Interview de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État aux transports, à CNews le 11 mai 2020, sur le déconfinement progressif des transports en commun et la situation dans le transport aérien.

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Média : CNews

Texte intégral

GERARD LECLERC 
Bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI. 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Bonjour à vous. 

GERARD LECLERC
 Le déconfinement est engagé dans les transports depuis maintenant trois heures, dans les métros, les trains, les bus, et sans doute l'un des secteurs les plus risqués pour la circulation du virus. Alors, vous suivez ça depuis le tout début de la matinée, quelles informations avez-vous, est-ce que ça se passe bien, est-ce qu'il n'y a pas de cohue, on dit qu'il y a beaucoup de monde, notamment sur la ligne 13, dans le métro ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Alors sur la route et sur les trains longue distance, on a un trafic très régulier, c'était attendu, puisque beaucoup de gens sont restés en télétravail. Nous avons eu effectivement quelques points de tension sur le nord et l'est de Paris, notamment au démarrage de la ligne 13, c'est essentiellement dû à un démarrage un peu plus tardif dû à des travaux suite aux intempéries de cette nuit, mais là, le trafic se régule plutôt pas mal. Je me rendrai à la RATP un peu plus tard dans la matinée pour vraiment faire le point. Et puis, d'une manière générale, il y a une satisfaction, c'est que le port du masque est très bien respecté ; il y a des distributions qui se sont réalisées dans des bonnes conditions. Et Jean-Pierre FARANDOU, le patron de la SNCF, avec qui je discutais à l'instant, me disait qu'environ 5% des voyageurs se présentent sans masque, ce qui prouve que la consigne a été bien intériorisée, bien respectée, et que les masques d'appoint fonctionnent de façon très satisfaisante. 

GERARD LECLERC 
Alors, qu'est-ce qui se passe justement pour ces 5% qui n'ont pas de masque, on peut leur en fournir ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
C'était l'engagement que nous avions pris, nous avons déstocké 10 millions de masques dont quatre millions et demi en Ile-de-France, que nous allons distribuer durant les premiers jours, des masques donc d'appoint, à usage unique, et nous avons organisé les premières distributions ce matin, notamment porte de Clignancourt, porte à laquelle était le préfet de région Michel CADOT, pour organiser cette distribution avec des associations, avec la protection civile, et je le disais, ça s'est plutôt très bien passé, et des retours de terrain, des images qu'on a pu voir, quasiment 100% des personnes, 100% des personnes que nous avons vues portent des masques, et ceux qui n'en portent pas, je le dis, se présentent en nombre très réduit pour l'instant. Donc nous allons évidemment suivre tout ça toute la matinée, et nous en ferons un premier bilan complet ce soir, mais sur ce point-là, c'est un motif de satisfaction indéniable que de voir que le port du masque est bien respecté. 

GERARD LECLERC 
On avait parlé de filtrage à l'entrée des grandes gares, des grandes stations, c'est effectif, ça marche ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Oui, c'est effectif depuis ce matin, ça a commencé un tout petit peu plus tard, entre 6h30 et 7h, c'est vraiment actif depuis 7h du matin,, et ça porte ses fruits pour l'instant, encore une fois, vous savez, Monsieur LECLERC, nous allons prendre les choses pas à pas, heure par heure, adapter le dispositif, voir quels sont les points d'affluence particulière ce matin, nous aurons au cours de la journée plus d'informations pour améliorer encore le dispositif demain, donc c'est une première journée qui pour l'instant se déroule correctement, et nous allons suivre tout ça de très près pour faire évoluer le dispositif le cas échéant.

 GERARD LECLERC 
Alors seuls 60% des trains de banlieue roulent et 75% des métros, alors on se pose la question, pourquoi pas 100%, à la SNCF, il n'y aurait que 100 000 cheminots travail, alors qu'il y en a 145 000, qu'est-ce qui se passe ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Eh bien, vous savez que durant les dernières semaines, il y a eu des cheminots malades, des cheminots absents pour garde d'enfant, des cheminots aussi en activité partielle, parce que l'activité a été très réduite à la SNCF, vous avez en tête que seulement 6 ou 7% des TGV et des Intercités roulaient par exemple, et cela a entraîné une réduction de l'activité de maintenance, parfois, l'expiration de certaines validités des qualifications des personnels, il a fallu reformer, même sur un temps relativement court, reformer les personnel, et donc c'est un système qui est un peu inerte, c'est normal, c'est comme tous les systèmes de sécurité, notamment dans les transports, il faut un peu de temps pour faire repartir la machine et que tout le monde soit à nouveau opérationnel. Donc nous avons aujourd'hui 75% du trafic RATP, un peu plus d'ailleurs sur certaines lignes, nous avons en moyenne 50% du trafic des trains du quotidien, les Transilien et les TER en région, et nous allons monter progressivement, de manière à être en possibilité d'avoir 100% d'ici à la fin du mois, mais il y avait ce moment un peu, ce moment effectivement de maintenant que nous connaissons où nous allons opérer cette montée en charge progressive. 

GERARD LECLERC 
Les agents et les syndicats peuvent-ils invoquer le droit de retrait ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Vous savez que le droit de retrait est bien spécifié dans le droit, c'est quand vous faites face à une menace imminente, que vous êtes en danger pour votre vie, pour le dire très clairement, il y a eu un dialogue social très nourri sous l'égide des patrons à la SNCF, à la RATP, un dialogue social qui s'est bien passé, nous avons anticipé la distribution des masques pour les personnels et nous avons vraiment essayé d'être au plus près de la réalité du terrain et d'anticiper les mesures de protection sanitaire pour les usagers, pour les opérateurs, donc le droit de retrait, c'est un droit qui reste tout à fait activable quand vous êtes face à une menace particulière pour votre vie, dans le cadre de votre activité, mais je crois que nous avons fait en sorte de donner les meilleures conditions possibles, et c'est compliqué, vous le savez, notamment dans le réseau Ile-de-France où c'est particulièrement dense, mais nous avons fait en sorte de… en tout cas, nous avons tout mis en oeuvre pour que, à la fois les voyageurs et les opérateurs se rendent au travail ce matin en sérénité.  

GERARD LECLERC 
Valérie PECRESSE et d'autres responsables d'ailleurs appellent au civisme et à l'autodiscipline, elle n'exclut pas un reconfinement si les règles ne sont pas respectées, vous le confirmez ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Deux points, d'abord, la situation sanitaire, elle est encore fragile, et nous le voyons en France, nous le voyons également à l'étranger, donc il y a dans cette période qui s'ouvre à compter d'aujourd'hui jusqu'au 2 juin vraiment un appel effectivement à la responsabilité de chacun, et je crois que c'est très largement fait par les Français quand on voit par exemple le port du masque dans les transports publics, et puis, donc il y a cette fragilité de la situation, et puis, il y a quelque part cet équilibre entre la confiance et le contrôle, il y a très clairement une part de l'effort collectif qui est dans la main de nous tous, nous tous usagers des transports en commun et travailleurs, qui peut-être aujourd'hui reprennent le chemin du boulot, et il y a des contrôles, vous savez que nous avons posé des mesures sanitaires strictes, notamment le port du masque dans les transports en commun, la confiance n'excluant pas le contrôle, il y aura des contrôles, et il y aura le cas échéant des sanctions s'il y a refus du port du masque ou si nous voyons que les mesures sanitaires ne sont pas suffisamment respectées, mais il faut marcher sur ses deux pieds, Monsieur LECLERC, la confiance et le contrôle, c'est à mon avis l'alchimie ou la bonne recette pour une politique sanitaire efficace. 

GERARD LECLERC 
Alors, il y a un petit souci quand même, c'est que la loi sur l'état d'urgence n'a pas été promulguée, parce que le Conseil constitutionnel ne s'est pas réuni, ça veut dire que l'attestation obligatoire des employeurs, eh bien, pour l'instant, on ne peut pas la demander ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Elle est disponible, mais elle n'est pas contrôlable, mais j'avais annoncé hier qu'elle serait contrôlable à compter de mercredi prochain, il est fort probable que le Conseil constitutionnel se prononce ce soir, donc nous restons dans le calendrier que j'avais pu annoncer il y a quelques heures, mais c'est vrai qu'aujourd'hui, elle n'est pas exigible, pas contrôlable, et donc pas sanctionnable, tel que prévu par le droit, puisque vous avez raison, cette loi n'est pas encore promulguée. Nous avons pris un décret, un décret important pour cette journée, pour ce jour-ci qui notamment porte obligation du port du masque, donc je le redis, de ce point de vue-là, le port du masque est obligatoire et peut donner lieu, le cas échéant, à des contrôles, et il y a des sanctions si son refus par exemple est constaté. 

GERARD LECLERC 
Beaucoup de Français vont prendre leur automobile et il y a le risque bien évidemment d'embouteillages et de pollution, Anne HIDALGO a dit qu'elle pouvait envisager de recourir à la circulation alternée si le trafic était trop intense, vous êtes d'accord ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Eh bien, c'est une hypothèse qu'on avait nous-mêmes soumise, il y a quelques semaines, au vu des modèles de trafic, nous avons décidé de ne pas y recourir instantanément, et aujourd'hui, je regardais les chiffres, nous avons 44 kilomètres de bouchons actuellement, à un moment où habituellement on en a plus de 200, donc nous avons un trafic routier très réduit, c'est un outil que nous gardons à notre main, mais nous nous sommes instruits de l'expérience du 5, du 6 décembre, vous vous en souvenez sûrement, à l'entrée de la grève dans les transports, début décembre, et nous avions observé que le trafic routier était très réduit pendant la première semaine. Donc nous avons cet outil, nous avons accompagné madame HIDALGO dans la mise en oeuvre des pistes cyclables temporaires, mais je rappelle qu'il y a forcément une forme de cohabitation entre la voiture et le vélo, parce qu'en Ile-de-France, vous avez 36% des Franciliens qui travaillent à plus de 15 kilomètres de leur domicile, donc nous cherchons, et croyez-moi, nous essayons par tous les moyens possibles de favoriser le vélo, mais nous cherchons à susciter ou à organiser une cohabitation souhaitable entre les véhicules, d'une  part, qui sont souvent les refuges, on l'a observé dans les déconfinements qui ont déjà eu lieu, notamment dans les pays sud-est asiatique, entre le véhicule individuel, d'une part, quand il est partagé, c'est mieux, et nous incitons au covoiturage, et le vélo, la marche et les transports en commun d'autre part. 

GERARD LECLERC 
Alors, l'autre solution, effectivement, vous venez de l'évoquer, la bicyclette, l'ouverture des pistes cyclables, par exemple à Paris, sur la rue de Rivoli, ça va dans le bon sens, vous êtes d'accord ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
D'abord, nous sommes d'accord, nous l'avons encouragée, nous l'avons sécurisée, je m'y suis rendu hier soir pour regarder ce que ça donnait sur site, le vélo, il y a un vrai engouement pour le vélo depuis plusieurs mois maintenant, notamment en France, et c'est encore plus le cas chez nos voisins européens, et donc nous accompagnons très fortement le développement du vélo, nous avons d'ailleurs inscrit dans la loi 750 (sic) millions d'euros, 350 millions d'euros, pardon, sur 7 ans dans la loi des mobilités de manière à accompagner, à continuer à sécuriser les parcours cyclistes, et je pense que c'est une belle initiative que de sécuriser des voies même temporaires pendant cette période un peu particulière. Alors aujourd'hui, la météo n'est pas tout à fait avec nous, et on sait que souvent l'usage du vélo dépend aussi de ces facteurs climatiques, mais nous soutenons évidemment cette initiative, mais nous prenons acte de la réalité du terrain, c'est qu'il y a une cohabitation à organiser entre le véhicule individuel et le vélo, et cela, pour encore quelques mois, quelques années probablement. 

GERARD LECLERC 
Un mot sur l'aviation, AIR FRANCE donc a vu son trafic chuter de 90%, et on parle d'un plan qui prévoit la suppression de 30% de personnels au sol, de 9% de l'ensemble des salariés, c'est énorme, quelle est votre réaction ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Non, moi, je ne commente pas ces chiffres, je ne confirme pas ces chiffres, mais ce qui est sûr, c'est que le transport aérien, et vous savez bien, fait face à une crise tout à fait inédite, AIR FRANCE a une dizaine de vols par jour là où habituellement elle en opère 1.000, et vous avez vu que notamment BRITISH AIRWAYS ou d'autres compagnies similaires ont procédé effectivement à des suppressions ou ont annoncé des suppressions d'emplois dans des dimensions tout à fait majeures. Donc Ben SMITH a raison d'engager cette discussion avec les syndicats de façon transparente et responsable pour regarder dans le cadre de la reprise du trafic, dont on ignore encore beaucoup la dynamique et aussi l'appétit que vont avoir les usagers, les voyageurs, pour reprendre l'avion, il a raison d'engager cette discussion avec les syndicats pour voir ce qui peut être fait dans le cadre de la reprise, et voir comment la performance économique de l'entreprise peut être améliorée ou consolidée dans cet élan de reprise et voir aussi comment la transformation peut se faire sur le plan environnemental, sociétal, je crois que Ben SMITH et ses équipes ont des engagements très forts sur le sujet, et je les accompagne évidemment. 

GERARD LECLERC 
Un dernier mot rapide sur le remboursement des billets pour tous ceux qui avaient pris des billets pour cet été, il va avoir lieu, ce remboursement ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Alors, vous savez que nous discutons avec la Commission européenne pour mettre en place un système qui consisterait à avoir, ou en tout cas, à mettre en oeuvre des avoirs pour que les personnes qui ont acheté un billet puissent éventuellement l'utiliser dans les 12 mois, et se voir, au bout des 12 mois, remboursées si jamais l'avoir n'a pas été utilisé, il y a certaines compagnies aériennes qui ont déjà annoncé rembourser dès lors que le trafic reprendrait un petit peu, donc nous allons continuer à travailler ces différentes options, l'idée, c'est bien évidemment à la fois de permettre aux compagnies aériennes, aux agences de voyages de passer ce moment particulièrement difficile sur le plan économique, et bien sûr, d'assurer le droit des consommateurs, c'est un moment compliqué, mais croyez-moi, nous sommes à la tâche pour trouver les meilleures solutions. 

GERARD LECLERC 
Merci Jean-Baptiste DJEBBARI, bon déconfinement dans les transports, si je puis dire.  


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 mai 2020