Texte intégral
Monsieur le Président de la Commission des Finances Eric Woerth,
Monsieur le Rapporteur général, cher Laurent Saint-Martin,
Monsieur le Ministre de l'Action et des Comptes publics, Cher Gérald,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Nous vous présentons le troisième projet de loi de finances rectificative justifié par l'ampleur de la crise que la France a à affronter.
Je rappelle que nous avons prévu une récession pour 2020 de - 11%. Elle est conforme aux dernières évaluations de l'OCDE qui vient de rendre ses évaluations pour l'ensemble des pays développés plaçant la France à - 11%, un peu plus, la Grande-Bretagne et l'Italie à - 12% et l'Allemagne et tous les autres pays européens en récession également.
Face à la brutalité de ce choc, je crois que nous n'avons jamais caché la vérité aux Français. C'est un choc qui n'a de comparaison qu'avec la grande récession de 1929 et qui appelle une réponse massive et immédiate.
Cette réponse massive et immédiate nous l'avons apportée puisqu'au total nous avons mis sur la table 460 milliards d'euros soit 20% de notre richesse nationale ou l'équivalent du PNB de l'Autriche. Cette réponse elle est parfaitement comparable avec la réponse qui a été apportée par les autres États européens, Allemagne compris.
J'invite tous ceux qui font des comparaisons à regarder non pas les chiffres annoncés mais les chiffres décaissés. Ils verront que, notamment que :
- sur le plan garanti par l'État, nous avons décaissé 95 milliards d'euros ;
- sur le fonds de solidarité, 4 milliards d'euros pour plus d'1,5 millions d'entreprises ;
- sur le chômage partiel, plus de 12 millions de salariés ont fait appel à ce dispositif ;
- sur les reports de charges fiscales et sociales accordées par le ministre de l'Action et des Comptes publics.
La France a su répondre massivement, rapidement et avec efficacité.
Maintenant que l'économie redémarre et que nous sommes en phase de déconfinement, il faut apporter de nouvelles réponses, des réponses qui permettent aux secteurs qui sont les plus fragiles, les plus touchés par la crise, de se redresser.
C'est le premier objectif de ce projet de loi de finances rectificative : apporter des réponses aux secteurs qui ont été les plus touchés par la crise et qui restent les plus touchés par la crise. Le choix qui est fait également, c'est un choix sectoriel pour éviter de dilapider l'argent public et éviter de répandre l'argent public dans le sable. Plutôt que de se lancer dans cette stratégie hasardeuse, nous avons préféré prendre des mesures qui correspondent aux attentes spécifiques des secteurs.
Nous avons écarté, par exemple, toute idée de baisse de la TVA. C'est la seule différence par rapport aux annonces qui ont été faites en Allemagne où il y a eu une baisse temporaire de la TVA qui a été engagée. Je veux juste rappeler à ce sujet que la part de la TVA dans les recettes fiscales de l'État en Allemagne est de 20%, alors que la part de la TVA dans les recettes fiscales de l'État en France est de 15% parce que le taux moyen de TVA en France est plus faible et que les taux réduits sont plus nombreux.
Par conséquent, là où l'Allemagne peut baisser temporairement ses taux de TVA, nous nous n'avons pas la même faculté puisque notre taux moyen est plus faible. À tous ceux qui m'invitent à baisser la TVA sur la restauration, nous voulons bien avec Gérald Darmanin baisser la TVA sur la restauration pour 6 mois mais dans ce cas-là nous reviendrons à 19,6 à la fin de l'année. Je ne crois pas que ce soit ce que souhaitent les restaurateurs.
La deuxième différence c'est que nous sommes une économie d'importation. Je rappelle que la valeur ajoutée importée en France représente environ 72% de la valeur ajoutée consommée dans notre pays. À chaque fois que vous baissez la TVA de manière non discriminée et très large, vous financez le développement de l'économie à l'étranger. Je préfère financer le développement de l'économie en France et concentrer les moyens sur les secteurs qui en ont le plus besoin.
Les secteurs qui sont concernés sont donc : le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, l'événementiel, le sport, la culture, l'industrie automobile qui a fait l'objet d'un plan spécifique annoncé par le président de la République il y a quelques jours, l'industrie aéronautique pour laquelle nous avons prévu un plan de soutien de 15 milliards d'euros présenté hier, la tech et les start-ups qui font l'objet d'un fonds d'investissement de 1,3 milliard d'euros, le bâtiment et enfin le commerce de proximité sur lequel nous travaillons encore avec les acteurs concernés à des mesures spécifiques.
Le premier objectif de ces plans de relance sectoriel c'est de soutenir la demande et nous assumons d'avoir des mesures de demande, mais des mesures de demande ciblées et efficaces.
La preuve en est, les mesures qui ont été prises pour le secteur automobile, applicables à compter du 1er juin avec effet rétroactif, des bonus sur les véhicules électriques, un bonus pour la première fois sur les véhicules rechargeables de 2 000 euros ou la prime à la conversion nous ont permis en juin de retourner à la normale en termes d'activité dans l'industrie automobile par rapport à juin 2019. Alors qu'en avril 2020, le montant des achats de véhicules représentait 10% des achats de véhicules d'avril 2019. Aujourd'hui à la fin du mois de juin, nous devrions être à quasiment 100%. Donc il y a un retour à la normale dans l'industrie automobile, au moins sur les achats de véhicules que nous estimons liés évidemment aux mesures de soutien à la demande que nous avons mises en place.
Dans le secteur aéronautique, parce que j'ai entendu hier des interrogations qui peuvent être légitimes, mais il y a également des mesures de soutien massives à la demande puisque nous avons sécurisé avec le plan aéronautique les commandes des compagnies aériennes.
Nous avons renforcé les garanties à l'exportation, reporté un certain nombre de crédits pour que les compagnies aériennes qui avaient commandé des avions Airbus n'annulent pas leur commande. À partir du moment où il y a beaucoup moins de trafic aérien, beaucoup de compagnies aériennes, je pense par exemple à Emirates, pouvaient envisager d'annuler des commandes. Là, avec la prolongation des garanties export et les crédits, elles vont maintenir leur commande et elles paieront plus tard.
Qui fait le pont entre la commande et le paiement plus tard ? C'est l'État français qui sécurise la demande dans le secteur aéronautique.
Dans le secteur du bâtiment, nous ferons également en sorte de compenser, et nous aurons l'occasion d'en reparler au cours du débat, les surcoûts qui sont liés aux mesures de sécurité sanitaire.
Le deuxième objectif, c'est celui qui a été constant dans la politique économique du Gouvernement depuis trois ans, relancer la demande mais aussi soutenir et améliorer l'offre française et je continuerai à défendre cette politique de l'offre qui est la seule à même de donner des résultats durables pour le pays.
Le vrai risque pour la France c'est de sortir de la crise avec une croissance potentielle plus faible que la croissance potentielle qu'elle avait à l'entrée de la crise, parce que la crise, elle détruit du capital humain avec les licenciements. Elle détruit du capital physique avec les faillites. Elle détruit du capital intellectuel avec le renoncement à l'innovation, à la recherche parce qu'on se dit ça coûte très cher, ce n'est pas rentable tout de suite donc on abandonne.
Si nous ne prenons pas, dès maintenant, des mesures d'offre qui sont plus difficiles à expliquer parce que plus lentes à avoir des résultats, nous risquons de laisser aux générations qui viennent une France affaiblie et appauvrie. Alors que si nous maintenons des financements forts sur l'innovation, sur la formation, la qualification, sur les nouvelles technologies, nous laisserons aux générations qui viennent une France plus forte et plus prospère. C'est le choix que nous faisons.
Je donne juste un exemple. Quand il s'agit de savoir si on met de l'argent sur une prime à la casse pour les avions ou sur l'investissement dans l'innovation et la recherche pour construire un avion décarboné à échéance de 2035 plutôt que 2050, nous faisons le choix de mettre l'argent sur l'innovation et la recherche avec 1,5 milliard d'euros dans le CORAC, plutôt qu'une prime à la casse qui est immédiate dans la demande mais qui ne réduit pas les émissions de carbone de manière significative. De 10 ou 15%, pas plus, et qui surtout nous prive d'une avancée technologique qui permettra à l'industrie aéronautique française et européenne de rivaliser avec le Chinois Comac et avec l'Américain Boeing.
Nous allons poursuivre avec cette politique de l'offre qui passe par des fonds d'investissement aéronautiques, automobiles, tech qui sont prévus dans le projet de loi de finances rectificative, qui passe par des financements directs de la numérisation ou la robotisation de nos PME, sur laquelle je rappelle que nous avons beaucoup de retard par rapport aux autres PME étrangères et avec des mesures d'encouragement à l'innovation, avec la simplification et le développement de nos aides à l'innovation.
Le deuxième grand volet de ce projet de loi de finances rectificative au-delà des plans sectoriels, c'est le soutien à l'emploi. Nous voulons soutenir l'emploi et surtout prévoir l'accueil des jeunes sur le marché du travail à la rentrée avec notamment des mesures massives en faveur de l'apprentissage. La prime à l'embauche d'un apprenti sera portée à 8 000 euros pour les jeunes majeurs et à 5 000 euros pour les mineurs.
Nous allons finaliser dans les jours qui viennent le basculement du système de chômage partiel à une activité partielle de longue durée. J'insiste sur l'importance que nous attachons à ce dispositif d'activités partielle de longue durée. Avoir l'Etat qui finance en partie cette activité partielle de longue durée, c'est la garantie que nous éviterons des licenciements de masse et que nous préserverons notre capital humain et nos salariés.
J'entendais Olivier Blanchard dire qu'il fallait faire preuve d'originalité et d'audace dans cette période. Il a parfaitement raison et je préfère un État qui prend à sa charge une partie de l'activité partielle pour soutenir les entreprises plutôt qu'un État qui accepte des centaines de milliers de licenciements en restant les bras croisés. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, négocie actuellement les contours de ce dispositif.
Enfin, il y a un troisième volet de décision dans ce projet de loi de finances rectificative 3 qui est importante aussi. C'est toutes les mesures européennes telles qu'elles ont été conclues le 9 avril dernier au niveau des ministres des Finances.
Je tiens à bien distinguer – cela explique aussi pourquoi le plan de relance national viendra quelques semaines plus tard, n'ont été définitivement adoptés au niveau européen que le Mécanisme européen de stabilité pour 240 milliards d'euros, le dispositif SURE de financement des mesures de chômage partiel et le Fonds de garantie de la Banque européenne d'investissement qui doit nous permettre de dégager 40 milliards d'euros de prêts supplémentaires par la BEI pour les entreprises les plus technologiquement avancées.
Le mécanisme qui a été proposé par la Chancelière Angela Merkel et par le président de la République Emmanuel Macron avec 500 milliards d'euros de dettes communes levées sur les marchés et 250 milliards d'euros de prêts, celui-là, c'est une proposition de la Commission qui doit encore passer en Conseil européen, mais qui n'est toujours pas définitivement adoptée. C'est uniquement une fois que ce dispositif sera définitivement adopté que la France pourra bénéficier des mesures financières qui y sont liées pour un montant qui sera, sans doute, supérieur à 30 milliards d'euros.
La dernière phase, donc, viendra avec le plan de relance national qui devra être financé à la fois par ces moyens européens et par de nouveaux moyens nationaux, avec comme objectif, toujours le même celui de construire un modèle économique compétitif et décarboné parce que je crois que c'est dans ces deux objectifs-là, la compétitivité de l'économie et la décarbonation, que nous réussirons à avoir une France plus forte.
Merci à tous.
Source https://wwww.economie.gouv.fr, le 12 juin 2020