Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France 2 le 29 octobre 2020, sur le renforcement des protocoles sanitaires dans les écoles notamment le port du masque pour tous les enfants à partir de 6 ans et l'hommage à Samuel PATY.

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Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG
Bonjour Monsieur le ministre de l'Education nationale, bonjour Jean-Michel BLANQUER.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

JEFF WITTENBERG
Comment fait-on en 72 heures pour mettre en place les protocoles sanitaires renforcés dans les écoles, qu'a promis hier soir le chef de l'Etat dans son intervention ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
La définition du protocole sanitaire renforcé elle existe déjà en fait. Dès le mois de juillet on a établi avec le Haut conseil de la santé publique un protocole en trois points, il y a un protocole 1, protocole 2, un protocole 3, jusqu'à aujourd'hui, depuis la rentrée jusqu'à aujourd'hui on était dans le protocole 1, maintenant on passe dans le protocole 2, qui signifie des mesures renforcées, donc ça veut dire, notamment, éviter au maximum le brassage des élèves, des mesures particulières pour des moments collectifs comme la cantine, en particulier, ou la récréation.

JEFF WITTENBERG
Comment ça va s'organiser ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça va s'organiser selon les termes définis par ce protocole, par exemple les élèves ne bougent pas d'une classe à l'autre, autant que possible…

JEFF WITTENBERG
Ce sont les professeurs qui se déplaceront.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est davantage les professeurs qui se déplacent, les mesures d'hygiène, d'aération, sont renforcées, et puis toute une série de mesures plus précises, plus techniques, mais qui sont prévues par ce protocole. Donc, c'est la mise en place d'un protocole qui était une des hypothèses, qui se réalise, et non pas quelque chose que nous avons à réécrire maintenant. Bien sûr on pourra un petit peu l'amender pour renforcer encore certains aspects, c'est pourquoi je continue à parler à la fois avec les autorités sanitaires et les organisations syndicales, pour, d'ici à la fin de la journée, quand je m'exprimerai avec le Premier ministre, préciser les ultimes points.

JEFF WITTENBERG
Le nettoyage et l'aération des classes renforcés, on a l'impression que c'était déjà le cas, qu'est-ce que vous pouvez faire de plus, par exemple dans ce domaine, Monsieur BLANQUER ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Sur le brassage d'élèves, ce n'était pas le cas, on avait un fonctionnement, je dirais quasi normal, de ce point de vue là, donc là, vraiment, le non-brassage d'élèves est un élément clé, vous savez, moins on se croise mieux c'est, on le sait bien, quant au brassage d'air, et puis aussi aux mesures de nettoyage, elles vont être renforcées, plus que ce n'était le cas jusqu'à présent.

JEFF WITTENBERG
Le brassage des élèves, ça veut dire que par exemple les cantines dans les lycées, qui parfois accueillent des centaines d'élèves en même temps, qui déjeunent en même temps, et qui donc enlèvent le masque pour se faire, c'est terminé ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, ça veut dire qu'en fonction de ce protocole, il y a une évolution parfois des emplois du temps pour que les élèves n'aillent pas tous en même temps à la cantine, donc c'est des choses auxquelles les établissements se sont un peu habitués en mai-juin, donc il y a maintenant des pratiques qui sont installées, je ne dis pas que c'est facile, sur tous les sujets on pourra voir que tel ou tel point complique la vie quotidienne, il n'y a aucun doute…

JEFF WITTENBERG
Mais ce sera possible, tous les établissements seront prêts lundi matin, Monsieur BLANQUER, à accueillir les élèves, est-ce que c'est quelque chose que vous pouvez nous dire ce matin, et que vous pouvez dire aux parents ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, l'objectif c'est que tout soit prêt. Alors, il peut arriver qu'un établissement soit fermé, vous savez nous en fermons parfois, précisément quand il y a eu des cas positifs, il est possible que nous en fermions davantage dans les temps à venir, souvent pour des périodes de 2 à 3 semaines, pour tenir compte d'une situation sanitaire, mais pour l'essentiel ils seront ouverts, oui.

JEFF WITTENBERG
Le masque il est obligatoire aujourd'hui pour les élèves à partir de 11 ans, c'est-à-dire au collège, est-ce qu'il va l'être, vous savez que c'est un débat, pour les enfants plus petits, à l'école primaire, c'est-à-dire à partir de 6 ans, est-ce que vous avez tranché de cette question ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est un sujet qui sera tranché ce soir, on a fait très attention à ce que dit la Société française de pédiatrie, en depuis le début de la crise je cale une bonne partie de mes décisions sur ce que disent les pédiatres et le Haut conseil…

JEFF WITTENBERG
Alors, que dit cette Société de pédiatrie ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Dernièrement elle dit que le masque peut être intéressant pour les élèves plus jeunes, en fonction d'études internationales qui sont faites, ça peut aussi être pour des niveaux… ce n'est pas la même chose par exemple pour des CM1-CM2 et pour des CP, on sait que plus un enfant est jeune, moins il est, disons transmetteur, et donc que ce débat existe parmi les scientifiques, et ce soir il sera tranché par le Premier ministre.

JEFF WITTENBERG
Si vous annoncez ce soir que le masque est obligatoire pour les enfants à partir de 6 ans, comment vont faire les familles pour équiper leurs enfants de tels masques, on sait que les masques pédiatriques on ne les trouve pas dans le commerce aussi facilement que les autres ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Si c'était le cas, souvent les familles sont déjà équipées pour leur vie quotidienne en dehors de l'école, pour les cas, comme par exemple les cas où les familles ont des problèmes de moyens pour les masques, on se mettra en situation de fournir une dose de masques - ce que nous faisons déjà d'ailleurs, il y a, dans tous les établissements quelques masques - qui sera pour les élèves qui éventuellement n'auraient pas pu se les fournir.

JEFF WITTENBERG
Il y aura des masques pour tous les enfants, si cette décision est prise ce soir, dès lundi matin ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Le principe, vous savez, c'est que les familles équipent leurs enfants, maintenant, quand un enfant un problème, social par exemple, on est capable de l'équiper.

JEFF WITTENBERG
Autre question, il y avait un hommage, il y a un hommage prévu à Samuel PATY, l'enseignant assassiné par un terroriste le 16 octobre dernier, qui est prévu en ce jour de rentrée, ce 2 novembre, est-ce que cet hommage est prévu dans les mêmes conditions ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, il est prévu, nous ne voulons pas renoncer à un tel hommage, la crise sanitaire ne doit pas nous faire oublier aussi les autres sujets très importants, celui-ci est évidemment fondamental, nous avons tous été bouleversés, ne l'oublions pas…

JEFF WITTENBERG
L'hommage est maintenu.

JEAN-MICHEL BLANQUER
L'hommage est maintenu, bien sûr nous allons respecter les règles sanitaires, donc on va sans doute un peu aménager ce que nous avions prévu, là aussi je consulte les chefs d'établissement, les personnels, et les collectivités locales aussi, pour prendre les bonnes décisions qui seront, là aussi, un précisées ce soir, aussi sur la partie hommage à Samuel PATY.

JEFF WITTENBERG
Monsieur BLANQUER, on se souvient qu'il y avait 1 minute de silence qui était prévue dans les cours de récréation, de tous les élèves rassemblés pour rendre hommage à Samuel PATY, est-ce que, par exemple, cet événement, cette procédure, va avoir lieu lundi matin, est-ce que vous allez réunir tous les élèves dans les cours ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, il y aura 1 minute de silence, bien sûr, l'heure prévue, et je l'officialiserai, serait normalement autour de 11h15. La modalité peut évoluer d'un établissement à l'autre, parce que du point de vue des règles sanitaires ce n'est pas forcément la même chose, en fonction de la configuration de la cour de récréation en particulier, puisque notre objectif initial c'était quand même d'avoir, dans le respect des règles sanitaires, un rassemblement de tous, parfois ce sera en classe, parfois ce sera dans la cour de récréation.

JEFF WITTENBERG
Rassemblement de tous, c'est ce que vous devez éviter aujourd'hui, puisque vous avez parlé d'éviter les brassages.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qu'on doit éviter, c'est pour ça que dans certains… ça dépend, si vous êtes dans un collège rural avec 120 élèves vous pouvez faire, et dans une grande cour de récréation, vous pouvez le faire, c'est plus compliqué si vous êtes dans un établissement avec 800 élèves.

JEFF WITTENBERG
Donc ce sera au cas par cas, mais en tout cas l'hommage aura lieu.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr. Il est normal de laisser un peu d'autonomie d'organisation. J'écrirai aux chefs d'établissement en fin de journée sur ce point, je veux qu'ils soient les premiers informés des modalités, mais nous les écoutons, pour que nous accomplissions ce que nous avons à accomplir, c'est-à-dire aussi cet hommage à Samuel PATY.

JEFF WITTENBERG
La deuxième vague de cette épidémie pourrait être plus meurtrière, c'est ce qu'a dit le chef de l'Etat lui-même hier soir, et pourtant, lors de la première vague, qui donc aurait été « moins grave », les écoles avaient été fermées, pourquoi avoir fait cette fois-ci le choix de les maintenir ouvertes ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Parce que le monde entier apprend de l'expérience vécue. D'abord rappelons que cette deuxième vague, très dure, qui arrive, est une vague sur toute l'Europe, c'est un phénomène donc évidemment international, mondial, que nous allons le vivre de manière intense ces prochains temps, et ce que nous avons appris dans la première vague c'est aussi que la situation des élèves, des enfants et des adolescents, n'est pas la même que celle des adultes par rapport au virus. Nous savons aussi que lorsque l'on confine cela fait des dégâts. Premièrement, n'oublions pas que nos élèves, quand ils ne sont pas à l'école, ils font d'autres choses, qu'ils peuvent parfois, par leurs pratiques, se contaminer davantage que dans le milieu scolaire, où au moins il y a des règles qui sont respectées, c'est le premier point, il est fondamental. Le deuxième c'est que, il y a aussi d'autres sujets que le Covid, et moi je veux éviter le décrochage scolaire. Prenez les lycées professionnels par exemple, c'est là où on a constaté le plus fort décrochage scolaire, et encore la France s'en est tirée mieux que bien des pays, mais je ne veux pas les fermer parce que, d'abord parce que les ateliers sont souvent en petit nombre, et ensuite parce qu'il pourrait y avoir des dégâts psychologiques, sociaux, bien plus graves que l'épidémie elle-même pour ces élèves.

JEFF WITTENBERG
Mais si le virus circule partout, Monsieur BLANQUER, il circule aussi davantage dans le milieu scolaire, notamment, vous le citiez, dans les lycées, comment rassurer les parents sur le fait que les enfants ne vont pas finalement risquer de ramener le virus à la maison, très clairement ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, premier élément concret, nous allons tester davantage encore, le président de la République l'a dit, c'est entre 1,5 et 2 millions de tests par semaine que nous serons capables de faire, nous les ferons particulièrement en milieu scolaire, et je tiens à dire que, depuis 2 mois nous n'avons pas constaté des contaminations particulières en milieu scolaire, le nombre de personnes contaminées n'est pas supérieur au reste de la société.

JEFF WITTENBERG
Les écoles étaient fermées depuis 15 jours et c'est maintenant que le virus explose.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, vous avez raison de dire ça, c'est-à-dire que les pratiques sociales que l'on a peuvent parfois être bien plus contaminantes que un endroit où on respecte des règles, donc c'est pour cela que… ça fait deux raisons, si vous voulez, de maintenir les écoles ouvertes.

JEFF WITTENBERG
Vous regrettez d'avoir allégé le protocole au mois de septembre, lorsqu'on avait décidé que finalement, lorsqu'il y avait des cas contacts, on ne fermait pas forcément les établissements ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Nous avons suivi, d'abord, ce que disait le Haut Conseil à la santé publique, et alléger le protocole a surtout signifié qu'on a fermé moins d'écoles, de collèges et d'établissements. Et pourquoi nous les avons fermés moins ? C'est parce qu'on constatait moins de contaminations. C'est vraiment par rapport à ces critères objectifs que l'on va continuer à travailler, c'est en fonction du nombre de contaminations que l'on fermera.

JEFF WITTENBERG
Merci beaucoup pour vos réponses ce matin Monsieur le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel BLANQUER…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous, il faut se serrer les coudes dans une période comme celle-là, je pense qu'on aura évidemment des inconvénients de vie quotidienne, cela va de soi, ce qui est important c'est que nos enfants et notre jeunesse ne pâtissent pas, ou en tout cas le moins possible, de la nouvelle situation.

JEFF WITTENBERG
Merci Jean-Michel BLANQUER.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 octobre 2020