Interview de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, à CNews le 31 janvier 2020, sur le Brexit, l'épidémie de COViD-19, la réforme des retraites, les élections municipales et le mal-logement.

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Texte intégral

GERARD LECLERC
Bonjour Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

GERARD LECLERC
On va parler logement, et notamment du rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, tout à l'heure. Mais d'abord, l'actualité, le jour J donc pour le Brexit. C'est un échec pour l'Europe et puis c'est une période d'incertitude qui s'ouvre avec un an de négociations.

JULIEN DENORMANDIE
Vous avez dit que c'était un échec pour l'Europe, c'est très clairement une très mauvaise nouvelle pour l'Europe, mais c'est surtout une très mauvaise nouvelle pour les Britanniques. Et je crois que d'ailleurs, les différents reportages que vous avez montrés depuis ce matin, en témoignent, avec des conséquences sur l'économie britannique, avec des conséquences dans la vie de tous les jours de nos amis britanniques. Mais c'était une décision souveraine du peuple britannique.

GERARD LECLERC
Donc, c'est logique.

JULIEN DENORMANDIE
Et donc il était important de pouvoir mettre en oeuvre cette décision, cette décision souveraine, de faire en sorte que ça ne soit pas désordonné, de faire en sorte que les impacts soient les moins forts possible pour l'économie française, mais c'est très clairement une mauvaise nouvelle, en tout cas à mes yeux, en premier lieu, pour le peuple britannique.

GERARD LECLERC
Le coronavirus, l'épidémie progresse, l'OMS parle d'urgence internationale, 213 morts en Chine maintenant, 10 000 cas qui ont été répertoriés, un sixième malade en France. AIR FRANCE suspend ses vols. Il y a une question qu'on se pose : est-ce qu'il ne faut pas resserrer, renforcer le dispositif français, dans les aéroports, sur les vols, sur le port du masque ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, c'est des sujets qui sont incroyablement compliqués, et il y a des spécialistes, des spécialistes au ministère de la Santé, et je dois dire d'abord la ministre de la Santé elle-même, Agnès BUZYN. Ce que je peux vous dire, c'est qu'aujourd'hui, Agnès BUZYN et ses équipes sont pleinement à la tâche et prennent toutes les mesures qu'ils jugent nécessaires pour la protection des Français, pour la protection de nos compatriotes. Et ça, soyez-en pleinement assurés. Ce sont...

GERARD LECLERC
Il n'y a pas d'inquiétude à avoir, tout est sous contrôle ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, enfin tout est fait pour que la situation puisse être la meilleure possible en France, avec notamment des mesures sanitaires, des mesures de précaution, mais aussi avec ces mesures de solidarité, lorsque la France est en train de rapatrier un certain nombre de ses concitoyens vivant en Chine et ayant émis le souhait de retourner sur le territoire national. Mais là aussi, ça se fera dans des conditions très strictes, notamment de confinement, pour faire en sorte que tant qu'il n'a pas été prouvé que ces personnes ne soient pas porteuses du virus, elles ne puissent sortir du confinement.

GERARD LECLERC
Le conflit des retraites, avec le lancement hier de la Conférence de financement. Alors, Edouard PHILIPPE assure qu'il a bon espoir de trouver un compromis, mais à partir du moment où on n'augmente pas les cotisations, on ne baisse pas les pensions, ou en plus la CFDT demande des avancées sociales, ça paraît un peu mission impossible cette affaire.

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien moi, je note qu'hier les déclarations des différentes organisations patronales et syndicales, étaient plutôt positives. Je ne dis pas qu'on est arrivé au compromis, mais je dis qu'en tout cas la journée d'hier a montré que plusieurs, voire beaucoup, cherchaient ce compromis, que ça n'était pas forcément facile, mais que c'était possible. Et donc on va le faire avec méthode. Il y a eu cette réunion hier, il y aura une prochaine réunion dans la semaine du 10 février, et moi je crois profondément au compromis.

GERARD LECLERC
On va y arriver.

JULIEN DENORMANDIE
Notamment avec plusieurs organisations syndicales dites réformistes, qui partagent ce projet très ambitieux de la réforme des retraites, mettre fin aux statuts, notamment aux régimes spéciaux, et apporter plus de droits, notamment aux agriculteurs, aux femmes, aux indépendants, aux commerçants, parce que c'est ça la réalité de la réforme des retraites, et n'oublions jamais sa finalité.

GERARD LECLERC
Edouard PHILIPPE est candidat au Havre, et donc... mais il restera Premier ministre, même s'il est élu. Alors, une candidature pour quoi faire ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais je crois déjà que c'est une très bonne nouvelle pour les Havrais et les Havraises.

GERARD LECLERC
On verra bien ce qu'ils décideront.

JULIEN DENORMANDIE
Je crois que ça a été un grand maire du Havre, déjà, et moi je salue sa décision de susciter il le suffrage des Havrais et des Havraises.

GERARD LECLERC
Oui, mais il est Premier ministre, pourquoi il veut aller...

JULIEN DENORMANDIE
Mais parce qu'il est profondément attaché à la ville du Havre, profondément, qu'il est profondément attaché en tant qu'élu local au dynamisme de son territoire. Donc il veut continuer à s'impliquer sur son territoire, et moi je salue sa décision.

GERARD LECLERC
Est-ce que ce n'est pas aussi parce qu'Emmanuel MACRON a demandé à tous ses ministres de s'engager aux municipales, il y en a beaucoup qui ne le font pas, comme s'ils avaient peur d'une gamelle, pour parler clair.

JULIEN DENORMANDIE
Non, je pense que... Vous avez différents profils, vous avez différentes attaches, mais en tout état de cause, s'agissant du Premier ministre, moi je salue sa décision, je trouve ça très bien qu'un Premier ministre, qui est si attaché à cette ville du Havre, eh bien dise aux Havrais et Havraises : « Si vous me faites confiance, eh bien cette histoire entre vous et moi continuera ». Moi je salue cette décision.

GERARD LECLERC
Et puis il y a cette photo qui fait polémique, celle du président MACRON au Festival de la Bande dessinée d'Angoulême, et qui pose tout sourire avec un tee-shirt qui dénonce les violences policières. Alors, les syndicats de policiers sont outrés, il y a des politiques aussi qui protestent, Eric CIOTTI, Jean-Luc MELENCHON. Il a fait un faux-pas, là, c'est une faute, non ?

JULIEN DENORMANDIE
Non mais vous savez, j'entendais il y a quelques jours beaucoup de ces mêmes politiques dire « il y a un régime autoritaire dans notre République », parfois certains parlant même de dictature ou autre. Qu'est-ce que montre cette photo ? Que le président de la République, il est attaché profondément dans notre pays, non seulement à la liberté d'expression, mais aussi à la liberté de caricaturer, de caricaturer. Parce que cette photo elle est prise dans un festival, un magnifique festival qui est le Festival de la BD à Angoulême. Elle fait suite à une heure de discussion avec ce dessinateur qui s'appelle Jul, un dessinateur très connu. Et pendant cette discussion, qui était de l'ordre politique, le président de la République a très clairement exprimé son désaccord profond avec le dessinateur, dans sa perception, notamment dans ce que le dessinateur qualifie de violences policières.

GERARD LECLERC
Oui, mais le problème, c'est que les policiers, eux, eh bien ils y voient une marque de défiance, ils voient du mépris…

JULIEN DENORMANDIE
Non. Vous avez entendu comme moi le président de la République, à l'issue, à l'issue de la journée d'hier, réexprimant très clairement sa position, en disant qu'il n'y avait pas de violences policières, en disant que les policiers étaient amenés à beaucoup d'exemplarité, et en disant que cet usage de la force, il devait se faire de manière proportionnée et dans le cadre de l'espace de droit, mais que les forces de l'ordre elles sont dépositaires de la force, bien évidemment, parce que ces forces de l'ordre, c'est elles qui assurent notre sécurité et donc notre liberté. Et donc un plein soutien, plein soutien à nos forces de l'ordre, dans ce devoir d'exemplarité bien évidemment.

GERARD LECLERC
Allez, on en arrive au rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, et le rapport il est quand même très inquiétant, voire décourageant, puisque c'est un peu une année de tous les records pour les expulsions, 15 000, pour les nuitées à l'hôtel, pour les 500 000 coupures d'électricité, 2 millions d'inscrits en attente d'un logement. Qu'est-ce que vous répondez ?

JULIEN DENORMANDIE
Qu'il y a d'autres choses qui avancent profondément dans le bon sens. La Fondation Abbé Pierre, et je serai avec eux dans la journée, pour détailler justement ce rapport, dans leur grande manifestation. La Fondation Abbé Pierre c'est un lanceur d'alerte. Est-ce qu'aujourd'hui beaucoup de nos concitoyens sont en difficulté dans leur logement ? La réponse est oui. C'est précisément pour ça que moi depuis 2 ans et demi…

GERARD LECLERC
Mais, qu'est-ce que vous faites ?

JULIEN DENORMANDIE
Depuis 2 ans et demi je me bats nuit et jour pour améliorer l'accès au logement social. Vous l'avez dit, beaucoup sont en attente, ça fait des décennies que beaucoup sont en attente, c'est pour ça qu'on a passé une loi pour améliorer et fluidifier l'accès, donner plus…

GERARD LECLERC
Pour l'instant on ne voit pas les résultats. Ça ne marche pas.

JULIEN DENORMANDIE
Vous savez, par exemple cette année, cette année on nous disait qu'on n'arriverait pas à avoir des bons résultats dans la production de logements sociaux. On aura 110 000 agréments, c'est-à-dire 110 000 constructions nouvelles de logements sociaux, ça fait partie des années record. Donc ça avance, ça avance. Et puis la Fondation Abbé Pierre c'est un lanceur d'alerte, elle ne met pas en avant toutes les choses positives qui…

GERARD LECLERC
Alors, qu'est-ce que, elle, elle dit ? Dites-moi.

JULIEN DENORMANDIE
Songez que ces deux dernières années, on a sorti 150 000 personnes, je dis bien 150 000 personnes de la rue ou de l'hébergement d'urgence, pour leur donner un vrai logement, 150 000. Songez que depuis 2 ans et demi on a multiplié par deux l'activité de la rénovation des bâtiments, parce que mon objectif c'est quoi ? Produire des logements abordables et rénovés. Ces passoires thermiques, ces personnes qui sont sous l'emprise des marchands de sommeil et autres, en 2 ans j'ai multiplié par deux l'activité de rénovation de mon ministère, ça c'est du très concret. Mais le boulot reste énorme, et donc je continuerai avec beaucoup de détermination à le faire.

GERARD LECLERC
Alors, vous parliez des sans-domiciles, il y en a encore 143 000, or Emmanuel MACRON, pendant la campagne, en septembre 2013, non, d'ailleurs il était déjà élu, il a dit : « Je ne veux plus de personnes dans les rues, dans les bois ». C'est raté.

JULIEN DENORMANDIE
Mais il n'y a pas 143 000 personnes qui dorment à la rue. Ceux-ci…

GERARD LECLERC
143 000 personnes sans domicile.

JULIEN DENORMANDIE
Non. Ce chiffre-là qu'est-ce que c'est ? C'est le nombre de places que mon ministère finance, gère, avec les associations et les élus locaux, tous les jours en termes d'ouverture d'hébergements. C'est…

GERARD LECLERC
Donc ils sont... Mais il y en a quand même dans la rue, tout le monde peut en voir dans Paris.

JULIEN DENORMANDIE
Il en reste, malheureusement. Mais c'est ça, et chacun doit en prendre conscience. Tous les jours, le dispositif que je gère, dont j'ai la responsabilité, c'est l'équivalent de la ville de Brest, pour apporter un hébergement, un toit à celles et ceux qui en ont besoin. Depuis le 1er novembre, avec l'hiver qui arrive, j'ai ouvert 12 000 places, depuis le 1er novembre, et pour autant il reste des personnes à la rue. Elles sont encore beaucoup trop nombreuses. Donc de la même manière, on va continuer à ouvrir ces places, à accompagner, à aller vers ces personnes qui sont dans la détresse dans la rue, parce que la rue ça tue.

GERARD LECLERC
Plus généralement, il y a un problème quand même encore massif de logements, il y a 4 millions de personnes en gros qui sont mal logées ou sans logement. Question simple : pourquoi n'arrive-t-on pas à construire davantage de logements ? Parce qu'il y a une crise de logement qui dure depuis des décennies, depuis des années en tout cas.

JULIEN DENORMANDIE
Mais d'abord parce qu'il fallait simplifier l'acte de construction.

GERARD LECLERC
Bon ben ça c'est fait.

JULIEN DENORMANDIE
C'est fait, je l'ai présenté en Conseil des ministres…

GERARD LECLERC
Alors, pourquoi il n'y a pas plus, combien il y aura de logements construits en... ?

JULIEN DENORMANDIE
Parce que le travail de la simplification, ça a été un travail immense, que j'ai présenté en Conseil des ministres. Il fallait modifier la loi, cette semaine, c'est fait. Cette année on va construire plus de 400 000 logements…

GERARD LECLERC
Cette année, en 2020.

JULIEN DENORMANDIE
En 2019.

GERARD LECLERC
2019, 400 000.

JULIEN DENORMANDIE
400 000, les chiffres viennent de tomber, plus de 400 000, presque 410 000. Ça fait partie des années record sur les cinq dernières années. On continue à être très haut dans la construction.

GERARD LECLERC
Et l'an prochain, l'objectif pour l'an prochain, c'est quoi ? Pour l'an prochain, pour cette année, pour 2020 ?

JULIEN DENORMANDIE
C'est de se maintenir à des niveaux aussi hauts.

GERARD LECLERC
Au-dessus de 400 000.

JULIEN DENORMANDIE
Au-dessus de 400 000. Mais, la difficulté c'est qu'on a une société où la tension sur le marché du logement est de plus en plus forte, parce que vous avez par exemple des couples qui divorcent, parce que vous avez des endroits où le logement devient inaccessible, et donc face à ça, qu'est-ce qu'il faut faire ? Produire du logement abordable, encadrer les loyers dans les villes où le prix est trop élevé, c'est ce que j'ai fait en réintroduisant l'encadrement des loyers à Paris, aujourd'hui à Lille, et il faut en même temps…

GERARD LECLERC
Et il y aura d'autres villes qui suivront ?

JULIEN DENORMANDIE
Toutes les villes qui le demandent, moi je suis prêt à étudier et à les accompagner. Et il faut, dernier point, lutter contre la vacance, vous savez ces logements avec des habitats qui ne sont pas habités depuis trop longtemps. Et donc là on a une politique très ferme pour aller chercher, identifier ces logements, les réhabiliter et les remettre sur le marché. Beaucoup de détermination là aussi.

GERARD LECLERC
Merci Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.

GERARD LECLERC
Bonne journée, bon week-end.

JULIEN DENORMANDIE
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 février 2020