Texte intégral
Q - Bonsoir, Amélie de Montchalin.
R – Bonsoir.
Q - Bienvenue dans RTL Soir. Il y a un Conseil européen qui se tient en ce moment, sur le sujet de la fermeture de toutes les frontières Schengen. Pour être clair, quelles frontières vont fermer et à partir de quand ? Est-ce que vous le savez, ce soir ?
R - Hier, le président de la République a été très clair. Des pays, nombreux, ont fermé à midi aujourd'hui les frontières pour que des non-Européens, des gens qui vivent sur d'autres continents en particulier ne viennent pas en Europe s'ils n'ont pas de raison essentielle de le faire, et en fait, surtout, qu'on les protège puisqu'on n'a aucune raison de les amenés, aujourd'hui, en Europe.
Q - C'est valable aux frontières françaises ? C'est déjà en vigueur ?
R - C'est valable pour toutes les arrivées de gens qui arriveraient d'en dehors de l'Europe, et de ce que l'on appelle l'espace Schengen.
Q – D'accord.
R - Ensuite il y a un deuxième sujet qui est discuté actuellement, qui fait suite à un certain nombre de décisions prises par des pays européens sur les frontières dites intérieures, les frontières entre les pays européens. Il y a eu des décisions prises dans l'urgence et aujourd'hui, il faut que l'on se coordonne, parce que si on ne se coordonne pas, l'efficacité de notre capacité à lutter contre le virus va être amoindrie. Et là-dessus, il faut se coordonner sur trois choses : comment on assure le trafic des marchandises, parce qu'on a besoin, notamment pour l'alimentation, de continuer à avoir des flux qui restent très fluides entre nos pays. Ensuite, il y a les travailleurs transfrontaliers, que l'on doit pouvoir assurer de pouvoir continuer à travailler, s'ils sont essentiels de l'autre côté de la frontière. Et puis, enfin il y a des gens qui étaient partis en visite, en court séjour, et à qui il faut assurer la possibilité de rentrer chez eux, puisque la consigne dans beaucoup de pays européens, comme dans le nôtre, est de rester chez soi. Encore faut-il être chez soi.
Q - Mais cela veut dire que les Français qui se trouvent à l'étranger par exemple et qui voudraient rentrer vont avoir une date limite pour le faire, ou pas ?
R - Il n'y a pas de date limite. Maintenant, on encourage, d'abord, tous les Français qui résident à l'étranger à y rester. Ce n'est pas le moment de faire des grands trajets internationaux. Mieux vaut rester chez soi, là où on habite. Ensuite, dans les tout prochains jours, effectivement, on va s'assurer que chacun puisse rentrer chez soi, pour être dans ces mesures, où l'on sait que la meilleure chose que l'on puisse tous faire, contre ce virus, c'est de ne pas rentrer trop en contact les uns avec les autres, et donc d'être chez soi.
Q - Pour être sûr d'avoir bien compris, les frontières Schengen sont fermées et l'on discute actuellement des modalités pour les frontières à l'intérieur de l'Union européenne ?
R - C'est une mesure de cohérence. On dit aux Européens " Restez chez vous ". Ce n'est pas pour retrouver les Européens en trains de se balader de l'autre côté de la frontière. Donc, il faut que l'on s'assure que les flux essentiels, je vous ai parlé des marchandises, je vous ai parlé aussi des travailleurs transfrontaliers, ils sont essentiels dans beaucoup de domaines ou parfois, ils habitent de l'autre côté. Il faut leur garantir la circulation. Pour tous les autres, puisque chacun doit rester chez soi, on n'a pas besoin, en ce moment, d'aller se promener de l'autre côté des frontières.
Q - Amélie de Montchalin, je voudrais que nous réécoutions ce que disait Olivier Véran, le ministre de la Santé, sur cette fermeture des frontières, c'était le 9 mars, c'est-à-dire il y a moins de dix jours, chez nos confrères de BFM TV : " Cela ne sert à rien. Un virus ne s'arrête pas aux frontières." C'est clair, c'est lapidaire, cela ne sert à rien, mais on le fait. Alors, c'est quoi ? Un remède placebo, la fermeture des frontières ?
R - Il faut reprendre le contexte. A l'époque, tout le monde nous disait, il y a une seule solution pour que tout rentre dans l'ordre, on ferme les frontières, on s'enferme, et c'était notamment ce que nous disait Marine Le Pen. Ce n'est pas du tout ce que l'on fait aujourd'hui. Aujourd'hui on est dans une mesure de cohérence. On n'est pas en train de dire que parce qu'on va fermer les frontières le virus ne va plus arriver. Il est chez nous. Maintenant, il faut s'assurer que l'on freine sa propagation et que ce qui est fait en Belgique, en Espagne, en Italie, ce qui est fait en France, par cohérence, eh bien, il ne faut pas que les gens se disent " si je passe la frontière, je vais pouvoir être plus libre de mes mouvements ".
Q - Mais cette cohérence, est-ce qu'elle ne vient pas un peu trop tard. Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ?
R - Parce que l'on a pris tous des mesures en fonction de la propagation du virus. Il y a dix jours, il y a quinze jours, les mesures que l'on prend aujourd'hui n'étaient pas en vigueur. Donc, à l'époque, la circulation normale que l'on avait ne faisait pas beaucoup de différence entre l'Allemagne et la France. Aujourd'hui, c'est parce que nous demandons aux Français de rester chez eux, je pense qu'ils ne comprendraient pas que, alors qu'on leur demande de rester chez eux, il pourrait être possible de passer la frontière et d'aller se promener de l'autre côté. Cela n'aurait pas de sens. Ce qui n'est pas efficace, je voudrais y revenir. Marine Le Pen pour qui, à tous les problèmes européens, la solution magique c'est la fermeture des frontières. Ce n'est pas en soi la fermeture des frontières qui nous protège du virus, c'est qu'aujourd'hui, par cohérence, si l'on veut que ce confinement, comme on l'appelle, soit respecté, il faut que les contrôles que l'on exerce sur notre territoire national s'exercent aussi aux frontières, pour s'assurer que si on demande aux Français de rester chez eux, ce n'est pas pour que les Belges, les Allemands, les Luxembourgeois, …
Q - Cela, on l'a entendu, Amélie de Montchalin, mais je vous pose quand même cette question sur le calendrier et le timing.
(...)
R - Le 28 janvier, la France était le premier pays au monde à permettre à ses ressortissants en Chine de rentrer. Nous avons été les premiers au niveau européen à appeler à une coordination pour que nous puissions rapatrier et prendre des mesures de protection. Nous avons été ceux qui avons organisé la première réunion entre ministres de la Santé en Europe, justement parce que nous pensions que c'était important et je peux vous dire qu'à l'époque beaucoup de nos pays voisins se demandaient vraiment pourquoi on leur parlait de cela. Ce que je peux vous dire, c'est qu'effectivement nous avons vu, étape après étape, semaine après semaine, les choses devenir de plus en plus compliquées, c'est d'ailleurs pour cela, étape après étape, que les mesures que l'on a demandé aux Français de respecter, ont changé. Je ne crois pas qu'il y ait eu d'absence d'anticipation.
(…)
Je pense qu'aujourd'hui tout le pays se prépare, s'est préparé et continue de faire son maximum pour que le scénario du pire ne se produise pas, et je crois que l'on a tous une responsabilité, individuellement, pour l'éviter.
Q - Merci beaucoup, Amélie de Montchalin, d'avoir été l'invitée de RTL Soir.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mars 2020