Déclaration de M. Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse, sur la prise en charge des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire sur les jeunes, Paris le 3 juin 2020.

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  • Gabriel Attal - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse

Circonstance : Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain "Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse dans la prise en charge des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire ?", au sénat le 3 juin 2020

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe socialiste et républicain, sur le thème : « Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse afin d'aider ces publics particulièrement exposés dans la prise en charge des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

(…)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Guillemot, je veux tout d'abord vous remercier, ainsi que le groupe socialiste et républicain, d'avoir mis ce sujet à l'ordre du jour de la Haute Assemblée, parce que c'est un sujet absolument essentiel, qui va beaucoup nous mobiliser dans les mois à venir.

En effet, vous l'avez dit, chaque fois que survient une crise économique – cela a été vérifié en 2008 et en 1993 –, les premiers touchés et ceux qui le sont les plus durement sont les plus vulnérables et, parmi eux, il y a les jeunes, quel que soit, d'ailleurs, leur niveau de qualification. Les jeunes sont vulnérables parce qu'ils rentrent sur le marché du travail, qu'ils sont dans un moment de transition.

Deux chiffres résument, à eux seuls, l'importance du débat que vous nous proposez aujourd'hui : 550 000 jeunes de moins de 25 ans sont actuellement au chômage et 700 000 jeunes doivent arriver sur le marché du travail à la rentrée prochaine. Pour eux, ainsi que pour ceux qui sont encore en formation – en apprentissage ou dans l'enseignement supérieur –, nous devons trouver des solutions pour lutter contre la précarité, qui pourrait s'accroître si rien n'était fait dans les semaines et les mois à venir.

Fort heureusement, les solutions ne dépendent pas que de nous, et je veux vous également remercier des mots très positifs que vous avez eus, parce qu'on les entend trop peu. Il faut le rappeler, le premier atout de la jeunesse, ce sont les jeunes eux-mêmes. Nous avons, en France, une jeunesse créative, volontaire, qui a envie de s'insérer, de s'autonomiser et de se construire.

Elle est également engagée, et je veux, comme vous, rendre hommage à leur dynamisme, à leur civisme et à leur sens indéniable de l'engagement collectif. Loin des idées reçues, nous pouvons être fiers de cette génération qui, pendant la crise sanitaire, a su mobiliser une formidable énergie.

Parmi les 300 000 personnes qui se sont spontanément portées volontaires au travers de la plateforme de la réserve civique, 40 % avaient moins de 30 ans ; 58 000 jeunes en service civique ont transformé leur mission pour contribuer à l'effort national contre la pandémie, et l'on ne compte pas les jeunes qui se sont engagés bénévolement, dans leur quartier, au pied de leur immeuble, pour subvenir aux besoins vitaux des personnes dans le besoin.

Après cette crise, nous devrons faire prospérer cet élan ; c'est en prenant appui sur l'énergie créatrice des jeunes que nous parviendrons à dominer cette crise sanitaire. Pendant celle-ci, nos réponses à destination des jeunes étaient d'ordre social et constituaient des mesures d'urgence ; nous devons maintenant penser à moyen et long termes, pour compléter l'action sociale par une action économique durable et par un investissement renouvelé dans la formation et dans les compétences.

Permettez-moi maintenant de vous présenter cette stratégie plus en détail et de vous indiquer dans le cap que nous tenons, tout d'abord au travers des mesures que nous avons prises au plus fort de la crise sanitaire et durant le confinement et, ensuite, en évoquant nos pistes de travail pour les mois à venir.

Pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a répondu, vous le savez, avec une force sans précédent aux drames économiques et sociaux. Notre action pour tous les Français a directement bénéficié aux jeunes ; quand on prend des mesures de soutien à l'activité économique, à l'emploi et aux entreprises, on prend indirectement des mesures de soutien aux jeunes, et l'ensemble des dispositifs que nous avons pris permet de limiter les dégâts sur le monde économique et donc sur l'emploi des jeunes.

Je veux également mentionner les règles régissant le chômage et l'activité partiels, règles qui ont été assouplies pour protéger les demandeurs d'emploi en fin de droits, les intérimaires et les travailleurs saisonniers en faisant perdurer leurs droits au-delà du confinement.

Je pense aussi aux jeunes parents, obligés de garder leurs enfants, qui ont bénéficié d'un système exceptionnel d'indemnités journalières.

Je veux également citer les mesures de solidarité avec les personnes précaires et l'aide de 150 euros qui a été versée à 4 millions de familles pauvres ou modestes, à laquelle s'est ajouté un montant de 100 euros supplémentaires par enfant. Cela représente un effort global de 900 millions d'euros, largement fléché vers les enfants et vers les jeunes.

Nous avons également agi directement et spécifiquement en direction de la jeunesse. La principale mesure a consisté en une mobilisation de 150 millions d'euros, sous la forme d'une aide exceptionnelle de 200 euros pour 800 000 jeunes, destinée à compenser la perte de revenu liée à l'arrêt temporaire d'un stage, d'un apprentissage ou d'un job étudiant. Cette prime sera versée dans le courant de la semaine aux jeunes étudiants et autour du 15 juin aux autres.

Je pense également à d'autres mesures d'urgence prises pour répondre à des situations de fragilité particulière.

Les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) ont pris la décision de n'exiger aucun préavis des étudiants qui ont décidé de mettre fin à leur bail en résidence étudiante, afin de leur éviter un surcoût inutile. Nous avons prolongé les dispositifs de l'aide sociale à l'enfance (ASE) pour les enfants atteignant leur majorité pendant la période de la crise de la Covid-19, car le contexte incertain risquait de déstabiliser dramatiquement les jeunes sortant de ce dispositif.

Pour éviter que trop de jeunes ne décrochent de leur scolarité, nous avons lancé une opération, soutenue par les associations du collectif Mentorat, d'équipement d'urgence en matériel informatique et en connexion internet, pour un montant de 15 millions d'euros.

Il faut maintenant penser à l'après-crise, vous l'avez dit. À ce titre, quatre grands axes de travail, sur lesquels je reviendrai à l'occasion des questions, nous mobilisent.

Tout d'abord, il faut lutter contre le décrochage scolaire, notamment dans la voie professionnelle, parce qu'aucun jeune ne doit être désoeuvré ni se sentir laissé pour compte.

Ensuite, nous devons maintenir la dynamique engagée par notre gouvernement sur la formation et sur l'apprentissage ; forts de de nos réussites, et parce que le contexte nous y incite, nous devons aller plus vite et plus fort.

En outre, il est nécessaire de faciliter l'accès à l'embauche ; le marché du travail risque de se durcir, nous devons aider les entreprises à embaucher des jeunes et aider les jeunes à accéder à l'emploi.

Enfin, il convient d'agir pour lutter contre la précarité des jeunes face au risque de rupture que vous avez évoqué. Notre plan prendra appui sur la politique pour la jeunesse que nous menons depuis 2017. Cette politique donne aux jeunes de meilleures armes pour aborder un marché du travail devenu plus défavorable.

Je veux à cet égard revenir sur le plan d'investissement dans les compétences. Nous avons mobilisé 15 milliards d'euros pour la formation de 1 million de jeunes et de personnes peu qualifiées. Nous avons développé des solutions multiples de la deuxième chance et de lutte contre le décrochage scolaire, notamment pour les jeunes vivant en outre-mer, afin qu'aucun jeune ne soit laissé sans solution.

Tous les jeunes sans emploi de 16 à 18 ans auront désormais une obligation de formation, ce qui implique aussi, pour l'État, l'obligation de leur proposer une solution à partir de la rentrée prochaine ; cela a été adopté au travers de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, promue par Jean-Michel Blanquer.

Grâce à la réforme de la formation professionnelle et de l'alternance, nous avons réussi à provoquer un essor sans précédent de l'apprentissage, avec une augmentation de 16 % en 2019 du nombre d'apprentis, qui a atteint près de 400 000. Cette dynamique doit absolument perdurer, et nous aurons besoin de la mobilisation de toutes les entreprises, au cours des mois qui viennent.

Nous allons déployer un plan spécifique pour aborder la rentrée ; il sera présenté avant l'été. J'ai entendu vos inquiétudes en ce qui concerne l'idée d'attendre le mois de septembre ; vous avez raison, il faut aller vite. Par exemple, pour l'apprentissage, des mesures seront annoncées dès demain, à l'issue d'une rencontre avec les partenaires sociaux. Nous allons évidemment continuer d'avancer sur les autres chantiers et les mesures seront présentées avant l'été.

Voilà pour les grands objectifs, sur lesquels nous reviendrons à l'occasion de cette séance de questions.

Enfin, j'ai entendu votre interrogation principale sur les emplois aidés et les emplois-jeunes.

J'assume les mesures prises sur les emplois aidés. Il y a eu de très belles histoires et de très beaux exemples de jeunes qui ont, grâce à un emploi aidé, réussi à trouver leur voie et à s'insérer, mais ce n'était pas la majorité des cas. Nous devons construire des solutions aidant à la fois le jeune recherchant une insertion durable dans l'emploi et la structure qui le reçoit ; c'est ce que nous avons commencé à faire avec les parcours emploi compétences et c'est ce que nous avons continué de développer avec les emplois francs, en ciblant précisément les quartiers.

Je suis ouvert à toutes les propositions. Je réfléchis en ce moment à des dispositifs de soutien à l'emploi associatif, en lien avec le volet associatif de mes responsabilités, mais cela pourrait tout à fait se croiser avec la préoccupation de l'emploi des jeunes. Il y a là des ponts intéressants à construire dans les semaines à venir ; en tout cas, j'y suis tout à fait disposé.

Je suis sûr que surgiront de nos débats des idées fructueuses pour les mois à venir.


- Débat interactif -

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. M. le secrétaire d'État l'a rappelé, les crises économiques précédentes ont montré combien les jeunes constituent une population fragile, combien ils sont vulnérables face au fléau du chômage, combien ils sont, plus que d'autres, susceptibles de tomber dans le découragement et la crainte de ne pas parvenir à s'insérer dans le monde du travail.

Parmi les dispositifs destinés aux jeunes, le service civique semble particulièrement pertinent pour favoriser l'intégration, pour créer le lien social et pour faire acquérir à nos jeunes des compétences, qu'ils peuvent par la suite valoriser dans le cadre d'une première embauche. Cette année, le service civique a 10 ans et son petit frère, le service national universel, fête, lui, sa première année d'expérimentation.

Ma question est la suivante : peut-on dresser un bilan du service civique depuis son instauration et, surtout, que peut-on dire du service civique et de son rôle au cours de cette période de confinement ? Peut-on envisager un élargissement de ce dispositif, ce qui impliquerait, vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, d'augmenter son budget ? Autrement dit, le service civique peut-il être un élément structurant de l'indispensable accompagnement des jeunes dans l'ère post-Covid-19 ?

Enfin, j'aimerais attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur les jeunes en situation de handicap, qui représentent à peine 3 % des volontaires du service civique. Au regard de la précarité et de la fragilité accrue de ces jeunes, un renforcement de leur accès au service civique paraît plus que jamais nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur André Gattolin, je vous remercie de mettre l'accent sur le service civique, qui fête, vous l'avez dit, ses 10 ans cette année. Nous avions prévu un grand moment réunissant 1 000 jeunes du service civique, qui devait se tenir à la fin du mois de mars. Évidemment, nous avons dû le reporter, mais le service civique est un magnifique dispositif, et il faut le dire.

Il a été créé en 2010 et prolongé par la suite, quelles que soient, d'ailleurs, les majorités. Je salue d'ailleurs Patrick Kanner, qui a aussi participé à ce mouvement.

Ce dispositif a été construit pour favoriser l'engagement des jeunes, qui est, on le voit chaque jour, l'une de leurs grandes aspirations. Ce dispositif n'avait pas été conçu comme une brique supplémentaire de l'insertion dans l'emploi, mais il s'est imposé comme un moment permettant aux jeunes de prendre confiance en eux, de découvrir des choses, de développer un certain nombre de compétences, notamment des savoir-être, et d'être valorisés ensuite dans une logique d'insertion dans l'emploi.

En effet, beaucoup d'entreprises et de représentants du patronat estiment aujourd'hui que le service civique est devenu une forme de label sur un CV ; ils considèrent qu'un jeune qui a fait un service civique sait évoluer dans un milieu professionnel et développer des compétences.

Oui, il faut continuer de développer le service civique ; nous y avons investi beaucoup depuis 2017, en renforçant son budget. Cette année, 145 000 à 150 000 jeunes feront une mission de service civique.

Il faut continuer de le faire croître et, pour répondre à votre question, cela peut constituer l'une des réponses à la crise que nous vivons, parce que les jeunes ont envie de s'engager – ils nous l'ont encore montré pendant ce confinement, notamment les jeunes en service civique – et parce que ce moment, même s'il ne constitue pas un emploi rémunéré, est utile et formateur pour l'insertion des jeunes. Nous aurons donc besoin de mobiliser tous les dispositifs pour atteindre l'objectif d'insertion massive dans l'emploi.

Cela dit, je tiens à le préciser, j'accorde une grande importance à la qualité des missions : je l'ai souligné dès ma prise de fonctions, il ne faut pas tomber dans la substitution à l'emploi ni dans des missions qui ne serviraient qu'à occuper les jeunes. Si le service civique a fonctionné, c'est parce que les jeunes sont utiles et se sentent tels. Il faut évidemment poursuivre dans cette voie, et c'est ce à quoi nous travaillons.

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.

M. André Gattolin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

Je profite du temps qui me reste pour parler de la question du handicap.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. Oui, j'y reviendrai !

M. André Gattolin. On le voit, le mécanisme du service civique permet d'aller plus loin en matière d'insertion. Il est étonnant de voir le nombre d'associations qui se chargent d'accompagner le handicap et qui bénéficient de ce système, mais aussi de constater combien des gens eux-mêmes en situation de handicap relativement léger parviennent aussi à aider des gens ayant un handicap plus lourd.

J'y insiste donc : le service civique a aussi une vocation d'intégration des plus fragiles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cela a été dit, la crise sanitaire et ses conséquences sociales et économiques mettant en lumière de profondes inégalités et, comme souvent, les jeunes en sont les premiers touchés.

Ils sont souvent dans une situation plus précaire que leurs aînés et ils font face, par exemple, au non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée (CDD) ou d'une mission d'intérim, à l'absence de protection sociale liée à l'ubérisation de l'économie et à la difficulté, pour ne pas dire à l'impossibilité, de trouver en ce moment un job d'été, lequel représente, pour beaucoup d'entre eux, le seul revenu de l'année.

Ils s'inquiètent aussi de la remise en cause des stages ou des contrats de professionnalisation ou de la « valeur » qui sera accordée aux diplômes obtenus cette année.

Par ailleurs, alors qu'aucune date n'est fixée pour la reprise des examens du permis de conduire – chacun connaît l'engorgement habituel de ces épreuves –, ils s'interrogent sur l'échéance à laquelle ils pourront obtenir ce permis, souvent indispensable pour décrocher un emploi dans nombre de nos territoires.

Bref, il y a une multitude de questions très concrètes – pardon de cette liste à la Prévert –, auxquelles il faut, je crois, apporter des réponses, avec, comme boussole, l'accompagnement accru de cette génération du confinement, comme le préconise, par exemple, l'Organisation internationale du travail (OIT).

Le revenu de solidarité active (RSA) pourrait être un filet de sécurité salutaire dans cette période, même s'il est évidemment loin d'être suffisant et qu'il ne peut pas constituer un horizon – je vous rejoins sur ce point, monsieur le secrétaire d'État.

Or, depuis des décennies, la majorité est fixée à 18 ans. À cet âge, les jeunes peuvent voter, être salariés, ils doivent payer des cotisations et des impôts, et j'en passe, mais ils se voient toujours refuser l'accès essentiel à ce volet de la solidarité nationale. Pourquoi ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Je vais vous répondre, madame Brulin, mais je veux, au préalable, répondre très rapidement au volet de la question de M. Gattolin sur les jeunes en situation de handicap dans le service civique, que j'avais oublié d'aborder.

Oui, c'est une grande priorité. Quand j'ai été nommé, quelque 1,5 % des jeunes en service civique était en situation de handicap, me semble-t-il. Pourtant, ils ont autant envie de s'engager et autant à apporter que les autres.

Il y a, dans la région nantaise, un collectif – Cap sur l'engagement –, qui a travaillé pendant un an et qui m'a remis des propositions. Mon objectif est que, en 2022, nous ayons atteint 3 % de jeunes handicapés dans le service civique, pour permettre cet essor. Vous avez raison, c'est très important.

Madame Brulin, vous m'avez interrogé sur la question du RSA.

Tout d'abord, je partage votre constat sur les fragilités et sur les difficultés que risquent de connaître des jeunes si l'on ne fait rien. Selon moi, le débat n'est pas de savoir s'il faut agir davantage et renforcer l'accompagnement, financier ou non, des jeunes. Le débat qui crée des divergences entre nous porte sur le comment.

C'est vrai, j'ai dit que je n'étais pas favorable à l'extension du RSA aux moins de 25 ans, parce que, selon moi, nous avons des outils formidables, notamment la garantie jeunes, développée par la majorité précédente. Ces outils répondent à des situations de grande précarité de jeunes, au travers d'un accompagnement financier et humain vers l'insertion, et conduisent à des sorties positives de ce dispositif qui sont très favorables.

Je suis d'avis de parier sur ce dispositif et de continuer à le soutenir, y compris en cette période de crise. Je crains qu'un RSA pour les moins de 25 ans ne soit démobilisateur, non pas pour les jeunes, mais pour les structures qui les accompagnent. En effet, l'enjeu demeure l'accompagnement humain des jeunes vers la formation et l'insertion. Bien évidemment, il est également important de soutenir financièrement ceux qui en ont besoin.

Je rappelle qu'un grand chantier a été ouvert, celui du revenu universel d'activité (RUA), pour revoir la manière dont on accompagne les plus précaires de notre pays. La question des jeunes en fait pleinement partie.

Les travaux vont se poursuivre, mais on sait que le revenu universel d'activité doit être mis en place à l'horizon de 2023. Il ne pourra donc pas constituer une réponse immédiate à la crise que nous vivons.

Cependant, je pense que la réflexion structurelle que nous menons dans le cadre du chantier du RUA et les réponses urgentes que nous allons apporter nous permettent d'avancer pour répondre aux problématiques que vous évoquez.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, le RSA, comme son ancêtre, le RMI, comporte normalement un volet insertion. On ne peut donc pas dire que l'on refuse l'insertion à ceux qui bénéficient des minima sociaux. Au contraire !

Au reste, ce que vous dites à la fois sur l'engagement des structures qui accueillent ces jeunes et sur celui des jeunes eux-mêmes est un peu limite : à vous écouter, les jeunes qui touchent ces revenus de solidarité seraient un peu moins prompts à chercher du travail.

On annonce des plans sociaux tous les jours. Nous sommes encore mobilisés, dans un certain nombre de nos départements, sur la situation de Renault. On annonce, malgré des aides de l'État, 4 600 suppressions d'emploi. Vous imaginez bien que ce sont autant de débouchés en moins pour nos jeunes dans des régions industrielles comme les nôtres, où la situation est déjà très difficile !

Il me paraît essentiel, dans la période que nous vivons, de prévoir un filet de sécurité pour nos jeunes et de leur donner le signe qu'ils ont eux aussi droit à la solidarité nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le secrétaire d'État, alors que 750 000 jeunes s'apprêtent à finir leurs études, leur insertion sur le marché du travail s'annonce particulièrement difficile cette année.

Dans son dernier communiqué de presse, l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) observe une chute de 69 % des offres d'emploi destinées aux jeunes diplômés par rapport à l'année dernière. Le plan global en faveur de la jeunesse annoncé par le Gouvernement est, à cet égard, très attendu.

Nous serons particulièrement attentifs au volet apprentissage, qui concerne près de 500 000 apprentis en France. Alors que les centres de formation des apprentis (CFA) rouvrent progressivement depuis le 11 mai, les premières mesures en faveur de l'apprentissage devraient être annoncées cette semaine – vous les avez annoncées pour demain, monsieur le secrétaire d'État.

De nombreux centres de formation sont menacés de fermeture par la crise. En effet, depuis la dernière réforme, le financement de ces centres dépend du nombre de contrats signés. Or peu de PME et de TPE sont prêtes à signer de nouveaux contrats à la rentrée, compte tenu des incertitudes économiques qui pèsent sur de nombreux secteurs, en particulier celui de l'hôtellerie et de la restauration, qui emploie, chaque année, de nombreux apprentis.

Monsieur le secrétaire d'État, dans le contexte actuel, ne serait-il pas souhaitable, d'une part, de revoir transitoirement les règles de financement des centres de formation, en calant les sommes attribuées par les opérateurs de compétences sur les effectifs de 2019, et, d'autre part, de faciliter les entrées et sorties des élèves apprentis dans le dispositif d'apprentissage, afin de laisser davantage de temps aux entreprises de se remettre à flot sans pénaliser les jeunes, qui sont de plus en plus nombreux à souhaiter se former par cette voie ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, vous posez la question de l'apprentissage, qui, comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, est une très grande priorité pour le Gouvernement.

Grâce à la mobilisation absolue de Muriel Pénicaud, nous avons enfin réussi à faire, pour notre pays, ce que beaucoup ont cherché à faire depuis longtemps, à savoir faire décoller la voie de l'apprentissage. Comme je l'ai rappelé, elle concernait 400 000 jeunes l'an dernier, soit une hausse de 16 %, et ce nombre est en augmentation constante depuis le début du quinquennat.

Nous ne voulons pas que la crise actuelle vienne « casser » cette dynamique. Il faut donc que, pour cette année 2020, nous soyons en mesure d'accueillir au moins autant de jeunes en apprentissage que l'an dernier. Je pense que c'est un objectif raisonnable que nous pouvons nous fixer.

Demain aura lieu une réunion très importante entre les partenaires sociaux et le Président de la République, pour aborder un certain nombre d'enjeux qui ont trait au marché du travail et à l'emploi. La question de l'apprentissage sera centrale dans ces discussions.

Il m'est compliqué de faire des annonces : celles-ci interviendront, par définition, après l'échange avec les partenaires sociaux. Je pense que ces derniers vivraient assez mal que les annonces interviennent avant même que la réunion ait lieu…

Quoi qu'il en soit, dans ces annonces et dans ce travail qui va être engagé avec eux demain, un soutien massif sera apporté à la fois aux entreprises, pour qu'elles accueillent des jeunes en apprentissage, aux centres de formation et aux jeunes apprentis eux-mêmes. Ce soutien sera notamment financier. Il répondra, je l'espère, à votre préoccupation, qui est légitime, puisque nous savons que l'apprentissage est une voie d'excellence en France. Nous avons réussi à le faire reconnaître dans la société, parce que nous l'avons beaucoup soutenu.

Bien évidemment, la crise que nous traversons appelle un soutien et une mobilisation encore plus importants. Nous allons nous y atteler dès demain.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.

Mme Colette Mélot. Monsieur le secrétaire d'État, il est vrai que vous avez fait décoller l'apprentissage, mais c'était avant la crise.

Aujourd'hui, les entreprises sont plus réticentes à recruter des apprentis. J'espère donc que, comme vous venez de le dire, vous accorderez un soutien massif à l'apprentissage, mais aussi un soutien aux entreprises – l'un ne va pas sans l'autre.

J'y serai très attentive, car, comme vous l'avez également dit, l'apprentissage est une voie d'excellence. Nous en sommes tous convaincus. Il faut absolument soutenir cette voie pour les jeunes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le secrétaire d'État, entre inquiétude face au présent et crainte du lendemain, notre jeunesse est loin d'être sereine : interruption des études, suivi plus ou moins aisé des cours à distance, arrêt de jobs qui aidaient financièrement, inégalités numériques et territoriales, menaces pesant sur les futures embauches… ces différents éléments se sont ajoutés à un quotidien qui n'était déjà pas facile avant le Covid-19.

Pour bon nombre de jeunes, la réussite tant vantée dans une société qui prône l'ascension sociale était un parcours du combattant. Désormais, elle est reléguée à l'espoir incertain.

Notre politique publique doit donc être ambitieuse. Mieux, elle doit être la plus optimiste possible, notamment en ce qui concerne la filière d'excellence qu'est l'apprentissage professionnel.

Avant la crise sanitaire, les indicateurs étaient au vert. Ainsi, en Île-de-France, près de 90 000 apprentis et préapprentis étaient inscrits à la rentrée 2018-2019. Sur l'ensemble du territoire national, l'année 2020 devait confirmer cette tendance, même s'il était parfois compliqué, pour les apprentis, de trouver une entreprise.

Cependant, les professionnels du secteur sont actuellement inquiets pour les contrats en alternance lors de la rentrée prochaine. Les effets risquent de se faire sentir, en particulier dans les petites et moyennes entreprises.

J'avais deux questions à vous poser, monsieur le secrétaire d'État. Vous avez déjà répondu à la première, sur l'apprentissage, ce dont je vous remercie.

Parallèlement, ne serait-il pas temps de réinventer les emplois d'avenir basés sur une formation professionnelle aussi bien dans le secteur marchand que dans le secteur non marchand ? C'est une demande formulée par les missions locales. En effet, ce dispositif fonctionnait très bien pour une population dite « précaire », car il apportait une formation professionnelle adaptée aux besoins de l'entreprise. La suppression brutale de cette mesure a créé un déséquilibre.

Le Covid-19 laisse craindre un renforcement de l'exclusion sociale. Il est donc important de remettre en place une mesure comme celle-ci, assortie, par exemple, d'une exonération des charges pour les entreprises, tout en maintenant la formation professionnelle. Ne sacrifions pas nos jeunes. Ils sont l'avenir !

Soyez assuré que certaines communes sont elles aussi prêtes à jouer le jeu d'un vrai contrat accompagné.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, vous êtes revenue sur l'importance de l'apprentissage.

Je veux profiter de mon temps de parole pour indiquer, en complément de ce que j'ai déjà indiqué, que, dans notre mobilisation, outre ce qui sera annoncé demain sur le soutien aux entreprises et aux centres de formation pour continuer à développer l'apprentissage, nous devons aussi aller chercher les jeunes qui étaient en apprentissage au moment du confinement et qui, pour certains, ont décroché. L'enjeu est très important.

Récemment, le haut-commissaire aux compétences, M. Jean-Marie Marx, a estimé à 15 % le taux de jeunes en apprentissage qui ont décroché à l'occasion du confinement. L'ordre de grandeur est d'ailleurs le même dans la voie professionnelle scolaire, ce qui nous a conduits, Jean-Michel Blanquer et moi-même, à annoncer que les lycées professionnels resteraient ouverts cet été pour accueillir des jeunes, y compris pour des activités ludiques, à côté de l'enseignement. Cet enjeu du « raccrochage » est extrêmement important dans l'apprentissage, comme dans l'enseignement scolaire.

Pour ce qui concerne votre seconde question, les travaux vont évidemment se poursuivre. Le Gouvernement présentera, avant l'été, un plan de relance qui insistera sur des secteurs clés pour la relance du pays, dans lesquels nous allons investir ou réinvestir. Je pense évidemment aux secteurs du soin et de la transition énergétique, pour ne citer qu'eux. On pourrait également citer le numérique.

Dans le cadre de cette mobilisation, il faudra évidemment recruter. Il y aura des perspectives d'emploi et des dispositifs permettant à des jeunes de trouver un emploi dans ces secteurs, sur lesquels nous parions. Que ces emplois puissent être couplés à une formation, dans une logique d'alternance, me semble une piste intéressante. C'est en tout cas une piste que nous creusons. Nous aurons, je l'espère, l'occasion d'en reparler.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d'État, je m'exprime, bien sûr, en ma qualité de sénateur, mais aussi en tant que présidente de la mission locale Nice-Côte d'Azur.

Dans les Alpes-Maritimes, le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A a bondi de 41,5 % au cours des trois derniers mois. Ce sont évidemment les jeunes de moins de 25 ans qui paient le plus lourd tribut, avec une hausse de 39,5 % de demandes rien qu'en avril.

À la même période, en 2019, la mission locale Nice-Côte d'Azur recensait 834 recrutements, alors que 112 seulement seront finalisés cette année, soit une baisse d'insertion professionnelle de 84 % en un an.

Du côté de l'apprentissage, la situation n'est pas meilleure : les élèves sont moins nombreux à pouvoir suivre les cours dans les CFA, puisque ces établissements rouvrent à la carte.

Autre problème pour les apprentis, cela a été indiqué : leur diplôme est menacé, puisque leur formation pratique a été stoppée ou annulée. De nombreuses entreprises qui les accueillent en temps normal ont été fermées et rouvrent sous conditions.

Ces conséquences inquiétantes sur les contrats d'apprentissage se remarquent plus particulièrement dans certains secteurs importants dans les Alpes-Maritimes. Je pense à l'hôtellerie et à la restauration, puisque les offres sont moins nombreuses, alors que 80 % des contrats d'apprentissage courent entre avril et octobre.

Monsieur le secrétaire d'État, entendez-vous élargir le fonds d'aide aux jeunes afin de pouvoir apporter un soutien plus durable que l'aide exceptionnelle de 200 euros par jeune qui a été annoncée en mai ?

Comptez-vous renforcer les contrats aidés dans le secteur non marchand, notamment au sein des collectivités territoriales ?

Enfin, l'emploi des jeunes passera forcément par une baisse des charges. Il faut qu'il y ait une incitation financière. À cet égard, seriez-vous favorable à une exonération des charges pour les entreprises qui recruteraient un jeune en CDI ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, vous avez évoqué des chiffres qui sont évidemment très inquiétants et qui appellent notre mobilisation, même s'il est logique que, durant le confinement, l'activité des CFA ait diminué et que des entreprises qui étaient fermées n'aient plus été en mesure d'accueillir de jeunes.

L'essentiel, maintenant, est que tout redémarre très vite. Sauf erreur de ma part, le taux de reprise dans l'apprentissage s'élevait, la semaine dernière, à 30 %, et l'objectif est qu'il atteigne 60 % avant l'été. Muriel Pénicaud le dirait mieux que moi, mais l'enjeu est d'aller vite. Les mesures qui seront annoncées demain sur l'apprentissage vont directement dans ce sens.

J'en profite aussi pour dire, puisque vous avez abordé le sujet du tourisme et de l'hôtellerie-restauration, que de plus en plus d'offres d'emploi sont déposées à Pôle emploi. Cela fait écho à ce qu'a dit Mme Brulin. Beaucoup de jeunes qui ont l'habitude de travailler l'été en tant que saisonniers pour financer leurs études sont très inquiets. Le message doit être clair : certes, la situation est difficile, mais il y a, aujourd'hui, des offres qui ne trouvent pas preneurs. Je pense évidemment au secteur du tourisme, au secteur agricole, où il y a aussi des besoins, et à l'animation, puisque nous aurons besoin d'animateurs formés pour l'accueil important des enfants que nous allons organiser cet été. Je ferme la parenthèse.

J'en viens aux trois questions très concrètes que vous avez posées.

Pour ce qui concerne le fonds d'aide aux jeunes, nous avons créé, pendant le confinement, une aide exceptionnelle, pour répondre à des besoins exceptionnels. Par exemple, il fallait aider les jeunes étudiants qui avaient l'habitude de se nourrir au restaurant universitaire pour un euro par repas et qui se sont retrouvés obligés d'aller au supermarché. Il fallait aider les jeunes d'outre-mer qui étaient en métropole et ne pouvaient pas se reposer sur une solidarité familiale de proximité comme les jeunes de l'Hexagone. Il fallait aider des jeunes non étudiants en situation précaire.

Nous entrons maintenant dans une période trouble sur le marché de l'emploi et pour l'insertion des jeunes. Il faudra un accompagnement plus durable dans ce contexte.

Par conséquent, oui, il faut un accompagnement financier renforcé contre la précarité des jeunes. J'ignore si cela passera de nouveau par le versement d'une prime ou par des budgets à la main des missions locales et des universités. Quoi qu'il en soit, il faudra un accompagnement supplémentaire.

J'ai déjà évoqué les perspectives qui pouvaient être données concernant les contrats aidés.

Enfin, l'incitation financière fait partie des sujets qui sont sur la table et dont nous discutons avec Bruno Le Maire. Des mesures avaient été prises en 2008 en ce sens. Il y en a peut-être d'autres à inventer. Je n'ai pas encore de réponse à vous apporter, puisque ce point n'est pas tranché.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d'État, merci de votre réponse. Nous avons tous une responsabilité éminente à l'égard de la jeunesse. Cette génération ne doit pas être sacrifiée ni même pénalisée par le Covid-19.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Claudine Lepage. Monsieur le secrétaire d'État, face à la crise que nous traversons, notre regard doit être tourné vers la jeunesse. Nous devons aux jeunes un horizon, l'espoir d'un avenir meilleur. Cet espoir passera, c'est certain, par toujours plus d'éducation, mais aussi, j'en suis convaincue, par la rencontre avec d'autres cultures, la découverte de l'autre.

Malheureusement, les conséquences de l'épidémie de Covid-19 ont eu un impact désastreux sur la mobilité internationale des étudiants. Si la majorité de ceux qui étaient en échange à l'étranger cette année a pu rentrer avant la fermeture des frontières, l'incertitude est grande pour ceux qui avaient prévu un échange pour la prochaine rentrée universitaire.

En Europe, les échanges Erasmus pourront vraisemblablement avoir lieu, mais, pour les autres destinations, ce sont souvent des annulations ou des reports à l'année suivante qui sont proposés par les établissements. De nombreuses universités proposeront également des cours en ligne. Les Erasmus+ pourront participer à des mobilités hybrides associant des activités virtuelles avec une mobilité physique à l'étranger dès lors que la situation le permettra. Hélas, il est à craindre que ces cours en ligne ne remplacent jamais les apports résultant de l'immersion dans un autre pays et de la rencontre d'une autre culture.

Par ailleurs, de nombreux jeunes qui avaient obtenu un service civique à l'étranger ou un programme vacances-travail ont vu leur projet d'expatriation s'écrouler subitement et se retrouvent bien souvent sans perspective d'emploi. Or ces programmes sont plébiscités par des jeunes qui éprouvent des difficultés à s'insérer professionnellement en France.

Monsieur le secrétaire d'État, alors que le risque est grand que l'épidémie de Covid-19 entraîne, un peu partout dans le monde, un repli sur soi, comment comptez-vous donner un nouvel élan à la mobilité des jeunes, bien souvent indispensable pour s'insérer dans la vie professionnelle ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, s'il est un point sur lequel nous nous accordons à 100 %, voire à 200 %, c'est bien celui de la mobilité européenne et internationale des jeunes, qui est à la fois, vous l'avez dit, essentielle pour leur formation, les compétences qu'ils développent et leur insertion dans l'emploi, mais aussi pour la destinée de nos nations et l'avenir de l'Europe.

Le Président de la République a fixé un objectif extrêmement ambitieux dans le discours de la Sorbonne : la moitié d'une classe d'âge devra avoir passé au moins six mois dans un autre pays européen à l'horizon de 2024.

Il est clair que la situation que nous vivons rend difficile cette mobilisation, mais nous allons poursuivre nos efforts, parce que nous y croyons. J'ai participé voilà deux semaines à une réunion dématérialisée des ministres européens de la jeunesse. Nous nous sommes tous accordés sur cette grande priorité. Dès que les frontières rouvriront, il faudra immédiatement faire repartir le plus fortement possible le programme Erasmus+, le corps européen de solidarité et tous les dispositifs de mobilité en direction des jeunes. C'est un engagement que je prends ici devant vous. Cela fait partie de nos très grandes priorités.

Je disais que les perspectives en matière d'emploi seraient difficiles pour certains jeunes dans les prochains mois ou dans l'année qui vient. Parmi la palette de solutions que nous devons être en mesure de leur proposer pour que le temps qui s'écoulera avant qu'ils ne trouvent leur premier emploi soit utile et formateur, figurent, selon moi, des mobilités internationales. Je pense au dispositif de volontariat international en entreprise (VIE) ou en administration (VIA), ou encore au service civique à l'étranger, que vous avez évoqué.

Tous ces dispositifs, à mon sens, peuvent faire partie d'une palette que nous allons développer très activement, sur laquelle nous allons investir, une fois que les frontières seront rouvertes, pour permettre à des jeunes d'acquérir des compétences et des expériences qui leur seront utiles lors de leur insertion sur le marché de l'emploi, lorsque les turbulences se seront éloignées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour la réplique.

Mme Claudine Lepage. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État. Nous y croyons, avez-vous dit. Moi aussi, je veux y croire ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel.

Mme Guylène Pantel. Je remercie nos collègues du groupe socialiste et républicain d'avoir organisé ce débat sur les politiques à destination de la jeunesse à mettre en oeuvre au regard de la crise sanitaire qui nous touche et de la crise économique et sociale qui s'annonce.

Chaque année, de nombreux jeunes, étudiants ou non, exercent une activité rémunérée leur permettant de vivre de manière autonome. Si le Gouvernement a annoncé une aide de 200 euros aux étudiants précaires et aux jeunes de moins de 25 ans bénéficiant de l'aide personnalisée au logement (APL), force est de constater qu'une partie du public cible ne pourra pas bénéficier de cette aide. Certains jeunes précaires ne sont pas étudiants, certains étudiants précaires ne touchent pas d'APL, étant logés de manière temporaire chez des amis, de la famille ou des connaissances. Il y a des trous dans la raquette.

Avec la crise économique et sociale annoncée, il sera de plus en plus difficile, pour ces jeunes précaires, d'accéder à un travail, temporaire ou non, à temps partiel comme à temps complet. Nos jeunes, dans tous les territoires, vont être frappés de plein fouet par cette crise. Il est nécessaire d'anticiper l'avenir.

Dans un rapport remis au Premier ministre en mars 2017, Mme Célia Verot et M. Antoine Dulin proposaient la mise en place d'un revenu minimum garanti aux jeunes à partir de leur majorité, ouvert sous conditions de ressources. Ce « revenu socle », limité dans le temps, aurait pour principal atout de ne bénéficier qu'à ceux qui en ont besoin, atténuant les effets de seuil, et de permettre aux jeunes âgés de 18 à 30 ans de bénéficier d'un suivi intensif des services sociaux, veillant à la réussite de leur parcours d'acquisition de l'autonomie et à leur intégration sociale et professionnelle.

Monsieur le secrétaire d'État, au regard de la crise qui s'annonce, le Gouvernement compte-t-il travailler sur ce genre de dispositifs d'accompagnement ? Quelles mesures sont envisagées pour permettre aux jeunes les plus précaires, les plus isolés, de ne plus se retrouver en dehors des dispositifs d'aide et, grâce à la solidarité nationale, de remettre le pied à l'étrier ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, vous êtes revenue sur l'aide exceptionnelle que nous avons apportée aux jeunes durant le confinement.

Il est très difficile de toucher tout le monde lorsque l'on met en place une aide en urgence. Vous avez parlé de « trous dans la raquette ». Oui, il y a sans doute des jeunes précaires qui ne reçoivent pas l'aide, car ils « ne cochent pas les bonnes cases ».

Nous avons déployé cette aide très vite. Nous avons fait notre possible pour qu'elle bénéficie au plus grand nombre de jeunes concernés. Ainsi, les étudiants peuvent en faire la demande via les universités ; leur dossier est apprécié très finement. Les jeunes qui ne sont pas étudiants peuvent la percevoir via les APL.

Ce versement automatique est précieux. En effet, on sait que beaucoup de jeunes n'ont pas recours aux droits qui leur sont ouverts, pour des raisons d'informations ou d'éloignement. C'est un vrai problème. Dans cette mesure, l'automaticité du versement de l'aide à tous les non-étudiants bénéficiaires des APL est très efficace.

Pour ce qui concerne votre seconde question, je répète qu'il faut évidemment renforcer notre accompagnement financier pour lutter contre la précarité des jeunes, à un moment où les perspectives en matière d'emploi vont être compliquées.

J'ai parlé de la garantie jeunes, à laquelle je crois beaucoup. Je crois également au parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea), qui est lui aussi porté par les missions locales.

La crise que nous traversons exige sans doute des adaptations. Il est possible que des publics qui n'étaient pas habituellement accueillis dans les missions locales, qui peuvent être plus formés, plus qualifiés, aient besoin d'une aide financière d'urgence. Il faut alors développer des déclinaisons. Nous sommes véritablement en train d'y travailler.

Je le répète, je suis très preneur de contributions que vous pourriez m'adresser au regard de votre expérience.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Monsieur le secrétaire d'État, ma question concerne le dispositif déjà baptisé « Vacances apprenantes ».

J'ai bien conscience que, en dehors des déclarations, dans la presse, du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, aucun texte officiel n'a, à ce jour, formalisé ce dispositif. Pour rappel, le 15 avril dernier, Jean-Michel Blanquer, en annonçant le lancement de cette opération, a évoqué à la fois les colonies de vacances, des accueils de loisirs et des soutiens scolaires gratuits pour les décrocheurs. Vous avez vous-même indiqué à l'instant, monsieur le secrétaire d'État, que certains lycées professionnels pourraient rester ouverts.

Si nous saluons cette proposition, dont l'objectif est de permettre aux élèves de rattraper les lacunes liées à l'enseignement à distance pendant le confinement, nous souhaiterions en connaître les détails.
Le confinement a renforcé, je le crains, les inégalités sociales. Tous les enfants n'ont pas vécu de façon identique l'école à la maison. Dans le Nord, par exemple, seulement 20 % des collégiens vont retrouver le chemin de leur établissement scolaire. Les élèves les plus en difficulté ont souvent été injoignables durant cette période et les disparités entre les enfants ont pu s'accentuer.

Les collectivités et les professionnels du secteur se tiennent prêts. Ils sont dans l'attente de directives gouvernementales.

Il est urgent de définir le rôle des intervenants dans ces colonies de vacances éducatives et leur fonctionnement. Il faudra capitaliser sur nos acquis et peut-être s'inspirer du dispositif « École ouverte », qui a fait ses preuves depuis son lancement, en 1991.

Monsieur le secrétaire d'État, comment réussir à toucher les familles des décrocheurs, dont bon nombre de parents ne répondent pas ?

Comment imaginer que la capacité d'accueil – actuellement faible – des écoles ou des collèges puisse évoluer pour répondre à ce dispositif ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, Jean-Michel Blanquer et moi-même attachons une importance absolument capitale à ce qui va se passer cet été pour les enfants et pour les jeunes.

Ayant vécu une période très difficile de confinement, les jeunes auront peut-être plus que jamais le besoin de s'aérer, de s'évader, d'aller dans la nature, de sortir de chez eux et de leur quartier, d'aller au contact d'autres enfants. On sait aussi que, pour beaucoup de jeunes, la continuité éducative a été très difficile durant le confinement. Cet été peut donc aussi être l'occasion de procéder à un rattrapage ou de préparer la rentrée suivante.

Vous avez souhaité obtenir des détails sur l'opération « Vacances apprenantes ». Celle-ci reposera sur trois grands dispositifs.

Premièrement, nous allons très fortement développer le dispositif « École ouverte », qui existe depuis maintenant plusieurs années. L'objectif est de multiplier par six le nombre d'enfants qui seront accueillis dans ce cadre. Je rappelle qu'il s'agit de maintenir des établissements scolaires ouverts avec, le matin, des cours de rattrapage et, l'après-midi, des activités artistiques, culturelles et sportives.

Deuxièmement, nous développons un dispositif, que Jean-Michel Blanquer a appelé « parcours buissonnier », qui consiste en de petites excursions, à proximité du domicile des élèves – peut-être à l'échelle du département –, avec, par exemple, la découverte d'un élément du patrimoine culturel ou une expérience de campement sous tente, en forêt par exemple, pour offrir aux jeunes la possibilité de s'évader un peu et de découvrir le patrimoine qui les entoure.

Troisièmement, un label « apprenant » sera créé à destination des colonies de vacances qui s'engageront dans notre objectif de rattrapage scolaire. Très concrètement, l'éducation nationale proposera des modules destinés aux jeunes, y compris en faisant intervenir des enseignants volontaires.

Les objectifs et les budgets qui seront consacrés à l'opération seront précisés d'ici à la fin de cette semaine.

Vous m'avez interrogé sur la manière de raccrocher les décrocheurs et ceux qui sont les plus éloignés de l'école au moment où celle-ci reprend. Je suis persuadé que la réponse réside dans les collectivités locales. Dans les dispositifs que nous mettons en place – avec un soutien financier pour le départ en colonies de vacances –, ce sont les collectivités locales, parce qu'elles connaissent les familles, qui pourront aller chercher les jeunes qui en ont le plus besoin. Le dispositif sera évidemment financé par l'État, mais nous travaillerons de manière très étroite avec les collectivités pour toucher les jeunes concernés.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

Le confinement a fait la preuve des fractures sociales, territoriales et scolaires qui traversent notre pays. Et, à l'heure du déconfinement, on ne peut se satisfaire de ce qu'une partie seulement des jeunes souhaite retrouver le chemin de l'école, du collège ou du lycée.

Je pense comme vous que l'école est le lieu de l'égalité des chances, mais que les départements, les régions et les communes ont un rôle majeur à jouer en cette période cruciale pour celle-ci.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. La crise sanitaire liée à la Covid-19 sera bientôt – nous l'espérons tous – derrière nous. Il nous faut sans tarder nous attaquer au colossal chantier de la crise économique qui s'annonce.

Sur ce dernier point, vous en conviendrez sans doute, une attention particulière doit être portée à la situation des jeunes de 16 à 25 ans. Il ne s'agira pas seulement, comme M. Henno vient de l'évoquer, de récupérer les décrocheurs qui ont quitté prématurément l'univers de la formation. Sans sous-estimer les difficultés que vont rencontrer les jeunes non qualifiés, éloignés de l'emploi et de toute formation, je souhaiterais appeler votre attention sur un public qui n'est traditionnellement pas visé par les politiques publiques de soutien à l'embauche, à savoir les jeunes diplômés à bac+4 et à bac+5 qui vont arriver sur un marché du travail très fortement dégradé.

Ces jeunes, qui terminent généralement leur cursus par un stage donnant bien souvent lieu à une embauche, ont été privés de cette chance durant le confinement. À cela s'ajoute bien évidemment la récession importante dans laquelle est entré notre pays. L'absence de visibilité quant à l'avenir a contraint les entreprises à diminuer, sinon à geler complètement leurs embauches.

Pour ces jeunes diplômés, le risque de déclassement est important : ne pouvant rester durablement sans revenus, ils pourraient être contraints de se tourner vers des emplois qui ne correspondent pas à leurs compétences ni à leurs qualifications. L'urgence à trouver un emploi sera d'autant plus grande pour eux qu'ils sont nombreux à devoir rembourser un prêt étudiant.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures prévoit le Gouvernement pour soutenir ce public spécifique et l'accompagner vers l'emploi ? Vous semble-t-il opportun d'envisager un report des premières mensualités des prêts étudiants ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Quand elles surviennent, les crises économiques touchent en particulier les jeunes, quel que soit leur niveau de qualification. Mme Mélot a rappelé les chiffres de l'APEC. De même, les perspectives d'insertion dans l'emploi semblent aussi très difficiles pour les jeunes très diplômés.

Vous avez raison de souligner que les difficultés auxquelles ces jeunes vont être confrontés sont assez nouvelles et qu'il n'existe pas de dispositifs « sur mesure » pour ces publics. Il nous revient donc, dans les prochaines semaines, de les inventer. C'était le sens de ma réponse, voilà quelques instants, à Mme Estrosi Sassone : il existe aujourd'hui des dispositifs d'accompagnement des jeunes vers l'emploi et vers l'insertion que proposent notamment les missions locales, mais qui ne correspondent sans doute pas, dans leurs modalités ou dans la manière dont ils se déclinent, à des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, beaucoup plus âgés que les jeunes généralement concernés.

À côté de ces nouveaux dispositifs, nous discutons aussi avec Bruno Le Maire d'une aide financière potentielle à l'embauche de jeunes. De même, la question des charges a été évoquée. D'autres dispositifs sont encore envisageables.

Ce temps que nous espérons le moins long possible, peut-être quelques mois seulement, voire un an, durant lequel le marché du travail va être particulièrement perturbé, pour les cadres comme pour les jeunes diplômés à bac+4 ou bac+5, nous voulons faire en sorte qu'il soit utile – pour eux et pour les autres – et formateur. J'ai déjà évoqué le service civique et le volontariat international. Nous pouvons développer ces dispositifs pour permettre aux jeunes diplômés d'avoir une activité, d'ajouter une ligne à leur CV et de percevoir une petite indemnisation – et non un salaire, car il ne s'agit pas d'un emploi, tout du moins pour le service civique.

Nous avançons sur deux volets : susciter des offres d'emploi en soutenant les entreprises et permettre aux jeunes d'accéder à des dispositifs utiles pour eux dans l'attente que le marché de l'emploi sorte des turbulences dans lesquelles il est entré.

Le report des premières mensualités des prêts étudiants est une idée très concrète qui peut répondre à une vraie problématique. Je vais l'examiner avec beaucoup d'attention.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Merci de vos réponses, monsieur le secrétaire d'État, en particulier sur la question du report des mensualités des prêts étudiants.

Je vous rejoins sur le constat que nous avons besoin de mesures totalement nouvelles, disruptives. Il faut penser, au-delà du report de charges, à des annulations de cotisations salariales et patronales.

Bien évidemment, la tâche est colossale. Pour ne pas décevoir cette génération, pour éviter qu'elle ne soit sacrifiée, comme le disait Mme Estrosi Sassone, il nous faut mettre en place des dispositifs « sur mesure ». Nous comptons sur vous.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Corinne Féret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant la pandémie de Covid-19, les jeunes étaient déjà les premières victimes de la pauvreté : un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Demain, ils subiront de plein fouet la crise économique et sociale qui s'annonce, en particulier la hausse sans précédent du chômage.

Dans ce contexte, ouvrir le RSA aux moins de 25 ans devient une absolue nécessité. Même Stanislas Guerini s'y est déclaré favorable pour « éviter d'avoir une génération sacrifiée ».

Mme Sylvie Robert. Stanislas Guerini ? Qui est-ce ? (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Corinne Féret. Pour faire en sorte que certains ne se retrouvent en situation de grande précarité, sans aucune source de revenus, il faut ouvrir le RSA aux jeunes dès 18 ans. Dans les faits, il s'agirait d'un minimum social, un filet de sécurité en somme, qui ne serait accessible qu'à ceux qui sont sans ressources. Dans le même temps, il serait bien évidemment nécessaire de mener des actions ciblées en matière d'emploi, d'insertion, de lutte contre le décrochage scolaire.

Muscler, comme vous l'avez déclaré récemment, le service civique ou la garantie jeunes ne permettra pas de faire face aux enjeux humains et sociaux, conjoncturels, résultant de la crise.

Monsieur le secrétaire d'État, les grandes associations et collectifs de lutte contre la pauvreté qui oeuvrent en direction de la jeunesse vous alertent. Il y a urgence ! Dans une société développée prônant l'égalité des droits, il convient de s'assurer de l'égal accès des jeunes à un niveau de ressources minimum. Il ne s'agit nullement, comme vous l'avez dit, de se placer dans un « esprit de défaite », mais bien d'apporter une aide vitale dans un moment de l'histoire exceptionnel à raison de sa gravité.

Cet hiver, vous aviez admis que le projet de revenu universel d'activité devrait nécessairement être ouvert aux jeunes de 18 à 25 ans. Continuez donc sur la voie du pragmatisme et tenez compte de la situation exceptionnelle. Monsieur le secrétaire d'État, dans le cadre du plan pour la jeunesse que vous souhaitez mettre en oeuvre avant l'été, envisagez-vous d'accorder un revenu minimum au moins de 25 ans ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, nous avons déjà parlé de ce sujet en début de séance, notamment avec la question de Mme Brulin, mais vous me donnez l'occasion d'être de nouveau très clair : pour moi, il n'y a pas de débat sur le fait que la situation nous impose d'être davantage au rendez-vous dans l'accompagnement des jeunes. Je parle bien évidemment d'accompagnement humain, mais aussi financier, pour lutter contre la précarité.

Il existe aujourd'hui des dispositifs pour les étudiants comme les fonds sociaux des universités qui doivent sans doute être renforcés. Il en existe d'autres, en direction des jeunes, qui doivent aussi être renforcés.

Le quinquennat précédent, s'il n'a pas connu la crise que nous traversons, a rencontré de très grandes difficultés en termes de chômage et de précarité des jeunes. Pour y faire face, il a inventé la garantie jeunes, qui a très bien fonctionné avec des résultats très positifs. Nous avons fait le choix, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, de continuer d'investir dans ce dispositif avec l'objectif d'atteindre 100 000 jeunes cette année.

Je crois beaucoup à ce dispositif et au Pacea pour accompagner les jeunes financièrement. Ce dispositif représente une aide qui correspond peu ou prou au RSA, mais avec un accompagnement humain, un accompagnement renforcé – quasiment sur mesure – vers l'emploi qui comprend des périodes de stage en milieu professionnel et des périodes de formation – sur la prise de parole en public, par exemple.

Lors de mes déplacements dans les missions locales, j'ai pu voir tout ce que ce dispositif apporte aux jeunes. Je crois profondément que beaucoup plus de jeunes doivent en bénéficier, et ce d'autant plus qu'ils seront plus nombreux à rencontrer des difficultés à la rentrée prochaine.

C'est donc sur ce dispositif et sur le Pacea que je parie, même s'il faut sans doute les adapter, comme je le soulignais en réponse à certaines questions, pour correspondre aux besoins d'autres jeunes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.

Mme Corinne Féret. J'entends votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, et je regrette votre refus répété, même si je ne mésestime pas les dispositifs déjà mis en place. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !

Il faut une réponse urgente, une réponse concrète, pour ces milliers de jeunes qui se retrouvent sans ressources, sans emploi et en très grande difficulté.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en 2019, le nombre de jeunes entrés en apprentissage a quasiment atteint le demi-million. L'apprentissage est l'une des meilleures méthodes pédagogiques pour transférer connaissances et savoir-faire et sans doute aussi le meilleur levier d'insertion des jeunes – 75 %.

Les jeunes ont envie de travailler, ils veulent apprendre un métier. Avant la crise sanitaire, la dynamique était réelle. Il faut bien reconnaître que la situation était inédite.

Les jeunes sont les premiers touchés par le ralentissement de l'économie. Ils sont inquiets. Les entreprises vont-elles continuer à accueillir des apprentis à la rentrée ? Selon le Medef, il pourrait y avoir « 300 000 potentiels apprentis sur le carreau » en septembre.

Les centres de formation des apprentis sont également préoccupés dans la mesure où leur financement dépend du nombre de contrats signés.

Monsieur le secrétaire d'État, la crise sanitaire a fait éclater au grand jour la désindustrialisation de la France, ce qui pose des problématiques de pénurie, d'expertise et de qualification.

Aujourd'hui, il est essentiel de déployer des solutions en matière de transfert de compétences, de formation et d'attractivité des métiers. Il faut donc investir massivement dans la jeunesse afin de répondre à ses craintes quant à l'avenir.

La filière de l'apprentissage attend des mesures fortes du Gouvernement. Quel est votre plan pour relancer l'apprentissage et comment encourager les entreprises à embaucher des apprentis ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Chevrollier, nous avons eu l'occasion d'aborder la question de l'apprentissage et je vous remercie d'avoir rappelé que les chiffres que nous avons connus l'an dernier en matière d'entrée en apprentissage étaient absolument inédits. Nous avons réussi à faire décoller cette voie d'excellence.

De même, vous parlez de désindustrialisation, mais les chiffres et données dont nous disposions avant le confinement en matière de créations nettes d'emplois dans le secteur industriel et d'ouverture d'usines sur notre territoire étaient très favorables – les plus favorables depuis une dizaine d'années. Il en allait également de même pour les investissements étrangers.

L'enjeu, pour nous, et cette question sera au coeur de la réunion de demain entre les partenaires sociaux et le Président de la République, est de ne pas casser cette dynamique globale. Nous voulons qu'elle se poursuive.

Des mesures extrêmement fortes et concrètes seront annoncées pour l'apprentissage afin de soutenir à la fois les entreprises qui recrutent des jeunes en apprentissage et les centres de formation dont le modèle économique serait en danger si le nombre de jeunes apprentis chutait brutalement.

Comme je l'ai déjà souligné, je ne peux anticiper les annonces qui seront faites demain à l'issue de la rencontre du Président de la République et de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, avec les partenaires sociaux. Sachez que l'État sera au rendez-vous de l'apprentissage, comme il l'a été depuis trois ans, parce que nous devons maintenir cette dynamique : nous le devons aux entreprises qui ont besoin de compétences et de talents pour l'avenir et pour développer leur marché et nous le devons aussi aux jeunes qui trouvent dans cette voie une manière de construire leur avenir, de se construire et de prendre du plaisir dans ce qu'ils font. Nous serons au rendez-vous de cette exigence.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.

M. Guillaume Chevrollier. Merci de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Je profite de ce débat pour relayer les attentes de cette jeunesse qui est inquiète pour la formation à la rentrée. Les portes se ferment pour les emplois de demain et même pour ceux de cet été. Nous essayons de transmettre ces préoccupations.

Nous, parlementaires, serons vigilants face aux propositions du Gouvernement, quitte à les amender. Dans une période difficile, je crois qu'ouvrir un chemin pour la jeunesse et pour le pays passe par la formation. Cela permettra de muscler la population active de demain, de valoriser les atouts de notre pays et de le réindustrialiser, ce qui constitue aussi un enjeu majeur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, puisque nous débattons des nouvelles politiques publiques qu'il conviendrait de mettre en place pour aider les jeunes face à cette crise sans précédent, je voudrais aborder la question de la fracture numérique.

On croit à tort que l'illectronisme et l'exclusion numérique ne frappent que nos aînés. Grossière erreur ! Certes, un jeune entre 18 et 24 ans maîtrisera peut-être l'usage des réseaux sociaux sur son téléphone portable, mais cela n'implique pas pour autant qu'il sache naviguer correctement sur un site de l'administration publique ou une plateforme de réservation ni qu'il sache effectuer une recherche efficace sur internet pour s'informer sans être victime de fake news.

La crise du Covid-19 a particulièrement mis en lumière d'importantes inégalités dans l'accès aux outils numériques et dans leur utilisation, singulièrement chez les jeunes. Pour les étudiants, le confinement a entraîné une rupture : les cours ont dû être suivis à distance, les ressources en ligne privilégiées et l'aide des professeurs a pu, le cas échéant, s'avérer plus difficile à obtenir.

Ce sont les élèves issus de milieux défavorisés qui ont fait les frais de cette distanciation pédagogique. Bénéficiant de conditions de vie moins confortables, d'une connexion internet parfois défaillante, ils connaissent les plus grandes difficultés pour étudier ou préparer leurs concours.

D'après une étude sur l'école à la maison durant le confinement, 24,3 % des parents d'origine modeste jugeaient leur équipement et leur accès internet insuffisants contre 17 % des familles plus aisées. Les chiffres sont encore plus marquants en ce qui concerne le sentiment de compétence informatique : 45 % des parents des classes supérieures se sentent tout à fait capables de répondre aux exigences techniques numériques de l'école à la maison contre seulement 31 % des parents appartenant aux classes populaires.

Face à la nécessité d'avoir au quotidien accès aux outils numériques, que ce soit dans sa vie professionnelle, privée ou citoyenne, cette inégalité numérique est un symptôme de toutes les autres inégalités sociales que connaissent certains de nos concitoyens, voire un facteur aggravant particulièrement inquiétant chez les jeunes. Sachant que près de 20 % de ces derniers, par manque de maîtrise, renoncent à faire une démarche administrative sur internet, à envoyer un mail important ou à faire un achat, on comprend que l'illectronisme n'est pas qu'une question de manque d'équipement performant. On observe de la même manière de nombreuses inégalités dans d'autres domaines pour cette tranche d'âge.

Réduire cette fracture est un objectif essentiel des politiques publiques, car les inégalités numériques en engendrent d'autres. Il ne sert à rien de distribuer des tablettes aux étudiants si l'on n'intègre pas la formation à ces outils dans la scolarité obligatoire. Monsieur le secrétaire d'État, quelle est votre réponse face à ce défi de société ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame Artigalas, vous avez raison : quand on décide de confiner le pays, de fermer les établissements scolaires et que les enfants ne sont plus face aux enseignants, la grande priorité doit être de permettre à tous les élèves de bénéficier de la continuité éducative, laquelle ne remplacera jamais, par définition, la relation d'un enfant avec son enseignant, son professeur, dans une salle de classe. Il faut alors être le plus efficace possible et toucher le plus grand nombre possible de jeunes.

En ce qui concerne le premier point, je crois que nous avons été au rendez-vous : quand la fermeture des établissements scolaires de l'Oise a été annoncée, nous avons immédiatement mis en oeuvre le dispositif « Ma classe à la maison ». Il en a été de même lorsque la fermeture de tous les établissements de France a été décidée, le 12 mars, avant le confinement généralisé. Nous avons pu proposer cette solution parce que nous avions travaillé avec le CNED depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, pour être capables de réagir immédiatement au cas où surviendrait ce type d'événement. La plupart des autres pays européens ont mis plusieurs semaines, parfois plusieurs mois, avant de proposer une solution numérique aux enfants. Nous avons pu le faire tout de suite.

Notre deuxième défi consistait à atteindre le plus d'enfants possible. Et encore une fois, vous avez raison : il est impossible d'assurer la continuité pédagogique dans les familles modestes qui ne sont pas équipées. C'est la raison pour laquelle nous avons débloqué 15 millions d'euros, en lien avec les cités éducatives et les collectivités locales, pour financer des tablettes et ordinateurs. C'est aussi la raison pour laquelle nous avons conclu un partenariat avec La Poste pour livrer à domicile à 10 millions d'enfants des outils éducatifs sur papier pour compenser l'absence d'accès au numérique.

Nous devons bien évidemment poursuivre dans cette voie. Cette situation doit nous amener à nous interroger sur ce que nous pouvons faire en amont pour réduire la fracture numérique. Comme vous l'avez souligné, on a tendance à penser que tous les jeunes, ceux que l'on appelle les digital natives, maîtrisent parfaitement le numérique. Ce n'est pas vrai : l'illectronisme touche aussi les jeunes. Nous devons aller plus loin. Des états généraux du numérique dans l'éducation se tiendront à la rentrée. Ce sera l'occasion de travailler ensemble pour trouver des solutions qui s'ajouteront aux nouveaux enseignements – je pense aux sciences informatiques et numériques – développés dans le cadre du nouveau lycée.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis quelques années, les jeunes connaissent un engouement particulier pour le secteur de l'apprentissage.

Entre 2018 et 2019, le nombre de contrats d'apprentissage signés a ainsi progressé de 16 %, portant à plus de 480 000 le nombre d'apprentis. Cet engouement s'explique notamment par un taux d'insertion sur le marché de l'emploi des apprentis de près de 75 %, ce qui en fait un puissant levier pour l'accès à l'emploi.

La crise sanitaire que traverse notre pays est venue compromettre cette amélioration et fragiliser cette voie d'accès particulièrement importante pour l'emploi des jeunes. Avec l'arrêt brutal de notre économie, de nombreuses entreprises sont contraintes de revoir – et on peut les comprendre – leurs priorités en matière d'embauche. C'est notamment le cas des PME, des TPE et des artisans, principaux viviers de l'apprentissage. L'incertitude comme le manque de visibilité économique sur leur trésorerie empêchent forcément ces petites entreprises d'envisager l'embauche d'un apprenti.

Dans cette optique, l'Association nationale des apprentis de France craint une baisse de 20 % du nombre d'apprentis à la prochaine rentrée, faute d'entreprises susceptibles de les embaucher. Des solutions sont mises en avant pour permettre aux jeunes de rejoindre une formation, notamment l'allongement à un an, au lieu de trois mois, du délai dont ils disposent en s'inscrivant dans les CFA pour trouver un employeur et signer un contrat.

Dans quelle mesure, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous proposer de nouveaux moyens, notamment financiers, pour soutenir ce secteur ? Envisagez-vous véritablement d'assouplir les conditions d'accès à l'apprentissage ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur Bonhomme, je veux vraiment redire que l'apprentissage, qui est notre grande priorité en matière de formation des jeunes depuis 2017, et que nous avons fait décoller l'an dernier avec des chiffres absolument inédits que vous avez rappelés, est encore une grande priorité dans le cadre de la crise que nous traversons. Il en sera question demain, lors de l'échange du Président de la République avec les partenaires sociaux.

Il faut soutenir les entreprises, y compris financièrement, pour le recrutement d'apprentis et les centres de formation dont nous avons besoin pour l'avenir et dont le modèle économique risque d'être déstabilisé.

Il faut continuer à accompagner les apprentis en soutenant cette voie. Nous avons pris des mesures, voilà quelques mois, comme l'aide au permis de conduire. Il faut continuer de valoriser cette voie auprès des jeunes. Tels sont nos objectifs.

Pour ce qui est du détail, je vous demande de bien vouloir patienter jusqu'à demain : des mesures seront annoncées à l'issue de la rencontre avec les partenaires sociaux. Mais vous avez bien compris que l'État sera au rendez-vous et continuera d'investir, même encore davantage, dans l'apprentissage pour être en mesure d'accueillir au moins autant de jeunes cette année que l'an dernier. Il s'agit d'un objectif très ambitieux au regard de la crise que nous traversons, mais c'est aussi un objectif essentiel pour mobiliser l'ensemble du secteur et continuer de bénéficier de cette voie d'excellence au service de nos entreprises et de nos jeunes.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Monsieur le secrétaire d'État, je partage bien évidemment votre acte de foi, mais nous aimerions en savoir un peu plus, même s'il va vraisemblablement nous falloir attendre demain.

Ce qui s'annonce est tout de même exceptionnel. Je vous donne acte de l'amélioration du nombre de contrats d'apprentissage ces dernières années, mais l'arrêt brutal de l'économie va causer de véritables dégâts chez les jeunes : 700 000 d'entre eux vont arriver sur le marché du travail dans les conditions qu'on imagine. Comme l'a souligné M. Chevrollier, 300 000 apprentis vont sans doute se retrouver sur le carreau.

L'enjeu de la rentrée sera considérable. J'espère que les mesures qui vont être annoncées seront à la hauteur et qu'il ne s'agira pas simplement d'un acte de foi ou de propos par trop incantatoires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le secrétaire d'État, je profite de ce débat pour attirer votre attention sur les missions locales, structures au coeur de la prise en charge de nos jeunes de 16 à 25 ans parfois très éloignés de la formation et de l'emploi.

Malgré le contexte de crise sanitaire, les missions locales sont pleinement engagées dans leur mission à destination des jeunes et je souhaite rappeler qu'elles sont des actrices importantes au plus près du terrain.

Certaines ont fait preuve d'une grande capacité d'adaptation pendant cette période et ont su innover sur certains dispositifs, notamment en digitalisant la garantie jeunes ou en développant des forums virtuels de l'alternance.

À ce jour, elles ont manqué de soutien de leur ministère de tutelle dans le cadre de leur adaptation à l'épidémie de Covid-19 : leurs frais liés à la crise n'ont pas été pris en charge, au seul motif que les missions locales ne sont que délégataires d'une mission de service public. Je souhaitais rappeler cette injustice, monsieur le secrétaire d'État.

En parallèle, un premier bilan a été établi confirmant le maintien du lien avec les jeunes en cette période. En revanche, on constate une baisse significative, de plus de 50 %, des propositions faites aux jeunes en raison de la fermeture des organismes de formation, des CFA et de la diminution des offres d'emploi.

Cette situation doit nous alerter sur les résultats : les indicateurs négociés dans le cadre de la convention pluriannuelle d'objectifs sont, à ce jour, totalement inappropriés. Or le financement est lié à ces mêmes indicateurs de performance qui ne seront évidemment pas atteints en raison de la crise sanitaire. Nous devrons donc considérer des indicateurs plus réalistes sur les évaluations des actions menées.

Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement compte-t-il faire évoluer ces indicateurs pour mieux les adapter aux territoires et à leur réalité ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame de Cidrac, je vous remercie de mettre l'accent sur le rôle structurant des missions locales qui accompagnent les jeunes vers l'insertion, y compris durant cette crise.

C'est un sujet que vous connaissez bien, puisqu'il me semble que vous présidez vous-même une mission locale. J'étais la semaine dernière dans l'une d'entre elles, à Sartrouville,…

Mme Marta de Cidrac. C'est mon territoire !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. … et j'ai pu échanger avec les personnes qui y travaillent. Durant le confinement, et alors que les missions étaient fermées, l'ensemble des salariés des missions locales a fait preuve d'une mobilisation absolument exceptionnelle pour rester en contact, par téléphone, avec les jeunes.

Je crois que 400 000 jeunes au total ont été appelés en France chaque semaine pour que le fil ne se rompe pas et pour leur permettre, une fois levé le confinement, de revenir dans les missions locales et continuer d'y être accompagnés. Je tiens vraiment à saluer cette mobilisation. J'ai eu l'occasion de le dire à Jean-Patrick Gille, voilà quelques jours, en visioconférence. Cette mobilisation exemplaire a été absolument essentielle pour les jeunes.

Vous m'interrogez sur l'avenir. J'ai déjà beaucoup évoqué la garantie jeunes et dit combien nous souhaitions continuer d'investir dans ce très beau dispositif.

La crise que nous vivons aujourd'hui fait naître des difficultés supplémentaires. Vous avez rappelé que le mode de financement de la garantie jeunes dépend des « sorties positives » des jeunes. Alors que nous rencontrons des difficultés de débouchés en matière de formation et d'emploi, ces « sorties positives » vont être plus difficiles. De même, alors que les débouchés se réduisent, il peut être important pour un jeune, sinon essentiel, de rester plus longtemps en garantie jeunes.

Je ne peux pas faire d'annonce aujourd'hui. Nous sommes en train d'y travailler avec les acteurs concernés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je discutais avec Jean-Patrick Gille. Je peux simplement vous dire que Muriel Pénicaud et moi-même sommes très ouverts quant aux modalités de la garantie jeunes, à la fois en ce qui concerne la durée d'accompagnement des jeunes, y compris financièrement, et sur les différents indicateurs qui permettent de financer les missions locales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Mme Marta de Cidrac. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, mais je souhaiterais vraiment m'assurer que l'on regardera de près tous ces indicateurs qui ne sont pas tout à fait appropriés aujourd'hui. Nous comptons sur vous.

Par ailleurs, la prochaine fois que vous viendrez dans les Yvelines, n'hésitez pas à me faire signe ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en ma qualité de dernier intervenant, je tiens à remercier le groupe socialiste et républicain d'avoir organisé ce débat.

Nous avons abordé beaucoup de sujets d'importance. Comme plusieurs de nos collègues, mes interrogations portent sur le service civique et sur le service national universel (SNU).

Monsieur le secrétaire d'État, voilà quelques mois, lors de votre passage dans les Ardennes, vous avez rencontré des enseignants, des lycéens – à Bazeilles – et des représentants du monde associatif, notamment des associations patriotiques et de mémoire, et les départements pilotes.

Voilà quelques années, alors que Michèle André présidait la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes avait publié un rapport sur la Journée défense et citoyenneté (JDC). Or la JDC ne dure qu'une journée, ce qui peut poser problème. J'aimerais savoir comment vous envisagez de susciter des vocations, en concertation avec le ministère de l'éducation nationale, le ministère de la défense et les différents partenaires.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur Laménie, je vous remercie d'avoir parlé du service national universel, lequel avait aussi été évoqué rapidement par André Gattolin.

Le SNU, qui a vocation à permettre à notre jeunesse de comprendre tout ce qu'elle peut apporter à son pays, est plus que jamais d'actualité. Durant le confinement, nous avons vu des jeunes très engagés venir en aide aux autres. Il faut continuer de parier sur cet élan.

Le service national universel aura bien lieu cette année, dans des conditions adaptées : pour des raisons sanitaires évidentes, nous avons reporté à l'automne – en espérant qu'il puisse se tenir à ce moment-là – le séjour de cohésion par lequel devaient commencer les jeunes, regroupés et encadrés par des militaires, par des associatifs et par des personnels de l'éducation nationale, et qui implique une mobilité très importante sur le territoire.

Nous avons choisi d'avancer à la fin du mois de juin et au début du mois de juillet la mission d'intérêt général. En effet, vous le savez, cette première phase comporte deux temps et, dans le cadre de la mission d'intérêt général, les jeunes doivent aller dans une association ou auprès d'un corps en uniforme pour apporter leur aide. Nous développerons de grandes causes, en lien avec la crise que nous vivons. Bien évidemment, l'intergénérationnel et le lien avec nos aînés, ainsi que le soutien aux plus vulnérables et l'environnement seront visés. Les plus de 10 000 jeunes du service national seront sur le terrain dès le début du mois de juillet pour accomplir leur mission d'intérêt général.

Vous avez également abordé la question de la JDC. Je le rappelle, le service national universel a vocation à remplacer la JDC, laquelle disparaîtra progressivement. D'ailleurs, les jeunes qui ont fait leur service national l'an dernier et ceux qui le feront cette année seront dispensés de cette Journée défense et citoyenneté.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour envoyer un message rassurant aux jeunes qui auraient dû faire leur JDC pendant le confinement et qui en ont été empêchés. S'ils se demandent si cela les freinera pour l'obtention de certains diplômes ou de leur permis de conduire, je leur réponds qu'une adaptation sera mise en place, afin de leur éviter tout préjudice, notamment pour ce qui concerne le baccalauréat.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.

M. Marc Laménie. Je souhaite rebondir sur vos différentes interventions, monsieur le secrétaire d'État.

Pendant la période très difficile que nous venons de vivre, de nombreux jeunes ont fait preuve d'engagement et de dévouement, pour aider. Je pense bien sûr aux soignants, qui étaient en première ligne, mais aussi à tous les autres.

Les dispositifs tels que la JDC ou le SNU permettent également de susciter des vocations, notamment dans les forces de sécurité ou les sapeurs-pompiers. On le sait, la tâche reste immense.


Source http://www.senat.fr, le 8 juin 2020