Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur les mesures de santé publique prises face aux risques d'une épidémie de coronavirus Covid-19 en France.
Mes chers collègues, sur proposition du président Bruno Retailleau, j'ai demandé au Gouvernement d'inscrire ce débat à l'ordre du jour.
En effet, il nous a paru collectivement nécessaire et urgent que notre assemblée puisse débattre de manière ouverte et transparente avec le Gouvernement : face aux inquiétudes de nos concitoyens, l'information la plus large sur les risques et les mesures prises pour y répondre nous paraît indispensable, dans un esprit de responsabilité. Dans le même esprit, nous devons éviter d'alimenter les psychoses.
Cette séance s'organisera en deux temps – et je remercie dès à présent M. Gabouty, qui me succédera au fauteuil de la présidence.
Après l'intervention liminaire du Gouvernement et du représentant de la commission des affaires sociales, pour une durée de huit minutes, chacun des groupes disposera de cinq minutes – trois minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe –, à raison d'un orateur par groupe. Il s'agit là de la formule classique suivie par le Sénat.
Nous procéderons ensuite à un débat interactif de quinze questions-réponses.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à vous dire ma fierté de me trouver devant vous ce soir pour débattre avec vous et tenter de répondre à vos interrogations, que j'imagine nombreuses, face à la menace inédite que connaît notre pays. Cette menace appelle, de la part du Gouvernement, de la rigueur, beaucoup de rigueur, et de la transparence, beaucoup de transparence.
Le ministère qui m'est confié et, au-delà, l'ensemble du Gouvernement se mobilisent face à cette situation exceptionnelle. Je laisserai chacun juge de la rigueur des décisions prises et des actions engagées ; mais me voici devant vous pour la transparence.
Je salue devant cet hémicycle la mobilisation exceptionnelle des professionnels de santé, qui sont en première ligne, qui rassurent nos concitoyens et les prennent en charge de A à Z chaque fois que la situation l'exige, quel que soit le point du territoire national concerné.
Saluer le dévouement et le professionnalisme des soignants, c'est déjà rassurer les Français. Je le dis à nos concitoyens : nous avons la chance de pouvoir compter, en France, sur les meilleurs médecins et les meilleurs soignants du monde. Et si c'est par gros temps que l'on reconnaît les bons marins, je peux vous assurer que tous les professionnels de santé que j'ai rencontrés ces derniers jours m'ont impressionné par leur réactivité, leur sang-froid et leur sens du devoir.
À travers vous, je salue également tous les élus. Je sais combien ils sont sollicités, dans tous les territoires, par des citoyens inquiets pour eux, inquiets pour leurs enfants, inquiets pour leurs proches.
Une crise sanitaire mondiale touche notre territoire depuis quelques semaines. Notre responsabilité collective, c'est de protéger nos concitoyens, c'est de garantir le bon fonctionnement de notre système de santé.
Je vous confirme que notre système de santé est prêt et que notre vigilance est à son plus haut niveau.
Depuis le 7 janvier dernier, date à laquelle le virus a été séquencé, Santé publique France mène une veille quotidienne automatique et syndromique très aboutie. Le 22 janvier, le centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales, le Corruss, a été placé en vigilance renforcée et, le 27 janvier, nous avons constitué un centre de crise sanitaire.
Depuis, nos équipes sont mobilisées jour et nuit pour suivre l'évolution de l'épidémie et adapter notre réponse. Le Corruss suit, minute par minute, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, l'évolution de la situation en France et dans le monde. Permettez-moi de saluer l'engagement de tous ses membres. Le Président de la République s'est rendu hier au ministère des solidarités et de la santé pour saluer ces équipes, qui, avec beaucoup de détermination, accomplissent un travail minutieux, en liaison avec l'ensemble des professionnels de santé de notre territoire.
Le caractère global du Covid-19 requiert une coordination globale et un dialogue étroit entre les États. Nous travaillons donc en interaction avec les experts de l'Union européenne, le siège de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le G7 santé.
Pour l'instant, et c'est heureux, nous avons réussi à nous prémunir de la machine à créer de la confusion et de la panique. Mais j'appelle chacun à la responsabilité et à la vigilance, parce que la floraison de rumeurs serait dangereuse en pareilles circonstances.
C'est la raison pour laquelle nous développons une information large à destination des professionnels de santé : ces derniers jouent un rôle majeur pour faire oeuvre pédagogique.
Le site DGS-urgent, destiné aux professionnels de santé, compte déjà plus de 800 000 abonnés, qui reçoivent notamment les guides et les fiches techniques régulièrement actualisés.
Toutes les agences sanitaires sont mobilisées : Santé publique France, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'Agence de la biomédecine, l'Établissement français du sang (EFS). Les établissements référents sont désormais plus de 140, répartis sur tout le territoire : il n'y a pas un département français qui ne dispose d'un hôpital à même d'accueillir, de A à Z, des patients.
Les tests de diagnostic biologique dits PCR ont, quant à eux, été disponibles très rapidement grâce à l'Institut Pasteur.
Par ailleurs, nous tenons des points-presse quotidiens. Le directeur général de la santé a réalisé aujourd'hui le sien à dix-neuf heures quinze, comme nous en avons pris l'habitude, pour donner une information parfaitement transparente quant à l'évolution de la crise sanitaire.
Si nous assurons cette information quotidienne, c'est parce que la transparence est essentielle, parce que la situation reste très évolutive, à l'étranger comme en France.
À l'heure précise où je vous parle, 90 663 cas ont été recensés dans le monde et 45 000 des personnes concernées ont guéri. Si l'on compte désormais plus de soixante-cinq pays touchés, 90 % des patients se trouvent en Chine. Mais, aujourd'hui, la dynamique internationale se situe ailleurs : le nombre de cas croît neuf fois plus vite hors de Chine que dans ce pays.
À ce jour, la France est au stade 2, et notre objectif principal est de freiner la propagation du virus sur le territoire national.
Je vous rappelle les trois stades définis.
Au cours du stade 1, que nous avons connu, nous mettons tout en oeuvre pour empêcher l'entrée du virus sur le territoire. Lorsqu'il est entré, aux Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie, une équipe d'intervention pluridisciplinaire s'est rendue sur place pour effectuer toutes les enquêtes, tous les tests de diagnostic nécessaires, isoler les personnes contaminées et éviter que la transmission ne s'amplifie.
Au cours du stade 2, auquel nous sommes, le virus est entré sur le territoire. Nous y observons les premières transmissions interhumaines, parfois avec des regroupements de cas. C'est ce que l'on a pu appeler des « clusters », mais je préfère éviter cet anglicisme et parler de « zones de circulation active du virus ». Les chaînes de contamination entre les personnes testées positives au virus sont recherchées systématiquement. Le but est de freiner l'apparition de l'épidémie.
Au cours du stade 3, dont nous aurons sans doute l'occasion de parler ce soir, et qui n'est pas atteint, en tout cas pas encore, l'épidémie est répandue sur le territoire et les chaînes de contamination ne sont plus identifiables au cas par cas.
Au total, quatre zones territoriales sont particulièrement touchées : une zone dans l'Oise, une zone en Haute-Savoie, une zone dans le Morbihan et une zone dans le Haut-Rhin.
Pour plus de 75 % des cas, la chaîne de transmission virale peut être identifiée. L'objectif principal est donc de ralentir la propagation du virus en protégeant les zones qui ne sont pas touchées ou qui le sont peu. Ainsi, l'on obtient, à l'échelle de la France, une carte mosaïque. Certaines zones sont encore au stade 1, comme la Corse et les territoires ultramarins où aucun cas n'a encore été confirmé. D'autres territoires sont au stade 2. Parmi eux, certains présentent une faible activité dynamique virale quand d'autres, notamment les quatre zones que je viens de citer, connaissent, eux, une dynamique active de transmission du virus.
Désormais, la priorité doit aller aux mesures déployées autour du malade, pour le protéger et protéger ses proches.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout le monde doit montrer l'exemple, et il ne sera ni inutile ni fastidieux de rappeler devant votre assemblée les gestes qui constituent une barrière efficace contre la propagation et le risque de contracter le virus du Covid-19 : se laver régulièrement les mains, si possible toutes les heures ; tousser et éternuer dans son coude plutôt que dans sa main ; utiliser des mouchoirs à usage unique ; ne plus se serrer la main, pour quelque temps, hélas ! ; appeler le 15 en cas de symptômes, ne pas se rendre chez son médecin généraliste, ne pas se rendre soi-même aux urgences ; et ne porter un masque qu'en cas de maladie – nous aurons sans doute l'occasion de reparler des masques au cours de ce débat.
Au quotidien – je pense en particulier à la vie professionnelle –, tout le monde doit se sentir concerné. L'erreur serait de regarder ces recommandations avec détachement. Ces gestes simples sont des pratiques et des réflexes qui rendent chacun acteur de sa santé et de celle des autres.
Nous disons oui aux gestes simples, mais non aux discours simplistes. À cet égard, je rappelle que les frontières géographiques n'ont pas de sens quand il est question d'une épidémie et qu'en la matière seule compte la zone de diffusion du virus. L'Organisation mondiale de la santé a d'ailleurs utilement signalé que la fermeture des frontières ne constituait en rien une mesure de santé efficace. La semaine dernière, à Rome, j'ai rencontré six de mes homologues européens, notamment les ministres de la santé allemand, autrichien, italien et croate. Aucun d'eux n'avait l'intention de fermer les frontières de quelque manière que ce soit. Nous l'avons reconnu de manière unanime : il ne s'agit même pas d'une fausse bonne idée, mais d'une idée fausse mauvaise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le choix du Gouvernement, c'est d'être transparent dans l'information et déterminé dans l'action. L'enjeu, c'est la santé des Français et notre cohésion sociale.
Nous vivons un moment historique ; un moment où ce que l'on croyait appartenir à un passé lointain ressurgit et interroge notre capacité collective à faire face.
Nous ferons face, grâce à nos professionnels de santé, grâce au sens des responsabilités de chacun, parce que les solidarités se mesurent aussi et peut-être même d'abord dans l'adversité.
L'information, l'anticipation et la prévention sont les outils les plus efficaces pour lutter contre l'épidémie.
Toutes les activités essentielles à la vie des Français doivent pouvoir se poursuivre. C'est le cas dans les secteurs de l'énergie, de l'eau, du recyclage des déchets, ou encore des transports.
Je l'ai dit et je le répète : notre système de santé est prêt à affronter cette épidémie, mais la mobilisation de chacun est requise. Cette mobilisation permettra de ralentir la propagation du virus, et donc de limiter les effets de cette épidémie sur le fonctionnement de notre système de santé et sur la vie de nos concitoyens.
Il y a une inquiétude en France. Cette inquiétude est légitime. Je l'entends, je la comprends et j'y apporte quotidiennement le maximum de réponses. Nous sommes prêts, nous sommes mobilisés et nous avons plus que jamais l'esprit de responsabilité qui permet de vaincre toutes les menaces ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, Les Indépendants, UC, Les Républicains et SOCR.)
(…)
- Débat interactif -
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé. Cette possibilité, monsieur le ministre, n'est pas offerte au Gouvernement…
(M. Jean-Marc Gabouty remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
M. le président. Dans le débat interactif, la parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L'arrêt de la production de médicaments en Asie, particulièrement en Chine, n'entraîne pas encore de ruptures de stocks, mais, selon les spécialistes du secteur, si les autorités maintiennent les interdictions d'aller travailler pendant six mois, des difficultés d'approvisionnement en médicaments pourraient se faire jour. En cas de pic, le risque de pénurie concerne également les appareils respiratoires, nécessaires aux patients les plus fragiles.
La direction générale de la santé a confié à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé le soin de piloter la gestion de la situation. Si, pour l'heure, l'ANSM n'a pas constaté de tensions particulières, n'est-il pas temps, avant qu'il ne soit trop tard, d'activer la production des médicaments jugés indispensables par les professionnels de santé par la pharmacie centrale des armées ou l'agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, afin de garantir la continuité des médicaments pour les patientes et patients ?
Alors que la question de la production des médicaments se pose au-delà du coronavirus, que pensez-vous, monsieur le ministre, de la solution que nous proposons ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Laurence Cohen, je vous remercie de votre question, qui porte sur l'accessibilité des médicaments et la crainte de pénuries.
J'ai déjà répondu au Sénat en ce qui concerne l'accès au médicament. Je vous confirme que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui vérifie au jour le jour que l'accès aux médicaments est garanti sur tout le territoire national, ne nous a pas alertés à ce stade. Je surveille de très près la situation en matière d'antibiotiques injectables, des médicaments particulièrement précieux en cas de pénurie.
J'ai reçu des représentants du secteur pharmaceutique pour savoir s'ils avaient connaissance de signaux faibles ou forts établissant un risque de pénurie. À ce stade, madame la sénatrice, la réponse est négative.
Faut-il recréer une chaîne de production en France ? Clairement, oui.
Mme Sonia de la Provôté. C'est certain !
M. Loïc Hervé. Évidemment !
M. Olivier Véran, ministre. Nous ne pouvons pas rester totalement dépendants en matière d'accès aux médicaments : nous avons besoin d'autonomie, a minima européenne. Au demeurant, il serait illusoire de vouloir avoir toutes les chaînes de fabrication en France, sans compter que cela supposerait d'implanter sur le territoire national un grand nombre de sites Seveso – nous parlons d'une industrie chimique lourde.
Une stratégie européenne est nécessaire pour réindustrialiser le pays, notamment à travers la filière de la fabrication des médicaments, mais cela prendra du temps : il faut deux ou trois ans, au moins, pour ouvrir une chaîne de fabrication de médicaments. Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et moi-même, avec l'ensemble de nos collègues concernés, sommes déterminés à agir, étant entendu que notre dépendance à l'égard des pays d'Asie est totale aussi en ce qui concerne les matières premières. Nous avons démarré cette réflexion tambour battant, et, vous avez raison, la crise du coronavirus nous oblige à aller encore plus vite.
Bref, madame Cohen, il n'y a pas de pénurie à ce stade, et nous surveillons la situation de très près.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Quid des appareils respiratoires ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Lorsque nous avancions cette proposition devant les ministres Touraine et Buzyn, nous recevions en général une fin de non-recevoir… J'apprécie donc votre réponse, monsieur le ministre, qui marque une petite ouverture. Au-delà de la pénurie de médicaments, c'est l'indépendance de la France qui est en jeu. Agir via l'Ageps serait un premier pas vers la création, que nous appelons de nos voeux, d'un pôle public du médicament et de la recherche aux échelons français et européen. Votre réponse, monsieur le ministre, ouvre une porte : discutons-en ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Michelle Gréaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Les liaisons aériennes et maritimes sont les premiers vecteurs de propagation du virus à l'échelle mondiale. À l'intérieur de nos terres, les lignes ferroviaires, les métros et les RER sont également des zones à haut risque.
Nous savons que la propagation du virus se fait à 80 % par contact manuel ou par l'intermédiaire d'un objet contaminé. Aussi les salariés des entreprises de transport et les usagers des transports sont-ils exposés à un risque de contamination particulièrement important.
Or, actuellement, les entreprises de transport ne disposent pas de protocoles communs par mode de transport pour limiter le risque. Dans ces conditions, nous savons que de nombreux salariés feront le choix d'exercer leur droit de retrait, si l'approvisionnement en masques de protection FFP2 et en gels hydroalcooliques n'est pas assuré dans la durée. Au-delà de l'aspect sanitaire, les conséquences économiques pour certaines compagnies terrestres, maritimes ou aériennes se mesurent déjà en centaines de millions d'euros.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons faire l'impasse sur la prévention du risque d'infection dans les transports, car cela conduirait à la paralysie de notre pays. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour garantir une protection efficace aux salariés des entreprises de transport en commun ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Les mêmes, monsieur le sénateur Joël Guerriau, que pour l'ensemble des Français : les gestes barrières, déjà évoqués, consistant à se protéger soi-même et à protéger les autres en évitant les contacts physiques, comme les poignées de mains, en utilisant des mouchoirs à usage unique et en éternuant dans son coude, entre autres.
Autant ces mesures sont utiles, autant le port du masque, dans la population générale, ne l'est pas. D'après l'Organisation mondiale de la santé, pour avoir un début de réduction du risque de contamination, il faudrait que 60 % de la population totale porte un masque en permanence : alors seulement on observerait une petite inflexion de la courbe… On en est évidemment très loin, et ce n'est pas un objectif souhaitable.
De fait, aucune recommandation, nationale ou internationale, ne concerne le port du masque. Encore moins le masque FFP2, qui doit servir à des soins invasifs comme des aspirations trachéo-bronchiques chez des malades infectés ou des patients atteints d'une maladie transmissible par voie aérienne, comme la tuberculose. Ces masques à haute spécialité sont destinés à des soins profonds chez des patients atteints d'une maladie grave et transmissible en milieu hospitalier.
Même les masques chirurgicaux ne sont pas indiqués pour les conducteurs de transport dont vous avez parlé. À cet égard, nous avons fait le choix, comme nos voisins, de ne pas paralyser la vie économique et sociale de notre pays, mais de mettre en place les mesures individuelles et collectives adaptées pour faire face à la menace épidémique.
Quant au droit de retrait, utile en cas de menace grave et imminente pour soi-même, il n'est pas une notion subjective : on ne doit pas déterminer qu'on se sent en danger par rapport à une probabilité d'infection. À mon sens, donc, ce droit ne s'applique pas dans la situation présente ; il y a, du reste, une jurisprudence qui le confirme.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. En cas de rupture d'approvisionnement, les personnes les plus exposées eu égard à leur activité, comme les hôtesses de l'air, devront être prioritairement protégées. Il me paraît important de répondre aux inquiétudes qui existent à cet égard, puisque, aujourd'hui déjà, les personnels interrogent leur compagnie sur les mesures prévues pour les garantir.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Élu de Haute-Savoie, un département frappé par cette maladie avant tous les autres, je sais combien nous pouvons être fiers de notre système de santé et des professionnels de terrain qui l'incarnent.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les mesures que vous entendez prendre dans les jours et les semaines qui viennent.
Ce soir, avec 3 000 personnes infectées et plus de 100 morts, nos voisins italiens viennent de décider la fermeture des écoles et des universités jusqu'au 15 mars dans tout le pays. Sans parler des mesures prises par Israël. En France, nous considérons manifestement ces mesures comme excessives. Alors, expliquons pourquoi. Tel est, je crois, l'intérêt d'un tel débat.
Dans mon département, dix nouveaux cas ont été diagnostiqués aujourd'hui. J'ai le sentiment que, désormais, l'épidémie ne pourra plus être contenue dans les seuls clusters et qu'elle risque de se généraliser. Si tel était le cas, nous passerions au stade 3, dans lequel des mesures nationales ou locales d'une tout autre ampleur sont prévues.
Les 15 et 22 mars prochain, l'ensemble de nos concitoyens adultes pourront désigner leurs élus dans les conseils municipaux. Parlons clair : je ne souhaite pas le report des élections municipales. Toutefois, monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour qu'elles se déroulent dans le climat de quiétude qui sied à l'exercice d'une telle liberté publique ? Les 35 000 maires, qui organisent ces élections, attendent d'être rassurés !
Par ailleurs, je vous en supplie : par tous les moyens, gardez l'entière maîtrise de la communication. (Mme Catherine Morin-Desailly opine.) Car, dans une période où l'inquiétude est légitime, chacun se prend pour un médecin et y va de sa proposition, de sorte qu'on aboutit à un véritable concours Lépine… Seule une communication régulière du Gouvernement à votre niveau et de votre part me paraît pouvoir répondre aux inquiétudes de nos compatriotes.
Mme Michèle Vullien. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, je vous confirme que, derrière chaque décision de politique publique que je prends comme ministre, il y a des blouses blanches : toutes les décisions sont concertées.
Personne ne peut se dire lui-même expert. Précédemment, l'une de vos collègues – je ne sais si elle appartient au Front national ou à Debout la France – a parlé d'abondance, se plaçant quasiment dans la position d'une experte. Mais l'expertise médicale, c'est quelque chose de très sérieux !
Toutes les décisions de politique publique que nous prenons sont justifiées par des faits avérés, démontrés et publiés. Nous travaillons en concertation avec l'ensemble de nos collègues dans le monde entier pour prendre des décisions raisonnables. Ce qui ne veut pas dire qu'elles sont simples à comprendre, ni uniformes.
L'uniformité n'est d'ailleurs pas indispensable, dans la mesure où nous faisons face à des situations très particulières, territoire par territoire. Vous-même, sénateur de Haute-Savoie, avez une partie de votre département où le virus circule activement, ce qui justifie des mesures très spécifiques ; d'autres mesures sont prises pour la périphérie de ce secteur, d'autres encore sont déterminées au plan national.
On peut toujours discuter des critères, comme le seuil de 5 000 personnes pour l'interdiction des regroupements. Ce seuil est celui à partir duquel un événement doit être déclaré en préfecture, ce qui permet de décider d'une interdiction. En tout cas, la rationalité des décisions est avant tout scientifique et médicale, sans mauvaise politique. Je remercie d'ailleurs les orateurs d'avoir montré que l'union nationale est possible sur un sujet comme celui-ci, ce qui est important pour les soignants.
Nous avons parlé de la vie économique et de la vie sociale de notre pays ; la vie démocratique aussi est importante. À cet égard, les experts de santé publique ne nous opposent aujourd'hui aucun argument pouvant conduire à suspendre ou repousser les élections municipales.
Je souhaite que nous utilisions l'occasion des élections municipales pour faire de la prévention. À ce titre, j'ai proposé que, dans chaque commune, un panneau électoral soit consacré à l'affichage des « gestes barrières », et que du gel hydroalcoolique soit disponible à l'entrée de tous les bureaux de vote. Ces locaux ne se trouvent pas dans la situation de rassemblements en milieu confiné de plus de 5 000 personnes. En effet, même si la mobilisation était très forte, une telle affluence apparaît absolument impossible. Donc, les élections municipales se tiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Je remercie M. le ministre de ses réponses. S'agissant des élections municipales, il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre de nos concitoyens vont vouloir accomplir leur devoir d'électeur dans des lieux qui seront confinés.
Se pose également la question des personnes malades qui ne pourront pas sortir de l'hôpital pour aller voter, ce qui soulève une vraie difficulté s'agissant d'une liberté publique.
Enfin, si nous vivons une situation « à l'italienne » le 15 ou le 22 mars, l'inquiétude en France sera d'une tout autre nature qu'aujourd'hui, et sans parler du report des élections, je vous demande avec insistance que les élus soient accompagnés et rassurés, afin que les élections se déroulent dans des conditions acceptables.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, monsieur le ministre, en dehors de la Chine, 79 pays ont signalé des cas. Les cinq continents sont concernés. Nos compatriotes établis en Chine, à Singapour, en Corée du Sud, en Iran, en Italie et dans bien d'autres pays, subissent les restrictions qui y sont imposées.
Certains ont fait le choix d'être rapatriés. D'autres sont restés, par solidarité avec les habitants du pays qui les accueille… Certains lycées français ferment leurs portes par mesure de précaution. L'activité économique est ralentie et certains de nos compatriotes sont soit licenciés, soit priés de prendre leurs congés sans savoir jusqu'à quand.
C'est dans ces périodes que l'on se rend compte de l'importance du rôle de nos conseillers des Français de l'étranger, qui agissent conjointement avec les ambassadeurs et les consuls pour prendre en mains la sécurité sanitaire de nos compatriotes.
Par ailleurs, le classement des pays à risques est surprenant. Certains pays, tels que Singapour, font l'objet d'une stigmatisation, alors qu'ils sont transparents, à l'inverse d'autres qui ne publient pas leurs chiffres et ne font donc pas l'objet de restrictions.
Le 28 février, nos compatriotes inscrits sur le dispositif Ariane ont reçu un message relatif au coronavirus indiquant : « À ce stade, plusieurs centaines de décès sont recensés à Singapour, le bilan étant en constante augmentation. » En réalité, après que 112 cas avérés ont été enregistrés, 79 sont rentrés chez eux ; à ce jour, seules 33 personnes sont hospitalisées, et aucun décès n'est à déplorer. Nous sommes loin des chiffres annoncés, mais la panique provoquée par ce message, avec ses centaines de décès annoncés, a été bien réelle !
Certes, un démenti a été effectué, mais le mal était fait. Le climat de psychose ainsi créé aura sans nul doute laissé des conséquences sur nos relations diplomatiques et commerciales.
Dans ce contexte, il est indispensable de réactualiser régulièrement la liste des pays à risques et le stade de développement de l'épidémie en tenant compte de l'évolution du nombre de cas toujours actifs. Par exemple, Singapour, qui a été classé « orange » avec 112 cas et qui n'en a plus que 33 aujourd'hui, est toujours classé « orange ».
Alors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles mesures sont envisagées pour soutenir nos compatriotes établis hors de France et obtenir que la liste des pays à risques soit réajustée régulièrement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Claudine Kauffmann applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question qui a trait principalement à la situation des Français de l'étranger.
Je le rappelle, deux avions ont pu rapatrier les Français qui se trouvaient dans les régions qu'on appelait à l'époque les « zones rouges » – les zones rouges et orange ont disparu et sont devenues « les zones de circulation active du virus à l'étranger ». Ces Français sont revenus dans de bonnes conditions de rapatriement – la France peut s'enorgueillir du rôle qu'elle a joué à cet égard –, en étant placés en quarantaine, plus exactement « en quatorzaine », dans des villages vacances, car de nombreux enfants étaient présents. Ces ressortissants ayant été soumis à un stress élevé, il était essentiel de leur garantir le confort à leur retour.
Il est un certain nombre de pays dans lesquels les Français expatriés n'ont pas sollicité de rapatriement. C'est par exemple le cas de la Corée du Sud : nous n'avons pas reçu de demandes massives de rapatriement, alors que le virus circule activement. Des messages de prévention sont adressés à ces Français, comme à tous nos compatriotes présents à l'étranger.
À l'inverse, les Français sont invités, durant la période d'incertitude, à limiter leurs déplacements et à éviter de se rendre hors de l'Union européenne, et ce pour la raison que vous avez évoquée, madame la sénatrice : un certain nombre de pays n'ont pas pris pleinement la mesure de la situation sanitaire – j'ai ce soir une pensée pour nos ressortissants français qui se sont rendus en Égypte dans le cadre d'un voyage organisé ; sur 22 voyageurs, 8 ou 9 sont positifs au coronavirus, alors qu'un seul cas avait été déclaré par les autorités égyptiennes.
J'invite donc chacun à faire preuve de prudence dans ses déplacements. Pour cela, les recommandations sont actualisées par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, jour après jour, parfois même heure après heure.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, au 4 mars, 12 cas de personnes testées positivement au coronavirus Covid-19 ont été recensés dans le département de l'Aisne, dont, dans ma propre commune, un homme âgé de 56 ans, transporté par les pompiers au centre hospitalier de Laon alors qu'il se trouvait en insuffisance respiratoire.
Mon interrogation porte sur les conditions de prise en charge des malades identifiés dans les départements ruraux comparables à l'Aisne, éloignés d'un centre hospitalier universitaire. La situation de notre pays exige unité, coordination, totale transparence et confiance dans notre système de santé. Toutefois, nous savons tous que notre système hospitalier est en difficulté, parfois déstabilisé.
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que dans tous les départements, y compris ceux qui ont les structures hospitalières les moins développées, les moyens humains et matériels sont bien en place pour accueillir les premiers malades et faire face, peut-être prochainement, au stade 3 de l'épidémie ?
Ma seconde question porte, en miroir, sur la médecine de ville, appelée, pour ne pas engorger les hôpitaux, à prendre en charge les malades atteints par des formes bénignes. Les médecins généralistes sont prêts à assumer cette responsabilité.
Néanmoins, ceux avec lesquels j'étais en contact ce matin, au-delà des nombreux mails d'information qu'ils ont reçus, n'étaient toujours pas destinataires de masques de protection. Je me fais ici l'écho de leur sentiment d'abandon et de leur impression que, par rapport à la communication, les actes ne suivent pas !
La question se pose également, et vous avez répondu en partie, monsieur le ministre, du type de masque à utiliser : chirurgical ou FFP2. À ce propos, j'insiste sur les demandes de certains syndicats de médecins. Quelle est la stratégie développée pour la médecine de ville, en particulier dans les territoires ruraux ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, votre question est double.
En premier lieu, les hôpitaux sont-ils prêts aux quatre coins du territoire ? Je l'ai dit, désormais plus de 150 hôpitaux sont capables de prendre en charge les patients de A à Z, avec au moins un établissement de santé dans chaque département français, parce que la continuité territoriale de l'accès aux soins en période épidémique est essentielle.
À côté des hôpitaux, il faut considérer la prise en charge pré-hospitalière, notamment avec les transports sanitaires qui remplissent une mission importante.
En second lieu, la médecine de ville est mise à contribution, qu'il s'agisse des médecins, des infirmières et de l'ensemble des professionnels paramédicaux exerçant en secteur libéral, pour nous aider, aujourd'hui et encore plus demain, si l'épidémie se confirme. En effet, nombre de patients sont hospitalisés aujourd'hui non pas en raison de leur état de santé, mais parce que, testés positifs au virus, leur isolement est ainsi garanti. Demain, ils seront traités par la médecine de ville et pourront ensuite retourner chez eux.
Il apparaît donc fondamental que la médecine de ville soit préparée. À cette fin, j'étais hier au téléphone avec Patrick Bouet, président du Conseil national de l'ordre des médecins. Je lui ai demandé que des protocoles extrêmement précis permettent aux médecins libéraux de savoir à quel moment, et sur quels indicateurs cliniques, il convient d'adresser des patients à l'hôpital lorsque l'épidémie passera au stade 3.
Le coronavirus n'est pas le virus de la grippe, même si l'on constate certaines similitudes. Un certain nombre de facteurs doivent alerter sur la nécessité d'hospitaliser des patients, alors même qu'ils ne présentent pas forcément de symptômes graves.
Sur l'équipement des médecins, je complète ma réponse en indiquant que les masques chirurgicaux et anti-projections continuent à être livrés dans les officines. Nous avons progressivement privilégié des territoires, tels que l'Oise, là où la circulation du virus se révèle la plus active.
Monsieur le sénateur, je déplore que de nombreuses personnes non éligibles au port du masque, car non soignantes et sans aucune fragilité physique avancée, aient stocké des masques, au cas où. Quand on veut créer les conditions de la pénurie, on se précipite tous au même moment pour acheter un produit…
Il n'y a pas de pénurie. En revanche, des voies d'acheminement apparaissent progressivement, de façon adaptée, car il nous faut maintenant gérer nos stocks de masques « en bons pères de famille », si j'ose dire, afin de traverser une épidémie dont la durée est incertaine, tout en garantissant la protection systématique des soignants et des personnes les plus fragiles.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous saluer, car c'est la première fois que je m'adresse à vous officiellement, dans des circonstances loin d'être les meilleures… Cela dit, nous aurons d'autres occasions de discussion une fois que la crise sera passée, notamment sur la question des plantes médicinales et de leurs produits dérivés. (Ah ! et sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, je représente le Morbihan, un département particulièrement touché par le coronavirus, avec à ce jour 17 malades, dont un est décédé – cinq autres cas viennent d'être enregistrés selon les toutes dernières informations.
Deux arrêtés préfectoraux pris le lundi 2 mars ont restreint fortement les activités et l'ouverture des lieux publics dans le département jusqu'au 14 mars, en lien avec les mesures sanitaires prises par le Gouvernement : interdiction de tout rassemblement public, fermeture des cinémas, des théâtres, des discothèques, des administrations et, sur la zone du cluster, des établissements scolaires, des marchés et des piscines, etc.
Tout d'abord, si ces mesures visent à contenir au maximum l'épidémie – on ne peut que s'en réjouir –, nous sommes confrontés à un certain nombre d'incompréhensions légitimes de la part de nos concitoyens. Pourquoi fermer un marché, alors que le centre commercial bondé est ouvert ? Pourquoi les boîtes de nuit sont-elles fermées, mais pas les bars de nuit ? Pourquoi la piscine de Vannes est-elle ouverte, mais pas celle de Lorient ?
Je n'entrerai pas dans le détail, mais force est de constater que, si l'on essaie de prendre les mesures qui conviennent, elles ne sont pas toujours acceptées ou comprises par la population. Nous assistons même à des mouvements de panique, la psychose ayant d'ailleurs provoqué l'engorgement du 15, avec 4 200 appels comptabilisés hier au centre hospitalier de Vannes, soit trois fois plus qu'une journée normale. Cette surcharge a évidemment une incidence sur la prise en charge des vraies situations d'urgence.
Nous nous acheminons sans aucun doute vers le stade 3. Monsieur le ministre, dans ce contexte, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour freiner la propagation du virus, tout en rassurant la population ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Le Morbihan fait effectivement partie des départements où la circulation du virus est la plus active, de sorte qu'un certain nombre de mesures de restrictions collectives ou individuelles y ont été prises.
Les mesures nationales, vous les connaissez, puisque je les ai citées. Elles sont assorties d'une adaptation locale, je l'ai dit aussi, émanant des préfets ou des directeurs généraux des ARS, parfois des recteurs, et visant à contenir des zones qui, sans cela, risqueraient de faciliter la circulation du virus.
Pour autant, je vous rejoins sur le fait que certaines décisions locales paraissent manquer par endroits de clarté. Ce sujet a été abordé ce matin au cours du Conseil national de défense auquel j'ai participé, en présence du Président de la République et du Premier ministre. Je peux vous informer qu'une instruction sera adressée dès demain aux responsables des services de l'État dans l'ensemble des territoires, afin de rappeler les doctrines et d'harmoniser les pratiques.
À mes yeux, l'information est la base de la prévention, comme la confiance de nos concitoyens, d'autant que certaines décisions, bien que justes, se révèlent complexes à appréhender et à comprendre. Essayons d'en rester aux décisions qui sont en l'état absolument nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier, l'épidémie de Covid-19 a franchi la barre des 90 000 personnes infectées dans le monde et celle des 3 000 morts. Alors que le nombre de nouveaux cas quotidiens n'a jamais été aussi bas en Chine, le berceau de l'épidémie, les autres pays voient la maladie se propager comme une traînée de poudre.
En France, plus de 285 cas sont confirmés et quatre personnes sont décédées.
Dès l'annonce, par l'OMS, des premiers cas suspects dans la ville de Wuhan au début du mois janvier, le consortium REACTing a été mobilisé pour assurer le partage d'informations scientifiques et coordonner l'effort de recherche français.
Pour rappel, le consortium REACTing est un consortium multidisciplinaire rassemblant des équipes et laboratoires d'excellence, afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes.
Pour aller encore plus loin, je vous indique que le consortium a identifié plusieurs axes de recherche : le suivi et la modélisation de l'épidémie, la caractérisation du virus, la mise en place et l'amélioration des techniques de diagnostic, ainsi que les pistes thérapeutiques.
Afin d'accompagner le développement de ces programmes de recherches, Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et M. le ministre des solidarités et de la santé ont engagé un demi-million d'euros pour renforcer les moyens déjà engagés par les laboratoires de recherche depuis l'apparition du coronavirus. Ce montant sera ensuite complété par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (Mesri) à hauteur de 2 millions d'euros, soit un engagement total de l'État de 2,5 millions d'euros.
Cette épidémie touche aujourd'hui tous les continents et, partout dans le monde, les scientifiques spécialisés en épidémiologie étudient son évolution et son éventuelle mutation.
Monsieur le ministre, vous avez montré votre volonté d'accompagner les chercheurs français. Pour autant, sachant que cette épidémie ne connaît pas de frontière, pouvez-vous attester d'une volonté commune, à ce jour, de développer une coopération médicale européenne, voire mondiale, pour pallier la propagation de cette épidémie ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question qui porte sur la stratégie de recherche et l'engagement de la France dans la lutte contre le coronavirus.
Le séquençage du génome du coronavirus a été réalisé en France par l'Institut Pasteur, qui travaille, avec d'autres acteurs de la recherche, au développement d'un vaccin. On le sait, ce vaccin ne sera pas disponible avant un certain temps, au minimum un an.
Il faut donc accentuer et accélérer la recherche non seulement pour trouver un vaccin, mais aussi afin d'identifier des traitements – plusieurs pistes sont actuellement explorées, notamment celle des antiviraux – pour ralentir la maladie, ou tout au moins pour en freiner les formes graves, et apporter des soins aux patients.
Demain, le Président de la République réunira un conseil de recherche avec le consortium REACTing, qui est coordonné par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et placé sous l'égide de l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan). Ce consortium a été mobilisé pour assurer le partage d'informations scientifiques et coordonner l'effort de recherche français. Je participerai au conseil de recherche durant lequel nous soutiendrons de nouveau la recherche – vous le constaterez demain après-midi.
Par ailleurs, s'agissant des relations internationales en matière de recherche, on est évidemment beaucoup plus forts quand on est nombreux. Mais il faut que chaque participant effectue une recherche différente et partage ensuite ses données. C'est ainsi que nous avancerons et multiplierons nos chances d'aboutir à un résultat.
Ces recherches en vue d'un traitement feront notamment l'objet des discussions auxquelles je participerai vendredi à Bruxelles lors du conseil Emploi, politique sociale, santé et consommateurs (Epsco) qui réunira les ministres européens de la santé pendant plusieurs heures. L'engagement de l'Europe en la matière est particulièrement remarquable.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté.
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la protection des médecins généralistes, qui déplorent le manque de considération des autorités de santé. Or nous allons entrer dans une phase où l'essentiel de la prise en charge va reposer sur eux, avec un report de l'hôpital vers la médecine de ville. Celle-ci sera en première ligne pour gérer l'épidémie.
Les consignes restent peu claires sur la façon de prendre en charge les malades sans risquer d'être contaminé ou de propager ensuite le virus. Depuis un changement récent, la doctrine prescrit désormais la protection par des masques chirurgicaux FFP1 destinés aux généralistes, et non par les masques FFP2 réservés, eux, exclusivement aux hôpitaux. Cela nous interpelle à juste titre !
En outre, les médecins libéraux ne savent pas précisément à combien de masques ils ont droit, et la distribution a tout juste commencé hier. Ils veulent être protégés avec certitude, mais, à ce jour, on ne peut exclure les contaminations de médecins sur le terrain. Or rien ne garantit l'entière efficacité des « masques bavettes » pour protéger du coronavirus.
Ce choix repose sur l'avis de sociétés savantes et sur un article du Journal of the American Medical Association (JAMA) dont l'étude, certes intéressante, a concerné un nombre très insuffisant de cas pour mettre en évidence une preuve scientifique irréfutable. De plus, l'étude portait sur le virus de la grippe, dont la létalité reste très inférieure à celle qui est liée au coronavirus.
Les médecins doivent donc avoir l'assurance que ce changement de doctrine n'est pas adossé à une réalité pratique, celle de la pénurie de masques FFP2, d'autant plus que, lors de l'épisode de la grippe H1N1, je le rappelle, ce sont bien ces masques-là qui leur avaient été distribués.
Ils ont besoin d'un discours de vérité et de transparence concernant cette pénurie. C'est une question de confiance entre eux et les pouvoirs publics.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les décisions prises avec les industriels français ? Des masques FFP2 sont-ils prévus pour eux, une fois la pénurie hospitalière compensée ? Et dans combien de temps ?
Vous serez sans doute d'accord avec moi : il est impossible, au nom du principe de précaution, de prendre le risque que les médecins libéraux ne soient pas intégralement protégés. Si eux sont touchés, c'est toute la prise en charge de l'épidémie qui s'effondre ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vais compléter la réponse que j'ai donnée sur les masques. Vous avez cité l'article du JAMA, qui n'est pas une petite revue scientifique : c'est l'une des plus renommées au monde. Selon cet article, il existe plusieurs voies de transmission possibles : la voie aérienne, comme dans le cas de la tuberculose, nécessite des mesures particulièrement drastiques de confinement et de protection du visage ; d'autres virus tels que le coronavirus sont transmis par gouttelettes.
Pourquoi ne faut-il pas se serrer les mains ? Parce que la main est le premier vecteur de transmission, puisqu'on se touche le visage environ 60 fois par heure sans s'en rendre compte ; en serrant la main de quelqu'un, on lui transmet les germes que l'on a.
L'autre voie de contamination résulte des projections de postillons, si on reste quinze à vingt minutes à moins d'un mètre d'une personne malade.
Conformément à l'étude du JAMA, nous suggérons aux médecins de mettre un masque chirurgical aux patients et d'en utiliser un pour leur propre protection. D'après une étude qui n'est pas confidentielle, puisqu'elle a une grande portée internationale, et a été avalisée – j'ai reçu les conclusions avant-hier – par la Société française d'hygiène hospitalière ainsi que par la Société française de santé publique, cette solution des deux barrières offre un niveau de protection permettant de répondre à toutes les situations, puisqu'il équivaut à celui d'un masque FFP2.
Ce n'était pas contre le virus H1N1 que nous voulions protéger nos concitoyens par des masques FFP2 ; c'est parce que la grippe aviaire avait eu lieu juste auparavant et qu'il nous restait tout un stock utilisable. Après l'apparition de la grippe H1N1 en 2011, les acteurs de la santé publique se sont réunis et ont considéré qu'il fallait constituer de nouveaux stocks, non pas de masques FFP2, mais de masques chirurgicaux.
Encore une fois, j'ai le feu vert de l'ensemble des autorités de santé publique auxquelles j'ai fait appel, afin qu'aucune décision politique ne soit appliquée sans avoir été confirmée par une décision de santé publique.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce jour, Saint-Barthélemy n'enregistre qu'un seul cas confirmé d'infection au coronavirus.
Pour autant, sur notre île, où chacun ou presque se connaît, l'anxiété peut vite grandir. Par ailleurs, le tourisme constituant l'activité dominante de l'économie, l'île est particulièrement exposée, du fait d'une fréquentation touristique cosmopolite et de sa médiatisation à une échelle internationale.
Saint-Barthélemy, comme vous le savez, est en situation de double insularité, dès lors qu'elle est reliée à Saint-Martin et à la Guadeloupe en matière sanitaire. La chaîne de prise en charge doit donc être pensée pour s'adapter à ce contexte particulier.
Dans cette situation de risque, la réduction au maximum des délais d'acheminement des prélèvements de dépistage et des délais d'évacuation sanitaire, en cas de nécessité de prise en charge hospitalière, sont les deux leviers majeurs pour permettre de prévenir la diffusion du virus et rassurer la population.
Ainsi, les résultats d'analyses biologiques doivent pouvoir être obtenus dans un délai maximal de vingt-quatre heures. Monsieur le ministre, des moyens ont-ils été déployés pour garantir ce délai ?
De même, les moyens sont-ils mis en oeuvre pour qu'il soit possible, si l'évolution de la situation le requérait, de gérer plusieurs évacuations sanitaires simultanées ou très rapprochées vers les centres hospitaliers de la région ?
L'attitude de la population de l'île, qui a fait preuve de civisme en adoptant les gestes préventifs préconisés, vient d'ores et déjà compléter efficacement un plan sanitaire.
En résumé, monsieur le ministre, pouvez-vous m'assurer que, à Saint-Barthélemy comme partout sur le territoire national, une stratégie visant à maîtriser la diffusion du virus est bien prévue afin de garantir la chaîne de prise en charge des patients depuis le dépistage jusqu'à l'évacuation sanitaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.
Sachez que nous prenons la situation à Saint-Barthélemy très au sérieux. L'île est encore au stade 1, période durant laquelle tout est fait pour empêcher le virus d'entrer, avant qu'il ne commence à se développer.
Les mesures de confinement sont essentielles et les enquêtes de terrain indispensables. Les pouvoirs publics doivent proposer et expliquer aux habitants de Saint-Barthélemy leur stratégie, qui est d'ailleurs identique à celle qui a été mise en place sur le territoire national, notamment aux Contamines-Montjoie – avec succès.
C'est pourquoi le directeur général de l'ARS se rendra à Saint-Barthélemy dès vendredi pour rencontrer les acteurs concernés et leur expliquer la stratégie à mettre en place.
Concernant le délai entre le prélèvement et le rendu des résultats, une durée maximale de vingt-quatre heures nous semble raisonnable. Nous travaillons avec l'ensemble des hôpitaux des territoires proches de Saint-Barthélemy pour que ce délai soit tenu.
Croyez-moi, nous mettrons tout en oeuvre pour éviter que le virus ne se développe à Saint-Barthélemy et qu'il ne gagne les Antilles !
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question dépasse le cadre médical. Les Français établis hors de France ont été, parmi nos compatriotes, les premiers à être touchés par l'épidémie du coronavirus : à Wuhan d'abord, puis dans toute la Chine, en Asie ensuite, et désormais dans de nombreux pays où le virus s'est propagé.
Dans tous ces pays, les Français de l'étranger ont pu compter sur le précieux soutien du ministère des affaires étrangères, qui a su répondre efficacement aux nombreux défis posés par la propagation de l'épidémie. Je pense particulièrement à l'évacuation de nos compatriotes présents à Wuhan et tiens ici à remercier le personnel de nos ambassades et de nos consulats de leur engagement.
Cependant, l'inquiétude parmi la communauté française est multiple et forte. Elle porte notamment sur la scolarisation des enfants, car à ce stade, de nombreux établissements français à l'étranger sont fermés à la demande des autorités locales.
Si tous les directeurs et enseignants sont mobilisés pour un travail à distance, le téléenseignement sur le long terme commence à montrer ses limites, et un accès facilité aux ressources numériques – TV5 Monde, ressources du réseau de création et d'accompagnement pédagogiques (Canopé), Centre national d'enseignement à distance (CNED) – permettrait aux enseignants de gagner en efficacité.
Dans ce contexte, la question du bon déroulé des examens soulève déjà de nombreuses inquiétudes.
Les personnels français s'interrogent également sur les mesures qui seront prises en cas d'aggravation de la situation sanitaire – peut-être un rapatriement ?
La stabilité financière des établissements scolaires est aussi une source de préoccupation, car il est fort possible que de nombreuses familles ne puissent plus contribuer financièrement au fonctionnement de ces établissements.
Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de répondre à ces inquiétudes ?
Enfin, à ce stade, pouvez-vous nous confirmer que la prochaine session de l'Assemblée des Français de l'étranger aura bien lieu du 16 au 20 mars à Paris ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, oui, il est prévu que la réunion de l'Assemblée des Français de l'étranger soit maintenue.
Concernant l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), je comprends vos interrogations. J'ai demandé au ministre de l'éducation nationale et au ministre des affaires étrangères de m'aider à obtenir des éléments factuels. L'AEFE a mis en place une cellule de veille permanente à la fin du mois de janvier, avec deux réunions hebdomadaires sous la forme de cellules de crise, qui réunissent l'ensemble des services de l'Agence. Celle-ci travaille d'ailleurs en étroite collaboration avec le centre de crise du ministère de la santé, ainsi qu'avec les ambassades concernées.
Depuis le début de la crise, l'AEFE a instauré, avec le soutien du CNED et la mobilisation de toutes les équipes enseignantes locales, un dispositif d'enseignement à distance, grâce auquel les élèves de toutes sections ont pu travailler au moins trois heures par jour et une déscolarisation massive a pu se poursuivre jusqu'à présent, avec des mesures d'accueil en présentiel lorsque c'était possible.
Une extension durable de la crise du coronavirus à d'autres pays aura des conséquences économiques potentiellement lourdes pour les établissements d'enseignement. Il faudra donc y porter une attention particulière, d'autant que le fonctionnement du réseau est déjà très perturbé en Asie.
Le Quai d'Orsay est en relation permanente avec le ministère de l'éducation nationale pour régler tous les différents problèmes rencontrés.
Je peux vous transmettre quelques prévisions concernant la réouverture d'établissements. En Chine, aucune date de réouverture n'a été communiquée par les autorités locales pour Shanghai. À Canton, Shekou, Shenzhen, les établissements pourraient rouvrir le 16 mars ; à Pékin le 23 mars ; à Hong Kong le 20 avril ; à Séoul le 24 mars ; à Téhéran le 19 mars ; au Japon le 17 mars, en Mongolie le 2 avril ; à Taïwan, la réouverture a eu lieu le 25 février et, au Vietnam, les établissements seraient rouverts le 9 mars.
Toutes ces dates sont susceptibles d'évoluer, vous l'imaginez bien, en fonction de la situation. Nous-mêmes éprouvons quelques difficultés pour anticiper les dates précises de réouverture des écoles qui ont été fermées récemment.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre, voici une question un peu iconoclaste dans le débat de ce soir, puisqu'elle porte sur les conséquences économiques de cette crise sanitaire.
L'annonce de la propagation du coronavirus en France et les premières mesures de protection ont entraîné une baisse de l'activité dans de nombreux secteurs économiques.
Le premier domaine immédiatement touché est celui du tourisme, avec des conséquences sur les hôtels-restaurants, les entreprises d'événementiel, les traiteurs, particulièrement dans les grandes villes, où les événements d'ampleur ont été interdits. Au-delà de l'annulation de ces événements, une véritable psychose s'est installée et les annulations de séminaires, petits salons, événements d'entreprise dépassent très largement le seul cadre des décisions gouvernementales ou préfectorales.
Sur ce secteur du tourisme, l'Europe a déjà perdu 2 milliards d'euros depuis le début du mois de janvier, selon la Commission européenne.
Mais, en France, c'est un secteur particulièrement fragilisé, ayant subi depuis plusieurs années des chocs à répétition : d'abord les retombées des attentats, la terrible crise des « gilets jaunes » – le bilan que nous en avons dressé, ici, au Sénat, a donné lieu à la publication d'un rapport par Mme Évelyne Renaud-Garabedian –, les grèves de décembre dernier, les violences à répétition dans les centres-villes, désormais le coronavirus… Et c'est sans parler de l'augmentation massive des charges liées à la taxation des contrats d'usage que vous avez décidée en loi de finances !
Le Gouvernement a rapidement ressorti ce que j'appelle le kit de survie économique, ou aussi le kit « gilets jaunes », pour soutenir les entreprises avec des reports de charges ou du cautionnement de besoins de trésorerie.
Mais, au-delà de ces mesures utiles, il faudra cette fois plus et, surtout, tout de suite.
Il faut suivre chacune des entreprises individuellement, car il est à craindre qu'elles ne disposent plus maintenant de la résilience nécessaire pour absorber ce nouveau choc, le troisième en deux ans. Ainsi, c'est à un véritable effondrement immédiat auquel nous assistons. Certaines entreprises m'ont indiqué, ce soir, que leur chiffre d'affaires allait baisser de 70 % sur les deux prochains mois.
Au-delà des annonces de votre collègue Bruno Le Maire, monsieur le ministre, quel dispositif d'accompagnement supplémentaire, immédiat et dans la durée, comptez-vous mettre en place pour éviter une épidémie de dépôts de bilan ? (Mme Martine Berthet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Cette question n'est pas iconoclaste, madame la sénatrice. La vie économique et sociale du pays, j'en ai parlé spontanément, est tout à fait fondamentale : nous avons besoin d'une économie qui fonctionne, si nous voulons avoir des services publics et privés qui fonctionnent. La situation exige donc, évidemment, une adaptation.
Notons d'abord que l'impact du ralentissement économique en Chine sur le produit intérieur brut français est estimé à 0,1 point, un chiffre qui devra bien sûr être affiné dans la durée.
Par ailleurs, Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher ont pris la décision de reconnaître l'existence d'un cas de force majeure pour tous les contrats passés avec l'État, évitant ainsi l'imposition de pénalités aux entreprises concernées.
La banque publique d'investissement a mis en place un mécanisme de soutien depuis le 2 mars ; elle se porte garante de l'ensemble des prêts demandés par les PME, afin de les accompagner dans cette période difficile.
Une cellule de continuité économique est activée depuis le 3 mars au ministère de l'économie. Elle permet d'obtenir toutes les informations nécessaires sur la situation économique du pays en temps réel. Le but est de mieux gérer l'impact de la crise sanitaire sur notre économie, en prenant, au quotidien, les décisions qui s'avèrent nécessaires.
En outre, nous allons reporter les échéances fiscales et sociales, permettre aux entreprises, comme je l'indiquais, de faire valoir un cas de force majeure pour les contrats passés avec l'État, demander aux collectivités territoriales d'adopter la même attitude, recommander aux donneurs d'ordre de la bienveillance à l'égard des sous-traitants, financer du chômage partiel en en tirant profit pour faire de la formation professionnelle.
Les dispositifs d'aide seront coordonnés au niveau de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G7.
Enfin, des aides ponctuelles pourront être apportées aux entreprises, notamment aux PME, qui rencontrent des difficultés dans la période actuelle.
C'est donc tout un arsenal de mesures qui est mis en place pour soutenir notre économie. La réponse est importante ; nous espérons qu'elle sera suffisante ! Mais il faut attendre de voir comment la situation économique et, surtout, la situation sanitaire évoluent, puisque, on le comprend bien, la seconde influe largement sur la première.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. On le sait, monsieur le ministre, le fonctionnement actuel des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) connaît déjà dans un « mode dégradé » – j'emprunte des mots volontairement déshumanisés pour qualifier des réalités déshumanisantes ! Le manque de personnel est criant, comme ne cessent de le rappeler tous les professionnels, qui attendent des mesures.
Il est reconnu et documenté que l'hébergement en institution peut favoriser la diffusion des virus. Le Covid-19 ne fait et ne fera pas exception.
Les personnes âgées figurent parmi celles qui sont les plus exposées à un risque, de par leur vulnérabilité aux infections respiratoires aiguës, mais aussi le profil de comorbidité présenté par certains sujets. Je rappelle que le virus de la grippe reste le premier facteur de mortalité dans les établissements.
Certains Ehpad situés dans les périmètres actuellement concernés par le Covid-19, comme à Crépy-en-Valois, ont d'ores et déjà pris les mesures qui s'imposent : confinement des résidents dans leur chambre, y compris pour les repas, et restriction drastique des visites, entre autres.
S'agissant des autres établissements, dans ses dernières recommandations adressées aux professionnels du secteur médico-social, votre ministère les incite à identifier les salariés revenant des zones à risque. Dans ces cas de figure, le personnel est invité à ne venir travailler qu'après la période de quatorzaine ou à voir ses activités réorganisées pour ne pas être mis en contact avec des personnes vulnérables.
Ainsi, dans un contexte général d'activité déjà particulièrement tendue, on ne peut pas ne pas penser aux résidents. Hier, le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) envoyait aux établissements un rappel des mesures générales à appliquer concernant la continuité d'activité.
Ma question, hélas simple, est donc double, monsieur le ministre. Dans le contexte épidémique éventuel, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour faire face à une prise en charge massive des personnes âgées infectées ? Quelles mesures peuvent être décidées pour permettre la continuité de l'activité dans les Ehpad ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la question des Ehpad est fondamentale, surtout lorsqu'il est question d'une situation épidémique.
Mais les Ehpad savent gérer les épidémies. Chaque année, l'épidémie grippale touche en moyenne 2,5 millions de Français et fait plusieurs milliers de morts – en général 8 000 –, notamment parmi les personnes âgées, qui sont fragiles et sujettes à comorbidité.
Ces établissements sont donc habitués à faire face aux épidémies et structurés pour cela. Lorsque c'est nécessaire, les personnels sont notamment équipés de masques chirurgicaux. Dans le cas présent, il est prévu que, dans l'hypothèse où l'on détecte un cas positif parmi les résidents et où il n'y aurait plus de masques à disposition, ils puissent en demander à l'agence régionale de santé afin de se protéger et de protéger le reste des résidents.
Au-delà, il faut pouvoir mettre en place rapidement un certain nombre de mesures simples, comme l'équipement de l'ensemble des Ehpad, à l'entrée et à la sortie des établissements, en distributeurs de gel hydroalcoolique. Je pense aussi à la mise en place de ces panneaux que l'on voyait souvent dans les Ehpad ou les hôpitaux par le passé, et que l'on voit un peu moins, invitant toute personne malade ou pensant l'être à ne pas visiter les personnes fragiles, pour lesquelles la maladie pourrait avoir des conséquences bien plus graves. Il faut effectivement avoir une vigilance particulière sur ce point, en particulier s'agissant des visites d'enfants, qui, on le sait, sont volontiers asymptomatiques ou très peu symptomatiques pour le coronavirus.
Croyez en tout cas, madame la sénatrice, que je porterai une attention particulière à ce secteur des Ehpad, auquel je suis très attaché.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Cela a été rappelé, mon département, la Haute-Savoie, est l'un des départements concernés par le coronavirus Covid-19, avec le cluster de La Balme-de-Sillingy.
Je tiens, avant d'aller plus loin dans mon intervention, à saluer le travail remarquable de l'ARS et de son directeur général, qui a été en liaison permanente avec les élus, mais aussi du personnel hospitalier, des services de l'État et des collectivités concernées. C'est tous ensemble que nous parviendrons à apaiser les esprits, à informer au mieux pour avoir les gestes et attitudes appropriés à chaque stade de la propagation de ce virus.
La présence d'un cluster dans le département amplifie les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Au-delà des pénuries de masques, nous observons des difficultés liées aux arrêts maladie.
En effet, si une école est fermée pour risque de contamination, l'un des parents doit se mettre en arrêt maladie pour garder son enfant. Cet arrêt est normalement géré par les médecins de l'ARS. Or ces derniers, sur-sollicités, sont difficilement joignables. Certaines personnes se tournent alors vers le SAMU, ce qui n'est pas gérable sur le long terme.
Il serait donc souhaitable que les médecins libéraux puissent délivrer ces arrêts de travail, au moins de manière temporaire, pour décharger l'ARS et le SAMU.
De ce fait, il faut alerter sur le risque de saturation du 15. Le SAMU, dans certaines zones, pourrait être complètement débordé, et n'oublions pas que les autres malades ont toujours besoin de soins d'urgence, en cas d'infarctus par exemple !
Il serait également profitable pour les ARS de créer des numéros verts zonaux, c'est-à-dire par zone de défense, la Haute-Savoie se trouvant à ce titre dans la zone Sud-Est. Cela permettrait à des médecins libéraux volontaires de répondre aux questions et de réexpliquer les bonnes pratiques à observer pour éviter la propagation du virus. Les ARS seraient alors partiellement déchargées.
Monsieur le ministre, c'est aussi le flou dans les entreprises : les personnes reçoivent des informations contradictoires, souvent via les réseaux sociaux ou même par nos propres pages de parlementaires. C'est le cas dans les entreprises au sein desquelles les habitants des communes impactées côtoient les habitants de communes limitrophes. Quelles mesures envisagez-vous de mettre en place pour pallier la diffusion de certaines informations contradictoires et le besoin d'adapter parfois en temps réel les orientations ?
Enfin, la question des élections municipales se pose.
Vous évoquez la distribution de masques et de solution hydroalcoolique dans chaque bureau de vote. Mais quid des mesures à prendre dans les zones comme la Haute-Savoie et les communes touchées ?
Les bureaux de vote se situent souvent dans des écoles et, particulièrement, dans les réfectoires. Prévoyez-vous des mesures de décontamination particulières au lendemain de chaque dimanche électoral ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, vous évoquez la situation de la zone d'activité du virus de Haute-Savoie, qui est en fait la deuxième zone d'activité recensée dans ce département, après le cas de la commune des Contamines-Montjoie, où tout s'est bien terminé puisque tout le monde est sorti guéri.
À cette occasion, je m'étais rendu au CHU de Grenoble avec Agnès Buzyn – elle était encore ministre et moi-même député de Grenoble à l'époque – et nous étions allés à la rencontre des familles. Je crois que les élus, dans leur ensemble, avaient salué l'intervention réalisée dans le territoire haut-savoyard.
À mon sens, il en va de même, actuellement, à La Balme-de-Sillingy. La commune compte 30 cas confirmés sur les 51 cas recensés dans toute la région Auvergne-Rhône-Alpes. C'est donc, on le voit, une zone de circulation virale qui appelle une attention particulière. Les recherches de chaînes de contamination sont en cours et la situation n'échappe pas du tout aux autorités de santé – elle est plutôt sous contrôle.
C'est l'occasion pour moi de remercier tout particulièrement les équipes de l'hôpital d'Annecy. Le docteur Bruno Chanzy, du service de virologie de cet hôpital, me faisait part, hier, de la mobilisation incroyable de tout le personnel de l'établissement : « C'est dur, me disait-il, c'est une mobilisation qui nécessite beaucoup d'énergie, beaucoup d'efforts. » Nous devons tous nous en rendre compte, je crois, et nous en souvenir le moment venu !
En matière de déclaration d'arrêts maladie, les mesures ont été simplifiées, par exemple dans le cas d'un parent tenu de s'occuper de ses enfants privés d'école.
Jusqu'à présent, il fallait passer par les médecins de l'agence régionale de santé. Mais ces derniers ont vraiment trop de travail, notamment du fait des identifications de chaînes de contamination. Nous avons opté pour une formule simplifiée et dématérialisée : l'employeur déclare l'arrêt de travail à l'assurance maladie et les indemnités journalières sont directement versées à la personne.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, si l'épidémie engendre son lot d'incertitudes et de questionnements, il est en revanche une certitude, c'est que, à l'instar du corps médical, des personnels hospitaliers, les élus et, singulièrement, les maires se trouvent en première ligne.
Dans les communes touchées, ou qui le seront demain, les maires, dans le cadre de leurs pouvoirs de police, sont amenés à faire respecter les interdictions préfectorales de rassemblement et les fermetures des lieux recevant du public, à commencer par les écoles, les marchés, jusqu'aux équipements sportifs.
Je pense aussi à la question particulière des Ehpad, lieux de vie et d'échanges avec l'extérieur, dont les résidents constituent la partie de la population la plus exposée aux risques du coronavirus.
Le niveau 2 d'alerte ayant été déclenché, nous devons tous anticiper la mise en place du troisième palier. Celui-ci sera sans doute assorti de mesures plus drastiques, qui auront des conséquences sur le quotidien de nos concitoyens. Ces conséquences nourriront un inévitable sentiment de frustration si le bien-fondé des mesures est mal accepté et si aucun interlocuteur de proximité n'est capable de les justifier avec tact et pédagogie.
Dans une crise comme celle à laquelle nous nous préparons, la crédibilité de la parole publique et le respect des décisions prises par les autorités sont primordiaux. Au contraire, la défiance risquerait de désarmer la lutte contre l'épidémie.
Heureusement, ces interlocuteurs de terrain existent : ce sont les 35 000 maires !
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : quel rôle entendez-vous donner aux maires et aux élus locaux dans la stratégie nationale de lutte contre l'épidémie ?
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, nous entendons donner aux maires un rôle important, et permanent ! C'est le rôle des élus locaux, d'ailleurs, et c'est le sens de leur engagement que d'être à l'écoute de la population !
Certains d'entre eux ont déjà payé leur tribut à l'épidémie : je pense au maire de La Balme-de-Sillingy, ou à celui de Crépy-en-Valois, qui a également été diagnostiqué positif.
Vendredi dernier, je me suis rendu dans l'Oise pour rencontrer le maire de Vaumoise, une autre commune touchée. J'ai aussi rencontré le conseil municipal et certains conseillers municipaux de la commune voisine, car il m'a semblé tout à fait naturel, dans le cadre de mon premier déplacement sur le terrain en zone d'activité virale, d'aller à la rencontre des élus locaux.
Ce sont eux que la population interpellera, eux vers qui elle se tournera pour demander secours, eux qui doivent apporter des réponses – où trouve-t-on du gel hydroalcoolique ? pourquoi n'en trouve-t-on pas ? –, eux qui nous sollicitent pour obtenir des masques pour les médecins de leur commune. Il est donc tout à fait normal que nous ayons ce dialogue.
À cet égard, les associations d'élus ont un rôle fondamental.
Demain après-midi, j'irai, avec Jacqueline Gourault, à la rencontre des associations d'élus locaux de toutes les collectivités territoriales. J'étais présent, la semaine dernière, lorsque le Premier ministre a réuni l'ensemble des chefs de partis et de groupes parlementaires. Je me suis entretenu avec M. François Baroin, avec M. Dominique Bussereau, avec plusieurs maires. Je pense au maire de Creil, avec qui j'ai parlé au téléphone hier ou avant-hier – pardon si je confonds les dates, mais les journées s'enchaînent et les nuits sont courtes…
J'appelle systématiquement, ou dès que je le peux, les élus locaux quand une zone d'activité virale est détectée. C'est important de leur donner la bonne information et c'est aussi important, pour nous, d'avoir de leur part des remontées d'information. On sait effectivement qu'une situation est bien gérée quand le maire nous dit qu'elle est sous contrôle et que la population n'a pas peur.
Le rôle des élus est donc essentiel et vous pouvez compter sur moi, et sur mon ministère, pour poursuivre ce dialogue de qualité avec les élus sur tous les territoires.
Mme Catherine Morin-Desailly. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.
M. Mathieu Darnaud. Merci de nous avoir rassurés sur ce point, monsieur le ministre, car la proximité est primordiale dans la gestion d'une épidémie comme celle du coronavirus. En complément de vos propos, je tiens à insister sur le besoin impératif de réactivité, parce que les élus seront nécessairement sollicités. Nous comptons sur la réactivité des pouvoirs publics et du Gouvernement !
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury.
M. Hugues Saury. Cette épidémie pose la question de l'adaptation de nos organisations face à une crise. Elle nécessite une grande réactivité, ce qui n'est pas toujours facile.
À titre d'exemple, monsieur le ministre, conformément aux recommandations de votre ministère, nos concitoyens modifient leurs comportements en vue de contenir la propagation du virus. Conséquence fâcheuse, les solutions hydroalcooliques viennent désormais à manquer en de nombreux points du territoire. Face à cette situation planétaire, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié en ligne un guide pour aider les particuliers à élaborer leur propre gel désinfectant, ce qui pose question sur la conformité, l'innocuité, la revente, etc.
Vous savez bien, monsieur le ministre, que nos pharmaciens ont les capacités matérielles de préparer de telles solutions en officine, et ce très rapidement. Vous savez également qu'ils ne peuvent le faire en raison de contraintes légales.
En effet, ces solutions hydroalcooliques ne font pas partie des préparations officinales au sens de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique. À son article L. 3131-1, ce même code vous offre pourtant la possibilité de prendre des mesures d'urgence en cas de menace d'épidémie. Dérogatoires, elles pourraient autoriser les pharmaciens à commercialiser leurs propres préparations sans délai.
Au-delà de la question des solutions hydroalcooliques, je me dois aussi d'attirer votre attention sur la réquisition des masques anti-projections.
Premiers relais de cette distribution nationale ciblée à destination des professionnels de santé, les pharmaciens ne peuvent pas en bénéficier eux-mêmes. Au contact permanent de leur clientèle, ne sont-ils pas, pourtant, exposés au même titre que les autres professionnels de santé ? Qu'en serait-il de cette distribution si ceux qui sont chargés de l'organiser étaient atteints, faute de protection ?
Monsieur le ministre, envisagez-vous d'accorder aux pharmaciens, dont le réseau maille le territoire, les moyens matériels et réglementaires appropriés dans cette lutte contre le virus ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, votre question – je crois que c'est la dernière, ce soir – me permet de saluer le rôle essentiel des pharmaciens, notamment des pharmaciens d'officine, dans la lutte contre l'extension du virus.
Je me suis entretenu avec Mme Carine Wolf, la présidente du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, voilà quelques jours. Comme je le lui ai expliqué, nous avons besoin de l'aide des pharmaciens. Nous avons besoin que les pharmacies d'officine distribuent des masques pour les professionnels de santé sur tout le territoire, ainsi que pour les personnes fragiles, qu'elles proposent des gels hydroalcooliques à des prix raisonnables, qui n'augmenteraient pas au motif qu'il en manquerait çà et là. Mme Wolf m'a immédiatement confirmé qu'elle était prête à nous aider, et je remercie l'ensemble des pharmaciens, grâce à qui cette distribution est possible.
Vous m'interrogez tout particulièrement sur les solutions hydroalcooliques.
Ces solutions vont-elles venir à manquer ? Sachez que le premier producteur au monde de ces solutions est présent sur notre territoire. En outre, ce n'est pas parce qu'un nombre important de Français est allé acheter d'un coup un produit – ce que je ne critique pas, c'est un réflexe compréhensible –, avec des conséquences sur les stocks périphériques, qu'on en manquerait au niveau des productions centrales. Nous sommes en train de faire le point précis sur cette question.
S'agissant de la possibilité de préparer ces solutions hydroalcooliques en pharmacie, je ne suis pas le ministre qui dit « non » par principe ! Il n'y a aucune raison de refuser a priori une main tendue, une solution offerte, surtout dans la situation que nous traversons.
Je ne peux pas vous dire, aujourd'hui, si cette proposition est réaliste, envisageable ou si elle sera retenue. Ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que j'ai déjà demandé à mes équipes, au ministère, d'étudier sa faisabilité. Nous avons ainsi contacté la fédération représentant les fabricants français, selon laquelle 2 millions de doses de gel hydroalcoolique peuvent être produites par jour, dans des délais extrêmement courts. C'est énorme !
Une instruction de cette question est donc nécessaire. Nous l'avons engagée et je souhaite qu'elle soit menée à terme le plus rapidement possible. Si la solution que vous préconisez est opérationnelle, si elle permet d'améliorer l'hygiène des mains et de réduire la circulation du virus, on le fera ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.
M. Hugues Saury. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre.
Avec les pharmacies, vous bénéficiez du dernier réseau de proximité. Il y en a dans toutes les villes et dans tous les villages, et les patients n'ont qu'à pousser leur porte pour avoir un accès direct à un professionnel de santé. Je pense qu'il faut utiliser à plein ce réseau dans le cadre particulier de cette épidémie. Les pharmaciens peuvent fabriquer ces gels hydroalcooliques, ce qui éviterait la pénurie que nous connaissons aujourd'hui.
Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à la deuxième partie de ma question, portant sur le fait que les pharmaciens n'ont pas accès aux masques de protection, alors même qu'ils sont censés les distribuer aux professionnels de santé et qu'ils sont eux-mêmes en première ligne face aux malades.
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les mesures de santé publique prises face aux risques d'une épidémie de coronavirus Covid-19 en France.
Source http://www.senat.fr, le 13 mars 2020