Texte intégral
Q - L'invité de RTL-Soir, Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, bonsoir.
R – Bonsoir.
Q - Merci d'être avec nous pour faire le point de la situation dans le secteur du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration ou encore de l'événementiel, secteurs qui ne vont pas pouvoir redémarrer le 11 mai. Avant de parler des pertes de ces professionnels et des mesures de soutien du gouvernement, quand même un mot des perspectives : si ce n'est pas le 11 mai, quelle pourrait être l'échéance ? Est-ce que cela pourrait être, par exemple, la mi-juillet, comme pour les événements publics ?
R - Je comprends que les Français, potentiellement vacanciers, les professionnels également, se posent la question et que vous me la posiez. Néanmoins, il est très difficile, aujourd'hui, de pouvoir donner un horizon, tout simplement parce que ce sont les raisons sanitaires qui commandent, et c'est l'évolution de l'épidémie qui nous permettra, à un moment, de dire : voilà, pour le secteur du tourisme, nous pouvons repartir, avec telles et telles précautions sanitaires.
J'ai d'ailleurs demandé ce matin, lors de la réunion du comité de filière tourisme que je tiens chaque mardi, aux professionnels, aux filières, de me remonter leurs pistes et leurs projets pour adapter aussi leurs établissements, les sites, aux nécessités sanitaires et également aux besoins de réassurance des clients, des consommateurs et des touristes.
Aujourd'hui, on ne peut pas vous donner un horizon précis, une date précise. Nous travaillons avec la mission Castex sur le déconfinement.
Le Premier ministre a annoncé cet après-midi un plan global sur lequel le gouvernement travaille, et d'ici quinze jours, comme l'a demandé le Premier ministre, de façon générale, nous y verrons plus clair sur les modalités de cette sortie du confinement qui sera progressive et par secteur.
Q - En tout état de cause et même si nous n'avons pas de date aujourd'hui, on sait d'ores et déjà que cette reprise se fera sous conditions, j'imagine, notamment, dans la restauration en termes d'espace, par exemple ?
R - Ce qui est clair, nous l'avons dit, le monde d'après sera forcément différent du monde d'avant, et cette épidémie a changé la donne dans un certain nombre de besoins sanitaires, besoin de plus se laver les mains.
Cela veut aussi dire des adaptations dans les établissements, et c'est pourquoi je plaide pour que, dans le plan de relance sur lequel nous sommes en train de travailler avec les professionnels, il y ait notamment une dimension de soutien à l'investissement, parce qu'il va falloir sûrement adapter les sanitaires, mettre en place des distributeurs de gel hydro-alcooliques, etc. Et tout cela, nous y travaillons avec les professionnels, chaque semaine, en vue d'apporter des réponses pérennes pour les touristes, qu'ils soient français ou étrangers plus tard.
Q - L'industrie du tourisme aujourd'hui est presque à l'arrêt complet. On imagine les inquiétudes, voire les catastrophes individuelles, mais qu'est-ce que cela représente en termes de pertes financières pour notre pays, aujourd'hui ?
R - C'est très important parce que nous avons environ 170 milliards d'euros de recettes touristiques, soit à travers le tourisme des Français en France, soit à travers le tourisme des étrangers en France. Et aujourd'hui, un trimestre sans activité, c'est 40 milliards d'euros de recettes en moins. Et j'insiste, c'est pour l'ensemble du territoire, le tourisme, on a cette chance, c'est qu'il rayonne dans toutes les régions, grâce à notre patrimoine, grâce à nos terroirs et cela veut donc dire que cela fragilise, à la fois le petit restaurant situé dans le Lot et des grands centres de loisir de parc, comme le Puy du Fou par exemple.
Il est donc important, face à cela, que nous mettions en place des mesures d'accompagnement, c'est ce que nous avons fait avec le chômage partiel qui a été rendu très simple d'accès, qui permet de prendre jusqu'à 4,5 SMIC, également à travers les prêts garantis par l'Etat pour que les professionnels du tourisme continuent à avoir accès au crédit, et qu'ils puissent avoir les moyens de financer leur trésorerie.
Aujourd'hui, je suis en mesure de vous annoncer que ce sont 1,2 milliard d'euros qui ont d'ores et déjà été octroyés à quatorze mille entreprises du tourisme partout sur le territoire, grâce à ces prêts garantis par l'Etat, via la Banque publique d'investissement.
Q - Donc 1,2 milliard de prêts garantis par l'Etat à l'heure où l'on parle. Qu'en est-il des charges, report ou annulation des charges ?
R - Le chef de l'Etat a été très clair, hier dans son allocution, il a précisé que le secteur tourisme payait un tribut particulièrement lourd et était particulièrement touché. Et par conséquent, il a demandé que l'on puisse travailler sur des annulations de charges pour les professionnels du secteur. Et nous réunirons vendredi après-midi, avec Bruno Le Maire les représentants de l'hôtellerie, de la restauration et de l'événementiel pour travailler à ces dispositifs.
Q - Y compris pour les petites structures ?
R - Bien sûr, le tourisme, c'est un certain nombre de grands sites, mais c'est également une myriade de très petites entreprises, de PME qui sont souvent des PME familiales, mais qui font la richesse de nos terroirs et qui font qu'il y a beaucoup d'emplois qui vivent du tourisme, parfois, dans des départements, -j'étais à la rencontre des professionnels, par visioconférence, bien sûr, la semaine dernière de la région Sud par exemple-, dans les territoires les plus ruraux, cela représente parfois un quart ou un tiers de l'économie du territoire, c'est considérable.
Q - On a d'ailleurs appris aujourd'hui qu'un restaurateur attaquait en justice sa compagnie d'assurance qui lui refuse toute prise en charge. Est-ce qu'aujourd'hui les assureurs sont à la hauteur ?
R - Je crois que les assureurs doivent amplifier encore leur effort. Le président de la République a été très clair aussi hier soir, leur demandant de prendre une juste part, les appelant à aller au-delà et il a eu tout à fait raison. Aujourd'hui, les assureurs pourraient avancer des propositions complémentaires. Je pense qu'ils pourraient utilement participer, par exemple, à un fonds d'investissement qui aiderait les hôteliers, les restaurateurs, les professionnels du tourisme à investir dans les nouveaux équipements sanitaires, par exemple, à renforcer les fonds propres de ces entreprises qui parfois peuvent être menacées. Donc oui, il y a un appel de l'Etat pour que les assureurs fassent plus vite et plus fort.
Q - On ne peut pas leur tordre le bras en même temps ?
R - Je crois qu'il faut aussi regarder ce qui se passe à l'étranger. En Allemagne, les assureurs ont réussi à trouver un accord avec les hôteliers et les restaurateurs de la région de la Bavière. Je crois que c'est un exemple de bonne pratique qui fait que les assureurs en France sont également attendus sur de nouvelles mesures, au-delà de celles qu'ils ont déjà annoncées.
Q - Parlons des frontières, le président a été clair hier sur les frontières hors Schengen, elles vont rester fermées jusqu'à nouvel ordre. Mais que sait-on des frontières nationales ? Est-ce que, c'est une question qu'un certain nombre de personnes se pose, elles pourraient rouvrir avant ou pendant l'été ?
R - Typiquement, cela fait justement partie des sujets que les chefs d'Etat et de gouvernement devront évoquer ensemble le 23 avril lors du Conseil européen, parce que nous constituons cet ensemble, cette Europe, avec ces frontières Schengen et donc, il y a un besoin de coordination. Par exemple, pour le moment, nos voisins espagnols ont plutôt émis le souhait de maintenir fermées leurs frontières au-delà de la saison estivale, jusqu'au mois de septembre. Je crois donc qu'il y a un besoin de concertation et de dialogue pour prendre ensemble, des mesures qui soient les plus cohérentes possibles entre elles.
Q - Vous avez parlé de la saison estivale, justement, c'est difficile de poser cette question, mais un certain nombre de Français se la posent d'ores et déjà, dans les familles, comment doivent-ils envisager leurs vacances d'été ?
R - Encore une fois, c'est compliqué de donner une réponse définitive. Tout dépend de l'évolution de l'épidémie. C'est ce combat contre cette épidémie qui doit nous mobiliser en premier lieu. Et ensuite, si les conditions sont réunies, elles permettront, petit à petit, la réouverture de ces pans de l'économie.
D'ores et déjà, ce que j'ai voulu mettre en place, c'est un dispositif qui s'appelle l'avoir et qui permet, si vous avez réservé un séjour ou un déplacement d'ici au mois de septembre prochain, de pouvoir disposer d'un avoir. Concrètement, cela veut dire que l'on vous donne un report de ce séjour que vous pouvez faire plus tard si vous n'avez pas eu l'occasion de le faire à cause de l'épidémie sanitaire. Donc, c'est ce dispositif de l'avoir que les professionnels du tourisme peuvent vous proposer.
Q - Un report sur une année par exemple ?
R - Un report qui peut se faire jusque dans les 18 mois qui suivent.
Q - Merci, Jean-Baptiste Lemoyne, d'avoir répondu aux questions de RTL-soir.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 avril 2020