Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Madame PENICAUD bonjour …
MURIEL PENICAUD
Bonjour Guillaume DURAND.
GUILLAUME DURAND
Et bienvenue sur l'antenne de Radio Classique, vous êtes le premier employeur de France maintenant puisque le chômage partiel, c'est plus de 8 millions, il y a cette fameuse prime. Alors, on va commencer par les questions, j'allais dire, techniques qui sont très importantes parce qu'il y a un conseil des ministres et un collectif budgétaire spécial ce matin. On en est à 8 millions, quel est le coût et est-ce que ça va être étendu ?
MURIEL PENICAUD
Alors, le chiffre a augmenté encore hier soir parce que nous avons eu des nouveaux chiffres hier soir tard, donc il y a aujourd'hui 8 millions 700 000 salariés en France dont effectivement le salaire est payé par l'Etat, c'est inédit, ce n'est jamais arrivé dans notre pays. C'est plus d'un salarié sur 3 pour sauver l'emploi et ça concerne 732 000 entreprises c'est-à-dire plus d'une entreprise sur 2. On voit bien qu'une partie très importante de l'économie est au ralenti ou à l'arrêt mais que je dirais le rôle de l'Etat qui est aussi de protéger en cas de crise est pleinement là. Moi, je crois que c'est un investissement à la fois très lourd financièrement mais très important puisque ça sauve des millions d'emplois et ça va permettre aussi de repartir avec le déconfinement progressivement mais de façon plus sûre et plus rapide au sens où les entreprises auront gardé les compétences et les salariés auront gardé leur emploi.
GUILLAUME DURAND
8 millions 700 000, il y a certains économistes qui considèrent que maintenant il y a pratiquement 40 millions de Français si on prend les retraites, les allocations, le chômage partiel etc., etc., qui vivent finalement de la dotation de l'Etat. Comment tout ça peut être financé notamment, par exemple le chômage partiel, ça va coûter combien ?
MURIEL PENICAUD
Le chômage partiel, nos estimations à ce jour sachant qu'elles sont évidemment évolutives en fonction de la situation sanitaire et donc de la situation économique, c'est pour trois mois un coût de 24 milliards d'euros. Là aussi effectivement, c'est complètement inédit ; ça fait partie des 100 milliards d'euros qui auraient été annoncés pour le plan de soutien dans la crise mais encore une fois, il faut le voir aussi comme un investissement puisque, imaginez l'alternative ; l'alternative, c'est qu'il y aurait déjà des millions de Français qui auraient perdu leur emploi ou qui seraient en train de le perdre et donc je crois qu'il faut à un moment donné, il faut serrer les coudes. Il faut investir. Oui, ça va faire de la dette ; oui ça va être difficile mais c'est à ce prix-là qu'on va sauver les emplois et qu'on va permettre aussi à notre tissu de toutes petites et moyennes entreprises partout sur le territoire de continuer à exister, nos artisans, nos commerçants agriculteurs, les entreprises industrielles, la construction, tous les secteurs sont concernés.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous pouvez nous dire ce matin si avec évidemment le ministre des Comptes publics DARMANIN, avec Bruno LE MAIRE et évidemment avec vous-même qui est notre invitée, vous allez tenter d'empêcher toute faillite d'entreprise ?
MURIEL PENICAUD
Alors, notre but avec tout le gouvernement, Bruno LE MAIRE Gérald DARMANIN, c'est éviter au maximum, au maximum, ça ne peut jamais être à 100% mais au maximum toutes les défaillances d'entreprises, donc par le chômage partiel, par le report de charges sociales, par le report des impôts pour ceux qui le demandent, par les garanties qu'apportent les banques parce qu'elles sont garanties par l'Etat en termes de trésorerie et par le fonds de solidarité pour les indépendants. Donc on met en place et on a mis en place tout un arsenal.
GUILLAUME DURAND
Et ça, c'est 100, 110 milliards ou plus ?
MURIEL PENICAUD
Non, ça, c'est, aux estimations d'aujourd'hui, 100 milliards d'euros. On n'est pas encore au bout du tunnel, on n'est pas encore au bout des développements de la crise, il faut être modeste et déterminé et très réactif sur ce sujet mais disons que l'ampleur, c'est de cet ordre-là mais c'est aussi l'ampleur encore une fois qui permettra de rebondir et de relancer la machine économique et donc l'emploi.
GUILLAUME DURAND
J'ai deux questions qui sortent évidemment de ces propos puisque beaucoup d'annonces sont faites par vous ce matin. Est-ce que dans le domaine du chômage partiel, les entreprises vont être, pardonnez-moi parce que c'est un peu délicat dans un contexte dramatique, mais surveillées, c'est-à-dire, est-ce qu'on va bénéficier du chômage partiel et en même temps les entrepreneurs qui vont vous demander de travailler plus qu'à plein temps ? Est-ce qu'il y a des gens qui vont tenter de passer à travers les mailles du filet ? Est-ce que dans votre ministère, on va faire en sorte que tout ça soit quand même clairement identifié ?
MURIEL PENICAUD
Alors, il y a deux temps, le temps aujourd'hui, vous l'avez dit, c'est le temps de l'urgence, c'est le temps du soutien massif et c'est le temps de la confiance a priori, donc c'est pour ça que pour le chômage partiel, on ouvre grand les portes, parce que on veut sauver ces emplois, je le redis. Ensuite, la confiance a priori n'exclut pas le contrôle a posteriori, évidemment, il y aura des contrôles, il y a toujours une minorité d'entreprises ou de citoyens dans n'importe quel contexte, vous savez, qui trichent, qui ne respectent pas la loi, en l'occurrence, sur le chômage partiel, ça veut dire que c'est l'Etat qui paye les salaires, à travers le ministère du Travail, donc on ne peut pas en même temps faire travailler les salariés, donc tout ça va être contrôlé a posteriori, et évidemment, il y a des sanctions pour ceux, minoritaires, qui auront abusé, qui n'auront pas respecté la loi, ça s'appelle du travail illégal, donc on a l'arsenal pour. Mais aujourd'hui, je dirais, ce n'est pas l'urgence, on fera les contrôles a posteriori après.
GUILLAUME DURAND
Nous sommes en direct avec vous Muriel PENICAUD, vous avez entendu les critiques d'une grande partie de la gauche après les propos de Geoffroy ROUX DE BEZIEUX qui, en gros, a dit : le plus vite possible, il faut se retrousser les manches, travailler plus que nous n'avons travaillé, et parmi ces critiques, eh bien, il y a celles qu'on retrouve ce matin à la Une de la plupart des journaux qui disent au fond : le président de la République demande aux enfants de rentrer dans les écoles le 11 mais sans qu'on sache très bien dans quelles conditions, pour libérer les parents qui vont se mettre à travailler, d'où des gens qui disent : au fond, tout ça est fait pour que le MEDEF – donc les entreprises – bénéficie de cette situation, vous répondriez quoi ce matin ?
MURIEL PENICAUD
Je pense que la question n'est pas là, d'abord, personne ne bénéficie de cette situation, je veux dire, c'est une situation qui est dramatique et difficile et d'abord douloureuse pour beaucoup de Français à titre personnel, qui sont touchés, eux, ou par leurs proches. C'est difficile pour les petites entreprises qui angoissent de repartir, c'est difficile pour les salariés qui ont peur pour leur emploi demain. Donc je crois que la notion de « facilité », elle n'a pas de sens, aujourd'hui, c'est la cohésion, l'unité, se serrer les coudes, en sortir tous ensemble qui comptent. Mais ceci dit, par rapport à votre question, moi, j'ai une conviction, et j'allais dire, elle est appuyée sur pas mal d'années d'expérience, là, ce n'est pas l'heure des grands principes sur le sujet du retour au travail, c'est l'heure du pragmatisme et du dialogue, ça veut dire quoi. Aujourd'hui, on a à peu près un salarié sur deux qui travaille avec, je vous le rappelle, des conditions de santé de protection qui sont ma deuxième priorité avec l'emploi, et où on produit des guides, on contrôle, c'est extrêmement important qu'on puisse aller travailler en étant protégé, en sachant qu'on est protégé. Mais la reprise, elle va être différente selon les secteurs, selon les entreprises, on voit bien que les automobiles, on ne va pas en vendre tout de suite, beaucoup, tant qu'on est confiné chez soi,, on n'achète pas d'automobile, il y a peut-être des secteurs qui vont repartir plus vite ou des entreprises qui repartent plus vite, ça, ça se discute entreprise par entreprise, il faut qu'au niveau des entreprises, il y ait ce dialogue du chef d'entreprise avec les organisations syndicales, avec les employés, avec les salariés pour dire : voilà, comment on peut repartir, quelles sont les activités qui peuvent repartir, celles où on attend un peu plus, à quelles conditions, comment on organise les gestes barrières, la santé, la sécurité, on a produit déjà 24 guides sur différents métiers, il y en a eu trois nouveaux cette nuit, là, par exemple sur les opérateurs de centres d'appels, les collectes des ordures ménagères, les agents funéraires, voilà, dans chaque métier, il faut trouver les bons gestes de protection, et le rythme de travail va s'adapter en fonction de ça. Moi, je mettrai la santé, la protection des salariés, l'emploi au-dessus de tout, de toute façon, mais en faisant ça, on peut quand même travailler, mais, par exemple, on peut travailler en plusieurs équipes, on est moins nombreux, tout le monde ne va pas travailler, ou pas en même temps, on organise les protections…
GUILLAUME DURAND
C'est ce qui se fera d'ailleurs à l'école…
MURIEL PENICAUD
C'est tout ça qu'il faut faire, et ça, c'est un travail de terrain, et c'est un travail de dialogue social sur le terrain.
GUILLAUME DURAND
Alors, j'ai une dernière question qui est double, pardonnez-moi, pardonnez-moi de vous demander aussi d'y répondre assez rapidement, car nous arrivons au terme, est-ce que vous avez une idée de la facture, et la manière dont on va la payer, est-ce qu'il y aura un impôt, un impôt coronavirus à la sortie de tout ça ? Et deuxièmement, qu'est-ce que vous allez faire, puisque ça va tomber sur votre ministère et d'autres, la Culture, etc., pour tous ceux qui, cet été, intermittents du spectacle, restaurateurs hôteliers, n'auront enfin, ou auront plutôt des recettes qui vont se résumer à un seul chiffre, zéro ?
MURIEL PENICAUD
Alors, sur le premier sujet, c'est vraiment une discussion en ce moment qui a lieu au niveau européen, comment on va traiter le sujet de cette dette pour qu'elle ne pèse pas trop lourdement sur les pays, et donc les citoyens. Donc ça, ce sont des discussions européennes qui sont en bonne voie, qui sont en partie déjà là et en partie à construire. Sur le deuxième sujet, d'abord, parmi les nombreuses mesures que j'ai prises, il y en a une évidemment sur les intermittents du spectacle, où on a prolongé leurs droits pour qu'ils ne soient pas pénalisés, notamment au regard de leurs droits au chômage. Et puis, pour tous les secteurs, type restauration, hôtellerie, tourisme, culture, évènementiel, d'abord, le chômage partiel va continuer plus longtemps, parce qu'ils ne peuvent pas rouvrir tout de suite, et tout le monde le comprend, mais aussi, nous préparons au niveau du gouvernement parmi tout notre plan d'action un plan de soutien à ces secteurs qui, eux, vont connaître un peu à plus durablement, un peu plus longtemps que les autres des difficultés, donc on sera auprès d'eux.
GUILLAUME DURAND
Merci mille fois, fois Muriel PENICAUD d'avoir été en direct ce matin. Je rappelle l'information principale, vous avez obtenu hier un nouveau chiffre sur le chômage partiel, 8,7 millions de Français le touchent aujourd'hui.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 avril 2020