Interview de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, à BFM TV le 16 septembre 2020, sur le droit de propriété et les expulsions de squatteurs.

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Média : BFM TV

Texte intégral

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
La ministre du Logement est notre invitée. Bonjour Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Vous soutenez un amendement qui a été déposé en début de semaine au projet de loi sur la simplification de l'action publique et qui est discuté à partir d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale, qui vise à faciliter l'expulsion des squatteurs, c'est un sujet dont on parle beaucoup depuis la rentrée. D'abord, dites-nous concrètement ce que ce texte va changer.

EMMANUELLE WARGON
Moi, je suis comme tous les Français, j'ai été choquée par l'histoire de Théoule. Dans cette histoire, on a commencé par essayer de trouver une solution pour les deux retraités concernés. Et on l'a trouvée. Et à cette occasion, j'ai regardé de façon approfondie le droit existant. Qu'est-ce qu'on peut faire…

CHRISTOPHE DELAY
Enfin, il aurait fallu les virer d'abord, il aurait fallu commencer quand même par virer les squatteurs avant de trouver une solution pour ces gens-là…

EMMANUELLE WARGON
Non, non, la solution, c'est que les gens sont rentrés chez eux, je vous rappelle que les retraités de Théoule…

CHRISTOPHE DELAY
Voilà, ils sont rentrés chez eux, c'est bien de le rappeler…

EMMANUELLE WARGON
Pardon, je reformule, on avait deux personnes qui ne pouvaient pas rentrer chez elles, on a tous fait de gros efforts, on a réussi à sortir les squatters, et les retraités sont rentrés chez eux. Comme la gestion publique, ça ne s'arrête pas à un cas particulier, j'ai demandé une analyse du droit pour comprendre ce qu'on pouvait faire et pas faire. Le résultat, c'est que le droit n'est pas clair, on n'est déjà même pas d'accord entre services de l'État pour savoir quel droit s'applique, donc j'ai décidé de soutenir un amendement qui clarifie le droit, il a été déposé par un des députés de la République En Marche, Guillaume KASBARIAN, il est discuté cet après-midi en commission, et cet amendement dit la procédure qui s'applique aux résidences principales et qui va s'appliquer aussi aux résidences secondaires, c'est une procédure qui ne passe plus par le juge, qui passe par le préfet, et on l'encadre dans le temps ; en gros, si vous êtes confronté à un squatter chez vous, il faut déposer plainte pour que l'infraction soit caractérisée, ensuite, vous saisissez le préfet, on a donné 48 heures au préfet pour répondre, le préfet met en demeure le squatteur de partir, le squatteur a 24 heures pour bouger ou pas, s'il ne bouge pas, la gendarmerie ou la police peuvent intervenir légalement. Donc ça devrait permettre d'aller plus vite.

CHRISTOPHE DELAY
Alors, on va poursuivre cette discussion, évidemment, dans quelques instants, parce que depuis l'affaire de Théoule-sur-Mer, il y a d'autres affaires, nos amis du Maine Libre évoquent par exemple ce matin cette famille qui squatte leur maison au Mans, et puis, il y a l'affaire de Saint-Honoré-les-Bains, dans le département de la Nièvre. On va écouter les arguments des squatteurs.

UN SQUATTEUR
J'entends tout à fait, moi, je comprends, je serais à la place des gens, je comprends tout à fait, je ne serais pas d'accord, mais le problème, le problème, moi, c'est comme je connais la loi, je sais que la loi, elle est comme ça.

UNE SQUATTEUSE
On n'a rien abîmé, rien volé, rien détérioré, notre intention n'était pas ça, il faut le savoir. On avait même l'intention de débroussailler la tonne de ronces qui est là depuis 30 piges.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
On comprend, et c'était déjà le cas sur l'affaire de Théoule-sur-Mer, ils ont le droit avec eux, et la plupart du temps, ils le savent très bien…

EMMANUELLE WARGON
Non, mais pardon, quand…

CHRISTOPHE DELAY
Est-ce qu'on pourra ne plus jamais entendre ça ?

EMMANUELLE WARGON
Quand la loi protège l'agresseur au détriment de la victime, c'est qu'il faut changer la loi.

CHRISTOPHE DELAY
Donc la loi va changer.

EMMANUELLE WARGON
Et donc là, les squatteurs ne sont pas dans leur vrai droit, si la loi les protège, il faut qu'on fasse quelque chose…

CHRISTOPHE DELAY
Mais en attendant, ces gens-là…

EMMANUELLE WARGON
Il y a beaucoup de mal-logements en France, donc juste je ne voudrais pas faire d'assimilation, il y a des gens qui sont en grande difficulté, et on a aussi besoin d'aider les gens qui sont mal logés.

CHRISTOPHE DELAY
Bien sûr, c'est un autre dossier…

EMMANUELLE WARGON
Mais décider qu'on va aller habiter chez quelqu'un, ça n'est pas la solution au mal-logement, la loi protège abusivement des gens qui s'en servent, c'est pour ça qu'on la change…

CHRISTOPHE DELAY
Très bien, mais en attendant la loi, Madame, qu'est-ce qu'on fait pour les gens, par exemple, de Saint-Honoré ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien, là, j'ai demandé un point de situation au préfet, on va y travailler avec les services d'Eric DUPOND-MORETTI, on va regarder ce qu'on peut faire concrètement dans ce cas, pour voir comment on peut le régler. Encore une fois, il faut que la loi change…

CHRISTOPHE DELAY
Est-ce que ça va être réglé ?

EMMANUELLE WARGON
Je ne sais pas vous répondre aujourd'hui sur le cas de Saint-Honoré, et puis, par ailleurs, il y en a d'autres qui apparaissent. Donc on peut travailler maintenant en urgence au cas par cas, pour trouver des solutions ; trouver des solutions, ça veut dire permettre aux gens de rentrer chez eux, mais il faut qu'on change globalement la loi, dès qu'elle est changée, on fera une instruction à tous les services de l'État, pour que la procédure nouvelle puisse s'appliquer. Si tout va bien cette loi peut être promulguée au mieux fin octobre, au mieux en fonction du calendrier parlementaire, sinon d'ici la fin de l'année. Donc on va faire un changement législatif rapide.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Fin octobre c'est aussi le début de la trêve hivernale, est-ce que ça sera appliqué pendant cette période ?

EMMANUELLE WARGON
Alors de ce que je comprends la trêve hivernale ne s'applique pas systématiquement au cas de squats de résidences principales ou secondaires, ça, ça fera partie des précisions qu'on apportera.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Il faudra penser aussi à punir davantage. Les squatters parce qu'en général c'est les propriétaires qui sont plus punis que les squatteurs quand ils se font justice eux-mêmes.

EMMANUELLE WARGON
Alors se faire justice soi-même, ce n'est pas une solution, on rentre dans l'escalade, ça peut mener à de la violence, ça peut mener à des situations extrêmement difficiles, des choses irréparables, donc c'est à la loi, à l'État de régler le problème et pas se faire justice soi-même. Après sur la sanction pénale, je pense que ça fait partie des sujets qui peuvent être discutés parce que dans ces situations-là peut-être qu'il faut revoir aussi les échelles de sanction.

CHRISTOPHE DELAY
Parce que pour l'instant le squatteur risque un an de prison et 15 000 euros d'amende et si effectivement le propriétaire et c'est la loi du 24 mars 2014 essaie de virer le propriétaire sans le concours de l'État, il risque lui 3 ans de prison et 30  000 euros d'amende.

EMMANUELLE WARGON
Moi je pense qu'effectivement il y a un écart qui est pas du tout justifié, qui est pas dans le bon sens, donc moi je suis prête à regarder ce point encore une fois avec la chancellerie, les peines c'est du ressort du Garde des Sceaux.

CHRISTOPHE DELAY
Si on comprend bien Madame WARGON donc le pouvoir sera donné au préfet. Le préfet qui pourra demander l'utilisation de la force si le squatter résiste.

EMMANUELLE WARGON
Exactement le pouvoir sera donné au préfet. Le préfet enjoint donc donne une injonction aux squatters de partir, si de squatter dit non je ne partirai pas dans ce cas-là le préfet peut appeler à la rescousse les gendarmes ou la police.

CHRISTOPHE DELAY
Et pour que ce soit bien clair dans la nouvelle loi il n'y aura donc pas de différence entre les squats de résidences principales qui sont évidemment moins courant que résidences secondaires.

EMMANUELLE WARGON
Exactement il avait pour l'instant une différence juridique et donc on va tout aligner, toutes les résidences qu'elles soient principales, secondaires même ce qu'on appelle occasionnelles.

CHRISTOPHE DELAY
Est-ce que vous vous savez voilà pour finir, s'il y a de nombreux cas de squat…

EMMANUELLE WARGON
Non en fait ce n'est pas une statistique qu'on suit bizarrement, là on va voir arriver de nombreux cas parce qu'ils sont plus visibles dans cette la parole.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Et que la parole se libère, des propriétaires.

EMMANUELLE WARGON
Et que la parole se libère, je pense qu'effectivement ce sera utile d'essayer d'objectiver un peu de combien de cas on parle, j'imagine que ce n'est pas tant que ça en volume et en réalité on n'a pas les données.

CHRISTOPHE DELAY
Sachant que vous avez vu les réactions enflammées de partout.

EMMANUELLE WARGON
C'est choquant, je le comprends, je suis la première à le dire et encore une fois, première préoccupation que les retraités de Théoule rentrent chez eux, 2e préoccupation, changer la loi. Maintenant on a d'autres cas qu'on va essayer de regarder avec la même énergie, avec la même détermination.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Par ailleurs il y a eu un l'accompagnement des squatters de Théoule-sur-Mer, vous comprenez que ça choque ?

EMMANUELLE WARGON
Non il y a pas eu d'accompagnement, dans la famille de Théoule-sur-Mer, il y avait un couple avec une femme enceinte et 2 enfants en bas âge. On a mis un toit au-dessus de la tête de cette femme enceinte et de ses 2 enfants en bas âge dans un centre d'hébergement d'urgence. Ça n'est pas un relogement, mais ces enfants ne sont responsables de rien et ces enfants n'ont pas à dormir à la rue.

CHRISTOPHE DELAY
Merci d'être venue nous voir ce matin.

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2020