Interview de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes, à RTL le 20 janvier 2020, sur la montée de la violence dans la société et les discriminations à l'embauche.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Marlène Schiappa - Secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

ALBA VENTURA
La tension est encore montée d'un cran en fin de semaine, les actes de violence, d'intimidation à l'égard du pouvoir, se sont multipliés, vous en avez été d'ailleurs victime, le président et son épouse aussi vendredi soir alors qu'ils passaient la soirée au théâtre. Comment vous expliquez cette tension ?

MARLENE SCHIAPPA
On voit qu'il y a effectivement un niveau de montée de violence très préoccupant, mais surtout un niveau d'acceptation, je dirais, de la violence. C'est-à-dire qu'on a l'impression que maintenant le débat passe par la violence, les intimidations, les menaces, les blocages, les invasions de la CFDT, la conductrice RATP qui est empêchée de faire son travail. Et il y a une forme d'acceptation de la violence dans notre société, et moi c'est surtout ça qui me préoccupe en réalité.

ALBA VENTURA
C'est la résurgence, selon vous, des Gilets jaunes ? C'est-à-dire que finalement, une fois que les Gilets jaunes se sont installés l'année dernière, ça ne s'arrête plus ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, il y a un mélange effectivement. Avec les Gilets jaunes on a vécu des choses un peu difficiles, et je ne parle pas de la discussion, parce que moi j'ai reçu des Gilets jaunes dans mon ministère pour débattre, mais j'ai aussi eu quelques dizaines de gilets jaunes en bas de chez moi, en pleine nuit, criant : « On est venu te chercher. Salope. Descends ». Des menaces de mort etc., devant mes enfants. Donc on voit qu'effectivement les actions violentes, elles se sont multipliées. Il y a beaucoup de députés qui ont vécu des intrusions chez eux, chez leurs familles, des menaces de mort, des actes violents très graves, homophobes, racistes, sexistes, antisémites, etc., et on voit qu'il y a aussi une forme de, en fait c'est quelque part un peu aussi les propos haineux des réseaux sociaux qui arrivent dans la vraie vie.

ALBA VENTURA
Qui alimentent.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement. Des fake-news, des fausses informations qui alimentent, et ce ne sont pas des gens qui viennent débattre. Moi, lors de ma réunion publique, j'étais prête à répondre à tous les points, d'ailleurs j'ai dit : « Je vais prendre toutes les questions sans exception, je vais répondre à discuter avec tout le monde », mais les gens hurlaient, tapaient, cognaient des verres, pour empêcher la réunion de se tenir.

ALBA VENTURA
Mais alors, vous dites qu'il y a une acceptation de la violence dans cette société. Je vous cite, Marlène SCHIAPPA, la porte-parole parole du gouvernement Sibeth NDIAYE, qui s'exprimait hier à la télévision, elle dit : « Si provoquer de la violence, c'est faire les réformes pour lesquelles on a été élu, ça, je l'assume ». Elle accepte elle aussi cette violence.

MARLENE SCHIAPPA
Non, je ne crois pas…

ALBA VENTURA
Elle pense que la politique que vous conduisez engendre fatalement de la violence. C'est ce qu'elle dit.

MARLENE SCHIAPPA
Je ne crois pas, honnêtement, pour bien connaître Sibeth NDIAYE, je ne crois pas que ce soit le sens de ce qu'elle a voulu dire. Et moi, je crois que l'urgence est qu'on arrête avec ces actions coup de poing, cette forme de « guérilla » qui se produit. On a besoin que l'ordre public revienne, que la paix civile soit là, et qu'on puisse ne pas se regarder les uns les autres, en chiens de faïence, en se demandant qui va lancer quelle action coup de poing contre qui, pendant qu'on travaille au théâtre ou dans une réunion démocratique.

ALBA VENTURA
Vous avez eu le président ce week-end au téléphone, à propos de ces violences ?

MARLENE SCHIAPPA
J'échange régulièrement avec le président, oui.

ALBA VENTURA
Qu'est-ce qu'il vous a dit ? Il craint pour sa sécurité lui-même ?

MARLENE SCHIAPPA
D'abord, je ne révèle pas la teneur de mes conversations avec le président de la République, ensuite je n'ai pas du tout le sentiment que le président de la République soit dans la peur ou dans la crainte, il me semble qu'il est au contraire très serein, et d'ailleurs je pense qu'il ne faut pas non plus d'escalade dans un certain nombre d'images. On a dit que le président aurait été exfiltré de la représentation théâtrale à laquelle il assistait, c'est faux, il y a assisté jusqu'au bout et il est parti dans le cortège présidentiel de sécurité, habituel et normal pour un président de la République.

ALBA VENTURA
Dans votre parti, je pense notamment au président de votre parti Stanislas GUERINI, on dit que ce sont des ennemis de la démocratie, ces gens qui manifestent.

MARLENE SCHIAPPA
Alors, pas les gens qui manifestent. Moi je distingue vraiment les choses. Moi je respecte tout à fait le droit de grève et je respecte les gens qui sont opposés à la politique du gouvernement, c'est leur droit fondamental. La démocratie, c'est aussi le droit d'être un opposant du gouvernement, et de le dire, d'être en grève et de manifester. En revanche, quand on empêche des réunions publiques, démocratiques, de se tenir, quand on intimide les élus, qu'on les menaces, qu'on menace d'intenter à la sécurité du président de la République, là on est contre la démocratie, bien évidemment.

ALBA VENTURA
Et que répondez-vous à ceux qui disent, vos adversaires, que ces violences sont une réponse finalement aux violences policières dans les manifs ?

MARLENE SCHIAPPA
Mais, la violence n'est jamais une réponse, de quelque part que ce soit, et sinon ça veut dire qu'on a une escalade de la violence, et un morcellement de la société, l'archipel comme le dit Jérôme FOURQUET, où chaque groupe considère que la violence, quand elle est de son côté, serait légitime. Ce n'est pas possible de raisonner comme cela, dans une France qui doit être unie et qui appelle à plus de cohésion.

ALBA VENTURA
Marlène SCHIAPPA, en tout cas ce climat de violence il se diffuse partout. Hier, en marge de la manifestation des opposants à la PMA pour toutes, ceux qui sont aussi notamment opposés au mariage pour tous, au mariage homosexuel, il y avait des militants favorables à la PMA, qui sont venus brandir une banderole sur laquelle était écrit : « Vaut mieux une paire de mères, qu'un père de merde ». Vous comprenez que, même quand on est pour la PMA, on est surpris par la violence de ce slogan ?

MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, je le comprends. Moi je crois qu'il faut, même quand on est, quand on a très envie de répondre à la violence par la violence, et à l'insulte par l'insulte, je crois qu'il faut évidemment l'éviter. Je pense qu'il y a un certain nombre de slogans violents, notamment aussi du côté de la Manif pour tous, je pense aux campagnes où on comparaît des bébés nés de PMA à des aubergines OGM. Je crois que c'est une violence incroyable, notamment vis-à-vis des enfants et des parents qui ont eu des enfants de PMA. Moi j'ai une amie qui a eu deux petits jumeaux de PMA, il y a 2 ans, elle m'a téléphoné quand elle a vu ça, en pleurs, en me disant : « Tu te rends compte, ça veut dire que mes enfants c'est des aubergines OGM ? Tu te rends compte de la violence symbolique de cette campagne ? ». Donc je crois que les propos homophobes ne doivent pas être cautionnés sous prétexte qu'ils seraient tenus par des militants politiques, mais évidemment il faut que nous évitions aussi de répondre à cela par l'insulte.

ALBA VENTURA
Il y a une autre forme de violence, ce sont les discriminations, puisque vous êtes aussi secrétaire d'Etat à la Lutte contre les discriminations. On se demande vraiment, Marlène SCHIAPPA, si la situation a évolué en la matière, parce que j'en réfère à cette étude commandée par le gouvernement, qui a été publié par le journal les Echos en début d'année, une étude d'universitaires, qui parle de discrimination significative à l'encontre des candidats à l'embauche d'origine maghrébine. Pour le dire clairement : pour décrocher un boulot, mieux vaut s'appelaient Julien LEGRAND que Mohamed CHETOUH.

MARLENE SCHIAPPA
Absolument, et c'est terrible, c'est même inadmissible.

ALBA VENTURA
Rien ne change.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, c'est très difficile, parce que, ce que vous avez, c'est on a financé également une étude sur un certain nombre de discriminations avec la DILCRAH, qui est rattachée à mon ministère, la Délégation Interministérielle Contre le Racisme l'Antisémitisme et l'Homophobie, et on observe effectivement qu'on a souvent par exemple des employeurs qui vont vous dire : « Moi, je ne suis pas raciste, mais mes clients ça peut les perturber et dont je préfère ne pas vous embaucher ». Donc on a des discriminations à l'origine, à la religion, réelle ou supposée, au code postal également, en disant, « untel vient de tel quartier, je ne vais pas l'embaucher ». Donc nous, nous sommes en train de travailler à la première stratégie gouvernementale de lutte contre les discriminations, qui mobilise de nombreux ministères…

ALBA VENTURA
C'est quoi « première stratégie » ? Parce que des stratégies contre les discriminations, pardon, mais on en a eu un certain nombre avec tous les gouvernements précédents.

MARLENE SCHIAPPA
Eh bien justement non, il y a eu des mesures contre les discriminations, qui ont été prises, mais il n'y a jamais eu de stratégie interministérielle avec la totalité du gouvernement, mobilisée, sous l'autorité du Premier ministre Edouard PHILIPPE.

ALBA VENTURA
Mais qu'est-ce que vous allez faire, Marlène SCHIAPPA, de plus, de mieux ?

MARLENE SCHIAPPA
Eh bien il y a énormément de choses à faire en matière de logement. Nous sommes en train de travailler avec les associations et avec Julien DENORMANDIE, le ministre du Logement, en matière d'emploi. Nous devons poursuivre les testings et les publier. Je crois que nous pouvons aller vers du name & shame, c'est-à-dire nommer les entreprises qui discriminent. Nous avons créé une brigade anti-discrimination qui permet à chacun de signaler ces faits, pour les condamner.

ALBA VENTURA
Ça, vous savez que Myriam El KHOMRI, du gouvernement de François HOLLANDE, avait tenté de le faire également.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, elle avait tenté de le faire…

ALBA VENTURA
Ça n'a pas fait bouger les lignes.

MARLENE SCHIAPPA
Elle n'avait pas pu aboutir, et c'est exactement ce que je dis, Myriam El KHOMRI était de très bonne volonté, et je salue le travail qu'elle a mené, mais on ne peut pas être chacun dans son couloir, c'est pour ça qu'il faut se réunir et donc le 6 février nous présenterons, avec plusieurs ministres, la première stratégie gouvernementale construite avec les associations, avec les acteurs qui sur le terrain depuis des années luttent, parfois un peu seuls, contre les discriminations. Vous savez, on lutte contre le communautarisme, mais je crois que le communautarisme se nourrit aussi des discriminations. Quand vous êtes en marge de la République, que vous avez le sentiment d'être rejeté par la République, eh bien vous pouvez être tenté de vous organiser en marge de celle-ci, et donc c'est aussi une manière de lutter positivement. Contre le communautarisme, d'insérer chaque citoyen, en France chaque citoyen a les mêmes droits, doit avoir le même accès au logement, au travail, aux loisirs, aux restaurants, etc. etc.

ALBA VENTURA
Pardon, vous allez les dénoncer ces entreprises qui n'embauchent pas ?

MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Oui.

ALBA VENTURA
Oui ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui.

ALBA VENTURA
Vous allez faire une liste qui sera publiée ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui tout-à-fait.

ALBA VENTURA
D'accord. Marlène SCHIAPPA, vous êtes candidate à Paris dans le 14ème arrondissement, pas tête de liste, vous venez en soutien à Benjamin GRIVEAUX, dont la campagne, on peut le dire, patine, beaucoup de poids lourds d'ailleurs…

MARLENE SCHIAPPA
Comme vous y allez…

ALBA VENTURA
Ce n'est pas vrai ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi, j'observe une vraie dynamique honnêtement sur le terrain, d'abord il a rallié.

ALBA VENTURA
Une dynamique, Rachida DATI selon le dernier sondage publié par le Journal Du Dimanche est passée devant lui.

MARLENE SCHIAPPA
Alors moi, je regarde les sondages avec beaucoup de distances parce que comme vous le savez l'élection à Paris, c'est en fait 17 élections et donc ça se passe arrondissement par arrondissement. Moi, j'entends chacun faire des commentaires, je ne suis pas une politicienne de salon, moi je fais des réunions publiques, je vais à la rencontre des gens, je tracte, je fais du porte-à-porte, j'échange avec énormément de gens et moi je vois plutôt une dynamique et des gens qui sont convaincus.

ALBA VENTURA
Où vous la voyez la dynamique ?

MARLENE SCHIAPPA
Par exemple Benjamin GRIVEAUX a rallié à lui plusieurs ministres, dont je fais partie, mais il y a également Agnès PANNIER-RUNACHER et peut-être d'autres dans l'avenir. Pierre-Yves BOURNAZEL s'est désisté pour soutenir Benjamin GRIVEAUX, Mounir MAHJOUBI…

ALBA VENTURA
Mais plus il y a de ministres qui s'engagent, moins ça marche.

MARLENE SCHIAPPA
Non, ce n'est pas vrai.

ALBA VENTURA
Si.

MARLENE SCHIAPPA
Non, ce n'est pas le cas parce que quand vous regardez justement les sondages depuis le mois de mars par exemple, eh bien il y a une dynamique qui est favorable. Moi, je suis engagée depuis le premier jour avec Benjamin GRIVEAUX, ce n'est pas un scoop que je sois candidate avec lui et je crois encore une fois qu'il faut regarder les sondages avec beaucoup de distances, surtout ceux qui sont faits au lendemain de l'annonce de la candidature d'Anne HIDALGO.

ALBA VENTURA
Vous savez bien que c'est parce que les candidats issus de LREM, je pense à Cédric VILLANI qui est dissident, et donc Benjamin GRIVEAUX sont divisés, c'est pour ça qu'on en est là.

MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr.

ALBA VENTURA
Et peut-être que Benjamin GRIVEAUX paie aussi le fait d'être proche du président MACRON.

MARLENE SCHIAPPA
Alors deux choses, sur Cédric VILLANI d'abord, moi j'assume que la division, c'est un poison, je l'ai dit dès le début. Là ce sondage nous dit aussi, si on veut le regarder, que Cédric VILLANI n'est pas en situation de se maintenir au deuxième tour et donc il faut qu'il en prenne toutes les responsabilités. Et ensuite je ne peux pas parler pour Benjamin GRIVEAUX, mais moi, Marlène SCHIAPPA, je suis membre du gouvernement d'Emmanuel MACRON, il est hors de question que je fasse semblant de ne pas l'être. Je suis un soutien de la première heure et je serai un soutien de la dernière heure aussi.

ALBA VENTURA
Merci Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2020