Interview de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État aux transports, à LCI le 8 avril 2020, sur le rapatriement des Français à l'étranger face à l'épidémie de coronavirus et le non-remboursement des billets par les compagnies aériennes.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX 
Tout de suite direction le ministère des Transports, où on va rejoindre le secrétaire d'État Jean-Baptiste DJEBBARI, pour se projeter entre autres, pourrons-nous voyager cet été ? Bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI. 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Bonjour à vous. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Merci d'être ce matin sur LCI. Monsieur le ministre, pour ne pas ajouter au stress des Français, on a besoin de clarté, on a besoin de vérité, est-ce que, pour anticiper, est-ce que nous dire si le trafic aérien sera rétabli ou pas cet été, c'est-à-dire en juin ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Eh bien c'est tout l'enjeu des jours, des semaines, qui vont suivre, et c'est toute la concentration que nous devons avoir en ce moment sur l'effort collectif que nous faisons, de bien respecter les mesures de confinement, pour faire en sorte que cette période nous la passions ensemble le plus vite possible et que l'activité puisse redémarrer. Raison pour laquelle j'ai effectivement, et vous y faites peut-être référence, j'ai conseillé hier aux Français d'observer la plus grande prudence pour l'instant, pour la réservation de leurs voyages, notamment à l'international, parce que je leur rappelle, je vous rappelle, que nous sommes encore en phase de rapatriement d'un certain nombre de Français qui sont un peu éparpillés de par le monde, et que nous avons rapatrié jusqu'à présent, en un mois, 151 000 Français, et donc voilà. C'était un message à la fois de patience, d'optimisme raisonné, parce que je crois que l'effort collectif peut être payant, et puis de prudence, parce que nous faisons, à bien des égards, face à une situation qui est inédite, qui évolue au jour le jour, et je leur rappelais cet état des faits, dont ils ont bien conscience je crois. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Donc, vous faites allusion à un message que vous avez passé hier, et qui a pu susciter, et des inquiétudes, et des incompréhensions, qui était que, il fallait être prudent, ne pas réserver pour l'instant des voyages à l'international, en Europe et en dehors de l'Europe, évidemment dans l'aérien. Je vous repose la question Jean-Baptiste DJEBBARI, on a besoin de perspective, on a besoin de repères, c'est comme ça, est-ce qu'on peut envisager une reprise du trafic aérien cet été, en juin, ou pas ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
D'abord dire – je vais répondre très précisément à votre question – mais d'abord dire qu'aujourd'hui on a un trafic très réduit, c'est la réalité, AIR FRANCE, par exemple, fait environ 3% de son trafic habituel, c'était 18 vols avant-hier, quand en moyenne elle en fait 1 000, donc vous voyez que nous avons un trafic passagers très réduit, nous gardons des vols vers l'Outre-mer évidemment, nous gardons des vols de rapatriements pour encore les 10 prochains jours, en tout cas pour les besoins qui seront attestés, et puis nous avons encore quelques vols à destination des capitales économiques européennes, ça c'est la situation aujourd'hui. Après, le moment où nous allons commencer à remonter progressivement le trafic va dépendre évidemment du déconfinement en  France, va dépendre évidemment de là où seront nos voisins européens, parce qu'il n'est pas envisageable d'avoir des mesures qui soient complètement "décoordonnées", ou en tout cas désordonnées, tant en termes de calendrier qu'en termes de nature-même des mesures, raison pour laquelle je m'entretiens quasiment quotidiennement avec mes homologues, allemand, italien, espagnol, aussi anglais, et donc il faut qu'on ait très rapidement ce catalogue de mesures et qu'on ait une forme de coordination entre nous, pour donner de la visibilité aux opérateurs aériens. Et puis il y a aussi un travail que nous faisons avec eux, pour faire en sorte que, à la fois les procédures, notamment d'arrivée dans les aéroports, les procédures pour embarquer dans les trains, les procédures de réservations, soient compatibles avec la période sanitaire que nous allons vivre entre le moment où nous commençons à déconfiner et le moment où l'immunité collective est acquise. Vous voyez que ce sont des réglages assez fins que nous devons opérer, c'est un travail de tous les jours au ministère des Transports. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
D'accord, j'entends que vous nous dites, de toute façon ce sera coordonné, il n'y aura pas de reprise en Italie et pas en France, ou aux Pays-Bas et pas en France, ce sera coordonné au niveau européen, et j'entends aussi, et vous pourriez le dire d'une certaine façon, d'autres l'ont fait avant vous, "je ne sais pas, je ne suis pas capable de dire aujourd'hui aux Français s'il y aura ou pas des vols cet été." 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Mais vous avez raison de le dire, je dis que mon travail à moi c'est évidemment d'être humble par rapport à la situation, et j'ai rappelé le caractère inédit, c'est d'être au travail, parce que nous construisons plusieurs scénarios, et puis je vais être encore plus, je crois, direct, personne ne sait décrire ce que sera l'activité aéronautique dans 6 mois, dans 9 mois, dans 12 mois, pour beaucoup de raisons, d'abord parce que nous ne savons pas comment les Français, les Européens, les habitants du monde vont "consommer de l'avion" dans les mois qui viennent, nous ne savons pas quelle sera la santé exacte des compagnies aériennes, beaucoup de compagnies aujourd'hui sont en grande difficulté et il est fort probable que certaines compagnies aient du mal effectivement à "survivre" à cette crise, donc vous voyez toutes les incertitudes qui sont devant nous, et je le dis très humblement devant vous, nous ne connaissons pas, nous ne présageons pas l'avenir, et mon travail à moi ce n'est pas de rester dans cette forme d'incertitude passive, c'est bien de construire les hypothèses, les scénarios, et de faire en sorte que nous soyons prêts le moment où nous sommes en capacité de redémarrer. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Donc, un peu d'humilité, on n'en sait rien du tout. Il y a des choses quand même que vous pouvez peut-être nous indiquer ce matin avec précision Jean-Baptiste DJEBBARI, vous dites "soyez prudents, ne réservez pas pour l'instant vos voyages pour cet été, on n'a aucune idée de la façon dont éventuellement ça peut reprendre", mais il y en a qui avaient déjà réservé des billets. Ce matin le directeur général de l'Association internationale du transport, Alexandre de JUNIAC, dans Le Figaro dit : "des compagnies aériennes ne rembourseront pas les billets qui ont déjà été achetés." Or, il y a des associations de consommateurs qui disent "ce n'est pas légal." Qu'est-ce que vous allez faire ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Oui. Alors, il faut bien comprendre la situation, c'est-à-dire que vous avez exactement la situation que vous décrivez, vous avez effectivement des personnes qui ont acheté des billets pour lesquels les vols sont annulés, vous avez des compagnies aériennes qui sont en très grave difficulté, et c'est quasiment la totalité des compagnies aériennes dans le monde, et vous avez les agences de voyage qui ont également vu 99% de leurs clients disparaître en quelques semaines, donc la situation est très grave. Il y a un volume de 35 milliards d'euros qui auraient dû être, soit payés aux compagnies aériennes, soit remboursés aux usagers, et nous travaillons depuis trois semaines, notamment avec mon homologue allemand, mon homologue italienne, de manière à obtenir de la Commission européenne, parce que c'est un règlement européen qui prend en charge toutes ces questions de remboursement des passagers, nous travaillons à mettre en place des avoirs, des avoirs qui seront valides jusqu'à la fin de l'année 2021, de manière à ce que les billets qui ont été achetés auprès de compagnies aériennes et qui sont annulés puissent faire l'objet d'avoirs valides jusqu'à la fin de l'année 2021, de manière à ce que les Français qui… de billet puissent à un moment le réutiliser. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Ce n'est pas légal, pardon Monsieur le ministre, ce n'est pas légal disent les associations de consommateurs, ils disent les clients doivent être remboursés tout de suite. Enfin tout de suite, ce n'est pas…mais avant 1 an. 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Je vous rappelle même que ce qui est prévu par la loi, ou par le règlement européen, peut être modifié, et que c'est la raison pour laquelle nous échangeons maintenant entre homologues européens et que nous avons porté, notamment avec mon collègue allemand, un projet de révision en urgence du règlement européen qui gère ces questions-là. Donc, j'entends parfaitement ce que dit votre interlocuteur, mais le rôle du politique c'est bien de faire en sorte que la norme, le droit, la loi, s'adapte à la réalité du moment. La réalité du moment c'est que les compagnies aériennes, les agences de voyages, sont en grande difficulté, et que nous les aidons massivement, les uns et les autres évidemment. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Et donc, vous allez les aider, si j'ai bien compris, par un changement de réglementation qui rendra légal ce principe d'avoir valable pour un an, et au-delà d'un an possibilité d'être remboursé. Transport aérien extrêmement en crise… 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
J'ajoute simplement que nous l'avons déjà fait pour les agences de voyages, et que là nous parlons des billets d'avion qui ont été achetés auprès des compagnies aériennes, c'est important de le dire. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
C'est la question que je vous posais. Des réponses courtes s'il vous plaît, beaucoup de questions encore sur le trafic aérien. Est-ce que la France et les Pays-Bas vont débloquer 6 milliards d'euros pour sauver AIR FRANCE-KLM ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Alors là vous parlez effectivement du volume de soutien court terme en trésorerie qui serait nécessité par le groupe AIR FRANCE-KLM, c'est à peu près effectivement dans ces horizons financiers-là, il y a un besoin effectivement de maintenir la compagnie à flot, les compagnies à flot d'une manière générale, pendant les mois où il n'y a quasiment pas d'activité, et puis après il faudra se poser la question de la suite, on en a dit quelques mots, de savoir comment ces entreprises, et notamment comment le pavillon français, pourra sortir renforcé de cette crise, et c'est le travail que je mène avec Bruno LE MAIRE évidemment, mais auprès d'AIRBUS, d'ADP, d'AIR FRANCE-KLM, parce que la réalité c'est effectivement que le paysage économique du secteur aérien sera probablement assez endommagé en sortie de crise et qu'il faudra que la France résiste, et c'est évidemment une des missions de ce ministère. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Quand est-ce que vous allez annoncer cette aide de 6 milliards ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Non, c'est en discussion, vous annoncez un volume qui n'est pas irréaliste, donc je peux le confirmer aujourd'hui, mais c'est en discussion évidemment avec les services de Bercy, avec l'Agence des participations de l'État, c'est évidemment en discussion avec nos homologues néerlandais, l'État néerlandais qui, comme vous le savez, détient une participation égale à la nôtre dans le groupe AIR FRANCE-KLM, donc voilà, c'est en discussion, mais les chiffres que vous avancez ne sont pas irréalistes.  

ELIZABETH MARTICHOUX 
Dernière question Jean-Baptiste DJEBBARI. Les avions d'AIR FRANCE transportant du matériel médical, notamment des masques, deux d'entre eux ont été suspendus avant-hier à Shanghai parce qu'un des pilotes d'AIR FRANCE a été testé positif à l'atterrissage en Chine. Est-ce que ces avions vont repartir, est-ce que ce matériel pourra être livré, et quid, si je puis dire, qu'en est-il de ce pilote ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Alors, deux réponses courtes. Nous mettons tout en oeuvre actuellement effectivement pour que ce pilote, qui a été testé positif, puisse rentrer à Paris via Amsterdam ou en direct, c'est un travail diplomatique que je mène avec Jean-Yves LE DRIAN, et c'est d'ailleurs essentiellement lui qui a ce contact avec son homologue, et puis il y a le sujet du pont aérien. Nous avons environ un vol par jour sur ce pont Chine-France, et nous travaillons à deux solutions, nous aurons cet après-midi des contacts avec nos homologues chinois, soit nous réussissons à refaire ces vols en direct, le sujet c'est un sujet d'hébergement des pilotes sur place, soit nous passerons par Séoul, à compter de jeudi, et je veux assurer ici que le pont France-Chine, qu'il soit direct ou qu'il soit opéré par Séoul, sera évidemment maintenu.

 ELIZABETH MARTICHOUX 
Mais ces deux avions cargos qui sont suspendus, quand est-ce qu'ils pourront reprendre leur vol ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Ils ont pris un peu de retard, le premier avion était prévu, enfin le premier avion dont vous parlez, était prévu lundi, il aura quelques jours de retard, c'est toujours dommageable, mais il n'est pas annulé, il aura simplement du retard, et c'est tout ce que nous essayons d'accélérer en termes de procédures avec nos homologues chinois. 

ELIZABETH MARTICHOUX  
Et ultime, ultime question, parce que c'est une question un peu polémique, AIR FRANCE fait voler des pilotes qui vont en Chine sans qu'ils aient été testés ? 

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI 
Alors, c'est un vrai sujet, que nous travaillons avec la compagnie aérienne, qui est la politique de tests, parce qu'il faut que les tests soient aussi reconnus comme tels par l'autorité chinoise, et c'est la raison pour laquelle nous avons actuellement ces discussions avec eux, de savoir que si nous testons aujourd'hui les pilotes à Paris, ou en France, ils soient bien reconnus, enfin le test soit bien reconnu comme tel en Chine, vous voyez que ces sujets-là, qui sont des sujets complexes, qui sont les sujets en plus très évolutifs s'agissant de la politique des tests, sont d'une actualité assez criante pour effectivement l'activité aérienne, et c'est l'ensemble de ces sujets, que j'ai pu évoquer ici, qui sont traités, notamment cet après-midi, par Jean-Yves LE DRIAN, moi-même et nos homologues. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Merci beaucoup Jean-Baptiste DJEBBARI d'avoir été en direct du ministère des Transports pour nous apporter ces précisions, notamment sur l'été, l'été aérien, il faut être extrêmement prudent, rien ne vous permet de dire aujourd'hui que les avions vont redécoller. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 avril 2020