Extraits d'un entretien de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État aux affaires européennes, à BFM TV le 10 mars 2020, sur l'action de l'Union européenne face à l'épidémie de COVID-19.

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Média : BFM TV

Texte intégral

Q - Bonjour, Amélie de Montchalin, merci d'être avec nous. Vous êtes secrétaire d'Etat aux affaires européennes. Votre réaction tout d'abord au décret qui a été pris en Italie, dans la nuit, et qui place, de fait, soixante millions de personnes dans un état de confinement ?

R - D'abord, ce que l'on voit, c'est qu'au sein de l'Union européenne la situation est assez différente, pays par pays, parce que le virus, lui-même, est différent, parce que les systèmes de santé sont organisés de manière différente. Donc, chaque pays prend les dispositions au niveau local qui s'imposent. Nous, en France, il y a deux départements qui sont aujourd'hui avec des mesures spécifiques, il y a d'autres zones du territoire où le virus ne circule pas activement. Et donc, chacun s'adapte en fonction de la réalité du virus.

Donc, les Italiens ont pris une décision qui correspond à ce qu'ils vivent, à ce qu'ils voient et à leur capacité aussi, en termes de santé, pour s'assurer que tous ceux qui seraient malades puissent être bien soignés.

Q - Une situation à l'italienne est-ce possible en France ?

R - Ce qui est certain, c'est que toute notre priorité - et c'est pour cela d'ailleurs que le président de la République a souhaité organiser, cet après-midi, un appel avec tous les chefs d'Etat et de gouvernement -, tout l'enjeu européen, c'est de ralentir la progression du virus pour que, au niveau local, les dispositions soient prises et que l'on évite le plus possible d'avoir un virus qui circulerait librement partout en Europe, partout en France.

Donc, je ne peux pas vous dire si un jour cela arrivera. Ce qui est certain, c'est que tout l'objectif que l'on poursuit, c'est de pouvoir traiter ce virus le plus localement possible, avec des dispositions les plus adaptées, les plus différenciées, et de s'assurer surtout que le système de santé est prêt à prendre en charge les personnes qui seraient malades. C'est pour cela qu'il est important d'avoir une coordination européenne, non pas pour que tout le monde fasse la même chose, mais pour que l'on puisse se préparer ensemble et ralentir ensemble la progression du virus.

(...)

Q - En Europe aussi, les vingt-sept font le point aujourd'hui par visioconférence. Est-ce que vous avez le sentiment que l'Europe est prête à faire face à cette menace épidémique ?

R - Ce qui est très important, c'est de bien comprendre ce que l'Europe peut faire, là où elle est utile, et puis quel est son rôle. Aujourd'hui, cette réunion que le président de la République a souhaité voir être organisée a pour but de faire, au fond, trois choses :

D'abord, s'assurer qu'en termes de passage de l'information, en termes de dispositions, nous ayons des mesures coordonnées pour que ce que l'on fait au niveau local, chacun puisse avoir une forme de cohérence et que l'on applique bien des choses que les citoyens européens comprennent partout.

Le deuxième objectif, c'est de mettre en commun nos moyens. Il est très important qu'en termes de recherche sur les vaccins, sur les traitements, on ne fasse pas vingt-sept fois la même chose en parallèle. Il est très important qu'il y ait une coordination - il y a déjà eu un gros investissement de plus de cent trente millions d'euros qui a été débloqué dans les tout derniers jours pour notamment accélérer la recherche sur un vaccin. On partage aussi beaucoup d'informations pour suivre la progression du virus et là aussi, c'est intéressant de le faire au niveau européen. Au niveau national, il y a des choses qui sont vraiment de la responsabilité de chaque Etat, mais il y a des choses qui se font très bien au niveau européen.

Le troisième enjeu, c'est la réponse économique, pour que nous puissions d'abord soutenir ensemble, là où cela doit être fait, les secteurs les plus impactés par le ralentissement d'une partie des activités, on pense au tourisme, on pense au transport aérien, et puis, aussi, qu'à moyen terme, on réfléchisse à comment soutenir l'économie après ce qu'on espère être un choc temporaire, parce que cela aura des conséquences. Et on essaie, on le voit en France avec le chômage partiel, de limiter au maximum l'impact que cela a sur la vie des Français, sur l'emploi. Donc, là aussi, une réponse européenne s'impose.

Ce qu'il est important que tout le monde comprenne bien, c'est qu'il y a des choses que l'Europe ne peut pas faire.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mars 2020