Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité Didier GUILLAUME, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation. Didier GUILLAUME bonjour.
DIDIER GUILLAUME
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous en direct de votre ministère, de votre bureau. Etat d'urgence sanitaire, nous y sommes, nous y sommes, confinement, prolongation nous y sommes, combien de temps Didier GUILLAUME ?
DIDIER GUILLAUME
Ça je ne sais pas Jean-Jacques BOURDIN, combien de temps il faudra, ce que je sais c'est que ce sera long et il faut que nos concitoyens le comprennent et respectent les règles, respectent la solidarité. L'heure n'est plus à je fais ce que j'ai envie de faire, l'heure est à je fais ce que l'on me demande de faire dans l'intérêt général. je crois que c'est cela ce qui a changé entre avant le Covid, et maintenant, c'est que là c'est la solidarité, nous sommes en guerre, il faut que tous ceux qui sont en guerre soient en guerre contre le même ennemi, or aujourd'hui le président de la République, le Premier ministre, ont annoncé des mesures un peu plus fortes, parce qu'il y avait trop de gens qui ne respectaient pas, et qui pour une minorité de gens qui ne respectaient pas les règles fixées par les autorités sanitaires, par le chef de l'Etat, eh bien mettaient en péril tout le reste, la grande masse, la grande masse des Françaises et des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que si l'infection se poursuit, l'épidémie de se poursuit à ce rythme-là, on peut envisager des mesures encore plus strictes, ce n'est pas écarté ?
DIDIER GUILLAUME
Ce n'est pas écarté évidemment, je n'ai aucune information, le président de la République a dit très clairement qu'il s'appuierait sur la science, rien que la science, toute la science, c'est au Comité scientifique, comité médical, de dire ce qu'il faut faire pour lutter contre la pandémie. Vous savez, aujourd'hui on voit parfois sur des plateaux, en tout cas sur les réseaux sociaux, des gens qui disent voilà ce qu'il faut faire, voilà ce qu'il faudrait faire, voilà ce que l'on aurait dû faire, mais écoutons la science, écoutons les épidémiologistes, écoutons le Conseil scientifique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Didier GUILLAUME, c'est un gouvernement bis le…
DIDIER GUILLAUME
Non, pas du tout, mais co-construire des décisions ce n'est pas un gouvernement bis, c'est s'appuyer sur des sachants, s'appuyer sur des femmes et des hommes qui connaissent et qui orientent, et puis après le président de la République et le Premier ministre prennent les décisions politiques, mais c'est vrai comme dans tous les domaines de la société, avant et en dehors du Covid-19, il faut s'appuyer sur des femmes et des hommes qui ont une expertise, mais après ce ne sont pas les scientifiques qui prennent les décisions politiques, c'est le politique qui doit prendre ses responsabilités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, Didier GUILLAUME, donc je ne vais pas revenir sur les décisions annoncées hier par le Premier ministre Edouard PHILIPPE, sur le jogging, impossible d'aller faire du sport loin de chez soi pendant le temps qu'on veut, c'est à 1 kilomètre autour de chez soi, c'est une heure et pas plus, une fois par jour et pas plus, je ne vais pas revenir sur toutes les décisions, sauf sur l'une d'entre elles, qui a fait énormément de bruit ce matin sur RMC et sur RMC Découverte, il s'agit de l'interdiction des marchés ouverts. Donc c'est très clair, les marchés, il est interdit à dorénavant, à partir d'aujourd'hui, d'organiser un marché dans sa commune, sauf si le maire demande une dérogation au préfet, c'est bien cela ?
DIDIER GUILLAUME
C'est tout à fait cela Jean-Jacques BOURDIN, et la décision qui a été prise par le Premier ministre est celle qu'il fallait prendre. Je me suis exprimé d'ailleurs sur votre antenne pour dire que j'étais un défenseur des marchés, que je souhaitais que les marchés continuent à fonctionner, pour plusieurs raisons simples. La première, c'est que pour beaucoup de nos habitants de nos petites villes de province, et vous connaissez la province, vous l'aimez, et vous êtes en contact avec elle, dans les centres bourgs, qui vient au marché ? Le papy, la mamie, qui descend de son appartement, qui vient acheter sa salade, son poireau, son légume, son fruit, et qui remonte, et qui si le marché est fermé, eh bien ces personnes-là ne pourront pas faire 10 kilomètres pour aller à la sortie de la ville dans l'hypermarché.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi avoir voulu les fermer alors ?
DIDIER GUILLAUME
Mais nous n'avons pas voulu les fermer, mais nous avons constaté que malheureusement, à certains endroits, il n'était pas possible de faire respecter les gestes barrières, les distances de sécurité, nous avons vu notamment des images à Paris, dans eux marchés que je ne connais pas, qui sont absolument ahurissante. Donc, la position elle est très claire, le gouvernement a dit par construction nous allons interdire les marchés, parce que le règles ne sont pas respectées, le gouvernement lui-même ne peut pas aller dans chaque ville vérifier cela, mais le préfet, avec le maire, va décider si oui ou non les distances de sécurité sont suffisamment respectées, les gestes barrières, afin que le marché puisse se tenir. Je pense c'est de bonne intelligence. Vous savez, j'étais encore en contact avec le président des commerçants du centre-ville de ma ville de Biarritz hier, qui m'expliquait que la halle alimentaire était ouverte, on entrait d'un côté, on sortait de l'autre, la distance de sécurité était là et les choses fonctionnent. Je crois que c'est ce qu'il faut faire. Mais le gouvernement aussi s'est rendu compte que des maires, bien avant cette décision, avaient pris déjà un arrêté pour dire j'interdis le marché. Donc il faut mettre tout le monde sur le même pied d'égalité. Moi je suis très clair, j'ai eu la présidente nationale des marchés, hors de question d'accepter un marché dans lequel il y aurait autre chose que de l'alimentaire, aujourd'hui nous sommes en période de guerre et de confinement, on fait des marchés alimentaires, point barre. Deuxièmement, hors de question qu'un marché…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marchés ouverts…
DIDIER GUILLAUME
Oui, marchés ouverts, à partir du moment où le maire le décide, où il n'y a que de l'alimentaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et marchés couverts ?
DIDIER GUILLAUME
Bien sûr Jean-Jacques BOURDIN, les halles alimentaires et les marchés de plein vent, à condition de respecter les règles. vous savez, ce qui s'est passé dans les GMS, dans les moyennes et les grandes surfaces, est absolument remarquable, moi je veux vraiment saluer à la fois les patrons de ces grandes surfaces, avec lesquels je suis en relation quotidienne, et puis les caissières, ils ont mis en place une organisation qui fait que l'on protège les hôtesses de caisse, qu'on compte ceux qui rentrent, qu'il y a les distances de sécurité, les choses se passent bien, pour les marchés, si les maires le souhaitent, sous l'autorité du préfet, il faut continuer à faire comme cela, il en va de la diversification de l'alimentation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais je ne vois pas pourquoi, Didier GUILLAUME, ça se passerait plus mal sur un marché que dans une grande surface, mais bon nous verrons bien, effectivement les décisions, ce que demandent les maires.
DIDIER GUILLAUME
Mais justement Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes d'accord avec moi j'imagine.
DIDIER GUILLAUME
C'est la raison pour laquelle… je suis entièrement d'accord avec vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi j'ai deux idées. Quand le marché ne peut plus se dérouler, pourquoi ne pas dégager un espace dans une grande surface pour quelques commerçants du marché par exemple, pourquoi ne pas organiser des marchés sur un terrain de foot par exemple, où il y a plus d'espace, peut-être moins de concentration de clients, de consommateurs.
DIDIER GUILLAUME
Non, mais l'heure est à l'agilité, à la rapidité et aux décisions qui sont, si je puis m'exprimer ainsi, « Covid-compatibles », je crois que c'est cela, donc s'il y a la possibilité d'une surface dans une ville, dans un centre bourg, pour mettre un marché dans lequel les étals sont suffisamment écartés et dans lequel je peux en toute sécurité venir faire mes courses alimentaires, acheter des produits frais des circuits courts, bio ou conventionnels, acheter des choses à l'agriculteur du coin, celui que je connais, celui qui me fournit mes patates, celui qui me fournit mes légumes, eh bien c'est absolument formidable, o ne mange pas que des pâtes, que du riz.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Didier GUILLAUME, demandez aux grandes surfaces de ne pas vendre des produits venus d'Espagne, d'Italie ou d'ailleurs, je pense notamment aux fruits et légumes.
DIDIER GUILLAUME
Oui, justement, je veux saluer vraiment le patriotisme alimentaire dont font preuve les grandes surfaces. ils se sont engagés, tous les patrons de grandes surfaces se sont engagés, on a d'ailleurs vu aujourd'hui des publicités dans la presse, ils se sont engagés au patriotisme alimentaire, à mettre dans leurs étals, dans les grandes surfaces, des fruits et légumes de France, du poisson, il faut manger du poisson, aujourd'hui nos pêcheurs sont en grande difficulté avec la fermeture des restaurants, fruits et légumes de France, poisson, les produits lactés, yaourts, produits transformés, c'est cela. Et aujourd'hui, une des grandes leçons que nous devons tirer de cette situation, nous devons nous recentrer sur ce que nous sommes nous-mêmes, sur ce que sont nos tripes, sur ce que notre patrimoine, notre culture, c'est notre agriculture, elle est belle, elle est bonne en France, on peut la critiquer parfois, mais c'est quand on est en difficulté, qu'on s'aperçoit qu'à force de critiquer ceux qu'on ne voit jamais, les sans grades, ceux qui sont considérés comme des moins que rien, on a vu ce qui s'est passé avec les Gilets jaunes, les paysans on ne les calcule pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on a beaucoup pensé aux premiers de cordée, mais pas à ceux au bas de l'ascension !
DIDIER GUILLAUME
Mais nous avons besoin de ceux qui organisent, nous avons besoin de ceux qui organisent, mais nous avons besoin aussi de ceux qui bossent tous les jours, 7/7 jours, le paysan, l'hôtesse, l'hôtesse d'accueil, la personne qui est dans l'entreprise agro-alimentaire, qui transforme du lait en fromage, qui fait du pâté, qui fait des gâteaux, ces personnes-là qui font… qui ne sont pas toujours bien payées, ce sont eux qui font tourner la France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, vous me tendez la perche, ça tombe très bien, parce que dans les grandes entreprises, quand on arrête l'activité, qu'est-ce qui se passe, on est au chômage, on met son personnel au chômage partiel, mais par exemple, je suis commerçant sur un marché, je ne peux plus aller vendre mes produits, est-ce que je pourrais mettre mes deux salariés au chômage partiel ?
DIDIER GUILLAUME
Non, mais bien sûr, cette situation-là elle est dramatique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous pose la question, oui ou non ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, bien sûr, mais bien sûr, lorsqu'on a un salarié, lorsqu'une activité s'arrête, on a droit aux mêmes… toutes les catégories professionnelles seront logées à la même enseigne, Muriel PENICAUD s'y est engagée très clairement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Vous appelez donc la grande distribution à acheter des produits aux agriculteurs français, c'est ce que vous disiez tout à l'heure, mais j'ai une autre question…
DIDIER GUILLAUME
Mais ils le font.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La perte d'exploitation, parce que, je suis commerçant encore une fois, à cause de ce coronavirus je ne suis pas responsable de la situation, je suis assuré, mais peut-être que ma police d'assurance, mon contrat, ne me permet pas d'être indemnisé correctement, est-ce qu'il faut imposer le paiement d'une perte d'exploitation à tous les assureurs ?
DIDIER GUILLAUME
Alors, nous travaillons là-dessus, hier matin encore, avec Bruno LE MAIRE, dans la conférence téléphonique, dans laquelle il y avait absolument tout le monde, notamment la Fédération des assurances, il y avait également la BPI, le Gouverneur de la Banque de France, etc. nous travaillons dans cette direction pour faire en sorte que personne…aujourd'hui les commerçants, celui qui a une perte d'exploitation, c'est une victime, il est victime de cette maladie, la priorité numéro un du gouvernement c'est de lutter contre le Covid-19, et il faut tout faire, mettre tous les moyens pour lutter, mais parallèlement, après la crise sanitaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous lui garantissez cette perte d'exploitation, le paiement de cette perte d'exploitation ?
DIDIER GUILLAUME
Je ne peux pas garantir à un cas particulier, ce que je peux vous dire c'est que le gouvernement a pris des décisions très claires, a pris des décisions très claires, c'est que tous les dossiers seront regardés. hier une cellule de crise a été mise en place à Bercy, justement pour les délais de paiement, les grandes entreprises, augmenter les délais de paiement c'était compliqué pour les petites entreprises, nous voulons regarder, toutes les petites entreprises ont directement 1500 euros pour les aider. Et puis nous regardons avec les assurances, nous regardons avec le droit du travail, tout ce qui peut être fait. Le président de la République s'est engagé, le Premier ministre met en application…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors je lance un appel, que les assureurs paient les pertes d'exploitation, moi je lance un appel. Je le dis, je le répète, ça fait plusieurs fois que je le dis.
DIDIER GUILLAUME
Je pense que c'est bien que vous disiez cela, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement travaille avec la Fédération des assureurs, pour voir comment les choses peuvent se passer, c'est le travail de Bruno LE MAIRE et du Premier ministre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je pense à un autre problème Didier GUILLAUME, ce sont les producteurs qui n'arrivent pas à trouver de main-d'oeuvre. On le sait, évidemment avec le coronavirus les frontières sont fermées, il n'y a plus de main-d'oeuvre étrangère, qu'elle vienne d'Espagne, du Portugal, de Pologne, du Maghreb ou d'ailleurs, pour venir ramasser, ramasser, je ne sais pas moi, ramasser des salaries, ramasser des fraises, ramasser l'asperge, le radis, les endives, c'est la fin de la saison, la tomate, enfin etc., etc., alors que proposez-vous ?
DIDIER GUILLAUME
Alors plusieurs choses. d'abord nous regardons cela avec beaucoup de d'attention, aujourd'hui il y a possibilité d'avoir 200.000 emplois directs aujourd'hui même, ce mardi matin, qui peuvent travailler dans les métiers de l'agriculture, donc moi je veux lancer un grand appel, un grand appel à l'armée des ombres, à l'armée de l'ombre, un grand appel aux femmes et aux hommes qui aujourd'hui ne travaillent pas, un grand appel à celles et ceux qui sont confinés chez eux, dans leur appartement, dans leur maison, à celles et ceux qui sont serveur dans un restaurant, hôtesse d'accueil dans un hôtel, au coiffeur de mon quartier, à celles et ceux qui n'ont plus d'activité, et je leur dis rejoignez la Grande Armée de l'agriculture française, rejoignez celles et ceux qui vont nous permettre de nous nourrir, de nous nourrir de façon propre, saine, durable, équitable, c'est ce que nous devons faire aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous demandez à ceux qui sont au chômage partiel d'aller dans les champs.
DIDIER GUILLAUME
Je demande à ceux qui n'ont pas de travail, qui ne sont même pas au chômage partiel, ceux qui n'ont plus du tout d'activité, ou ceux qui peuvent être au chômage partiel, de dire si vous voulez faire un acte de solidarité, regardez tous ces médecins, regardez ces professionnels de santé, qui se tuent à la tâche pour nous sauver, ils sont salués le soir dans les immeubles par des applaudissements, eh bien faisons ensemble un acte citoyen, un acte civil, un acte républicain, allons dans les champs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment seront-ils payés ?
DIDIER GUILLAUME
Ils seront salariés par les agriculteurs ceux qui n'ont pas d'emploi, et on regardera comment les choses pourront se faire. Aujourd'hui, les agriculteurs, ce n'est pas le problème de payer la main-d'oeuvre, c'est qu'ils n'ont pas assez de main-d'oeuvre, et ces agriculteurs-là, qui vont produire la nourriture équilibrée de demain, il faut que les travaux des champs se fassent aujourd'hui, et pour qu'ils se fassent il faut de la main-d'oeuvre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire qu'un coiffeur pourra aller ramasser des fraises, je suis un peu caricatural mais, un coiffeur pourra aller ramasser des fraises ?
DIDIER GUILLAUME
Eh bien je connais un coiffeur, je ne vais pas citer son nom évidemment là, son prénom c'est Eric, je suis sûr si on lui dit va ramasser des fraises, va buter des asperges, va travailler dans un champ pendant une semaine pour aider, parce que nous sommes en crise, et il y a besoin de la solidarité nationale pour que nous puissions tous manger, je suis sûr qu'il le ferait. Mais peu importe, je ne veux pas là non plus stigmatiser, je pense que nous avons besoin de lancer une mobilisation générale, il faut que l'armée de l'ombre des Françaises et des Français, qui sont prêts à faire de la solidarité, qui sont prêts à avancer, il faut que ces gens-là aillent aider, et les agriculteurs les accueilleront bien, même très bien, mais parallèlement, évidemment, nous trouvons tous les autres circuits pour faire en sorte que la main-d'oeuvre puisse venir sur la durée. Nous avons besoin de 200.000 personnes aujourd'hui, les agriculteurs les accueilleront très très bien, à condition tout simplement d'avoir envie de bosser, d'avoir envie de travailler, et de se dire ce que je fais là, je ne le fais pas pour moi, je le fais pour mes enfants, je le fais pour ma mère, je le fais pour telle ou telle personne, parce qu'elle pourra avoir des salades, des poireaux, des radis, tout ce que vous citiez tout à l'heure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous demandez, dans cette période exceptionnelle, une modification, un aménagement du code du travail, la possibilité par exemple de porter la durée du travail à 50, 60 heures par semaine ?
DIDIER GUILLAUME
Alors, beaucoup de mesures ont été prises déjà par le gouvernement et par Muriel PENICAUD, qui fait un travail remarquable. Aujourd'hui nous aménageons tout cela. Ce qu'il faut bien comprendre c'est que nous le faisons en période de crise, toutes les mesures qui peuvent être prises là, elles ne sont pas faites, je n'en sais rien, mais elles ne sont pas faites pour être pérennisées dans les années qui viennent, bien sûr. Il y a une situation difficile…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous pouvez demander un aménagement du code du travail ?
DIDIER GUILLAUME
Mais aujourd'hui c'est fait dans les lois la loi d'urgence qui a été votée au Parlement ce week-end et dont les ordonnances, 24, nous en prenons demain en Conseil des ministres, bien sûr qu'il y a des aménagements pour faire en sorte qu'on puisse travailler un peu plus la nuit, peut-être le dimanche dans certaines entreprises, que les camions puissent rouler, que le chauffeur puisse amener la nourriture, puisse amener les palettes pour les livrer dans les grandes surfaces, pour amener de la matière première dans les coopératives agricoles, qui font un travail remarquable et qui transforme notre nourriture, bref c'est la chaîne alimentaire dans son ensemble qui doit fonctionner. Moi mon rôle de ministre, dans mon portefeuille ministériel, j'ai la chaîne alimentaire, et je dois tout faire pour éviter une éventuelle rupture de cette chaîne alimentaire. Ce que je peux vous dire ce matin Jean-Jacques BOURDIN, chez vous, c'est qu'il n'y aura pas de rupture de la chaîne alimentaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas de rupture ?
DIDIER GUILLAUME
Non, il n'y aura pas de pénurie, c'est clair, tous nos interlocuteurs nous le disent. alors peut-être, en fin d'après-midi midi, dans tel ou tel rayon des hypermarchés il manque un produit dans une gamme, évidemment, ça tout le monde peut le comprendre, mais le lendemain le réassort est fait, peut-être qu'il y a des secteurs qui sont un peu plus en difficulté, mais de toute façon on pourra se nourrir et manger équilibré, encore faut-il que nos concitoyens fassent ce geste de patriotisme alimentaire, de patriotisme fort, j'achète français, j'achète des produits français, j'achète des fruits et légumes, j'achète de la viande, j'achète du poisson, j'achète des produits lactés, peu importe, j'achète français, et c'est comme cela que la machine va redémarrer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Le secteur, l'un des secteurs prioritaires de cette chaîne alimentaire c'est évidemment le producteur, il est le premier de la chaîne, ni chômage partiel, ni télétravail pour ces producteurs, ces agriculteurs qui ont besoin d'être protégés, Didier GUILLAUME.
DIDIER GUILLAUME
Ils ont besoin d'être protégés, ils ont besoin d'être soutenus. Vous savez, c'est toujours dans ces moments-là que l'on se rend compte de l'immense travail qu'accomplissent les agriculteurs. je sais qu'ils sont parfois vilipendés, ils sont parfois critiqués pour telle ou telle pratique, mais ça c'est facile de faire ces critiques quand on est dans son coin ou dans son canapé, mais quand on est à 5h00 du matin dans sa stabulation, quand on est à 5h00 du matin pour aller traire ses animaux, quand on est dans sa station de fruits, quand on va buter les asperges, quand on fait les travaux des champs, quand on est derrière son tracteur, son semoir, là c'est autre chose, et ce qu'ils font là c'est pour que demain nous mangions le mieux possible. Alors bien sûr qu'il faut faire évoluer, bien sûr que la transition agro-écologique elle est absolument indispensable, bien sûr que l'agriculture française, que les paysans de France, sont prêts à cette évolution, mais le temps de la société n'est pas le temps de la campagne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il faut produire.
DIDIER GUILLAUME
Il faut produire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut produire, même en masse ?
DIDIER GUILLAUME
Mais, il faut produire pour nourrir les Français. Vous vous rendez compte qu'on demande des choses très contradictoires, c'est-à-dire on veut l'autonomie alimentaire, nous voulons que les produits français nourrissent les Français, mais nous ne voudrions pas que l'agriculture française produise pour la masse, mais bien sûr qu'elle doit produire pour la masse. Moi je ne veux pas que mes concitoyens mangent du poulet brésilien qui a été élevé dans des conditions dramatiques, lorsqu'ils n'ont pas beaucoup d'argent, et que ceux qui ont le plus d'argent puissent manger le poulet fermier de Saint-Sever. Il faut repenser notre organisation alimentaire, repenser notre organisation agricole. Les états généraux de l'alimentation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc mettre à bas, un terme, à tous ces grands traités de commerce international, ces grands traités qui finalement nous obligent parfois, quand on n'a pas trop les moyens, nous obligent à manger des poulets pas chers qui sont chlorés ou autres ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, parfois ils sont chlorés, pas chers et pas bons du tout…non, ce n'est pas le problème des traités internationaux, c'est tout simplement le fait de la mondialisation, et si nous nous sommes capables de produire notre propre alimentation, nous n'irons pas chercher ailleurs. Quand le président de la République dit il faut une exception agricole, une exception alimentaire, dans le cadre des marchés internationaux, il a raison, on n'échange pas de l'agriculture contre des voitures, des fusées ou des avions, on ne peut pas mettre l'agriculture et l'alimentation au même niveau que d'autres produits de service ou industriels, il faut la sanctuariser.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Didier GUILLAUME, pour vous, tout ça c'est fini ?
DIDIER GUILLAUME
On avait déjà commencé à le faire… oui, je pense que ça il faut repenser différemment. lorsque le président de la République annonce un plan protéines, pour avoir des protéines végétales, pour avoir notre autonomie d'alimentation humaine et animale, aujourd'hui nous faisons venir des tourteaux de soja d'Outre-Atlantique pour nourrir nos bêtes, ne me dites pas qu'en repensant nos cultures en plaines, et notamment nos céréales, nous ne sommes pas capables de planter nous-mêmes du soja par exemple, pour faire en sorte que nous ayons nos propres protéines végétales chez nous, qu'elles ne fassent pas le tour de la terre ou qu'elles ne traversent pas l'Atlantique sur des bateaux, c'est bon pour l'environnement, c'est bon pour l'économie, c'est bon pour la santé, et nous elles ne seront pas OGM, c'est tout cela qu'il faut repenser. Et vous savez, souvent dans ce pays, c'est quand il y a des grandes crises qu'on se remet en cause, remettons-nous en cause pour la France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci Didier GUILLAUME, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, sur RMC et BFMTV ce matin
source : Service d'information du Gouvernement, le 25 mars 2020