNE
Je pense que ce n'est pas son état d'esprit, ce n'est pas l'état d'esprit de Cédric VILLANI, j'en suis convaincue, je crois qu'il faut que cette situation, effectivement, trouve une issue sur Paris, c'est l'intérêt de chacun que, effectivement la majorité présidentielle…

GUILLAUME DURAND
Mais ça ne peut pas être les deux, c'est-à-dire que si VILLANI passe devant GRIVEAUX, ou si c'est le contraire dans les sondages, il va bien falloir qu'il y en ait un qui parte en arrière, autrement c'est la réélection d'Anne HIDALGO certaine, et pour MACRON ce serait un camouflet.

ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi j'espère qu'une solution sera trouvée pour que, effectivement, on ait une équipe soudée sur Paris, plutôt, qu'effectivement, un conflit de personnes qui ne serait profitable à personne.

GUILLAUME DURAND
Merci Elisabeth BORNE d'être venue sur l'antenne de Radio Classique, je rappelle que vous êtes chargée de l'écologie et des transports dans ce gouvernement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 septembre 2019