Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, à LCI le 12 mars 2020, sur le chômage partiel et la menace d’une crise économique due au coronavirus au sein des entreprises.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX  

Muriel PENICAUD. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Bonjour Muriel PENICAUD.  

MURIEL PENICAUD
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ministre du Travail. On a beaucoup, beaucoup de questions à vous poser parce que les annonces se suivent. Elles ne se ressemblent pas. On est dans une situation inédite et on a peur de la crise économique. Après l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, est-ce qu'Emmanuel MACRON ce soir qui prend la parole pour la première fois de façon solennelle sur le coronavirus va annoncer un plan de relance économique pour la France ?  

MURIEL PENICAUD  
Je pense qu'on a deux sujets. On a un sujet d'urgence, c'est protéger les entreprises, protéger l'emploi, protéger les travailleurs et c'est notre priorité. Et puis ensuite, de toute façon, il faudra qu'il y ait un plan de relance mais la priorité aujourd'hui, et moi c'est mon obsession chaque jour, c'est vraiment de protéger l'emploi des travailleurs. On fait beaucoup de choses là-dessus et notamment dans l'activité partielle. Ça, c'est le plus urgent. C'est un peu comme une crise sanitaire : il faut d'abord s'occuper de l'urgent et ensuite, il faut rebâtir des capacités. Oui, la crise sanitaire est en train de devenir aussi une crise économique.

ELIZABETH MARTICHOUX  
Violente ? C'est une crise qui s'annonce violente ?  

MURIEL PENICAUD  
C'est une crise qui déjà a des effets importants. Alors aujourd'hui, elle est très sectorielle. Ça veut dire qu'il y a des secteurs très touchés, d'autres qui le sont peu aujourd'hui. Les secteurs très touchés, on les a tous réunis avec Bruno LE MAIRE et Elisabeth BORNE lundi. On va les revoir lundi prochain. C'est beaucoup le tourisme au sens large, de l'agence de voyages aux transporteurs.  

ELIZABETH MARTICHOUX  
En passant par les hôtels évidemment, les restaurants.  

MURIEL PENICAUD  
C'est la restauration très fortement. Pas simplement à cause du tourisme mais même en consommation, je dirais, quotidienne et l'hôtellerie. C'est l'événementiel puisqu'il y a plein d'événements qui sont annulés. Là, on le voit bien.

ELIZABETH MARTICHOUX  
Touché de plein fouet.  

MURIEL PENICAUD  
De plein fouet. Et les transports. C'est les quatre secteurs aujourd'hui qui nous préoccupent le plus et sur lesquels nous mobilisons tous les moyens de l'Etat. Alors il y a les moyens de Bercy sur le monde économique en termes de trésorerie des entreprises. On reporte aussi les charges sociales et la fiscalité mais il y a un sujet qui est clef, et pour moi ça c'est ma priorité des priorités, c'est vraiment protéger l'emploi, protéger les travailleurs.

ELIZABETH MARTICHOUX  
Et l'arme décisive on va dire, votre arme d'urgence c'est le chômage partiel. Le chômage technique.

MURIEL PENICAUD  
Alors qu'on appelle parfois le chômage technique, dont le vrai nom c'est l'activité partielle, est vraiment un outil que toutes les entreprises reconnaissent le plus efficace parce que ça permet d'éviter le licenciement. Comment ça marche ? Une entreprise est en difficulté à cause de la crise du coronavirus ; à ce moment-là, elle fait une demande à mes services puisque c'est le Ministère du Travail qui gère et finance ce dispositif.  

ELIZABETH MARTICHOUX  
Donc c'est concentré. C'est au niveau du Ministère du Travail.

MURIEL PENICAUD  
C'est le Ministère du Travail, ça s'appelle la Direccte. C'est la Direction régionale, j'en profite pour le dire pour ceux qui ne le savent pas. La loi prévoit qu'on répond en quinze jours. Là, on est à quarante-huit heures. On a mobilisé tout en urgence.

ELIZABETH MARTICHOUX  
Vous assurez une réponse en quarante-huit heures quand il y a une demande de chômage partiel d'un petit patron ici ou là ?  

MURIEL PENICAUD  
Aujourd'hui, on est à quarante-huit heures. Voilà. Alors c'est vrai pour une entreprise d'un salarié jusqu'aux plus grands groupes français. Il n'y a pas de question de taille. Vous êtes artisan, vous avez un salarié - moi je serai à Strasbourg avec les artisans demain - vous pouvez aussi avoir l'activité partielle. L'activité partielle, ça permet de quoi ? De préserver l'emploi et le revenu du salarié. Le salarié en activité partielle, il ne travaille pas parce qu'il n'y a plus de travail en clair.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il est au chômage.

MURIEL PENICAUD
Non, il n'est pas au chômage justement. C'est très important. Il ne reçoit pas de lettre de licenciement. On évite des dizaines de milliers de lettres de licenciement. Il est en contrat de travail suspendu, il touche 84 % de son salaire net et nous, au niveau de l'Etat, on rembourse à l'entreprise pour lui permettre de survivre et de payer ses salaires. On lui rembourse le SMIC, à hauteur du SMIC pour chacun.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc pas tout à fait 84 %. Ça dépend du salaire du salarié en question.

MURIEL PENICAUD  
Enfin ce qu'on remboursés, c'est à hauteur du SMIC. On est en train de regarder si on peut aller plus loin.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes en train de regarder si le forfait de remboursement de l'Etat…

MURIEL PENICAUD
Pourrait aller au-delà du SMIC.

ELIZABETH MARTICHOUX
Peut aller au-delà du SMIC. Pour l'instant, ce n'est qu'au niveau du SMIC.

MURIEL PENICAUD
Non, ce n'est pas « que ». Dans la plupart des pays, il n'y a pas ça et on est en train de préserver l'emploi. En quelques jours là, ça augmente fortement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, juste pour qu'on comprenne bien.

MURIEL PENICAUD
Oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça coûte éventuellement aussi à l'entreprise.

MURIEL PENICAUD
Ça coûte un peu à l'entreprise et beaucoup à l'Etat et l'UNEDIC.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Combien d'entreprises à ce jour - ce jour, là, 12 mars - ont fait la demande de chômage partiel ?  

MURIEL PENICAUD
Alors je fais le point tous les jours et hier soir, on avait trois mille six cents entreprises, soixante mille salariés.

ELIZABETH MARTICHOUX  
Trois mille six cents entreprises !

MURIEL PENICAUD
Et soixante mille salariés déjà.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'était neuf cents à la fin de la semaine dernière.

MURIEL PENICAUD
Oui, c'est ça. Ça veut dire qu'il y a soixante mille salariés qui, si on n'avait pas ce dispositif, auraient reçu une lettre de licenciement. Vraiment ça protège les travailleurs, ça protège l'emploi. Moi, c'est ma priorité.

ELIZABETH MARTICHOUX
Trois mille six cents entreprises.

MURIEL PENICAUD
Oui, et soixante mille salariés déjà. Et ça va être beaucoup plus, je le sais, ça va être beaucoup plus. Mais nous avons décidé, on fera un plan massif de soutien à l'emploi. Nous voulons protéger les travailleurs dans cette période, protéger l'emploi et donc on va faire un soutien massif. En clair, je n'ai pas de limites budgétaires : on fera ce qu'il faut.   

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, c'est open bar. Vous ouvrez…

MURIEL PENICAUD
Ce n'est pas open bar. S'il y a une bonne raison liée au coronavirus.  

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne vous dites pas : « A cent millions, on arrête. »

MURIEL PENICAUD  
Non. On est déjà à cent quatre-vingts millions d'euros de demandes sur soixante mille salariés.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes déjà à cent quatre-vingts millions de coûts.

MURIEL PENICAUD  
De demandes. De coûts potentiels parce qu'il faut que les entreprises le confirment après. Mais ça, ce n'est pas le plus important. Le plus important, c'est dans une crise, il faut être auprès des salariés et il faut protéger l'emploi. Pour eux-mêmes d'abord et surtout, parce que je crois qu'il y a beaucoup d'inquiétude aujourd'hui chez les salariés qui sont dans un secteur qui franchement va mal à cause de la crise du coronavirus. Donc ça, moi je veux les rassurer. On les suivra sur l'activité partielle sans hésiter. Et puis aussi pour les entreprises qui, du coup, vont pouvoir garder leurs salariés ; et quand on repartira, ils auront leurs salariés.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce que vous leur dites ce matin, c'est : « N'hésitez pas, on est là. On répond en quarante-huit heures. »

MURIEL PENICAUD
N'hésitez pas, ne mettez pas vos salariés au chômage.

ELIZABETH MARTICHOUX
On verra sur le terrain, on ira vérifier mais vous dites en quarante-huit heures.

MURIEL PENICAUD
Quarante-huit heures, c'est ce que je sais faire aujourd'hui. Mes services sont mobilisés à fond. J'espère qu'on va tenir le quarante-huit heures. La loi dit quinze jours ; en tout cas, ça sera très peu de jours. Et puis aussi les apprentis, un message aux entreprises et aux apprentis. L'apprenti, comme vous le savez, explose suite à notre effort. On a fait plus 16 % d'apprentis cette année. L'activité partielle, ça peut marcher aussi pour les apprentis. Ne rompez pas le contrat de l'apprenti si vous avez une difficulté liée au coronavirus. Mettez-le aussi en activité partielle. Moi ce que je veux, c'est sauver l'emploi, préserver l'emploi, que personne ne parte au chômage à cause de ça.

ELIZABETH MARTICHOUX
Que personne ne parte au chômage, que personne ou en tout cas qu'il y ait le moins de faillites possible d'entreprises, parce que c'est ça aussi. Pour être pour être brutale, combien d'entreprises risquent la faillite ?  

MURIEL PENICAUD
Alors il y a deux sujets. D'abord avant la faillite, il y a effectivement la difficulté économique qui peut amener à la faillite. Le fait qu'on a cette  aide sur l'emploi aide aussi l'entreprise à tenir le choc. Et puis il y a des mesures sinon qu'on prend avec Bruno LE MAIRE. Toute entreprise sur une simple demande, sur un simple mail, peut avoir le report de ses paiements de charges sociales et fiscales. C'est important parce qu'il y a une échéance le 15 là.  

ELIZABETH MARTICHOUX
Le 15 mars, toutes les entreprises doivent payer l'URSSAF du trimestre.

MURIEL PENICAUD
C'est ça.  

ELIZABETH MARTICHOUX
Et alors ?  

MURIEL PENICAUD  
Donc celles qui sont en difficulté, elles envoient un simple mail et ça va être reporté. Parce que le problème c'est la trésorerie, c'est la liquidité.  

ELIZABETH MARTICHOUX
Un décalage de paiement.

MURIEL PENICAUD
Et par ailleurs, il y a un travail avec les banques que fait Bruno LE MAIRE pour que les banques continuent à prêter de l'argent évidemment aux TPE-PME. On mobilise tout le monde.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et quand vous dites un report, pardon, pour rester sur l'URSSAF, un report sine die pour l'instant.  

MURIEL PENICAUD
Ça se fait par trimestre ; après, on verra. On verra en fonction de la situation.   

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous évoquiez les problèmes de trésorerie que Bruno LE MAIRE, j'imagine, examine. On va écouter très rapidement Jean-Philippe AELVOET. Il est gérant d'hôtel dans l'Oise. Regardez.  

JEAN-PHILIPPE AELVOET, GERANT DE L'HOTEL L'AUNETTE COTTAGE
Je suis à moins de trente mille. Il y a des solutions qui sont données mais, concrètement, il n'y a personne encore à part mes parents qui m'ont aidé financièrement alors qu'on est dans le besoin et on en a besoin tout de suite.  

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà. Personne ne l'a aidé, sauf ses parents je crois. Effectivement, là il y a un souci. Est-ce que les banques vont jouer le jeu, jouent le jeu pour aider les entreprises très vite ?  

MURIEL PENICAUD
Je voudrais dire à ce monsieur, parce que chaque situation compte, chaque entreprise, chaque emploi. D'abord s'il a des salariés, est-ce qu'il a utilisé l'activité partielle ? Sinon, il faut le faire aujourd'hui pour sauver l'emploi de ses salariés. En termes des charges sociales, je l'ai déjà dit : il peut demander le report. Ça va lui donner un ballon d'oxygène. Aujourd'hui il y a la BCE, la Banque centrale européenne, qui doit prendre des positions pour aussi soutenir les banques pour qu'elles  soutiennent les PME, notamment en termes de trésorerie parce qu'il y a un sujet de trésorerie qui est évidemment très important.   

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc qu'elles attendent que Christine LAGARDE, la patronne de la BCE, annonce son plan pour elles-mêmes desserrer un peu l'étau.

MURIEL PENICAUD
C'est-à-dire que, je ne vais pas rentrer dans la technique, mais il y a des règles. Il y a des règles sur les créances douteuses dans les entreprises qui font qu'une banque n'a pas le droit de prêter si l'entreprise est en grosse difficulté. Et donc, il faut libérer ces contraintes. C'est ce que Bruno LE MAIRE est en train de discuter avec la BCE.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elles ont un rôle crucial, les banques, dans ce contexte.

MURIEL PENICAUD
Elles ont un rôle crucial. Il faut sauver l'emploi et sauver les petites entreprises.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Vous, vous vous occupez des entreprises, Bruno LE MAIRE s'occupe des banques.

MURIEL PENICAUD  
Non, non. Moi je m'occupe surtout de partie emploi. Mais c'est un travail d'équipe, vous savez.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il n'y aura pas ou est-ce qu'il peut y avoir la nomination d'un Monsieur emploi, banques, bref Economie face à la crise du coronavirus ?  

MURIEL PENICAUD
Emploi, c'est très simple. Vous avez la Direccte et on a l'activité partielle.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites que ce n'est pas la peine.

MURIEL PENICAUD
Par contre, il y aura la nomination d'un médiateur sur le crédit.

ELIZABETH MARTICHOUX
La nomination d'un médiateur pour aider les entreprises qui ont des problèmes de crédit et donc qui va être nommé.

MURIEL PENICAUD
Qui va être nommé.  

ELIZABETH MARTICHOUX
Il va être nommé un Monsieur Crédit pour faire face à la crise. Vous avez dit géographiquement les entreprises qui sont évidemment situées dans les zones les plus touchées, ce qu'on appelle les clusters, sont particulièrement pénalisées en termes d'activité.   

MURIEL PENICAUD
Alors celles-là sont particulièrement en difficulté. D'ailleurs j'ai aussi une pensée pour ces entreprises, pour leurs salariés, mais aussi pour tous les parents qui jonglent quand leur enfant… Parce que l'école est fermée dans les clusters. Qui jonglent un peu. Ceci dit, je rappelle que nous avons pris les décrets qu'il faut et que si on est parent d'un enfant  qui ne peut pas aller à l'école, l'un ou l'autre parent peut faire une semaine l'un, une semaine l'autre pendant les quatorze jours où l'école est fermée, peut être en arrêt maladie. Il n'est pas malade, c'est un parent qui n'est pas malade mais on a fait une exception et il peut rester chez soi pour s'occuper de l'enfant. Il n'y a pas toujours un mode de garde approprié de conserver comme ça par surprise.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour les salariés qui doivent traverser une frontière pour aller travailler, ça peut poser un problème.  On voit bien qu'il y a un réflexe défensif de chaque pays. Est-ce que là il y a des dispositions particulières, des conséquences particulières déjà pour eux ?  

MURIEL PENICAUD
Alors il y a eu à un événement il y a vingt-quatre heures. C'est que le Bade-Wurtemberg en Allemagne, alors c'est la région de Fribourg, a fait une recommandation à ses entreprises pour que les travailleurs frontaliers français ne traversent pas la frontière pendant quatorze jours, qu'ils restent chez eux. Donc j'ai eu j'ai eu un long échange hier avec mon collègue Hubertus HEIL, qui est le ministre allemand du Travail, mon homologue. On est d'accord, j'aurai la confirmation écrite dans la journée, que si une entreprise fait cette mesure de précaution, une entreprise allemande par rapport à des travailleurs frontaliers français, ces travailleurs frontaliers français qui doivent rester chez eux pendant quatorze jours doivent être payés intégralement, la totalité de leur salaire. Et s'il y a de l'activité partielle, l'équivalent en Allemagne, ils auront les mêmes droits que les Allemands. Donc ça, je confirmerai ça dans les vingt-quatre heures et j'ai l'accord de mon collègue allemand. Ils confirment le droit et ils surveilleront le droit allemand là-dessus pour que les salariés ne soient pas pénalisés.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites avoir obtenu l'assurance qu'ils ne seront pas pénalisés par leur employeur allemand alors que c'est l'employeur qui intime l'ordre de rester de l'autre côté de la frontière.

MURIEL PENICAUD
Oui, assurer l'assurance qu'ils ne seront pas pénalisés.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que les salariés peuvent… Ou plutôt est-ce que les entreprises peuvent obliger les salariés à prendre des congés maintenant ?  

URIEL PENICAUD
Alors prendre des congés : ils ne peuvent pas obliger à prendre des congés. Ce que dit le droit du travail, c'est que s'il y avait déjà des congés déposés, ils peuvent imposer le changement de date. Donc imposer un changement de date maintenant. C'est assez marginal dans le paysage. Ce que peut faire aussi l'entreprise, c'est qu'il y a certains jours de RTT qui sont à la disposition de l'employeur. Je rappelle : le télétravail, il y a un emploi sur trois sur lequel on peut télétravailler. C'est le moment d'ouvrir le télétravail. Depuis les ordonnances travail, j'avais mis dans les ordonnances une facilité très simple : tout salarié qui veut travailler en télétravail, si l'activité le permet, il a droit au télétravail donc c'est le moment d'y aller. D'ailleurs j'ai réuni le monde de la tech hier pour qu'ils facilitent tous les dispositifs qui permettent de travailler efficacement chez  soi. Ça fait partie des mesures de précaution, ça fait partie des mesures pour sauvegarder l'emploi.

ELIZABETH MARTICHOUX  
Dans ce contexte, notamment dans l'évènementiel, vous le disiez, il y a des salariés qui sont touchés immédiatement de plein fouet. Ce sont les précaires, les intérimaires, les pigistes. Ce sont les variables d'ajustement dans les entreprises évidemment. La CFDT a une demande très précise, Muriel PENICAUD : que vous renonciez à mettre en place au 1er avril les nouvelles règles d'assurance chômage qui précisément durcissent les règles d'indemnisation aussi pour les personnes qui travaillent de façon très hachée, comme ça. Est-ce que vous l'envisagez ? Quelle est votre réponse ?  

MURIEL PENICAUD
Ma réponse est d'abord quand je dis que mon obsession, ma priorité c'est de protéger l'emploi et les travailleurs, c'est bien sûr les travailleurs en CDI mais c'est aussi les travailleurs précaires. Donc on est en train de regarder comment faire. On n'a pas attendu les organisations syndicales pour y travailler : ça fait plusieurs jours qu'on travaille à plusieurs options. Donc on va faire quelque chose, c'est trop tôt ce matin pour le dire. On n'a pas encore complètement arrêté.

ELIZABETH MARTICHOUX
Par rapport aux nouvelles règles d'assurance chômage au 1er avril ?  

MURIEL PENICAUD
Il y a plusieurs solutions.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais à quoi ? Plusieurs solutions à quoi ?

MURIEL PENICAUD
Je suis quelqu'un de pragmatique : je veux faire quelque chose qui est efficace par rapport à l'emploi. Donc je ferai la chose… On prendra la mesure qui est la plus efficace pour protéger ces salariés.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous pouvez avoir envie de protéger l'emploi aux dépens du salarié. Là, la question est posée…

MURIEL PENICAUD N
on, non. L'emploi, c'est pour le salarié. Moi mon but, c'est de protéger les salariés. C'est ma raison d'être, c'est ma mission. Et donc on est en train de regarder et d'ici quelques jours, on annoncera ce qu'on fait pour les chômeurs qui sont en fait des travailleurs précaires. Les travailleurs précaires aussi doivent être protégés dans cette circonstance. On est en train de regarder différentes options. D'ici quelques jours, je dirai lesquelles sont retenues.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous n'êtes pas fermée à examiner les conséquences malheureuses éventuelles des nouvelles règles d'assurance chômage pour les précaires.

MURIEL PENICAUD
Moi, je ne suis fermée à rien par principe. Je suis ouverte à une seule chose : c'est ce qui va être efficace sur le terrain. Comme on l'a fait pour l'activité partielle, il faut qu'on fasse ce qui est le plus efficace pour protéger aussi les travailleurs précaires

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ces règles d'indemnisation, nouvelles règles, tombent mal dans le contexte ?  

MURIEL PENICAUD
Je pense que c'est une très bonne réforme, l'assurance chômage, et après il y a un contexte nouveau. Mais c'est une très bonne réforme qui contribue à l'emploi. Il y a un débat mais pas pour moi et je pense que c'est une bonne réforme. Mais maintenant, on est dans un contexte nouveau. Contexte nouveau, on est pragmatique. Encore une fois, il y a plusieurs manières de protéger les précaires. Une des choses qu'on va faire d'ailleurs, c'est renforcer aussi la formation pour les salariés permanents ou précaires. Pourquoi ? Parce que plutôt que d'être au chômage pendant des semaines ou est être en activité partielle, ça veut dire chez soi sans travailler pendant des semaines. Si en même temps on peut en profiter pour aider les dispositifs de formation, qui est d'ailleurs un secteur touché par la crise, mais surtout parce que ça permet d'être plus fort à la sortie de la crise. Mieux former pour garder son emploi, pour le développer, pour changer et les entreprises auront plus de compétences. Donc un mes buts, c'est aussi de renforcer tout l'aspect formation pendant la période de la crise. Là, on est parti pour quelques semaines ou quelques mois de situations difficiles sur le plan économique, et plutôt se former qu'être au chômage. Je crois que c'est important.

ELIZABETH MARTICHOUX
Situation difficile, proposition de Bruno RETAILLEAU ce matin dans Les Echos. Pour ceux justement qui sont mis au chômage partiel, ce qu'on dit parfois au chômage technique, que le salaire net soit maintenu à 100 % pour évidemment préserver la consommation.

MURIEL PENICAUD
Alors je voudrais dire d'abord que si la loi dit « activité partielle » et pas « chômage partiel », c'est bien parce qu'on n'est pas au chômage. Je reviens là-dessus : mon but, c'est qu'on n'aille pas au chômage.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Mais enfin, vous avez compris la question.

MURIEL PENICAUD
J'ai compris la question.

ELIZABETH MARTICHOUX
Maintien à 100 % du salaire net du salarié touché par l'activité partielle.

MURIEL PENICAUD
Donc je vous ai dit tout à l'heure qu'on était en train de regarder si on pouvait aller au-delà du SMIC. On n'a pas encore beaucoup de demandes des entreprises. Elles sont surtout très contentes que ça arrive très vite parce que c'est un sujet… Enfin, il faut pouvoir faire la feuille de paie à la fin du mois. C'est ça dont on est en train de parler dans certaines entreprises. Donc ça, elles sont très satisfaites de la rapidité. Et oui, moi je suis ouverte et on est en train de regarder si on peut aller au-delà du SMIC, enfin comment, sans que ça soit une usine à gaz. Parce que pour aller au-delà du SMIC, il faut fournir des feuilles de paie. Là c'est très simple aujourd'hui, je voudrais que ça reste le simple, donc c'est ça qu'on est en train de regarder.

ELIZABETH MARTICHOUX
Questions rapides évidemment enjeu très important pour vous, mais l'objectif de 7 % de chômage à la fin du quinquennat ?

MURIEL PENICAUD
Je vais vous dire, je n'ai pas l'œil sur cet horizon-là pour l'instant, je suis concentrée…

ELIZABETH MARTICHOUX
 On le met en parenthèses ?

MURIEL PENICAUD
Ce n'est pas le sujet important, aujourd'hui c'est préserver l'emploi, préserver l'emploi.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui mais la transparence, aussi la lucidité, le devoir de vérité.  

MURIEL PENICAUD
Non mais c'est sûr que ce sera plus difficile, c'est évident, mais ça c'est le bon sens. On était parti sur une dynamique qui était très forte, on a baissé de 9,6 à 8,1 le chômage, 7,9 en métropole, l'apprentissage a explosé, tout ça on avait dit, il y a deux mois on avait des signaux ouverts, on sait qu'aujourd'hui on est dans une passe difficile, notre priorité c'est d'être auprès des salariés, des entreprises pour passer cette passe et après avoir de la relance.

ELIZABETH MARTICHOUX
Encore deux questions, je vous demande une réponse brève s'il vous plaît, est-ce que c'est dangereux d'aller travailler dans des entreprises de plus de 1 .000 salariés ?

MURIEL PENICAUD
Non.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, très bien. Donald TRUMP après avoir sous-estimé le virus attaque l'Europe et ferme ses frontières à tout ressortissant de l'espace Schengen, quel impact ça aura sur notre économie ?

MURIEL PENICAUD
Alors c'est clair que pour le domaine des transports et pour l'export, c'est un coup dur supplémentaire. Ce matin Agnès PANNIER-RUNACHER et Jean-Baptiste DJEBBARI et mon ministère reçoivent le secteur des transports et évidemment ça fait partie aussi des sujets à discuter au niveau européen parce que finalement c'est les produits européens qui sont touchés, donc c'est, je pense, un sujet aussi pour l'Europe.  

ELIZABETH MARTICHOUX
Les produits européens ne sont pas interdits de passer la frontière américaine, mais en revanche tous les ressortissants.

MURIEL PENICAUD
Oui tous les ressortissants.

ELIZABETH MARTICHOUX
Tous ceux qui effectivement travaillent et puis effectivement le transport, ça va pénaliser aussi les Etats-Unis, puisqu'il y a des échanges dans les deux sens, mais je pense que, on voit bien que dans cette crise il faut comme toujours, on est plus fort si on est ensemble. Et je pense qu'une des clés, c'est d'agir au niveau français mais aussi agir au niveau européen très fort sur tous les sujets dont on parle.

ELIZABETH MARTICHOUX  
Il est des temps, il est temps Muriel PENICAUD.

MURIEL PENICAUD
Oui mais écoutez si la crise réveille tout le monde et qu'on se dit, on a besoin d'Europe, il faut une Europe plus forte, eh bien on avance.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez fait le test ?

MURIEL PENICAUD
Non parce que le test ne sert à rien, si on n'a pas de symptômes. Mais si j'ai le moindre symptôme, un petit rhume, je ferai le test, là ça ne sert à rien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Maintenir les municipales, c'est une bonne idée ?

MURIEL PENICAUD
Les municipales ne sont pas dangereuses, donc pour faut-il bloquer la vie démocratique, pour l'instant on n'est pas sur ce sujet.  

ELIZABETH MARTICHOUX
La réponse est non, Emmanuel MACRON ne va rien annoncé à ce titre-là ?

MURIEL PENICAUD
De toute façon le président de la République, je ne sais pas ce qu'il va dire à l'avance, mais non aujourd'hui on l'a rappelé hier, il y a des précautions à prendre mais ce n'est pas dangereux d'aller voter.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Muriel PENICAUD, vous nous l'avez annoncé ce matin 3.600 personnes, entreprises pardon…

MURIEL PENICAUD
60.000 salariés.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ont demandé le chômage partiel, l'activité partielle, ça va concerner 60.000 salariés, il va y avoir une croissance jour après jour de ces demandes et vous assurez de répondre au plus vite en 48 heures pour maintenir l'emploi, c'est votre priorité, merci d'avoir été ce matin sur LCI.

MURIEL PENICAUD
Merci


source : Service d'information du Gouvernement, le 16 mars 2020