Interview de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État aux transports, à Europe 1 le 29 avril 2020, sur le respect de la distanciation sociale et le port obligatoire du masque dans les transports en commun à partir du 11 mai 2020 lors du déconfinement.

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Média : Europe 1

Texte intégral

SONIA MABROUK 
Bonjour à vous Jean-Baptiste DJEBBARI. 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Bonjour à vous tous. 

SONIA MABROUK 
Et merci d'être avec nous en direct sur Europe 1. Je vous propose de faire un saut dans un avenir très proche. Nous sommes ce matin le lundi 11 mai, le port du masque est désormais obligatoire dans les transports en commun, comment en disposer, est-ce qu'il y aura des points de distribution, est-ce qu'il y en aura suffisamment, sur mon quai de gare, dans ma rame de métro ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
D'abord dire que, aujourd'hui, on ne part pas de zéro, parce que vous avez vu que dans la rue un certain nombre de Français ont des masques, ils les ont achetés, ils les ont parfois fabriqués, les entreprises, ou leur entreprise, leur en a donné, ou les a dotés, donc il y a des masques d'ores et déjà disponibles, et puis vous savez que nous faisons un effort important, à la fois d'importation de masques grand public, de fabrication nationale, la moitié des masques qui vont être mis en circulation à compter du 4 mai sont produits en France. Et puis vous savez que le Premier ministre a redit hier, ou l'a dit hier, que l'Etat viendrait à hauteur de 50 % de l'achat des masques des collectivités, de manière à ce que tout le monde le 11 mai, si on se projette dans votre avenir, soit doté d'un masque, et vous savez que nous avons pris une part active, notamment à l'importation des masques, avec ce pont aérien qui fonctionne maintenant depuis plusieurs semaines, et qui permettra effectivement d'aborder cette date du 11 mai avec la plus grande sérénité possible. 

SONIA MABROUK 
Sérénité, oui, mais est-ce qu'il y aura un simple contrôle ou une verbalisation pour non-respect du port du masque le 11 mai ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Le principe c'est que si le port du masque est obligatoire il y aura évidemment contrôle et possiblement sanction, avec évidemment une forme de bienveillance, au moins le premier jour. J'ai demandé à la RATP, d'ailleurs, possiblement de faire l'appoint en masques pour ceux qui auraient oublié de s'en doter, donc nous allons aborder cette journée du 11 mai avec un peu de souplesse, mais c'est vrai que dès le 12 mai il faudra que tout le monde soit doté d'un masque. Il y aura, dans la loi, dans les décrets, la prévision, ou la possibilité d'appliquer effectivement des contrôles, des contrôles par les forces de l'ordre, des contrôles par les opérateurs de sûreté de la SNCF et de la RATP, par exemple, et oui il y aura sanction si le port du masque n'est pas respecté, parce que nous parlons de sécurité sanitaire, et que vous savez que dans les transports en commun ce sujet est particulièrement regardé avec…enfin en tout cas est regardé avec beaucoup d'attention. 

SONIA MABROUK 
Jean-Baptiste DJEBBARI, je prends deux exemples. Le premier, je suis conducteur de bus, je prends mon service, une personne qui ne porte pas de masque monte dans mon bus, je lui fais savoir qu'elle doit porter son masque, puisqu'il est désormais obligatoire le 11 mai, il ou elle n'obtempère pas, qu'est-ce que je fais ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
D'abord, c'est le sujet compliqué, plus compliqué que celui, par exemple du chauffeur de taxi ou de VTC, pour lequel il est déjà possible aujourd'hui, et ce sera encore le cas après le 11, de refuser la personne qui, soit présente des symptômes, soit ne porte pas le masque, et c'est un sujet que nous travaillons avec les opérateurs. Nous prévoyons d'habiliter les services de sûreté, je l'ai dit, pour éventuellement refuser ces personnes non masquées. Il y a évidemment un sujet, parce que vous savez que nous avons un grand nombre de stations de bus, donc c'est un problème, un sujet important, que nous abordons ces jours-ci, non seulement avec les élus, puisque vous savez que les transports en Ile-de-France sont organisés par les services de la région, et évidemment avec les opérateurs, et tous ces sujets-là vont être abordés dans les jours qui viennent, de manière à trouver le dispositif le plus opérationnel. 

SONIA MABROUK 
Jean-Baptiste DJEBBARI, à l'heure actuelle, alors que nous sommes à quelques jours du 11 mai, il n'y a pas encore de réponse précise à apporter, parce que vous imaginez que vous faites porter une responsabilité évidemment à ces agents, à ces opérateurs ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Ça veut dire que face à une crise inédite, et à des mesures qui nous obligent chaque jour, chaque jour, d'inventer des dispositifs, oui, chaque jour suffit sa peine, nous avons encore plusieurs jours, et ce problème est connu, depuis de nombreuses semaines maintenant, nous y travaillons avec la RATP, et nous trouverons le bon mécanisme pour que, vous avez raison, et c'est important, que le 11 mai l'ensemble des opérateurs opèrent sereinement, qu'il y ait une sécurité, à la fois juridique et opérationnelle du dispositif, et croyez-moi, c'est un sujet que nous prenons très au sérieux au ministère des Transports. 

SONIA MABROUK
 Les masques, autre chose très importante aussi évidemment, parce qu'il ne faudra pas oublier de l'appliquer, même si les masques sont obligatoires, la distanciation physique dans les transports, et les syndicats, en particulier l'UNSA Transports, vous dit clairement, Jean-Baptiste DJEBBARI, impossible de faire le tri des voyageurs. Qui va donc s'en charger ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Alors, d'abord, nous raisonnons, en tout cas nous mettons en place un plan sur trois piliers. Le premier pilier c'est que nous voulons avoir, nous avons demandé aux opérateurs, d'avoir l'offre la plus abondante possible, c'est-à-dire, très pratiquement, d'avoir le plus de rames possible pour y faire monter un nombre réduit de voyageurs, et nous avons par exemple demandé à la RATP d'avoir 70 % de leur offre le 11 mai et d'être en capacité de revenir très rapidement à 100 %, ce à quoi la RATP s'est engagée. Ensuite, nous allons faire un travail de désengorgement des heures de pointe, c'est là, c'est dans ces moments-là, le matin et le soir, que nous avons le plus de personnes, c'est important parce que… 

SONIA MABROUK 
Mais concrètement, lundi matin, le 11… 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Ah non, mais c'est très concret, je le dis parce que c'est très concret… 

SONIA MABROUK 
Oui, mais à 8h00 du matin, qu'est-ce que vous dites à ces agents, parce qu'on a l'impression que ce sont des décisions prises depuis un bureau, mais qu'est-ce qu'on fait concrètement pour les faire respecter ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Non, non, croyez-moi, ce n'est pas pris depuis un bureau, je prends le métro, je prends toujours le métro, et je vois parfaitement à quoi ça correspond d'être ligne 13, ou ligne 4 à 7h30 du matin, donc je le dis parce que c'est important, le plus d'offre possible, le moins de monde possible aux heures de pointe, ça, ça veut dire recours au télétravail, et ça veut dire évidemment l'étalement des heures d'arrivée dans les entreprises, et c'est un travail important que nous menons localement avec les associations, les fédérations d'entreprises, et puis ça veut dire effectivement toutes les mesures de protection vous avez dites. Sur le sujet compliqué, effectivement de la distanciation sociale, nous avons une réunion, pas plus tard que dans une petite demi-heure, à 9h00, avec l'ensemble des associations d'élus, ça fait partie… 

SONIA MABROUK 
Mais vous avez une idée avant cette réunion, est-ce que, par exemple, question concrète, est-ce que les agents, les opérateurs RATP, vont être accompagnés de forces de l'ordre pour faire respecter ces distances ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Alors, d'abord, nous prévoyons effectivement, sur le sujet des masques, je l'ai dit, nous prévoyons effectivement que les forces de l'ordre puissent être sollicitées, j'ai eu l'occasion d'en discuter assez longuement avec le préfet de police Didier LALLEMENT, sur les autres mesures, le Premier ministre a cité des exemples, qui d'ailleurs se font ou se sont fait ailleurs à l'étranger, les exemples des marquages au sol, les exemples de l'occupation d'1 siège sur 2, nous allons évidemment étudier tout ça, discuter localement, parce que vous comprenez bien que nous posons une base nationale et que ce n'est pas tout à fait pareil de parler du réseau local de bus de Limoges, ou du réseau de la RATP, qui chaque jour voit 12 millions de voyages, donc nous allons faire ce travail d'adaptation aux réalités locales, qui évidemment sont différentes, c'est un travail qui a commencé d'ailleurs depuis plusieurs jours, qui se poursuit, j'étais encore en discussion avec Madame PECRESSE hier soir, qui se poursuit ce matin à 9h00 avec l'ensemble des élus, et nous allons trouver la bonne façon de fonctionner. Vous voyez, ce n'est pas effectivement construit à Paris, c'est construit en lien avec ceux qui sont responsables des transports dans les territoires. 

SONIA MABROUK 
Jean-Baptiste DJEBBARI, on a bien entendu, mais le 11 mai, le 11 mai est-ce que vous confirmez, comme l'a dit cette fois-ci le Premier ministre, pas besoin de réunion à ce sujet, qu'1 siège sur 2 sera condamné dans le métro ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Le Premier ministre a dit qu'il fallait respecter les gestes barrières, il avait évidemment raison, et il a cité des exemples, il a dit « par exemple condamner 1 siège sur 2, par exemple faire des marquages au sol », et c'est sur la base de ces exemples qui sont connus, et qui sont issus des éléments de comparaison qu'on a pu recueillir à l'international, moi j'ai échangé beaucoup avec mes homologues des transports, sud-coréen, singapourien… 

SONIA MABROUK 
Et donc ce sera acté ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Non, je veux dire que ça va être travaillé, c'est un exemple, et nous allons faire en sorte d'adapter localement les mesures, les gestes barrières, de manière à ce que ce soit, que l'environnement, des métros, des bus, des trains, soit le plus contrôlé possible sur le plan sanitaire. Voyez, c'est un travail assez fin, de dentelle, et vous préemptez un peu les des discussions que nous allons avoir, notamment l'heure suivante, avec le Premier ministre et les associations d'élus. 

SONIA MABROUK 
Est-ce que vous avez une idée, une estimation de combien de personnes vont ou peuvent revenir, et emprunter les transports dès le 11 mai ? J'imagine que vous travaillez à ce sujet depuis un certain temps. 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Oui, nous avons modélisé de façon assez fine ces chiffres, nous pensons que nous aurons, le 11 mai, environ 30 % des personnes, qui habituellement prennent les transports en commun, qui reviendront dès le 11 mai, et avec une montée rapide tout au long du mois de mai et du mois de juin. 

SONIA MABROUK 
30 % de voyageurs, ça fait combien environ ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Vous avez, par exemple en région parisienne, 12 millions de voyages sur le réseau RATP, donc 30 % ça fait quasiment 4 millions de voyages, donc 2 millions de personnes, donc c'est beaucoup, et il faut effectivement être préparé, raison pour laquelle nous avons une offre qui sera, par exemple à la RATP, de 70 %, et je le dis parce qu'aujourd'hui nous avons environ 4 % de voyageurs qui empruntent les réseaux, notamment les réseaux de la RATP, pour prendre cet exemple concret, avec 30 % de l'offre, donc vous voyez qu'il y a vraiment un enjeu, à la fois de remonter l'offre et d'accueillir les voyageurs qui auront à utiliser les transports en commun, en sécurité sanitaire, et avec les procédures d'exploitation adaptées. 

SONIA MABROUK 
Il y a, Jean-Baptiste DJEBBARI, les transports en commun, il y a aussi la voiture individuelle, et on pense aux plus âgés d'entre nous, qui se sentiront peut-être plus en sécurité dans leur voiture, il y a le vélo. Justement, la maire de Paris, Anne HIDALGO, dit que « Paris ne se laissera pas », ce sont ses mots, « envahir par les véhicules après le 11 mai. » Qu'est-ce que vous pensez de cette consigne ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Je connais l'ambition de la maire de Paris sur le vélo, d'ailleurs c'est une ambition partagée, nous travaillons, avec la maire de Paris, et la région, pour sécuriser par exemple les pistes cyclables, y compris les pistes cyclables temporaires, il y a un soutien financier fort de l'Etat, et un soutien en ingénierie… 

SONIA MABROUK 
Oui, le vélo pour tous c'est un slogan, mais là encore… 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Non, j'y viens, mais je le dis parce que c'est important, c'est vrai qu'il y a eu un grand engouement, notamment au moment de la grève de décembre, avec beaucoup de vélos, et par exemple aujourd'hui nous passons au Conseil d'Etat ce qu'on appelle le forfait mobilité durable, qui permet aux entreprises de subventionner le vélo pour leurs salariés. Cela dit, le devoir de vérité s'impose, ou m'impose de vous dire que 36 % des Franciliens travaillent à plus de 15 kilomètres de leur domicile, donc la solution pour le 11, et pour les jours d'après d'ailleurs, se trouve plutôt dans la complémentarité des modes, et les transports en commun demeurent bien évidemment le mode privilégié des Franciliens pour se déplacer. 

SONIA MABROUK 
Jean-Baptiste DJEBBARI, pour aller droit au but, quand la maire de Paris dit cela, est-ce qu'elle ne risque pas de provoquer plus de monde dans les transports en commun ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Non, mais ce qui est sûr c'est que nous avons observé, notamment en Chine, et ailleurs, que quand le déconfinement progressif s'est mis en oeuvre, nous avons eu un très très fort report sur la voiture individuelle, et pour donner des chiffres, en Chine, les premiers jours, vous aviez 40 % des gens qui prenaient habituellement les transports en commun, qui se sont reportés sur la voiture individuelle, donc il y aura des voitures individuelles le 11 mai, nous ferons en sorte évidemment de faciliter le covoiturage, les transports partagés, j'ai vu d'ailleurs qu'il y avait, outre le vélo… 

SONIA MABROUK 
Le covoiturage, avec quand même une distanciation physique, le covoiturage ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Absolument, absolument, avec un nombre de passagers limité, avec les passagers qui seront à l'arrière, avec, si possible, une vitre qui sera positionnée entre le chauffeur, bref, dans des circonstances sanitaires qui seront évidemment contrôlées, mais oui, le covoiturage peut permettre de décongestionner les routes, je rappelle quand même que les véhicules sur les routes c'est aussi beaucoup de congestion, beaucoup de pollution, et que le 11 mai nous devons essayer, tant que faire se peut, de ne pas repartir sur un cycle de pollution important. 

SONIA MABROUK 
On vous écoute depuis tout à l'heure, Jean-Baptiste DJEBBARI, il y a encore beaucoup de choses à trancher, beaucoup de réunions, beaucoup de concertation, finalement le 11 mai, qu'est-ce qui aura vraiment changé par rapport au 10 mai ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Le 11 mai c'est quand même le moment où le principe de liberté de circulation redevient la norme, ce n'est pas tout à fait neutre. Vous savez, moi j'ai beaucoup entendu, y compris dans ma circonscription, des gens souffrir du confinement, des personnes âgées, je crois qu'on a tous des exemples dans nos entourages qui nous montrent que vivre isolé, vivre seul, est évidemment très compliqué, notamment pour les plus fragiles d'entre nous. Donc, le 11 mai c'est quand même un retour progressif à la vie sociale, et c'est heureux, parce que nous aimons vivre libres, et puis nous aimons aussi parfois vivre libres de notre travail, donc moi j'aborde le 11 mai avec beaucoup d'enthousiasme personnel, mais c'est vrai que ça nécessite, dans cette période progressive jusqu'au 2 juin, de prendre les choses de façon très sérieuse, très lucide, d'être vraiment très en regard de l'évolution de la situation sanitaire et de prendre, et d'adapter les mesures au jour le jour, c'est ce que nous ferons avec les opérateurs de transport, et c'est ce que nous ferons évidemment en lien avec le ministère de la Santé qui détient les clés, une grande partie des clés de cette séquence. 

SONIA MABROUK 
On va conclure Jean-Baptiste DJEBBARI, il y a beaucoup d'auditeurs qui veulent vous poser concrètement leurs questions, des interpellations sur les transports, une dernière, ou un dernier exemple concret. Je prends mon RER lundi 11 mai, je suis contrôlée sans masque, est-ce que je peux mettre en avant l'argument de la pénurie de masques parce que l'Etat n'en n'a pas fourni suffisamment ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Eh bien nous allons nous mettre dans l'hypothèse optimiste, en tout cas la volonté partagée par les élus, par le gouvernement, par tous, que chacun sera en capacité d'avoir un masque. Agnès PANNIER-RUNACHER, pour le gouvernement, a fait un travail fin, de manière à ce qu'à compter du 4 mai il y ait des canaux de distribution, de proximité, en faisant des expérimentations chez les buralistes, dans les officines, dans les supermarchés, donc vous voyez que la volonté politique doit dominer et nous devons nous mettre en capacité d'avoir des masques pour tout le monde, pour ceux qui le souhaitent, et de façon obligatoire pour ceux qui prendront les transports en commun à compter du 11 mai. 

SONIA MABROUK 
Eh bien c'est ce que nous verrons dans les faits. Merci Jean-Baptiste DJEBBARI d'avoir répondu à mes questions. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2020