Interview de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État aux personnes handicapées à France-Info le 25 octobre 2019, sur le projet d'aidants familiaux et de proches ou de parents en situation de handicap ou de maladie.

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Média : France Info

Texte intégral

SEBASTIEN THOMAS
C'était hier, l'Assemblée nationale adopte à l'unanimité un amendement pour exonérer fiscalement le dédommagement de l'aidant familial. C'est ce dont on va parler maintenant. Ils sont entre huit et onze millions, un Français sur six presque, à s'occuper du coup d'un ami, d'un proche, d'un parent dans une situation de handicap ou de maladie. Sophie CLUZEL, bonjour.

SOPHIE CLUZEL
Bonjour.

SEBASTIEN THOMAS
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargée des Personnes handicapées. Vous avez présenté hier aux côtés d'Edouard PHILIPPE un plan, quatre cents millions d'euros notamment jusqu'en 2022, avec cette nouveauté : ce barème d'indemnisation journalière de la Sécurité sociale. 43,52 euros par jour pour une personne en couple, on parle des aidants, 52 pour une personne isolée. Quels sont les critères pour en bénéficier ?

SOPHIE CLUZEL
D'abord ce plan, nous l'avons travaillé avec Agnès BUZYN parce que l'intérêt de ce plan, c'est que nous allons nous occuper de tous les aidants et de tous les aidés. Que ce soit pour une maladie, vous l'avez dit, un enfant handicapé, un parent vieillissant. Donc l'important ? c'est d'avoir justement cette vision globale, un plan à 360 pour tous les paramètres de la vie quotidienne.

SEBASTIEN THOMAS
Sur les critères.

SOPHIE CLUZEL
Alors cette indemnité, c'est pour pouvoir concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle. 60 % des aidants sont en situation de travail et, pour autant, ils ont besoin parfois de s'absenter pour mettre en place justement un service à domicile, pour accompagner un proche. Donc nous allons rémunérer un congé sur trois mois dans sa vie professionnelle qui peut être fractionné, pris par demi-journée, une journée, quinze jours, trois mois et il va être rémunéré et il comptera aussi pour la retraite. Donc c'est vraiment pouvoir accompagner cette conciliation très difficile pour les proches aidants entre une vie professionnelle et une vie familiale.

SEBASTIEN THOMAS
Si j'ai bon, ça concerne deux cent mille personnes à partir d'octobre 2020, et on a dit qu'il y avait huit à onze millions d'aidants. Pourquoi si peu finalement ?

SOPHIE CLUZEL
Alors en fait, tout le monde n'a pas besoin de prendre des jours. Mais surtout, on ne sait pas exactement qui en a besoin. Parce que ce congé il était ouvert, il n'était pas pris. Donc en fait, c'est une montée en puissance et puis on se reverra dans un an, le 6 octobre prochain qui est la journée nationale des aidants, en 2020. On refera un point et on pourra aussi évoluer et allonger ce congé peut-être. On verra.

SEBASTIEN THOMAS
Ce plan s'inspire notamment d'un rapport du conseiller d'Etat Dominique LIBAULT qui l'a remis fin mars et qui pointait l'isolement des personnes aidantes. Pas de vie sociale, une fatigue extrême, certains qui travaillent et qui ont une double journée, on l'imagine. Comment est-ce qu'on peut les aider à souffler du coup ?

SOPHIE CLUZEL
Alors ça, c'est une grande revendication. Rompre l'isolement, d'abord savoir comment on peut souffler, donc un numéro unique et là je trouve mes informations. Je suis proche aidant, je suis un peu en train de craquer, j'aurais vraiment besoin d'un week-end, il y a des solutions possibles de répit. C'est-à-dire que soit, par exemple, une personne peut venir chez moi, accompagner ma personne aidée pour que je puisse aller souffler un week-end. C'est ce qu'on appelle le relayage, pendant trois, quatre, jusqu'à six jours. Soit je peux amener la personne aidée dans une solution d'accueil temporaire, et nous doublons les places d'accueil temporaire ; et soit par exemple c'est des centres de vacances, qui vont être un peu plus adaptés, à pouvoir partir en vacances. Ce que nous disent les personnes, c'est qu'on manque d'information, on ne sait pas à qui s'adresser. Donc ce numéro unique va être la porte d'entrée pour avoir le maximum d'informations possibles.

SEBASTIEN THOMAS
Qui sera généralisé à terme, qui existe déjà pour le département de l'Essonne. Je lis aussi le député communiste Pierre DHARREVILLE qui a écrit un rapport sur le sujet. Finalement, est-ce que l'Etat ne se décharge pas un peu sur les aidants ? Est-ce que ce n'est pas une mission de l'Etat, cette solidarité nationale ?

SOPHIE CLUZEL
Mais c'est une mission de l'Etat et c'est une mission de solidarité familiale. Les aidants nous disent - d'abord ils s'appellent les aimants pour beaucoup d'entre eux - “Nous le faisons naturellement parce que c'est une solidarité familiale.” Elle est complémentaire avec tout ce que l'Etat fait, avec le financement des services d'aide à domicile, et nous allons y travailler encore mieux dans la loi grand âge autonomie avec Agnès BUZYN. Donc ce sont des actions complémentaires.

SEBASTIEN THOMAS
Est-ce qu'il faut en venir à un statut ? C'est quelque chose que réclament beaucoup les associations.

SOPHIE CLUZEL
Alors ils ne veulent pas être enfermés dans leur rôle d'aidant. Ils veulent être accompagnés pour être mieux informés et, surtout, avoir des solutions de répit. Ils ne veulent pas être enfermés dans un statut. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on reconnaisse tout ce qu'ils font et c'est aujourd'hui ce que l'on fait. C'est la 1ère fois qu'un gouvernement fait un plan national et, encore une fois, pour tous les aidants. C'est-à-dire que vous n'avez pas besoin de dire : « C'est qu'un enfant handicapé ou c'est qu'une personne âgée », c'est vraiment l'ensemble. C'est un plan pour tous les aidants.

SEBASTIEN THOMAS
Moi ce qui m'a surpris quand j'ai vu les chiffres, c'est cinq cent mille aidants âgés de huit à vingt-cinq ans.

SOPHIE CLUZEL
Oui.

SEBASTIEN THOMAS
A partir de huit ans, on peut être aidant concrètement.

SOPHIE CLUZEL
Eh bien malheureusement oui. Et là, on est train de voler leur jeunesse, on est en train de mettre en péril leur scolarité. Cinq cent mille. C'est l'association JADE qui les reconnaît, qui les accompagne et nous travaillons avec l'Education nationale. C'est pour ça que c'est un plan gouvernemental. L'Education nationale veut mettre une expérimentation dans deux territoires pour pouvoir beaucoup mieux les reconnaître et les accompagner. Il faut absolument que ces jeunes reprennent leur vie de jeunes comme tout un chacun et, pour autant, ils le font naturellement. J'étais encore avec Martin hier qui a seize ans, qui accompagne son père qui a eu un accident. Martin nous dit : “D'abord, je n'ai jamais osé le dire.” Donc il faut qu'on libère cette parole, et puis après qu'on adapte des solutions qui existent déjà.

SEBASTIEN THOMAS
Vous avez vu le film « Hors normes »…

SOPHIE CLUZEL
Bien sûr.

SEBASTIEN THOMAS
Voilà, qui traite un petit peu de cette situation. On le rappelle, ça traite de l'autisme. Il y a cette maman d'un enfant autiste qui dit : “Qu'est-ce qui va se passer quand je ne serai plus là ? Moi j'ai envie de me foutre en l'air et de me foutre en l'air avec lui.” C'est une vraie angoisse. Qu'est-ce qu'on peut répondre par rapport à ça ?

SOPHIE CLUZEL
Eh bien, il faut qu'on les accompagne, c'est certain. Ce film est assez bouleversant. Il parle de personnes qu'on ne voit jamais. C'est des autistes dit sévères qui ont énormément besoin d'accompagnement. C'est l'angoisse de tout parent. Moi je suis maman aussi d'une jeune fille handicapée de vingt-trois ans, c'est toute l'angoisse des parents à chaque fois. On ne veut pas reposer sur la fratrie, on veut s'assurer que justement il y aura une solution globale, donc c'est tout l'enjeu de pouvoir trouver des solutions d'accompagnement pour justement ces aidés qui reposent parfois sur ce proche aidant.

SEBASTIEN THOMAS
Entre huit et onze millions de personnes, on le rappelle, qui sont aidants. Merci beaucoup Sophie CLUZEL d'être venue nous parler de ce nouveau plan sur Franceinfo ce matin.

SOPHIE CLUZEL
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 octobre 2019