Texte intégral
GERARD LECLERC
Bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour à vous.
GERARD LECLERC
L'aérien traverse une crise profonde. AEROPORTS DE PARIS, c'est le dernier en date, qui emploie six mille trois cents personnes engage des négociations avec les syndicats pour s'adapter à une activité réduite dit ADP. On va vers des suppressions d'emplois, des licenciements ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout cas, vous avez commencé par là : l'aéronautique subit une crise sans précédent, mais vraiment sans précédent. C'est vrai pour l'industrie aéronautique : AIRBUS, on en parlera peut-être ; évidemment pour les exploitants aéroportuaires. ADP a vu son activité baisser de quasiment 50%. Ça risque d'être durable et donc il est de la responsabilité de l'ensemble des acteurs effectivement d'ouvrir en toute transparence des négociations, des discussions avec les syndicats qui sont évidemment mandaté pour cela. L'aéronautique subit une crise dont le redémarrage est très progressif. Vous avez vu qu'on a encore à peu près 15 à 20% du trafic aérien notamment en Europe.
GERARD LECLERC
15 à 20% seulement.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est faible. Et nul ne sait comment les voyageurs, les usagers, les clients vont utiliser le mode aérien dans les mois qui viennent, dans les années qui viennent. Evidemment, tout ça doit s'appréhender avec la part d'incertitude qui demeure, beaucoup de transparence et l'esprit de responsabilité parce que, in fine, les ajustements que vous ne faites pas dans le moment, vous les payez forcément plus tard et donc il est important de mobiliser tous les outils qui sont disponibles. C'est vrai pour AIRBUS, c'est vrai pour AIR FRANCE. Et faire de l'ajustement tout en minimisant au maximum la souffrance sociale, c'est possible. Vous savez qu'aujourd'hui il y a des départs anticipés qui sont possibles, des mobilités internes dans ces grands groupes. Bref, il y a des discussions…
GERARD LECLERC
Et donc sur AEROPORTS DE PARIS, est-ce qu'il va y avoir des suppressions d'emplois, des licenciements ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord ils n'ont même pas encore commencé à échanger avec les syndicats, donc laissons le temps du dialogue social s'installer. Laissons aussi le trafic redémarrer progressivement. Vous savez que nous avons rouvert Orly le 26 juin. L'été va déjà être un premier juge de paix et je crois que vraiment le mois de septembre sera assez clé pour appréhender la dynamique de la reprise.
GERARD LECLERC
On ne peut pas les écarter, ces suppressions d'emplois. Ça peut arriver.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je ne pas qu'il y aura des suppressions d'emplois. Ce que je dis, c'est qu'il y a une dégradation très nette du trafic aérien.
GERARD LECLERC
Oui, mais la conséquence ça peut être celle-là.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et la conséquence, c'est quand même d'ouvrir des discussions sur la base de la vérité, de la réalité. D'essayer de tracer des perspectives qui soient réalistes et d'échanger sur les voies et moyens pour appréhender cette crise et s'y ajuster de la façon la plus juste socialement aussi.
GERARD LECLERC
Alors AIRBUS, les salariés ont manifesté il y a deux jours à Toulouse. On ne sait plus où on en est ? La direction parlait au départ de cinq mille suppressions d'emplois en France. Vous, vous avez dit que vous pouviez en sauver deux mille. La direction dit : on peut peut-être en éviter quinze cents s'il y a des aides de l'État. On en est où ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors on en est qu'effectivement le groupe AIRBUS qui subit là aussi une crise extrêmement importante et qui anticipe un niveau réduit d'activité, de l'ordre de 60% de son activité habituelle sur plusieurs années, doit effectivement ajuster son outil industriel, au risque de la même façon de les voir s'ajuster très brutalement dans quelques mois, dans quelques années. Donc il faut anticiper. AIRBUS a annoncé cinq mille emplois qui seraient supprimés en France. Nous avons évidemment échangé avec l'entreprise. Nous avons dit que d'une part l'activité partielle longue durée qui est mise en place permet de sauver un certain nombre d'emplois, aujourd'hui c'est évalué. Alors nous disons mille cinq cents, AIRBUS dit mille pour cette partie activité partielle longue durée. Et puis il y a l'ensemble des efforts en recherche que nous portons et nous investissons massivement sur l'avion du futur. AIRBUS a évidemment un rôle massif et important à y jouer. Et rien que les investissements que nous avons faits aujourd'hui au niveau français et que nous allons miroiter au niveau européen permettent de sauver cinq cents emplois. Donc c'est entre mille cinq cents et deux mille. Le curseur sera évidemment imposé par l'entreprise en lien avec les syndicats, mais je dis que l'État est évidemment extrêmement présent pour minimiser l'impact social maintenant et surtout pour créer les emplois de demain. Parce que la crise, un jour elle s'estompera, elle s'amortira et il est nécessaire que AIRBUS et l'ensemble de la filière aéronautique soient à ce moment-là en position d'être très forte et d'être très conquérante.
GERARD LECLERC
AIR FRANCE, c'est une triste liste, mais AIR FRANCE sept mille cinq cents emplois menacés, plus mille chez la filiale HOP! L'État est actionnaire, il ne peut rien faire ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais vous savez, moi j'entends beaucoup de choses. J'entends des gens qui nous disent dans cette séquence donc sept milliards d'euros de prêts à AIR FRANCE, c'est insupportable parce que l'aérien n'est pas assez vertueux sur le plan environnemental. J'entends des gens qui nous disent sept milliards d'euros ne doivent pas payer ou doivent payer des plans sociaux. J'entends des gens qui nous disent malgré la crise, malgré sa profondeur, son caractère inédit, il est insupportable qu'un seul emploi soit supprimé. Je pense que, vous voyez, au milieu de ces injonctions contradictoires il faut trouver le chemin pour appréhender la réalité, faire les ajustements qui sont nécessaires et, je le dis encore une fois, ce que nous ne faisons pas maintenant, instruits de la crise de 2008, nous le paierons plus tard et il est nécessaire de le faire vraiment en lien avec les syndicats. Il y a plein de façons d'ajuster l'emploi, de former à l'intérieur du groupe, de convertir certains métiers, de faire des mobilités entre différents sites du groupe de manière à ce que les choses se fassent, on va dire, de la façon la plus satisfaisante possible sur le plan social. C'est en tout cas ça que nous demandons à l'ensemble des acteurs et notamment les acteurs pour lesquels l'État est actionnaire.
GERARD LECLERC
Alors il y a quand même un petit problème, c'est que les compagnies aériennes européennes mettent en cause les gouvernements européens et elles disent : les approches nationales divergent d'un pays à l'autre, la situation est chaotique ; ça sape le redémarrage aérien. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce qu4aujourd'hui on peut aller partout en Europe ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Vous me direz qui a dit ça et je me chargerai d'appeler cette personne. Parce que sans les États, toutes les compagnies ou 90% des compagnies aujourd'hui seraient en faillite, nos compagnies comprises.
GERARD LECLERC
C'est l'Association des compagnies aériennes qui dit ça.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On en parlera avec eux. Donc l'État, la collectivité publique et derrière évidemment les contribuables ont sauvé 90% des compagnies aériennes qui, sans cela, n'auraient pas survécu, et c'était un travail nécessaire. L'aérien est nécessaire, il doit continuer à progresser, à se verdir mais l'aérien est nécessaire.
GERARD LECLERC
Mais sur ces idées que les gouvernements ne sont pas d'accord entre eux, que les règles ne sont pas les mêmes, le redémarrage pour le moment ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non. Les règles ont été extraordinairement harmonisées au niveau européen. Vous savez que depuis le 15 juin dernier, nous pouvons re-circuler dans l'espace Schengen, dans l'Union européenne pour le dire simplement de façon beaucoup plus libre, sans autre restriction que, vous savez, le port du masque et les mesures de régulation à l'intérieur des aéroports. Il y a depuis le 1er juillet la capacité de circuler sans restrictions particulières autres que celles que je viens de citer vers un certain nombre de pays, treize pays en l'état.
GERARD LECLERC
Donc on peut aller partout en Europe oui ou non aujourd'hui ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On peut aller à peu près partout en Europe sans restriction particulière. On peut aller dans treize pays à l'international sans restriction particulière. Tous les pays sont référencés sur le site du Ministère des Affaires étrangères mais, oui, on ne peut pas aujourd'hui se rendre par exemple au Brésil qui, comme vous le savez, subit une circulation du virus extrêmement intense. Et oui, le redémarrage du trafic est très perturbé, très progressif aussi parce que les passagers ne sont pas tout à fait au rendez-vous maintenant. Ça s'explique un peu par la période estivale qui par nature présente toujours des particularités, et nous aurons un premier moment d'appréciation un peu plus juste au moment du mois de septembre avec la reprise de l'activité économique plus classique. Nous verrons si les passagers d'affaires reviennent, nous verrons si les passagers loisirs sont à nouveau au rendez-vous.
GERARD LECLERC
Ce qui n'est pas le cas pour l'instant semble-t-il pour les clientèles d'affaires.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Pour l'instant, c'est très progressif.
GERARD LECLERC
Barbara POMPILI, la nouvelle ministre de la Transition écologique, plaide pour des contreparties écologiques au plan de soutien dans l'aéronautique et l'automobile pour les inciter à réduire les gaz à effet de serre. Des amendements ont été déposés à l'Assemblée. Alors il y a déjà des choses mais est-ce que vous pensez qu'on peut aller plus loin ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Deux choses. Effectivement il y a des amendements qui ont été déposés par la majorité hier, qui ont été adoptés et qui posent effectivement notamment des sanctions quand les engagements qui ont été pris dans le cadre du plan de relance ne sont pas appliqués.
GERARD LECLERC
Mais est-ce qu'on peut aller plus loin que ces premiers engagements ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je pense que d'abord il faut faire en sorte que les engagements qui ont été pris soient appliqués parce que bien souvent, on les oublie en cours de route donc nous ne les oublierons pas en cours de route. Barbara POMPILI que je salue au passage a évidemment raison et nous allons faire en sorte que les engagements qui ont été pris soient respectés, soient appliqués à la lettre en lien avec la majorité parlementaire qui est extrêmement déterminée sur le sujet.
GERARD LECLERC
Pour l'instant, on ne va pas plus loin. Il faut déjà tenir les engagements.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est extrêmement ambitieux ce qui a été posé, dans un contexte particulièrement compliqué, donc faisons ce qui a été contractualisé entre les uns et les autres.
GERARD LECLERC
Et la même Barbara POMPILI promet un plan de relance pour le ferroviaire et les transports en commun et ceux qui les utilisent. Quelle forme ça pourra être ? Est-ce que vous êtes d'accord ? Quelle forme ça pourrait prendre ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Evidemment d'accord. Nous avons déjà commencé avant même la crise à mettre en oeuvre, à imaginer la relance du fret ferroviaire pour lequel les gouvernements précédents ont fait quand même peu de choses. Nous allons relancer le train de nuit. Nous avons déjà relancé les petites lignes ferroviaires en signant un plan avec les régions, notamment Grand Est et Centre-Val de Loire pour plus d'un milliard d'euros, et nous allons évidemment continuer. La crise du Covid est passée par là. Le ferroviaire reste le mode préféré des Français pour se déplacer et je le dis, parce que j'entends parfois des choses qui me paraissent un peu contestables, chaque année la dotation publique pour le mode ferroviaire c'est quinze milliards d'euros sur les trente-cinq milliards d'euros du chiffre aujourd'hui de la SNCF. Donc chaque année, les Français investissent quinze milliards d'euros, à comparer avec les chiffres qu'on a pu entendre. Et sur les transports publics, je réponds d'un mot. Nous avons déjà compensé aux régions dont ILE-DE-FRANCE MOBILITES…
GERARD LECLERC
Ah, on y arrive !
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Nous avons déjà compensé un milliard d'euros.
GERARD LECLERC
Oui, mais sauf que ça ne suffit pas. Et les bus et les métros risquent de s'arrêter en Ile-de-France parce que Valérie PECRESSE, la présidente de la région Ile-de-France, ne veut plus payer pour la RATP et la SNCF tant que l'État ne compensera pas les pertes dues au Covid. C'est autour de deux milliards et demi dit-elle. Est-ce que vous allez oui ou non compenser ces pertes ou est-ce qu'il n'y aura bientôt plus de métro et de transports en commun à Paris ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors plusieurs choses. D'abord les métros, les bus, les RER vont continuer à rouler en Ile-de-France ; l'État y veillera.
GERARD LECLERC
Oui, mais si la région ne paye pas…
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et chacun doit exercer sa responsabilité. Qu'avons-nous fait depuis le début de la crise ? Nous avons regardé effectivement les pertes de fiscalité d'un côté, de recettes tarifaires de l'autre. Je n'entre pas dans le détail. Nous avons pour les régions déjà compensé toute une partie de la perte ou des fiscalités. Je le disais : un milliard pour l'ensemble des régions dont la moitié pour la région Ile-de-France. Madame PECRESSE avec qui j'ai eu l'occasion de discuter longuement et à plusieurs reprises, et que j'invite à nouveau par le truchement de votre antenne à se mettre autour de la table, madame PECRESSE effectivement conteste les chiffres. Mais nous avons fait en sorte que les quatre cent vingt-cinq millions que nous lui avons compensé lui permettent pendant le coeur de l'été, en lien avec ses capacités de trésorerie, de payer la SNCF et la RATP.
GERARD LECLERC
Oui, mais il reste deux milliards à payer.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui. Mais pour ça, nous avons clause de revoyure à la rentrée et pour ça, nous avons engagé des discussions avec les collectivités sur la compensation des recettes tarifaires. Donc je le dis, la volonté de l'État est totale et chacun doit assumer ses responsabilités de la façon la plus républicaine possible, et j'invite Madame PECRESSE à venir échanger à nouveau dans cette dynamique et dans ce bon état d'esprit.
GERARD LECLERC
Et il y aura toujours des bus et des métros à Paris.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est nécessaire.
GERARD LECLERC
Un mot rapide pour terminer. ALSTOM qui est prêt à vendre son usine française de Reichshoffen en Alsace pour convaincre Bruxelles de racheter son concurrent BOMBARDIER.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors c'est un autre sujet. C'est qu'effectivement ALSTOM veut acheter BOMBARDIER pour faire un champion français, français et européen dans le ferroviaire.
GERARD LECLERC
Oui, mais en vendant une usine en Alsace.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En trouvant effectivement un repreneur. Vous savez qu'il y a des règles partout dans le monde sur la concurrence pour éviter que des entreprises…
GERARD LECLERC
Donc ça ne vous choque pas, ça peut se faire. On peut trouver une solution.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord ça va être étudié, ça va être instruit et simplement le droit de la concurrence dans le monde entier, pas seulement à Bruxelles : on a tendance à dire qu'en Europe il se passe des choses particulièrement délétères, dans le monde entier nous veillons à ce que les grands groupes n'aient pas des concentrations qui leur donnent la position d'abuser de leur situation dominante. Donc ce travail est en cours, nous allons évidemment échanger avec les entreprises et l'usine a beaucoup d'avenir. Elle fabrique notamment la nouvelle génération de TER et les trains 0 hydrogène qui sont évidemment des véhicules d'avenir et que nous soutenons, y compris par le biais de subventions pour faire advenir cette filière d'avenir.
GERARD LECLERC
Merci Jean-Baptiste DJEBBARI.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Merci à vous.
GERARD LECLERC
Bonne journée et bon week-end. Bon travail au gouvernement !
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Un petit peu !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juillet 2020