Déclaration de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et de M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, sur les principales mesures budgétées dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, Paris le 23 novembre 2020.

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Circonstance : Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 en nouvelle lecture, à l'Assemblée nationale le 23 novembre 2020

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (nos 3551, 3587).

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Eu égard à tout ce que le débat parlementaire a permis d'apporter au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, d'abord dans cet hémicycle il y a un mois, puis au Sénat plus récemment, c'est bien une nouvelle lecture du texte qui débute cet après-midi.

Le présent PLFSS est, à bien des titres, exceptionnel. C'est la preuve que les textes examinés, débattus et adoptés dans l'hémicycle ont quelque chose à voir avec la vie de nos concitoyens, elle aussi exceptionnelle depuis plusieurs mois. Ce texte traduit des choix clairs. Nous aurions pu en faire d'autres : serrer la vis, réduire la voilure ou couper le robinet,…

M. Pierre Dharréville. Ça, vous savez le faire !

M. Olivier Véran, ministre. …la langue française étant riche d'expressions pour qualifier l'austérité. Ce choix de l'austérité, dont les conséquences auraient évidemment été dramatiques, nous ne l'avons pas fait. Protéger nos concitoyens face à un virus qui a déjà fait plus de 45 000 morts dans notre pays, soutenir l'hôpital et tous les soignants, faire avancer la société en consacrant des droits nouveaux, réarmer notre protection sociale, voilà le choix que nous avons fait.

Au moment où nous débutons cette nouvelle lecture, certaines mesures sont désormais stabilisées. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie – ONDAM – pour 2020, qui avait déjà été majoré de 10,1 milliards d'euros dans le texte initial, a été augmenté de 3,2 milliards supplémentaires lors de la première lecture, de manière à tenir compte des surcoûts liés à la crise du covid-19 et à accélérer la revalorisation des salaires de nos soignants.

Un accord a d'ores et déjà été trouvé entre votre assemblée et le Sénat sur plusieurs articles, et non des moindres. Je suis notamment satisfait du vote conforme de l'article relatif aux revalorisations dans les EHPAD, qui s'établiront à 183 euros net par mois dans les EHPAD publics et privés à but non lucratif et à 160 euros net par mois dans les EHPAD privés à but lucratif. Nous sommes tous conscients de l'enjeu que représentent le grand âge et l'autonomie dans notre pays, et de l'engagement de ceux qui interviennent auprès de nos aînés ; il ne se trouvera personne sur vos bancs pour estimer que ces augmentations sont injustifiées. Nous pouvons également nous féliciter de l'adoption conforme de l'allongement du congé paternité ; le titre correspondant a été voté à la quasi-unanimité dans les deux chambres.

Un accord a également été trouvé pour vingt-sept autres articles. Je citerai notamment le financement de la prime covid pour les salariés des services d'aide et d'accompagnement à domicile, la création d'une mission d'intérêt général pour lutter contre les violences faites aux femmes – Élisabeth Moreno et moi nous sommes rendus tout à l'heure à l'hôpital Bichat, qui a ouvert une nouvelle maison pour accompagner les femmes victimes de violences –, ou encore la garantie du tiers payant et du secret pour les frais liés à une interruption volontaire de grossesse – IVG.

Le Gouvernement appellera à l'aménagement de quelques articles sur lesquels un accord avec le Sénat est tout proche. Je pense notamment à certaines dispositions relatives à la lutte contre la fraude.

En revanche, d'autres dispositions adoptées par le Sénat ne peuvent être soutenues. Le relèvement de l'âge de départ à la retraite, pour ne citer que celle-ci, ne me semble pas trouver sa juste place dans ce PLFSS.

De même, s'agissant du financement inédit de l'effort de revalorisation des métiers de l'aide à domicile, si vitaux pour l'accompagnement des personnes âgées, il nous paraît indispensable de revenir à un dispositif qui respecte la compétence des départements. Nous visons très clairement une hausse des salaires sur l'ensemble du territoire national, mais ce n'est pas en déresponsabilisant les premiers responsables que nous améliorerons la politique de l'autonomie. Sachant à quel point vous y êtes attachés, je tiens à réaffirmer que l'objet de cette aide est, sans ambiguïté, de financer l'augmentation des salaires. En agréant l'avenant no 44 à la convention collective de la branche de l'aide à domicile, nous venons d'apporter la preuve de notre ambition en la matière.

Nous devrons également nous interroger sur la création d'une branche autonomie spécifique à la filière agricole – je m'en suis entretenu avec M. Pascal Cormery, président de la caisse centrale de la MSA, la Mutualité sociale agricole. Conformément à sa vocation, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, CNSA, continuera à agir en faveur de l'ensemble des personnes âgées et des personnes handicapées, quel que soit le régime de sécurité sociale auxquelles elles sont affiliées. Autrement dit, les salariés et non-salariés agricoles sont couverts, sans ambiguïté. Cela ne remet aucunement en cause le rôle fondamental de la MSA dans les territoires en matière de mise en oeuvre des politiques de santé et de soutien à l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Pour lever toute ambiguïté, je vous inviterai à réaffirmer avec force que la création de la branche autonomie ne dépossède en rien les caisses de la MSA de leurs missions et de leurs actions concourant à la prise en charge de la perte d'autonomie.

Enfin, comment ne pas regretter la suppression de la reprise de dette des hôpitaux, dont le but était de permettre aux établissements de retrouver de la visibilité et des marges de manoeuvre ? Par ce vote, sur lequel le Gouvernement vous appellera à revenir, le Sénat a fait disparaître de ce PLFSS 13 milliards d'euros destinés au soutien des hôpitaux !

Mesdames, messieurs les députés, nous avons du pain sur la planche. Ce PLFSS d'exception donne lieu à des débats parfois vifs, mais toujours passionnés. Je me réjouis de constater que l'hôpital, les soignants, la famille, le grand âge, l'autonomie mobilisent pleinement les représentants de la nation. Il n'en faudra pas moins pour permettre à notre système de santé et à notre protection sociale dans son ensemble de faire face aux chocs et pour construire des fondations solides pour les années à venir.

Les grandes politiques sociales de la France s'élaborent souvent dans l'adversité – la sécurité sociale n'a pas été créée dans une période de calme et d'opulence. Soyons à la hauteur d'un défi historique, soyons dignes de ceux qui nous ont précédés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics. Depuis la présentation qui vous en a été faite le 21 octobre dernier, ce PLFSS a donné lieu, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, à des échanges nombreux et nourris, qui ont permis de l'enrichir substantiellement. Je ne reviens pas sur son contenu – vous le connaissez désormais parfaitement. Je souhaite plutôt insister sur les principales modifications que nous souhaitons lui apporter, à la suite de son examen en première lecture par le Sénat.

Je souhaite tout d'abord évoquer l'évolution de la prévision de croissance pour 2021 et son impact sur les comptes de la sécurité sociale. Nous sommes attachés, vous le savez, au principe de sincérité budgétaire et de bonne information du Parlement. Nous avons veillé à actualiser au fil de l'eau les articles du PLFSS en fonction des décisions prises par le Gouvernement et de l'évaluation de leur incidence sur les finances sociales. Nous avons ainsi révisé l'ONDAM pour 2020 – une première fois devant votre assemblée, puis de nouveau au Sénat – et les prévisions de recettes pour 2020 – au Sénat –, pour tenir compte de la nouvelle période de confinement.

Mardi dernier, nous avons saisi le Haut Conseil des finances publiques – HCFP – sur les perspectives de croissance pour 2021. Nous faisons désormais l'hypothèse que le PIB augmentera de 6 % et la masse salariale, de 4,8 %, ce qui nous conduit à revoir les chiffres soumis au Sénat en première lecture. Nous ne modifions pas l'ONDAM pour 2020, qui ne nous paraît pas remis en cause par les nouvelles hypothèses macroéconomiques que nous avons retenues, mais nous vous proposons une révision des recettes et, partant, des soldes pour 2021.

Ainsi, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – devrait s'établir à 35,7 milliards d'euros en 2021, soit une dégradation de 7,8 milliards par rapport à la prévision précédente. Cette dégradation est liée essentiellement – pour 6 milliards – à la contraction de la masse salariale dans le secteur privé et, dans une moindre mesure, à la diminution des prévisions de recettes fiscales du fait de l'ajustement de la prévision de croissance pour 2021.

Nous avons changé de période ; nous devons changer et ajuster nos repères. Il nous faut notamment travailler à de nouveaux outils de pilotage, plus efficaces, de nos finances publiques et renforcer notre capacité à redresser les comptes en sortie de crise, par exemple grâce à une approche davantage pluriannuelle des finances publiques. Nous nous y emploierons dans les semaines et les mois qui viennent, tant pour les finances sociales que pour les finances de l'État.

Je souhaiterais également revenir sur les adaptations nécessaires à la finalisation des dispositifs d'exonérations sociales destinées aux entreprises touchées d'abord par le couvre-feu, ensuite par le confinement. En première lecture, vous avez adopté un amendement gouvernemental visant à instaurer un dispositif exceptionnel d'exonérations sociales sur le modèle de celui adopté cet été dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative – PLFR3. Lors de la première lecture au Sénat de l'examen du PLFSS pour 2021, nous avons modifié ce dispositif pour l'adapter aux nouvelles mesures sanitaires, notamment celle du confinement. Les exonérations sociales sont étendues à l'ensemble des entreprises de moins de cinquante salariés ayant subi une interdiction d'accueillir du public, ainsi qu'aux travailleurs indépendants et aux exploitants agricoles des secteurs concernés. Ce point me paraît à souligner, étant donné qu'il avait fait débat et suscité interrogations et inquiétudes lors de l'examen du texte en première lecture à l'Assemblée.

Si vous le voulez bien, le dispositif sera complété par plusieurs amendements, afin de le prolonger par décret pour le mois de décembre 2020 et l'année 2021, de manière à adapter les conditions d'éligibilité des clubs sportifs professionnels à leurs spécificités, conformément aux annonces faites par le Président de la République. L'effort total au titre de ces mesures est estimé à 3 milliards d'euros supplémentaires. Il sera compensé par des crédits budgétaires de l'État au profit de la sécurité sociale.

Nous vous soumettrons également la possibilité de prolonger le dispositif, si besoin ajusté, par décret, ce qui nous permettrait de nous adapter à l'évolution des mesures sanitaires et ainsi de ne pas devoir faire attendre – si besoin était –, les entreprises concernées, le temps que de nouvelles mesures soient votées a posteriori. Nous préférons vous demander la possibilité de prolonger ce dispositif par décret, afin de pouvoir couvrir, secteur par secteur, toute éventuelle période de fermeture.

En parallèle de ces améliorations, nous souhaitons revenir au texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et ne pas maintenir les dispositifs d'exonérations sectoriels introduits au Sénat, car leur superposition avec les dispositifs de droit commun n'est pas justifiée. C'est le cas, par exemple, des exonérations de cotisations patronales pour les clubs sportifs professionnels, qui seront donc remplacées par l'adaptation du dispositif de droit commun que je viens d'évoquer. Et c'est également le cas des exonérations proposées pour les travailleurs non-salariés des secteurs de la vigne et de la canne à sucre, dont je confirme qu'ils sont bien éligibles au dispositif transversal.

Par ailleurs, un article introduit par le Sénat propose l'instauration de mesures paramétriques de redressement des comptes du système de retraite d'ici à 2030, afin de répondre au déficit structurel de la branche vieillesse. J'ai déjà eu l'occasion de le dire dans cet hémicycle, il est prématuré de s'engager dans cette voie sans un très large débat préalable avec les partenaires sociaux et les Français, et en l'absence de lisibilité complète des conséquences de long terme de la crise sanitaire sur le système de retraite ou de concertation en amont.

Le Conseil d'orientation des retraites – COR – a été chargé par le Premier ministre de réaliser le diagnostic actualisé de la situation financière du système de retraite. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'a pas proposé de mesure en la matière dans ce PLFSS. Cela ne remet pas en cause la nécessité de prévoir, en temps voulu, des mesures permettant de rétablir l'équilibre du système de retraite et de conforter la confiance que lui portent les Français. Mais nous estimons que ce n'est pas aujourd'hui et par ce texte que la question des retraites doit être abordée. Voilà pourquoi nous vous proposerons de ne pas maintenir les dispositions adoptées par le Sénat dans ce domaine.

M. Pierre Cordier. Il s'agit d'amendements d'appel de la part du Sénat !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Enfin, nous aurons peut-être, ce soir ou demain, des débats sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Sans nier l'existence de deux sphères distinctes de financement et de gouvernance, je n'estime pas souhaitable de rigidifier à l'extrême les relations entre l'État et la sécurité sociale. En effet, les assurés et les entreprises assujetties aux cotisations et aux contributions sociales d'une part, et les contribuables fiscaux d'autre part, sont bien souvent les mêmes. La présente crise, avec les exonérations de cotisations sociales massives que nous avons décidées, l'a bien montré.

De la même manière, lorsqu'il s'agit de la soutenabilité des comptes publics et de la qualité de la signature de la France, il n'y a, en définitive, qu'une seule caisse : celle des Français. C'est donc bien l'ensemble des finances du pays qui doit être pris en compte.

Ce débat sur une éventuelle étanchéité des sphères sociale et financière de l'État me paraît d'autant moins opportun cette année que la crise a très fortement et indifféremment dégradé les comptes des deux sphères et que nous avons fait le choix que l'État prenne entièrement à sa charge les dispositifs d'exonérations spécifiques à la crise sanitaire. L'effort budgétaire est d'une ampleur inédite, étant donné que l'enveloppe prévue par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 du 30 juillet s'élevait à 3,9 milliards d'euros et qu'aux termes du PLFR4, le montant final s'élève à 8,2 milliards d'euros pour 2020.

Vous l'avez compris, au-delà de nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, il conviendra évidemment de tirer les conséquences de la crise que nous traversons et de réfléchir à de nouvelles perspectives. Je suis convaincu, mesdames et messieurs les députés, que vous nous aiderez dans cette voie. Dans cette attente, je suis très heureux d'aborder avec vous la discussion générale de cette nouvelle lecture, puis l'examen des articles. (Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit.)


source http://www.assemblee-nationale.fr, le 1er décembre 2020