Texte intégral
ELIZABETH MARTICHOUX
Précieux aussi d'entendre, ce matin, Christophe CASTANER, qui est en direct du ministère de l'Intérieur. Bonjour. Merci à vous d'être sur LCI, Christophe CASTANER. On sait que les policiers, les gendarmes sont aussi, eux, en première ligne dans cette crise sanitaire. Or, Le Figaro écrit ce matin que 10.000 agents, 10.000 agents, c'est beaucoup, sont arrêtés, parce que suspects d'être touchés par le virus, et que 250 ont été testés positifs. Est-ce que vous confirmez ces chiffres, Christophe CASTANER ?
CHRISTOPHE CASTANER
D'abord, vous rappeler que les forces de sécurité intérieure en France, ce sont 250.000 personnes ; et parmi ces 250.000 personnes, il y a comme tous les Français des gens qui sont touchés, il y a des gens qui sont confinés, il y a des parents qui doivent garder leurs enfants du fait de la fermeture des écoles. Et donc au moment où je parle, il y a à peu près effectivement 10.000 personnels de la police nationale qui sont aujourd'hui en incapacité d'agir, 10.000 sur 150.000, ce qui est un faible taux, eu égard justement, et c'est ce que je veux souligner, au total engagement de nos forces de sécurité intérieure, non seulement, pour faire respecter le confinement, je pense que nous y viendrons, mais pour assurer la sécurité des Français. Ils sont totalement engagés, et je vous le dis, je peux être vraiment fier de nos policiers, de nos gendarmes, de nos sapeurs-pompiers qui sont aussi dans le combat contre le Covid-19
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc en un mot, vous n'avez aucune préoccupation sur les effectifs disponibles, puisque, encore une fois, policiers et gendarmes sont indispensables aujourd'hui à la gestion de la crise, aucune préoccupation ?
CHRISTOPHE CASTANER
Ah, ce n'est pas une question de préoccupation, j'ai une attention permanente pour nos policiers…
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour les effectifs…
CHRISTOPHE CASTANER
Et pour nos gendarmes et pour nos sapeurs-pompiers, et je suis toujours inquiet quand j'apprends que l'un des nôtres est touché par le Covid, nous avons déjà eu trois décès, un personnel administratif de la préfecture de police, un personnel de nos préfectures, et les préfectures sont aussi en première ligne dans le combat contre le Covid-19, et puis, un gendarme qui est décédé aussi, donc évidemment, ça nous touche, et ça me préoccupe, mais ce que je vois, c'est un engagement total de nos forces, et je veux le saluer.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, il y a la question de leur équipement, Monsieur le Ministre, on envoie dans la rue avec des masques, sans masque, vous les équipez ou pas ?
CHRISTOPHE CASTANER
Il y a une doctrine simple, les masques chirurgicaux et de type FFP2 doivent être totalement mobilisés pour les personnels de santé sanitaire qui sont confrontés directement aux risques et qui sont confrontés directement au Covid-19, et puis les autorités sanitaires, sous l'autorité du professeur SALOMON, et j'ai d'ailleurs organisé la semaine dernière une rencontre entre lui et les organisations syndicales de la police nationale, qui nous a permis d'élaborer une doctrine qui fait que, à chaque fois que nos policiers ou nos gendarmes sont confrontés à un porteur présumé du risque et ou du Covid-19, ils peuvent mettre le masque, et donc nous avons déjà distribué 800.000 masques dans la police et dans la gendarmerie, cette semaine, ce sont 300.000 masques supplémentaires, mais dans le cadre de cette doctrine où ils n'ont pas à porter le masque en permanence, mais dès qu'ils sont confrontés à un contact, à un risque, ils peuvent mettre le masque, et donc, nous les équipons dans ce cadre-là, mais nous renforçons aussi nos capacité de protection, nous expérimentons des lunettes en plastique pour protéger les yeux, des visières, autant de dispositifs que nous commençons à équiper pour nos personnels depuis le début de cette semaine.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que les laboratoires de la police scientifique, on les connaît, pardon, parce qu'on les voit dans les séries, mais vous les connaissez mieux que nous, et les policiers encore plus, est-ce que ces laboratoires vont être en renfort d'une certaine façon, des laboratoires qu'on connaît, en ville, médicaux, à proprement parler ?
CHRISTOPHE CASTANER
C'est une très bonne question, parce qu'effectivement, l'activité de la police technique et scientifique, autant en gendarmerie qu'en police, est en train d'évoluer, elle n'est plus la même, et nous avons demandé, avec le directeur général de la gendarmerie nationale et celui de la police nationale, de mettre nos moyens au service des hôpitaux. Et dans les heures qui viennent, dans les jours qui viennent, entre la police et la gendarmerie, nous serons en capacité de tester des patients du Covid, qui nous seraient, pour les tests, envoyés par les hôpitaux, et nous serons là pour renforcer encore nos moyens de dépistage, et donc, oui, notre savoir-faire en matière de police technique et scientifique va être totalement mobilisé au service de la santé des Français.
ELIZABETH MARTICHOUX
Des laboratoires en particulier, j'imagine que vous en avez sur tout le territoire ?
CHRISTOPHE CASTANER
Alors, à ce niveau d'équipement, pas partout, mais par exemple pour la gendarmerie, il y a déjà un partenariat avec l'hôpital de Garches, et c'est dans ce cadre-là que nous allons faire les premiers essais d'utilisation de nos matériels pour faire les tests nécessaires, mais ce sera renforcé très vite par la police nationale, pour que nous soyons parmi les fers-de-lance de l'appui à nos hôpitaux sur les tests de dépistage de Covid-19.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Donc vous nous apprenez que des laboratoires de la police scientifique vont venir en renfort pour tester dans le cadre de la crise sanitaire. Christophe CASTANER, une immense majorité…
CHRISTOPHE CASTANER
Je vous le confirme…
ELIZABETH MARTICHOUX
Une immense majorité des Français respectent le confinement, mais il reste des récalcitrants, est-ce qu'on peut faire le point sur les verbalisations ?
CHRISTOPHE CASTANER
D'abord, rappeler que quand nous contrôlons, ça n'est pas pour verbaliser, mais c'est pour garantir et protéger les Français, et garantir la mise en oeuvre du confinement, ma responsabilité, comme ministre de l'Intérieur, c'est de faire en sorte que le confinement, qui est la meilleure façon de se protéger du Covid-19 et d'empêcher sa diffusion, c'est notre responsabilité de le faire surveiller, et du coup, de protéger les Français, il y a eu, au moment où je vous parle, 5,8 millions de contrôles et il y a eu 359.000 procès verbaux qui ont été dressés sur les 15 premiers jours de mise en oeuvre du confinement, vous voyez, la police est très présente, mais j'insiste sur ce sujet, notre objectif n'est pas de dresser des contraventions, notre objectif est de faire en sorte que les Français restent chez eux pour se protéger.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors vendredi débutent – encore une fois, je disais tout à l'heure, c'est un peu irréel, mais enfin, c'est le calendrier – débutent les vacances scolaires, les vacances de Pâques, et certains seront peut-être tentés de rejoindre leur famille, je vais vous donner un exemple, tiens, un père de famille qui travaillait jusque-là et qui a eu une semaine de congés imposés ou pas par son entreprise, là, pour les vacances, est-ce qu'il peut rejoindre sa famille qui, elle, n'était pas là où il travaillait, dans la même localité, est-ce qu'il y a des dérogations possibles ?
CHRISTOPHE CASTANER
Non, très concrètement, on ne part pas en vacances pendant la période de confinement, pendant la période de confinement, on doit rester confiné, et donc je demande vraiment à celles et ceux qui envisageaient de se déplacer pour les vacances de se rendre compte que, à la fois, ils s'exposent, ils s'exposent, et ils exposent leurs proches, ce père de famille que vous évoquez, il prendra le risque d'exposer sa famille s'il décide de les rejoindre. Et puis, il exposera aussi le territoire où il se rendra, et donc le message est clair, et je vous l'indique, j'ai demandé hier soir aux préfets des zones touristiques de vérifier le niveau de locations et d'occupations, notamment des Airbnb ou autres offres locatives, et nous ferons en sorte, vendredi, qu'il y ait des contrôles très stricts sur les départs des grandes villes pour éviter justement qu'il y ait, comme si de rien n'était, des flux de vacanciers qui se rendent en vacances. Le confinement, c'est une contrainte, je le sais, c'est une contrainte pour les familles, nous sommes au 15ème jour du confinement, et je sais combien c'est difficile, mais nous devons tenir, nous devons tenir pour nous protéger, pour protéger ceux qu'on aime, pour protéger nos personnels de santé, donc nous ferons en sorte qu'il soit appliqué, nous contrôlerons les départs en train, en avion, il y en aura peu, et nous ferons en sorte de contrôler aussi les départs sur les routes, et tout abus sera sanctionné.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc des contrôles seront renforcés, comme vous l'aviez déjà fait un week-end précédent, si je comprends bien, vous dites : je demande aux préfets de contrôler les locations, voir effectivement s'il y a un afflux de locations qui sous-entendrait de la mobilité, c'est ça ?
CHRISTOPHE CASTANER
J'ai demandé hier soir aux préfets partout en France d'évaluer justement ces réservations pour mettre en place des dispositifs de contrôle qui prennent en compte les localisation de ces réservations, et qui, au fond, puissent rappeler aux Français que pendant le confinement, on ne part en vacances, c'est difficile, je le sais, nous l'avons mis en oeuvre, ce dispositif, dès le premier week-end, après le début du confinement, et nous nous sommes aperçus par exemple que sur les 300.000 départs qu'il y a chaque week-end en train depuis Paris, nous étions tombés à 30.000, et donc le confinement montrait son efficacité, mais je peux vous le dire, il y aura encore moins de départs en train possibles le week-end prochain, parce que l'offre ferroviaire est réduite à 6 % de sa capacité habituelle.
ELIZABETH MARTICHOUX
6 %, encore une question, parce qu'il faut que les choses soient très claires, par exemple, un grand enfant de 20 ans, c'est un majeur, mais enfin, c'est un enfant, il est scolarisé dans une école, dans une fac, il a suivi ses cours à distance, les vacances arrivent, il veut rejoindre ses parents, donc qui ont une adresse, c'est l'adresse de ses parents, es- ce qu'il peut bouger, lui ?
CHRISTOPHE CASTANER
Madame MARTICHOUX, depuis 3 semaines, ce grand garçon de 20 ans et dans sa chambre d'étudiant, dans l'appartement qu'il a ou en cité universitaire, où il fait déjà ses cours à distance, et donc il doit rester confiné là où il habite de façon pérenne, il ne doit pas utiliser les jours de vacances qui au fond ne sont pas des vacances, on le sait tous, pour les étudiants, mais, voilà, je suis papa d'une étudiante, moi, je l'encourage à continuer à bosser.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bon, eh bien, voilà qui est dit, c'est clair, il n'y aura pas de dérogation, vous craignez un relâchement pendant ces vacances, on croit le comprendre, vous anticipez, d'une façon générale aussi, sur la capacité des Français à supporter sur la longueur ce confinement ?
CHRISTOPHE CASTANER
Je sais combien il est difficile ce confinement à vivre pour l'ensemble des Français, mais je sais aussi que le Covid-19, il ne choisit pas ses cibles en fonction du fait de savoir s'ils peuvent partir en vacances ou pas, de leurs revenus, de leur travail, il les frappe tous et toutes. Et donc il est essentiel justement que nous respections le confinement, et surtout, que nous évitions la propagation du confinement, en partant de zones, par exemple, l'Ile-de-France dont on sait qu'aujourd'hui, elle est fortement frappée, et en allant dans d'autres régions qui ne sont pas frappées aujourd'hui, nous organisons par exemple des transferts de patients de la région Ile-de-France vers des régions qui sont moins touchées, et pour permettre aux capacités hospitalières de mieux les gérer encore, et donc il est essentiel que nous puissions faire ce maillage-là sous l'autorité du ministère de la Santé et de la solidarité. Et donc si demain, par le biais de départs intempestifs en vacances, en week-end, ou de déplacement de ce type-là, on diffuse l'ensemble du Covid-19 sur l'ensemble du territoire national, c'est toute la stratégie du confinement qui tombera, et donc, oui, je sais que c'est difficile, mais il nous faut tenir, tenir bon pour protéger les Français, pour protéger ceux que l'on aime.
ELIZABETH MARTICHOUX
Christophe CASTANER, un sujet douloureux, les violences intrafamiliales, vous aviez vous-même donné un chiffre assez glaçant d'une augmentation des signalements de plus 32% en zone gendarmerie, plus 36% en zone police en une semaine, je crois que ce sont des chiffres qui datent d'il y a quelques jours, vous avez annoncé hier que les femmes battues qui ne peuvent pas s'échapper de leur domicile et qui peuvent difficilement signaler les violences, parce qu'elles ont leur conjoint sur le dos, pour dire les choses de façon très descriptive, eh bien, pourraient le faire par texto au numéro 114, ça se passe comment ?
CHRISTOPHE CASTANER
J'ai donné des chiffres glaçants, vous l'avez dit, parce que nous savons que le confinement, l'enfermement lié au confinement peut être pour les violences intrafamiliales, les femmes battues, mais aussi les enfants, parce qu'il ne faut pas négliger ce type de violences, un facteur aggravant, et moi, je refuse que le confinement soit signe d'impunité. Donc avec mes collègues ministres, Marlène SCHIAPPA, sur les violences faites aux femmes, Adrien TAQUET, sur les violences aux enfants, et la Garde des sceaux, on a mis en place tout un panel de dispositifs pour donner l'alerte. J'ai proposé la semaine dernière, avec la présidente de l'Ordre national des pharmaciens, que la pharmacie soit ce lieu où on se rend l'air de rien par rapport à son conjoint violent, par exemple, et qu'on puisse donner l'alerte, et qu'ensuite, le pharmacien appelle immédiatement les forces de sécurité pour que nous intervenions, ça commence à marcher, et c'est bien ainsi, nous avons une plateforme ouverte 24 heures sur 24 qui permet de « chater » avec des policiers et des gendarmes pour évoquer ces problèmes et éventuellement donner l'alerte, mais il nous manquait, et puis, le numéro d'appel que vous connaissez, mais il nous manquait un outil pour une femme qui ne peut pas téléphoner, qui n'a pas forcément accès à Internet, qui est enfermée dans le domicile avec son conjoint violent, eh bien, qu'elle puisse à un moment donné se rendre à la salle de bain et envoyer un texto d'alerte, et donc nous sommes convenus d'un partenariat avec le 114 qui travaille en principe pour les personnes sourdes et malentendantes, pour faire en sorte que l'alerte puisse être donnée. Ce que nous souhaitons, et ce que je veux, c'est que tous les moyens soient utilisés pour donner l'alerte, parce que je refuse que le confinement permette, favorise des violences, et j'ai donné des instructions très claires pour que, y compris en faisant des appels d'initiative sur des femmes dont on pense qu'elles sont en risque, nos forces de sécurité soient totalement mobilisées, et avec la justice, que nous puissions sanctionner tous ces violents qui, au fond, montrent combien ils détestent ce que l'on devrait aimer.
ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, pendant la crise, les capacités, les possibilités de signalement des violences continuent : 39 19, et ce 114, donc qui dirige le message vers, j'imagine, les forces de gendarmerie et de police, qui peuvent intervenir s'il y a des violences conjugales. Vous nous le disiez au début de cet entretien, Christophe CASTANER, et pour conclure, trois fonctionnaires de vos forces sont morts des suites du coronavirus depuis le début de la crise, plus largement, est-ce que policiers et gendarmes seront récompensés pour le travail qu'ils font aujourd'hui auprès des Français ?
CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez, il y a quelques semaines, une polémique est née au moment où je défendais la spécificité de leur engagement en parlant de la dangerosité, pour reconnaître que la dangerosité devait être prise en compte dans le calcul de la retraite, et la possibilité pour les policiers et les gendarmes de partir plus tôt, je me souviens des polémiques et des critiques dont j'ai fait l'objet, eh bien, si on veut aujourd'hui évaluer ce qu'est la dangerosité, de la permanence de l'engagement de nos forces de sécurité intérieure, on voit bien ce que c'est, ils sont à la hauteur de ce que j'attends d'eux, et ils sont à la hauteur de ce que les Français attendent d'eux. Et donc c'est ainsi que nous devons, non pas les récompenser, mais les reconnaître dans leur engagement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc pas de récompense, pas de prime, je vous pose la question directement, est-ce que vous envisagez une prime ?
CHRISTOPHE CASTANER
Ce n'est pas un sujet qui est discuté aujourd'hui, et je peux vous dire, pour en parler régulièrement avec les organisations syndicales, il n'y a pas de demande de prime, ils font leur métier avec courage, et ils ne font pas leur métier en fonction des primes.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Christophe CASTANER d'avoir été sur LCI en direct du ministère de l'Intérieur.
CHRISTOPHE CASTANER
Merci à vous.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonne journée à vous
source : Service d'information du Gouvernement, le 2 avril 2020