Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, à BFM TV le 26 octobre 2020, sur la question du droit au blasphème et des caricatures et la crise du coronavirus.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Roselyne BACHELOT.

ROSELYNE BACHELOT
Bonjour Apolline de MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous ce matin sur RMC et BFM TV. Vous êtes bien sûr ministre de la Culture, ancienne ministre de la Santé, et justement il y a deux fronts aujourd'hui pour le gouvernement : la lutte contre l'islamisme radical et la lutte contre le Coronavirus. Commençons par la question du droit au blasphème et des caricatures. Emmanuel MACRON les a défendus ce week-end, et en réponse, boycotts qui se multiplient contre la France et les produits français dans certains pays musulmans. Le Qatar notamment suspend par exemple officiellement la semaine culturelle française de son université. Comment est-ce que vous réagissez ?

ROSELYNE BACHELOT
Je veux dire de façon très forte que la caricature, le blasphème, font partie de la culture française. Je pense à NUMA, à CASALIS, à DAUMIER, à PHILIPON, à LEPETIT, aux liens qui unissaient DAUMIERS et BAUDELAIRE ou PHILIPON et BALZAC, et vraiment ce droit il fait partie de notre culture, je le défends, du Charivari à Charlie Hebdo, là c'est quelque chose de constitutif de la culture française. Alors il y a un chef d'Etat, le chef d'Etat de la Turquie, qui instrumentalise…

APOLLINE DE MALHERBE
ERDOGAN.

ROSELYNE BACHELOT
Monsieur ERDOGAN, qui instrumentalise à des fins de politique intérieure, ce qui s'est passé, ce qui s'est passé dans notre pays. Moi je veux redire à la suite d'Emmanuel MACRON, que véritablement ces crimes sont inexpiables, que ce soit la décapitation de Samuel PATY, ce qui s'est passé à l'Hypercacher, ce qui s'est passé à Charlie Hebdo, et que tout ça cet islamisme radical doit être condamné de façon absolument irréfragable. Mais le président Emmanuel MACRON n'a tenu aucun discours anti-islam, ni antimusulmans, les musulmans font partie de la communauté de la République, il n'y a donc aucun problème sur ce sujet, et les diplomates français sont en train d'expliquer à leurs homologues et aux gouvernements qui sont de tradition musulmane, ce qu'il en est exactement.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on a besoin de le leur redire ?

ROSELYNE BACHELOT
Je crois qu'on a besoin de leur redire devant l'instrumentalisation qui est faite à des fins de politique intérieure, et peut-être aussi étrangères par certains chefs d'Etat comme monsieur ERDOGAN.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous parlez du président ERDOGAN, le Qatar qui, je le disais, suspend la Semaine de la culture française dans ses universités, le Qatar qui est propriétaire de très nombreux… qui a beaucoup investi dans un certain nombre de symboles français, le PSG, les magasins du PRINTEMPS, les hôtels ACCOR, est-ce qu'il faudra à un moment de faire de même ?

ROSELYNE BACHELOT
Faire de même, c'est-à-dire ?

APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire boycotter à un moment ? Est-ce que s'ils appellent davantage encore au boycott des produits Français, il faudra nous-mêmes que nous boycottions les investissements au fond que le Qatar a fait en France ?

ROSELYNE BACHELOT
Le boycott n'est pas dans la tradition française, je pense que la bonne stratégie c'est celle de l'apaisement et de l'explication, et là on a un corps diplomatique parfaitement apte à faire cette mission, et de rappeler qu'il n'y a aucun, aucune lutte contre les musulmans français, il y a simplement une lutte contre l'islamisme et contre le terrorisme, et on peut se retrouver sur la lutte contre le terrorisme.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a un autre front, je le disais, c'est la question du coronavirus, et ce mot qui est lâché, et on sent bien que ça commence à monter comme une menace, est-ce qu'il va falloir aller vers un reconfinement ?

ROSELYNE BACHELOT
Alors, je vais vous faire une confidence, Apolline de MALHERBE, je ne suis plus ministre de la Santé depuis 10 ans, alors… Oui, c'est un scoop !

APOLLINE DE MALHERBE
Figurez-vous que je le savais, mais simplement, Roselyne BACHELOT, vous êtes ministre, vous êtes notamment en charge de ce secteur qui souffre aujourd'hui. Est-ce que ce secteur qui redoute qu'on aille encore encore encore plus loin, est-ce qu'il peut aujourd'hui être rassuré ou est-ce que oui il pourrait y avoir un reconfinement ?

ROSELYNE BACHELOT
Alors, je veux dire que ce secteur doit être rassuré, parce que quelles que soient les décisions que nous devrons prendre sur la question sanitaire, et ça je fais confiance à Olivier VERAN, à ses équipes, aux scientifiques qui sont à ses côtés. Au passage je dis que ceux qui avaient douté de la gravité de la crise, qui avaient mis en contestation les paroles de vérité, doivent se rendre à la raison et dire : oui la crise est très grave. Mais je dis, le monde de la culture doit être rassuré, car quelles que soient les décisions que nous imposerons, les circonstances sanitaires, nous serons à leurs côtés pour les accompagner. C'est ce que j'ai fait avec le couvre-feu, en n'obtenant 115 millions d'argent frais pour la culture, que ce soit 30 millions pour accompagner les salles de cinéma et 85 millions pour accompagner le spectacle vivant. C'est ça, il faut savoir, il faut que les le monde de la culture sache qu'on ne les laissera pas tomber.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne les laissez pas tomber, mais enfin pardon, ce n'est pas hyper rassurant non plus, parce que vous continuez à parler au futur comme si à chaque fois eh bien ça n'était pas suffisant et qu'à chaque fois on devait s'attendre à ce qu'il y ait des mesures encore encore supplémentaires chaque semaine.

ROSELYNE BACHELOT
Je peux vous dire que le coronavirus est quelque chose qui ne nous prévient pas de son mode d'action. Il y a une seule chose que je peux dire, c'est que ce coronavirus on peut l'affronter par la raison, par le respect des règles sanitaires, le respect des gestes barrières, le fait de ne pas faire d'imprudence, de ne pas faire des réunions familiales ou amicales où on s'entasse à 25 dans une salle. Nous avons en quelque sorte la réussite du couvre-feu entre nos mains. C'est ça qu'il faut se dire.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on a quand même l'impression qu'à chaque fois on est en retard, qu'à chaque fois il y a des mesures supplémentaires qui nous pendent au nez. Quand on regarde ce qui s'est passé en Belgique, la Belgique a décidé hier, et ça vous concerne en premier chef, de fermer tous les lieux culturels, c'est simple, tous, ils sont tous fermés, les théâtres, les cinémas, les musées, les salles d'exposition, c'est fini. Est-ce que ça c'est de nature à rassurer le monde de la culture français ?

ROSELYNE BACHELOT
Je ne pense pas qu'une mesure de confinement total soit de nature à rassurer le monde de la culture, parce que justement, quand on écoute, j'étais hier dans le cadre du week-end Tous à l'opéra, j'étais à Bordeaux, puis je suis allée à l'Opéra Comique écouter une Master class de Karine DESHAYES, il y a une volonté de jouer, de s'exprimer, de chanter, de danser ! Le monde de la culture il ne vit pas que d'argent, il vit aussi dans le fait de s'exprimer. Et ça je veux l'accompagner, je veux justement qu'on n'en arrive pas à des…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous voulez, mais est-ce que vous le pouvez ?

ROSELYNE BACHELOT
Alors… Mais justement, c'est à ça que j'appelle les citoyens français ! Ils sont très attachés aux pratiques culturelles. Les pratiques culturelles elles seront préservées, elles seront rendues possibles par notre discipline individuelle et collective.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous pouvez dire aujourd'hui qu'on ne fera pas comme l'a fait la Belgique, qu'on ne fermera pas les espaces culturels ?

ROSELYNE BACHELOT
Je ne peux rien dire aujourd'hui. La situation elle évolue de jour en jour. On sait très bien, le ministre de la Santé nous a prévenus, les mesures de couvre-feu attendent latence pour les observer, pour observer leur action. Cette évaluation elle sera faite dans le milieu de la semaine. Moi j'en appelle…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça veut dire qu'on tâtonne, on en sait pas si c'est efficace, on attend, on voit.

ROSELYNE BACHELOT
J'en appelle à la responsabilité de tous ! Qu'est ce qui fait l'efficacité d'une mesure de couvre-feu ? C'est le respect des mesures. Est-ce que les Français ont l'ont respecté ? Eh bien c'est la question qui nous est posée collectivement.

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que vous aviez plaidé pour que la culture soit un des motifs d'exemption du couvre-feu, malheureusement pour vous, vous n'avez pas été entendue, malheureusement sans doute pour le monde de la culture. Ça veut dire qu'encore aujourd'hui, même quand vous faites vos appels, on n'a aucune garantie que ça soit véritablement…

ROSELYNE BACHELOT
Il n'y a pas de visibilité dans l'épidémie, effectivement, ça je suis absolument d'accord avec vous. Ce que je dis, c'est que véritablement on a fait un accompagnement. Moi ce que je note aussi dans le monde de la culture, à travers ce couvre-feu, c'est qu'il y a un certain nombre d'acteurs du monde culturel qui se sont adaptés, qui ont avancé par exemple les représentations, même à 17h00 comme au Théâtre de la colline, à 18h00, à 19h00. Je suis allée au théâtre vendredi soir voir de Richard BERRY dans l'Admirable plaidoirie, je vous conseille, si vous ne l'avez pas déjà vue, d'y aller. Bon, on sort à 19h30, on sort à 20h30 du spectacle et véritablement on peut aller au théâtre, dans u lieu sécurisé.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais sauf que le monde de la culture s'est beaucoup adapté, il le fait encore, vous le dites, mais il y a un moment où il finit par mettre un genou à terre. Regardez les restaurants qui inlassablement se sont adaptés, ont adapté leurs salles, leurs protocoles, et puis voilà Michel SARRAN qui a annoncé ce week-end qu'il fermait.

ROSELYNE BACHELOT
Alors, on peut… permettez-moi de ne pas comparer les restaurants…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on a l'impression que c'est le même processus. C'est le même processus, c'est le même effort.

ROSELYNE BACHELOT
Bien sûr que tout le monde fait des efforts, et je veux dire que ces efforts aussi nous les accompagnons, nous savons très bien que dans le monde de la culture, d'avancer une séance à 17, 18, 19h00, entraîne une moindre billetterie, et ça on a des systèmes de compensation qui permettent aux équipes de continuer à jouer, à chanter, à danser, c'est ça que nous faisons. Il y a un effort du côté des professionnels et il y a un effort du côté de l'Etat. C'est d'ailleurs la même chose pour les restaurateurs ; nous les accompagnons dans cela.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on a quand même l'impression que c'est presque un supplice, c'est-à-dire que depuis plusieurs semaines on nous annonce à chaque fois qu'on va devoir faire des efforts supplémentaires, qu'il va falloir faire encore plus attention. Ce matin encore le président du Conseil scientifique Jean-François DELFRAISSY, dit que la situation est très critique, qu'il faudra peut-être envisager un reconfinement. Au fond ce supplice de l'attente, quand vous voyez qu'Esther DUFLO, qui est Prix Nobel d'économie, disait : « C'est le pire, c'est cette attente et cette incertitude ». Est-ce qu'il ne fallait pas mieux décider un bon coup, d'un confinement comme elle le proposait, pendant 3 semaines, anticipé, prévu, plutôt que cette menace permanente ?

ROSELYNE BACHELOT
Que ce soit un supplice, je suis absolument d'accord avec vous. Que ce soit une un désastre pour le monde de la culture, je suis absolument d'accord. Cette souffrance, cette catastrophe, on l'affronte ensemble, elle a des côtés imprévisibles, on essaie de piloter en permettant la conciliation d'un maintien de l'activité économique, avec des précautions sanitaires. C'est un chemin extrêmement étroit. Je suis d'accord avec vous quand vous me dites tout cela. Je pense que dans la situation actuelle, totalement imprévisible, c'est vrai, on a la bonne mesure…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu'on ne pourrait pas mettre un peu de prévisions ?

ROSELYNE BACHELOT
Est-ce que véritablement la solution sera un confinement massif comme celui qu'on a vécu au mois de mars, au mois de mai ? Je n'ai pas les éléments aujourd'hui pour vous répondre, Apolline de MALHERBE. Je souhaite qu'on arrive, par la discipline collective à y échapper, puisque ce serait ça, si nous laissions filer les choses se serait ça qui nous attendrait.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on a quand même l'impression d'avoir fait beaucoup beaucoup preuve de discipline.

ROSELYNE BACHELOT
Alors oui. Moi je note que par rapport à certains comportements estivaux, les Français ont pris conscience et le couvre-feu est bien respecté, les mesures barrières sont de plus en plus comprises. Regardez l'application StopCovid devenue TousAntiCovid…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous l'avez téléchargée…

ROSELYNE BACHELOT
Ah ben dès la première version j'avais…

APOLLINE DE MALHERBE
Contrairement au Premier ministre, vous aviez y compris téléchargé la première.

ROSELYNE BACHELOT
J'avais chargé la première. Mais regardez, alors que ça avait été, comme dit monsieur MACRON, ce n'est pas un échec mais ça n'a pas marché….

APOLLINE DE MALHERBE
Vous-même, on ne voit pas votre sourire derrière le masque mais on le devine.

ROSELYNE BACHELOT
Là c'est 4 millions, c'est 4 millions de Français qui l'ont chargée pratiquement dès les premiers jours. Ça montre aussi qu'il y a une prise de conscience de tout cela.

APOLLINE DE MALHERBE
Roselyne BACHELOT, vous le disiez, vous n'êtes plus ministre de la Santé mais vous l'avez été, vous aviez été confrontée au H1N1. Aujourd'hui d'ailleurs justice vous est rendue, alors qu'à l'époque vous aviez été considérée au fond comme trop prévoyante, on vous l'a reproché, à l'inverse on s'étonne que ce gouvernement-ci ne soit pas davantage prévoyant, pas de la première, vous le disiez, ça nous est tombé dessus et personne ne pouvait le prévoir, mais la deuxième vague, tout le monde l'anticipait, tout le monde en parlait ; plateau après plateau ; y compris sur ce plateau-ci, cette deuxième vague on pouvait l'anticiper, certains de nos voisins l'ont fait, quand on voit que les Italiens ont embauché 6 000 nouveaux médecins et 14 000 infirmières, pourquoi n'avons nous pas fait de même ?

ROSELYNE BACHELOT
Le système hospitalier français a bien réagi, il a montré une certaine plasticité, et je ne me prononcerai pas plus avant sur ces mesures sanitaires sauf pour dire que quand on ouvre des lits il faut aussi ouvrir du personnel, et que des mesures de réduction par exemple des médecins, qui ont été prises dans les années 80, avec la réduction massive du numerus clausus, ont des effets que nous payons encore aujourd'hui, et qu'un médecin, Olivier VERAN le rappelait, un médecin anesthésiste-réanimateur ça se forme en 12 ans, et une infirmière spécialisée en 3 ans plus quelques années, et qu'ouvrir des lits ce n'est pas ouvrir du matériel, c'est recruter des gens, et ça, ça prend du temps. Mais néanmoins des recrutements ont été faits dans l'hôpital français aussi.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il y a trop de raideur quand même dans le système français, vous qui le connaissez bien ? Est-ce qu'il y a trop de raideur ?

ROSELYNE BACHELOT
Alors, notre système français recueille un large consensus autour du fait qu'il y ait un secteur public très très puissant. Nous y sommes prêts attachés, c'est notre culture. On vante quelquefois le système allemand, Apolline de MALHERBE, en oubliant que le système allemand, il est basé majoritairement sur une hospitalisation privée, et majoritairement sur des personnels qui ne relèvent pas d'une fonction publique.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais finalement, si ça marche ?

ROSELYNE BACHELOT
Moi je suis attachée au modèle de l'hôpital public français, c'est notre patrimoine…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais coûte que coûte, si ça marche moins bien ?

ROSELYNE BACHELOT
Mais, d'abord êtes-vous sûr que ça marche moins bien ?

APOLLINE DE MALHERBE
Je n'en sais rien, mais enfin quand on regarde les chiffres en Allemagne, ça a l'air d'être plus ou moins subi, même en termes de morts.

ROSELYNE BACHELOT
Justement, il y a peut-être des facteurs exogènes au système de santé allemand.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'y croyez pas aux chiffres allemands ?

ROSELYNE BACHELOT
Si, je crois au chiffres allemands, mais rappelez-vous, qu'est ce qui est à l'origine de la crise en France ? C'est un cluster d'une église évangélique à Mulhouse, un fantastique coup de malchance. Il y a un certain nombre d'épidémiologistes qui ont dit : si cette réunion évangélique elle avait eu lieu de l'autre côté du Rhin, l'Allemagne aurait peut-être été dans la même situation.

APOLLINE DE MALHERBE
Encore aujourd'hui vous pensez que ce petit événement du début, qui en effet a été, a causé le début de la première vague, il a un impact sur les différents chiffres ?

ROSELYNE BACHELOT
C'est une hypothèse. Enfin, moi ce qui me préoccupe, je suis ministre de la Culture, je le redis, moi ce que je veux c'est que la culture française qui est une spécificité de la France, elle continue à vivre, qu'on aille dans les théâtres, qu'on aille dans les cinémas, qu'on aille dans des festivals, moi je suis entièrement mobilisée sur ça…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça c'est les Français. Pour ce qui est des professionnels, je pense aux assureurs, vous le savez il y a cette bataille avec les assureurs pour les restaurants, mais elle existe également pour les cinémas, qui demandent à ce qu'on compense leur perte d'exploitation, à ce que les assureurs soient au rendez-vous. Le sont-ils ?

ROSELYNE BACHELOT
Moi, es assureurs sont à Bercy, moi ce que je veux c'est préserver une filière…

APOLLINE DE MALHERBE
Ils assurent aussi le monde de la Culture, Roselyne BACHELOT.

ROSELYNE BACHELOT
Moi, ce que je veux, c'est de trouver les financements pour aider les exploitants de salles, les distributeurs et les producteurs, ça c'est mon job, et ça je le fais. Bon. Ce que je veux, c'est permettre au théâtre de vivre, en compensant…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous demandez à Bercy de faire aussi son job en demandant aux assureurs de mettre au pot ?

ROSELYNE BACHELOT
Il y a des assureurs qui peuvent y participer sans qu'on les aide, d'autres qui ont besoin d'être aidés, on fait du cas par cas. Moi ce que je veux, c'est préserver le monde de la culture, parce que ce que je vois, c'est que dans les pays, dans un certain nombre de pays étrangers, il y a des systèmes de couvre-feu etc. Moi ce que je note c'est que le Metropolitan Opera à New-York est fermé…

APOLLINE DE MALHERBE
Est fermé pour toute la saison.

ROSELYNE BACHELOT
Boston, Chicago, le Philharmonique de New-York, ils ne sont pas fermés jusqu'au mois de décembre, ils sont fermés jusqu'en septembre 2021. C'est qu'en Irlande, en Slovaquie, en Roumanie, tous les espaces culturels sont fermés. La Belgique, l'Italie, qu'il y a des pays comme par exemple la Suède, on a vanté son libéralisme, ah oui, les salles de cinéma et de spectacle sont ouvertes, jauge maximum 50 personnes, vous faites…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous dites : c'est le moment de se dire que finalement on ne fait pas si mal les choses.

ROSELYNE BACHELOT
Exactement.

APOLLINE DE MALHERBE
Roselyne BACHELOT, il n'y a pas que le coronavirus qui agite le monde de la culture, je voudrais quand même qu'on parle d'un mot des propos de l'actrice et réalisatrice Maïwenn, je ne sais pas si vous les avez lus, elle en a parlé dans Paris Match, elle a répondu aussi à des interviews à la télévision, où elle est revenue sur la cérémonie des Césars. Vous n'étiez pas à l'époque encore ministre de la Culture, mais vous vous souvenez bien sûr de ce moment de grande agitation au moment où les Césars ont primé Roman POLANSKI, et Maïwenn ce jour, dit : « Moi je suis pour dire aux hommes à quel point on les aime, il faut arrêter de dire que ce sont tous des pervers ». Elle dit à propos des militantes féministes : « C'est fou ce qu'elles peuvent dire comme connerie ces derniers temps, ce sont des femmes qui n'aiment pas les hommes, c'est clair, qui sont à l'origine des dommages collatéraux très graves ». Elle ajoute même : « J'espère que les hommes me siffleront dans la rue toute ma vie ». Qu'est-ce que vous pensez des propos de Maïwenn ?

ROSELYNE BACHELOT
Moi, ce que je veux, c'est combattre le sexisme. Je pense que la récompense de Roman POLANSKI était mal venue et qu'elle a blessé à juste titre des militantes, et que l'Association des Césars, qui n'a rien à voir avec une organisation gouvernementale, je le précise…

APOLLINE DE MALHERBE
Bien entendu.

ROSELYNE BACHELOT
… aurait dû sans doute éviter ce genre de difficultés. Ceci étant, je ne vais pas commenter les propos de Maïwenn, elle pense cela. Moi mon combat c'est de lutter contre toutes les violences sexuelles dont les…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous vous seriez levée aux cérémonies des Césars, à la cérémonie des Césars, comme l'avait fait à Adèle HAENEL ?

ROSELYNE BACHELOT
Oui, si j'y étais allée, j'y serais allée en tant que ministre de la Culture, évidemment je me serais levée.

APOLLINE DE MALHERBE
Evidemment vous vous seriez levée.

ROSELYNE BACHELOT
Voilà.

APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous il n'y avait pas de doute.

ROSELYNE BACHELOT
Il n'y avait pas de doute. Mais moi ce que je veux c'est combattre les violences sexuelles, sexistes et harcelantes dans tous les établissements dont j'ai la responsabilité. La parole se libère aussi dans les conservatoires, dans les compagnies, dans les festivals, et ça c'est quelque chose qui est très important pour moi, c'est une de mes actions phare, d'ailleurs je communiquerai dans quelques semaines sur les actions que je souhaite mener dans ce domaine, il faut…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous pensez qu'il y a encore des actions supplémentaires à mener ? Vous allez développer ça ?

ROSELYNE BACHELOT
Absolument, absolument.

APOLLINE DE MALHERBE
De quel ordre ?

ROSELYNE BACHELOT
Justement, je suis en train d'y travailler, mais je reviendrai.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous reviendrez, mais on vous sent assez mal à l'aide avec les propos de Maïwenn, vous trouvez qu'elle rouvre un dossier que vous auriez préféré fermer ?

ROSELYNE BACHELOT
Je ne vais pas commenter les propos d'une actrice ou d'une autre actrice, etc.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous le savez bien, c'est quand même quelque chose qui a beaucoup agité le monde de la culture, et qui continue, on le voit bien.

ROSELYNE BACHELOT
Oui, je dis ma position. Moi je ne commente pas les propos des unes et des autres, je dis ma position. C'est ça qui compte pour moi, qu'est-ce que je fais dans telle situation. Chacun s'exprime dans une liberté. On ne va pas défendre la liberté d'expression et faire des commentaires désobligeants sur tel ou tel, ce n'est pas ma vision.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais donc à chacun sa liberté, la sienne et la vôtre.

ROSELYNE BACHELOT
Voilà, exactement.

APOLLINE DE MALHERBE
Et la vôtre ça aurait été de vous lever, vous dites, à la cérémonie des Césars. Merci beaucoup d'être venue sur RMC et BFM TV ce matin.

ROSELYNE BACHELOT
Merci.

APOLLINE DE MALHERBE
Roselyne BACHELOT, ministre de la Culture et non plus ministre de la Santé, mais enfin on sent bien que c'est quand même encore un peu là.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 octobre 2020