Texte intégral
LORRAIN SENECHAL
Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour.
LORRAIN SENECHAL Les syndicats ont gagné la première manche hier ?
GABRIEL ATTAL
Il y a eu une mobilisation, une mobilisation qui était importante. On s'y attendait, elle était annoncée depuis maintenant…
LORRAIN SENECHAL
800 000 à un million et demi de personnes dans toute la France. C'est du jamais vu depuis 2010.
GABRIEL ATTAL
Elle était annoncée depuis plusieurs mois pour cette fameuse date du 5 décembre. On est dans un contexte de discussions avec les partenaires sociaux. De discussions avec les Français plus généralement puisque chacun peut contribuer via une plate-forme à cette réforme. Faire remonter ses inquiétudes, ses doutes, ses propositions. Et dans le cadre de cette discussion, les partenaires sociaux, les syndicats ont décidé de mettre en place une journée de mobilisation.
LORRAIN SENECHAL
Vous ne discutez pas avec tout le monde puisque je rappelle que ce matin sur Franceinfo, des représentants de la CGT nous ont dit : " il faut d'abord que vous retiriez l'essence en fait de votre projet, la partie régime universel par points " , et ensuite ils viendront discuter avec vous.
GABRIEL ATTAL
Oui, vous avez raison. On discute avec ceux qui ont envie de discuter et qui ont envie d'avancer. Une grande partie des syndicats heureusement sont dans cette logique de construction et on discute pour avancer. Il y a eu cette journée de mobilisation qui est une étape dans cette discussion. Il faut l'entendre et on l'entend et il faut maintenant avancer assez vite.
RENAUD DELY
Justement on évoquait la mobilisation d'hier. Il y a l'un des organisateurs de cette journée de mobilisation, c'est le patron de la CGT Philippe MARTINEZ qui se satisfaisait de cette mobilisation et qui maintenant attend une réponse du gouvernement. On l'écoute.
PHILIPPE MARTINEZ, SECRETAIRE GENERAL DE LA CGT
C'est une mobilisation assez exceptionnelle, la vie des plus anciens. Ça faisait très, très longtemps qu'on n'avait pas vu ça. Moi j'écoute le président de la République comme vous certainement. Il me semble qu'il a dit qu'on était à l'acte 2 et qu'il allait écouter plus les Français et la colère. J'espère que les fenêtres de l'Elysée sont ouvertes.
RENAUD DELY
Alors les fenêtres de l'Elysée elles étaient ouvertes, Gabriel ATTAL ? Qu'est-ce qu'il faut faire maintenant ? Vous allez les recevoir tous ? Il faut accélérer, le gouvernement doit accélérer ses discussions avec les syndicats ?
GABRIEL ATTAL
Les fenêtres sont ouvertes, la porte est ouverte pour continuer à discuter. Encore une fois, c'était une mobilisation importante. Ça fait plusieurs années qu'il n'y avait pas eu un tel projet de transformation, une telle réforme aussi. Il faut le dire. Et à chaque fois qu'on parle de la retraite en France, ça suscite beaucoup d'inquiétude, une mobilisation et donc c'est assez c'est logique. Mais il faut continuer à discuter. Lundi on va recevoir l'ensemble des partenaires sociaux pour continuer à avancer avec eux. Des propositions vont être faites par Jean-Paul DELEVOYE dans la foulée en début de semaine.
RENAUD DELY
Lundi ?
GABRIEL ATTAL
Lundi, mardi, en début de semaine.
LORRAIN SENECHAL
Est-ce que le Premier ministre va s'exprimer en début de semaine ?
GABRIEL ATTAL
Le Premier ministre fera des annonces dans la foulée de celles de Jean-Paul DELEVOYE pour annoncer qu'elle sera l'architecture du projet de loi, quels seront les grands équilibres pour répondre à des questions qui sont posées depuis maintenant plusieurs semaines, qui sont au cœur de certaines inquiétudes et donc de certaines mobilisations. C'est important qu'il y ait une réponse maintenant qui soit apportée et ça arrivera donc assez vite, dans les jours qui viennent.
LORRAIN SENECHAL
On comprend que vous accélérez. Est-ce que ça veut dire que vous espérez une sortie du conflit dès la semaine prochaine ?
GABRIEL ATTAL
Il a toujours été dit que Jean-Paul DELEVOYE s'exprimerait en début de semaine prochaine. Le Premier ministre s'exprimera dans la foulée.
RENAUD DELY
Pour Edouard PHILIPPE, c'est lundi ou mardi aussi ?
GABRIEL ATTAL
Ecoutez, je n'ai pas l'agenda là précis. C'est dans le courant de la semaine prochaine.
RENAUD DELY
Mais ça peut être vendredi.
GABRIEL ATTAL
Ça peut être un jour de la semaine prochaine, je crois en milieu de semaine prochaine.
LORRAIN SENECHAL
C'est pour savoir si la réponse va venir vite ou pas.
RENAUD DELY
Si le Premier ministre tarde à s'exprimer, si ce n'est par exemple que vendredi prochain, plus le mouvement devrait durer dans ces cas-là toute la semaine.
GABRIEL ATTAL
Je crois que chacun a compris que nous on souhaite pouvoir avancer assez vite et donc il s'exprimera assez vite. Maintenant, ce n'est pas à moi d'annoncer l'heure et la date de l'expression du Premier ministre, mais je pense que ceux qui nous écoutent auront compris qu'il s'exprimera assez vite pour faire des annonces qui sont importantes et qui sont attendues. A partir de quelle génération est-ce que le nouveau système se mettra en place ? Comment est-ce qu'on prend en compte un certain nombre d'enjeux comme la pénibilité ? Tous ces sujets-là qui sont posés dans le cadre de la mobilisation, il faut qu'ils aient une réponse. C'est ce qui est prévu.
LORRAIN SENECHAL
Alors justement, vous parlez de la première génération concernée. Ça change sans arrêt, on est un peu perdu.
GABRIEL ATTAL
" Ça change " ? Il n'y a pas eu d'annonces pour l'instant à part celles de Jean-Paul DELEVOYE dans son rapport qui proposait la génération 63. Après moi j'entends que la presse, les médias font des hypothèses.
LORRAIN SENECHAL
Après on a parlé de la clause du grand-père, c'est-à-dire l'application uniquement pour les nouveaux entrants sur le marché du travail. Ça, ça n'est plus une option ?
GABRIEL ATTAL
Ce qu'on a dit, c'est que tout était ouvert entre la clause du grand-père et la génération 63. Les choses se sont un peu précisées depuis et la piste de la clause du grand-père a été écartée.
LORRAIN SENECHAL
Et on parle maintenant de la clause du grand frère, c'est-à-dire une application jusqu'à la génération 73.
GABRIEL ATTAL
Mais ce qu'on voit bien là, ce qui est dit, c'est qu'on voit bien qu'il y a de la marge de discussion quand même dans ce dossier-là. Donc quand vous citiez tout à l'heure des organisations syndicales qui disent : " ça ne sert à rien de discuter, on ne veut pas construire et cætera ", vous avez ici la preuve qu'au contraire il y a un espace pour discuter et qu'il y a des annonces qui vont être faites.
RENAUD DELY
Justement sur cette discussion, il y a un de vos collègues du gouvernement Gérald DARMANIN, le ministre des Comptes publics, qui s'est exprimé hier soir. C'était sur France 2. Quelles sont les contraintes budgétaires qui pèsent sur cette réforme des retraites ? On écoute Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN, MINISTRE DU BUDGET ET DES COMPTES PUBLICS
Est-ce qu'on est pressé au point qu'il faut le faire dès l'année prochaine ? Bon, on voit bien que le trou des 10 milliards par an il est à partir de 2025. Il ne faut pas casser la réforme sociale que nous voulons porter en faisant une réforme effectivement budgétaire immédiatement.
RENAUD DELY
Donc Gabriel ATTAL, il n'y a pas d'urgence quand on écoute Gérald DARMANIN.
GABRIEL ATTAL
En tout cas ce que dit Gérald DARMANIN, c'est qu'il n'y a pas lieu d'être bêtement budgétaire. Et là-dessus, je suis totalement d'accord avec lui.
RENAUD DELY
Donc pas de retour à l'équilibre du régime des retraites dès 2025.
GABRIEL ATTAL
Mais la question c'est que le cœur de notre réforme, c'est de mettre en place un nouveau système où tout le monde est logé à la même enseigne, où on arrête de se jalouser, de se regarder, de se jeter des critiques sur les régimes des uns et des autres et où finalement on a une règle qui est la même pour tous. Un euro cotisé donne les mêmes droits. C'est ça le cœur de notre réforme, il faut quand même le rappeler. C'est la fin des régimes spéciaux.
RENAUD DELY
Le Conseil d'orientation des retraites évoque un déficit en 2025 entre 8 et 17 milliards d'euros. Jusque-là le gouvernement voulait revenir, envisageait de revenir à l'équilibre dès 2025. Maintenant il n'y a pas d'urgence.
GABRIEL ATTAL
Mais personne n'a dit qu'il n'y avait pas d'urgence.
RENAUD DELY
Le régime des retraites peut être déficitaire en 2025, Gabriel ATTAL.
LORRAIN SENECHAL
Ça n'est plus un préalable.
GABRIEL ATTAL
Mais ce qu'on a dit, c'est que pour mettre en place un nouveau système il fallait qu'il se fasse sur un équilibre. C'est ce qui est dit et c'est ce qui est…
LORRAIN SENECHAL
Il faut un retour à l'équilibre avant l'application de la réforme et ce n'est pas forcément 2025.
GABRIEL ATTAL
Je vais vous dire, il faut que la réforme puisse se mettre en oeuvre parce qu'elle est juste. Parce que le fait que tout le monde puisse être logé à la même enseigne, c'est attendu je crois par beaucoup de Français. Parce que la fin des régimes spéciaux, c'est aussi attendu par beaucoup de Français. Et pour qu'on puisse mettre en place cette réforme, il faut qu'il y ait un équilibre. Et puis on en reste à ce qui a été dit pour l'instant par le Premier ministre jusqu'à maintenant pour équilibrer un système…
LORRAIN SENECHAL
Je n'ai pas bien compris s'il fallait un retour à l'équilibre avant 2025 ou pas.
GABRIEL ATTAL
Il faut un retour à l'équilibre à partir du moment où le COR prévoit que le système est déséquilibré c'est-à-dire en 2025. C'est ce qu'a rappelé Gérard DARMANIN. Gérald DARMANIN dans l'extrait que vous venez d'évoquer.
LORRAIN SENECHAL
Il a dit qu'il n'y a pas d'urgence.
GABRIEL ATTAL
Il dit d'urgence : " Le régime est déséquilibré en 2025 et donc il faut qu'il soit équilibré en 2025. " Là-dessus, on ne bouge pas.
LORRAIN SENECHAL
Donc la ligne n'a pas changé.
GABRIEL ATTAL
Ce que je ne veux pas, c'est qu'on donne le sentiment que ce qui est le cœur pour nous, c'est la question du budget et des économies. C'est de mettre en place un nouveau système qui est plus juste. Vous savez, moi je le vois dans ma génération. Je veux dire aujourd'hui, vous avez deux jeunes : l'un qui va travailler chez EDF, l'autre qui va travailler chez un sous-traitant d'EDF. Ils peuvent avoir le même poste, la même rémunération, les mêmes fonctions dans l'entreprise. Il y en un qui partira cinq ans à la retraite avant l'autre. Ça, c'est une profonde inégalité, une profonde injustice. Et c'est à ça qu'on veut répondre avec ce nouveau système et c'est ça qui doit pour moi être le cœur des discussions. (…)
LORRAIN SENECHAL
Juste un point sur ce mouvement social contre la réforme des retraites qui se poursuit. Est-ce que vous avez des chiffres à nous communiquer sur le nombre d'écoles qui sont encore fermées ce matin et le nombre de personnels peut-être encore en grève dans l'éducation nationale ?
GABRIEL ATTAL
Il n'y avait pas d'appel à un nouveau mouvement de grève ce matin, il n'y a donc pas de remontées. Il peut y avoir des écoles qui sont perturbées notamment parce que les transports restent perturbés et qu'il peut y avoir des enseignants qui ne peuvent pas arriver jusqu'à leur établissement mais c'est assez marginal. A Paris, je crois que c'est 150 écoles qui restent perturbées dont 75 dans lesquelles il y a plus de 50 % de grévistes.
LORRAIN SENECHAL
Sur combien d'écoles en tout à Paris ?
GABRIEL ATTAL
Sur 650 écoles à Paris.
LORRAIN SENECHAL
D'accord. GABRIEL ATTAL Je crois que les organisations syndicales, que l'intersyndicale doit se réunir aujourd'hui.
Donc mouvement moins suivi a priori aujourd'hui j'espère Néanmoins suivi a priori aujourd'hui dans l'éducation nationale. En revanche, c'est toujours très compliqué sur les routes parce que c'est toujours très suivi chez les cheminots. Votre réforme vise justement à supprimer les régimes spéciaux. Vous voulez notamment supprimer celui des cheminots. En revanche Christophe CASTANER, le ministre de l'Intérieur, a écrit aux policiers pour leur dire : " Ne vous inquiétez pas, vous allez toujours pouvoir partir à la retraite plus tôt que le régime général. " Est-ce que ça veut dire que finalement on conserve certains régimes spéciaux ?
GABRIEL ATTAL
Mais là-dessus, ce qui a toujours été clair, ce qui a toujours été dit et notamment par le président de la République très tôt, et là-dessus rien n'a évolué, c'est que pour les Français qui ont des fonctions qui les amènent à risquer leur vie pour protéger les Français, évidemment qu'ils doivent pouvoir partir avant les autres à la retraite. Ça vaut pour les policiers comme ça vaut je crois pour les gendarmes, pour les militaires. Ç'a toujours été dit par le gouvernement.
LORRAIN SENECHAL
Pour… aussi.
GABRIEL ATTAL
Là-dessus, je ne préfère pas vous…
RENAUD DELY
En tout cas uniquement, Gabriel ATTAL, pour ces catégories-là. C'est-à-dire pour ces catégories qui sont effectivement exposées à un risque particulier du fait de la mission qu'ils exercent.
GABRIEL ATTAL
Ceux qui prennent des risques pour protéger les Français.
LORRAIN SENECHAL
Oui. Christophe CASTANER fait bien le distingo entre les policiers sur le terrain qui, eux, continueront de bénéficier d'un départ à taux plein en avance et ceux qui sont dans les bureaux. Eux sont concernés par la réforme.
GABRIEL ATTAL
Ce qui a toujours été dit par le gouvernement et ce qui continue à être dit, c'est que ceux qui prennent des risques pour protéger les Français au péril de leur vie doivent avoir des conditions de départ en retraite spécifiques, et je pense que ceux qui nous écoutent l'entendent parfaitement. Et ça évidemment, on le maintient et on le réaffirme.
LORRAIN SENECHAL
Gabriel ATTAL, s'il y a une différence qui est faite au sein même profession, ça veut dire qu'on n'est plus sur un régime universel.
GABRIEL ATTAL
Précisément vous savez, le sens de notre régime universel c'est de dire que vous pouvez avoir des conditions spécifiques de travail, y compris de la pénibilité par exemple, dans le secteur public, dans le secteur privé.
LORRAIN SENECHAL
Y compris pour d'autres métiers.
GABRIEL ATTAL
Ce qu'on fait par exemple, c'est qu'on va ouvrir la prise en compte de la pénibilité au secteur public. Vous avez aujourd'hui des personnes qui exercent des métiers pénibles dans la Fonction publique parce qu'ils travaillent la nuit, parce qu'ils font des horaires décalés et cætera. Jusqu'à maintenant ils n'avaient pas l'accès au compte pénibilité tel qu'il existe dans le secteur privé.
RENAUD DELY
Les cheminots par exemple seront concernés ?
GABRIEL ATTAL
Mais tous ceux qui dans le privé ou dans le public connaissent de la pénibilité dans leur travail seront concernés. Ça fait partie de ce qui sera précisé.
RENAUD DELY
Ça touche donc aussi la SNCF et la RATP.
GABRIEL ATTAL
Bien sûr. C'est une approche transversale de la pénibilité. On considère que c'est précisément vos conditions de travail qui doivent être prises en compte et pas le statut dans lequel vous êtes rentré de manière uniforme. C'est ça le sens de la réforme. C'est pour ça que c'est une réforme de justice.
LORRAIN SENECHAL
Avec la différence que le compte pénibilité permet un départ anticipé de deux ans plutôt que les cinq ans qui sont souvent en vigueur pour les régimes spéciaux.
GABRIEL ATTAL
Oui, absolument.
RENAUD DELY
Et est-ce que dans ces catégories-là, notamment vous évoquiez la pénibilité et notamment les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, est-ce que ces régimes, l'entrée en vigueur de la suppression de ces régimes, pourrait être aussi décalée, plus progressive dans le temps et se faire plus tardivement ?
GABRIEL ATTAL
Là-dessus il y a, encore une fois, des discussions qui vont se poursuivre avec les partenaires sociaux en début de semaine prochaine, des annonces qui seront faites. Aujourd'hui il y a beaucoup de portes ouvertes pour discuter sur ces sujets-là. Le Premier ministre s'exprimera et fera des annonces en milieu de semaine prochaine.
RENAUD DELY
Jean-Michel BLANQUER a écrit aux enseignants qui s'inquiètent de voir à terme le niveau de leur pension baisser. Il a écrit pour les rassurer sur ce point. Il leur a expliqué que leur niveau de pension ne baisserait pas et qu'il s'engageait à ce qu'une revalorisation de leurs conditions salariales soit effective. Ça veut dire qu'elle va être inscrite cette revalorisation des salaires des enseignants dans la loi ? Dans la loi, dans la réforme des retraites ?
GABRIEL ATTAL
Oui, dans la réforme qui sera portée. Dans le texte de loi qui sera adopté par l'Assemblée nationale, il y aura cette augmentation salariale. Là-dessus, je pense qu'il faut peut-être rappeler la situation. C'est qu'avec le nouveau système, Jean-Paul DELEVOYE a montré dans son rapport - rien n'a été caché, au contraire, tout a été mis dans le débat - que les enseignants seraient une profession qui serait pénalisée si on s'en tenait là à ce nouveau système sans prendre de mesures spécifiques. Parce qu'ils ont moins de primes que les autres et que donc, dans le nouveau système, ils pourraient être désavantagés. Et donc l'engagement qui a été pris par le gouvernement immédiatement, et j'entends que les enseignants soient inquiets et attendent des précisions et c'est pour ça qu'on les apporte, l'engagement qui a été pris c'est de dire : " on va revaloriser la rémunération des enseignants qui seront concernés par le nouveau système… "
LORRAIN SENECHAL
De combien ? Et surtout est-ce que ça va se faire d'un seul coup ou est-ce que ça va être étalé dans le temps ?
GABRIEL ATTAL
Ça sera autour de 400 à 500 millions d'euros par an et ça se fera de manière progressive, au fur et à mesure que les enseignants seront concernés par la bascule dans le nouveau système.
LORRAIN SENECHAL
400, 500 millions pour à peu près un million d'enseignants, ça fait quoi ? 400 euros par enseignant par an ?
GABRIEL ATTAL
Déjà première chose, il y a un choix qui est fait par ce gouvernement depuis 2017 : c'est d'augmenter d'un milliard d'euros le budget de l'Education nationale notamment pour des questions de revalorisation salariale. C'était le cas depuis 2017, c'est encore le cas en 2020 donc ça vient en plus de ça. Ensuite le million d'enseignants, le million de personnels de l'Education nationale ne seront pas tous concernés par le nouveau système de retraites puisqu'il va y avoir une entrée en vigueur progressive, et j'en reviens au débat…
LORRAIN SENECHAL
Donc les revalorisations salariales, ce serait uniquement pour ceux qui sont concernés par la réforme ?
GABRIEL ATTAL
Bien sûr. C'est pour faire en sorte que ceux qui sont concernés par le nouveau système n'y perdent pas par rapport à l'ancien et donc elles concerneront les enseignants qui auront vocation à basculer dans le nouveau système. C'est pour ça que les calculs ne peuvent pas se faire comme ce que vous venez d'évoquer.
RENAUD DELY
Et pour garantir aux enseignants, Gabriel ATTAL, que ce nouveau système ne les pénalisera pas à terme, il va falloir indexer le point retraite ? Le point du futur système de la réforme par point, il sera indexé sur l'inflation ?
GABRIEL ATTAL
Sur les salaires. Ç'a été annoncé par Jean-Paul DELEVOYE. C'était dans son rapport.
RENAUD DELY
Oui, mais le rapport n'est pas conclusif. Quand on écoute le gouvernement depuis plusieurs semaines, le rapport n'était absolument pas conclusif. L'âge pivot par exemple de 64 ans pour toucher une retraite à taux plein qui était dans le rapport.
GABRIEL ATTAL
Sur l'indexation du point par rapport au salaire, c'est la piste qui est aujourd'hui privilégiée, qui est retenue.
LORRAIN SENECHAL
Ça, ça va rester.
RENAUD DELY
C'est une piste.
GABRIEL ATTAL
C'est privilégié.
LORRAIN SENECHAL
Un projet de loi attendu en conseil des ministres en janvier, c'est bien ça ? Le mois prochain donc.
GABRIEL ATTAL
Absolument.
LORRAIN SENECHAL
Gabriel ATTAL, vous avez expliqué il y a quelques jours que beaucoup de jeunes ne croient plus qu'ils auront une retraite, qu'ils ne veulent plus du système par répartition et qu'ils veulent au contraire un système par capitalisation. D'abord qu'est-ce que ça veut dire un système par capitalisation ?
GABRIEL ATTAL
Le système par répartition qu'on a aujourd'hui en France, il veut dire que les actifs aujourd'hui cotisent pour ceux qui sont à la retraite et qu'il y a une solidarité à la fois entre les générations, au sein d'une même génération Et donc si vous avez un coup dur, si vous tombez très malade, si vous devenez en situation de handicap et vous ne pouvez plus travailler, vous avez ce matelas de sécurité avec une retraite. Le système par capitalisation qui existe dans un certain nombre de pays, c'est en gros : vous avez à la retraite ce que vous avez réussi à vous mettre de côté tout au long de votre carrière. Et il y a une étude de la Fondapol qui a été rendue, qui montre qu'effectivement pour la première fois on a une classe d'âge, une génération qui dit qu'elle favoriserait la capitalisation par rapport à la répartition et cette classe d'âge, c'est que les jeunes. Je crois que c'est 52 % dans l'étude.
LORRAIN SENECHAL
Mais Gabriel ATTAL, Emmanuel MACRON disait qu'il voulait cette réforme qu'il a portée au moment de la présidentielle pour sauver le système par répartition.
GABRIEL ATTAL
Bien sûr, oui.
LORRAIN SENECHAL
Et vous, vous nous dites finalement qu'il faudrait un système par capitalisation.
GABRIEL ATTAL
Non justement, je ne vous dis pas ça du tout. Au contraire. Ce que je vous dis, c'est que vous avez aujourd'hui dans les études des jeunes qui majoritairement disent que c'est ce système qu'ils privilégieraient. Moi je ne pense pas que c'est parce qu'ils préfèrent ça à la solidarité et à la redistribution. Je pense que c'est parce que qu'ils n'ont plus confiance dans le système actuel parce que ça fait des années qu'on leur explique qu'il est à bout de souffle, qu'il en train de s'écrouler. Et donc précisément ce qu'on veut, c'est maintenir la répartition. C'est pour ça qu'on porte notre réforme : pour que cette solidarité entre les générations, au sein des générations, elle reste et pour redonner confiance aux jeunes dans ce système-là et qu'ils y contribuent.
RENAUD DELY
Votre réforme vise…
LORRAIN SENECHAL
D'accord. Vous, vous ne souhaitez pas un système par capitalisation, bien au contraire.
GABRIEL ATTAL
Non, non. Là-dessus, les choses ont toujours été claires et comme l'ensemble du gouvernement, moi je souhaite qu'on maintienne la répartition. C'est le modèle français, c'est les valeurs de la France mais au-delà de ça, c'est ce qui permet qu'on ait aujourd'hui en France des retraités qui ont un taux de pauvreté qui est plus faible que dans beaucoup de pays et notamment ceux qui ont un système par capitalisation. (…)
LORRAIN SENECHAL
Un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour Franceinfo et Le Figaro révèle que les deux tiers des Français soutiennent le mouvement de grève qui a donc commencé hier, est-ce que ça veut dire que vous avez déjà perdu la bataille de l'opinion ?
GABRIEL ATTAL
Ça veut dire qu'il faut continuer à essayer de convaincre, ça veut dire qu'il y a des inquiétudes, on a parlé de différents sujets, des doutes, des questionnements, et que les réponses, et les annonces du Premier ministre la semaine prochaine, seront absolument décisives. Moi quand je regarde aussi les études d'opinion, je vois que les Français, un, majoritairement disent que le système aujourd'hui fonctionne mal, qu'il est inégalitaire, et qu'ils ne croient pas à sa pérennité, au fait qu'il va durer très longtemps. Deux, je vois que les Français sont majoritairement pour supprimer les régimes spéciaux…
LORRAIN SENECHAL
Les deux tiers également qui veulent supprimer les régimes spéciaux, oui.
GABRIEL ATTAL
Qui veulent supprimer les régimes spéciaux, ce qui est l'un des axes forts de notre projet, et donc, si vous voulez, c'est pour ça que je suis assez optimiste sur notre capacité à convaincre les Français du bien fondé de cette réforme.
RENAUD DELY
Vous êtes optimiste, Gabriel ATTAL, mais comment expliquer que vous ne soyez pas parvenu, pour l'instant, à convaincre les Français, alors que la concertation elle a commencé il y a 18 mois, c'est ça ? Au bout de 18 mois de concertation les deux tiers des Français soutiennent les grévistes.
GABRIEL ATTAL
Attendez, il y a eu un premier travail et 18 mois par Jean-Paul DELEVOYE, avec les organisations syndicales, il a fait ses propositions, son rapport l'été dernier, et là on a dit on se donne 4 mois, sur la base de ces propositions, pour faire une concertation. Et moi, j'ai entendu, pendant les deux premières années du quinquennat, beaucoup d'observateurs nous dire « vous réformez de manière trop rapide, trop verticale, sans vraiment associer », là précisément, parce qu'on a entendu aussi ces critiques, on dit on se donne 4 mois pour discuter des propositions et pour les affiner, et continuer à les construire avec les partenaires sociaux, et là on nous explique, « c'est flou », etc. Donc, si vous voulez, moi je j'assume aussi ce temps de discussion, y compris s'il y a un certain flou et des questionnements sur certains points, c'est précisément parce qu'il y a de la marge dans cette discussion et qu'on ne discute pas pour rien, on discute pour adapter le projet par rapport à ce qui aura été dit et proposé par nos partenaires.
RENAUD DELY
Gabriel ATTAL, il y avait beaucoup de monde hier dans la rue, à Paris, dans l'ensemble de la France, on l'a dit, il y avait les syndicats, il y avait les partis de gauche, il y avait aussi, ce qui est plus inédit, des élus du Rassemblement national, des élus d'extrême droite, qui étaient solidaires de ce mouvement, ce qui a donné lieu de la part de Jean-Luc MELENCHON, qui défilait lui hier à Marseille, à ce commentaire suivant.
JEAN-LUC MELENCHON
Même Madame LE PEN, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais elle dit qu'il faut manifester. Alors, écoutez, c'est un grand progrès, d'habitude n'a pas son temps à chercher pouilles aux Arabes et aux musulmans, et pour une fois elle a compris que quelle que soit sa religion ou sa couleur de peau on a tous des intérêts communs et qu'on est semblable. Elle est en train de faire un progrès, en quelque sorte, en direction de l'humanisme. Quant à ses adhérents sur le terrain, ils sont les bienvenus !
RENAUD DELY
Que vous inspire ce jugement de Jean-Luc MELENCHON sur l'évolution de Marine LE PEN et qu'il souhaite la bienvenue aux adhérents du RN ?
GABRIEL ATTAL
C'est la suite logique de ce qu'on observe depuis maintenant 2 ans, c'est-à-dire les prémices d'une alliance rouge-brun, entre l'extrême gauche, représentée par Jean-Luc MELENCHON, l'extrême-droite de Marine LE PEN. On voit qu'il y a à la fois une forme de rapprochement dans les propos, dans ce qui est avancé, et sans doute une concurrence sur ce terrain-là entre eux. Moi je ne reconnais pas le Jean-Luc MELENCHON qui donne des leçons de République régulièrement et qui explique qu'il peut être lui aussi un rempart au Rassemblement national quand il crédibilise finalement sa capacité à représenter des personnes qui sont dans une colère sociale.
RENAUD DELY
Mais est-ce que le gouvernement, l'exécutif, ne nourrit pas aussi cette évolution dès lors qu'Emmanuel MACRON semble faire de Marine LE PEN sa seule adversaire pour 2022 ?
GABRIEL ATTAL
Mais, vous savez, nous on regarde, aujourd'hui, à la fois les résultats des élections, ce que disent les enquêtes d'opinion et ce que disent les Français. Nous, le combat contre le Rassemblement national, ça a été un objectif et une ligne de force de notre projet déjà en 2016, et précisément avec pour objectif qu'il ne soit pas premier au premier tour et qu'on arrive à le battre dans les urnes, ce qui a été fait. Maintenant, on n'est pas responsable de « l'affaiblissement » d'autres formations politiques qui sont républicaines. Et je vais vous dire, moi je ne me réjouis pas de cette situation, moi je souhaite que, et je souhaite pour mon pays, qu'il y ait un débat démocratique, avec des organisations politiques républicaines qui se fassent projet contre-projet, et c'est évidemment ce qu'on souhaite en France.
LORRAIN SENECHAL
Gabriel ATTAL, des policiers, des CRS, ont reçu ces derniers jours des lettres de menaces qui visaient particulièrement leurs familles, est-ce que c'est un événement que vous prenez au sérieux au sein du gouvernement ?
GABRIEL ATTAL
On le prend très au sérieux, c'est très grave, vous parlez effectivement de ces CRS qui ont reçu des courriers, qui en plus étaient adressés à Monsieur et Madame, donc il y avait clairement une menace ciblée sur les familles, c'est absolument insupportable. Evidemment, dès que ça a été porté à notre connaissance, hier, Christophe CASTANER a lancé une enquête pour retrouver le ou les auteurs, et ils doivent être évidemment punis sévèrement.
LORRAIN SENECHAL
Pourquoi est-ce, selon vous, il y a ce climat de violences, y compris envers les forces de l'ordre ?
GABRIEL ATTAL
Parce qu'il y a des propos, y compris de responsables politiques, on parlait de Jean-Luc MELENCHON à l'instant, qui ont pu assimiler…
LORRAIN SENECHAL
Jean-Luc MELENCHON il n'appelle pas à menacer les policiers ou leurs familles.
GABRIEL ATTAL
Non, bien évidemment et heureusement, mais quand vous avez un climat où vous avez des responsables politiques qui qualifient les policiers de barbares, comme ça a été le cas il y a quelques mois, on a tendance à oublier les choses parce que l'actualité fonctionne très vite, quand vous avez ce climat-là de suspicions et d'attaques sur les policiers qui seraient responsables de violences, qui seraient responsables…ça attise aussi ces prises de position.
LORRAIN SENECHAL
Il n'y a pas eu de violences policières en marge du mouvement des Gilets jaunes d'après vous ?
GABRIEL ATTAL
Ce n'est pas ce que je dis, ce que je dis c'est que, s'il y a des dérapages, s'il y a des violences, il y a évidemment des enquêtes, et il y a des condamnations, je crois qu'il y a eu des passages en justice récemment. Ce que je dis juste c'est que, quand vous avez des responsables politiques qui expliquent que les policiers sont des barbares, il ne faut pas s'étonner que vous ayez des gens qui menacent ensuite…
RENAUD DELY
Ce sont des complices des Black blocs, à vos yeux, ces responsables politiques ?
GABRIEL ATTAL
Moi, ce que je dis c'est qu'ils nourrissent et ils attisent ce climat qui est malsain.
LORRAIN SENECHAL
Barbares c'était le mot utilisé par Jean-Luc MELENCHON, il ne parlait pas de tous les policiers évidemment Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Moi je l'ai entendu dire « c'est des barbares » en pointant des policiers, mais encore une fois, l'important c'est de retrouver les auteurs et de les condamner sévèrement pour que ce type de situation ne puisse pas se reproduire.
LORRAIN SENECHAL
Gabriel ATTAL, secrétaire d'Etat à l'Education nationale et à la Jeunesse, merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation de Franceinfo, et je rappelle donc que vous nous annoncez que les partenaires sociaux seront reçus dès lundi par le gouvernement pour essayer de sortir de la grève qui secoue le pays actuellement. Bonne journée à vous.
GABRIEL ATTAL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 décembre 2019