Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Secrétaires généraux,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Ma présence à votre Assemblée Générale d'automne me donne l'occasion de vous dire l'attention particulière que le Président de la République et le Premier Ministre portent aux artisans de notre pays. Elle m'offre aussi l'opportunité de partager avec vous l'ambition qui est la mienne pour les artisans français depuis ma nomination au sein du Gouvernement.
Mesdames et Messieurs, m'adresser à vous tous aujourd'hui en qualité de Ministre est pour moi – vous vous en doutez – assez singulier alors que j'ai souvent accueilli des Ministres (11 en 17 ans de Présidence) à l'occasion des Assemblées Générales de ce qui était à l'époque l'APCMA.
Lors de ma nomination au Gouvernement le 6 juillet dernier, j'ai ressenti avec intensité l'honneur qui m'était fait, mais depuis lors, je ressens surtout chaque jour la responsabilité qui est la mienne lorsqu'il faut prendre des décisions souvent lourdes de conséquences, responsabilité parfois frustrante quand il faut accepter des arbitrages, mais surtout exaltante et passionnante alors que l'opportunité m'est donnée, au seuil d'une vie de travail et d'engagements, de participer à la conduite des affaires de mon pays, confronté à une crise sanitaire, économique et sociale inédite, qui appelle de la solidité et de l'expérience.
C'est donc dans cet état d'esprit lucide, mobilisé et responsable, que je souhaite vous faire part des grands défis qui sont devant nous aujourd'hui.
Je dis bien devant NOUS, car les défis à relever sont immenses et ne laissent pas la place aux querelles ou aux dissensions mais appellent au contraire l'unité et la cohésion de tous, particulièrement de la part des établissements publics de l'Etat que sont les Chambres de Métiers et de l'Artisanat, pour écouter, conseiller et accompagner les entreprises artisanales.
Vous comprendrez aisément que la priorité fixée par le Président de la République a comme premier objectif de préserver l'essentiel : la santé des français.
Mais, ce principe étant posé, j'ai la conviction que c'est en soutenant les entreprises, que l'on peut garantir ce qui est indispensable : la solidité de l'économie du pays dont nous portons ensemble sur nos épaules un pilier essentiel, celui de l'artisanat et des entreprises de proximité.
Dans ce contexte si particulier, en ce qui concerne les entreprises artisanales et les Chambres de Métiers, 4 sujets m'apparaissent prioritaires :
1. Surmonter la crise en étant attentif à la situation des plus fragiles
2. Accompagner la transformation des artisans et réussir la relance
3. Améliorer la formation des artisans et des travailleurs indépendants
4. Réussir la régionalisation en affectant les ressources au plus près des besoins des artisans.
1er sujet : Surmonter la crise en étant attentif à la situation des plus fragiles
Sur ce point l'action du Gouvernement repose sur deux axes majeurs :
- un accompagnement économique rapide et massif auquel nous consacrons chaque mois plusieurs dizaines de milliards d'€ du budget de la Nation,
- un soutien de proximité dont vous êtes le maillon essentiel.
* Accompagnement économique :
Chômage partiel, fonds de solidarité, prêt garanti par l'Etat, exonération et report de cotisations sociales, crédit d'impôt loyers, plan tourisme, mesures prenant en compte la situation particulière de chaque branche, accès simplifié à la commande publique locale… : toutes ces mesures sont des conquêtes âprement négociées dans le débat interministériel.
La France est le seul pays en Europe à avoir aidé aussi massivement et dans la durée les entreprises, en particulier les TPE-PME : 7,6 milliards d'euros versés au titre du fonds de solidarité à près de 2 millions d'entreprises de mars à octobre auxquels s'ajouteront près de 6 milliards en novembre, 130 milliards d'euros de PGE, 14 millions de salariés soutenus grâce à l'activité partielle, soit la moitié de la population active du pays.
Aux Etats-Unis, en sept semaines seulement, entre mi-mars et début mai dernier, 33,5 millions de personnes se sont inscrites au chômage, soit plus de 21% de la population active occupée.
Les résultats de cet accompagnement économique voulu par le Président de la République « quoiqu'il en coûte », sont là : même s'il faut regarder lucidement ce qui est devant nous, jusqu'ici, le tissu artisanal a tenu et s'est maintenu. Néanmoins, je suis parfaitement conscient des difficultés rencontrées par les entreprises en particulier lors des périodes de confinement et de fermetures administratives souvent vécues comme injustes, étant contraires aux valeurs portées par les entrepreneurs, en particulier la valeur travail.
Dans ce contexte, j'ai noté les milliers d'appels sortants passés à vos ressortissants : c'est bien certes, mais je dois vous dire ici que ce n'est pas encore suffisant. Pas une semaine depuis ma nomination, sans que j'échange avec des artisans qui ne connaissent pas les dispositifs auxquels ils ont droit. Nous le savons tous ici : énormément d'artisans sont à la recherche d'informations et selon leur secteur d'activité ou leur territoire, ils n'ont pas tous le même accès aux informations. Je vous invite à vérifier en faisant un sondage autour de vous et à mobiliser vos équipes sur cet objectif absolument essentiel à mes yeux.
* Soutien de proximité :
Chacun sait ici que les artisans sont des hommes et des femmes qui se donnent beaucoup à leur tâche mais qui se sentent aussi souvent seuls. N'avoir aucune perspective de servir le moindre client pendant des semaines tandis que les charges fixes demeurent et qu'il y a des bouches à nourrir à la maison, c'est souvent très lourd à supporter. Si l'aide financière est essentielle, elle ne peut être l'unique réponse aux situations de détresse individuelle des artisans.
Je veux le dire avec gravité : nous devons tout faire pour éviter des drames familiaux et humains dans les territoires. Le « quoiqu'il en coûte » doit également s'appliquer à l'accompagnement personnel des artisans.
L'Etat prend sa part avec le numéro unique pour l'écoute des dirigeants d'entreprises en difficulté. Les CMA ont également un rôle de premier plan à jouer partout dans chaque département, au plus près du terrain, c'est là qu'on mesure la réelle proximité de l'action.
* Prévention et détection des entreprises en difficulté
Il y a un travail essentiel à mener – et j'en fais une de mes priorités – pour mieux détecter les premières difficultés des entreprises et appliquer des solutions adaptées et immédiates afin de ne pas laisser se dégrader les situations. Je me félicite d'avoir l'oreille attentive du Garde des Sceaux qui est également mobilisé pour un travail conjoint sur cet objectif.
2e sujet : Accompagner la transformation des artisans et réussir la relance
Ce sujet/défi, c'est celui qui me donne l'occasion de partager avec vous l'ambition qui est la mienne pour les artisans français :
à la fois,
préserver les traditions et les savoir-faire ancestraux,
et
saisir toutes les opportunités nouvelles pour faire évoluer leurs métiers et séduire une clientèle plus exigeante, plus nombreuse, plus connectée.
Au 1er rang des opportunités, la numérisation des entreprises artisanales est un impératif catégorique :
La crise touche particulièrement les TPE et PME, et a mis en avant leur besoin urgent de se numériser, notamment pour favoriser leur montée en gamme et leur compétitivité. Le plan France Relance prévoit un programme ambitieux pour les accompagner dans leur transition numérique, avec des dispositifs adaptés à leurs besoins.
La numérisation des entreprises est un enjeu de compétitivité et de productivité de notre économie : la digitalisation des processus internes, de la communication ou encore des modes de distribution des entreprises offre un potentiel de croissance à conquérir.
A ce jour, les indicateurs du numérique ne sont pas satisfaisants :
- Seulement 34 % des dirigeants de TPE de 1 à 9 salariés déclarent que la transformation numérique est déjà déployée ou en cours de déploiement. (Etude Août 2019 CPME/Sage) ;
- La France est classée seulement en 15e position sur 28 Etats membres de l'UE au niveau de la compétitivité numérique et 11e au niveau de l'intégration de la technologique numérique par les entreprises (Digital Economy and Society Index, 2020).
L'ambition du Gouvernement en matière de numérisation des TPE / PME n'est pas de faire un petit pas de plus mais bien de provoquer un saut qualitatif et quantitatif majeur dans lequel 1 million de TPE – et parmi elles, je l'espère de nombreuses entreprises artisanales – s'engageront dans les 18 mois qui viennent pour gagner la bataille de la compétitivité numérique.
La relance voulue par le Président et par le 1er Ministre passe également par un soutien fort aux commerces et à l'artisanat dans les territoires :
Alors que la crise touche directement les très petites entreprises, notamment dans les secteurs du commerce et de l'artisanat, la relance doit pouvoir les accompagner spécifiquement tout en participant à la redynamisation de nos territoires et des centres-ville. Sur les 100 milliards du plan de relance, 40 bénéficieront directement ou indirectement aux TPE-PME.
La crise sanitaire a été particulièrement dure pour les établissements ayant fait l'objet de fermetures administratives, malgré les mesures de soutien d'urgence mises en place par le gouvernement. Pour accompagner la reprise de ces très petites entreprises, notamment des secteurs du commerce et de l'artisanat, plusieurs outils sont prévus afin d'en faire des acteurs de la redynamisation des territoires : il s'agit notamment d'accompagner la mise en place de foncières commerciales en soutenant leur exploitation en vue de résorber la vacance commerciale des centres de villes moyennes. Cette mesure permettra de redynamiser des centres de villes moyennes avec la rénovation de 6 000 cellules commerciales proposées à des loyers modérés.
Les entreprises du bâtiment vont être particulièrement concernées par les mesures de soutien à l'amélioration de la performance énergétique des équipements publics comme des logements privés. Elles bénéficieront également de l'allégement des contraintes pour accéder à la commande publique.
Les entreprises elle-même seront accompagnées pour la réalisation de travaux d'amélioration énergétiques de leurs locaux et de leur process de production.
3e sujets : Améliorer la formation des artisans et des travailleurs indépendants : Formation des apprentis :
Le Gouvernement a apporté un soutien massif aux employeurs d'apprentis grâce aux aides décidées dans le cadre du plan de relance : 5000 € pour la première année de contrat d'un apprenti mineur ; 8000 € pour un apprenti majeur.
Grâce à cette action volontariste du Gouvernement et à la mobilisation des chambres, des CFA et des employeurs, la rentrée 2020 a été préservée. Ainsi, à fin octobre 2020, l'effectif d'apprentis dans les CFA des CMA est en hausse de + 3,5 % en moyenne nationale par rapport au 30 octobre 2019. L'objectif annuel des 100 000 apprentis formés est quasi atteint.
Au niveau national, les effectifs d'apprentis atteignent, voire dépassent le niveau atteint fin 2019, année qui avait pourtant déjà vu le nombre d'apprentis progresser de 16%.
Pour maintenir la bonne dynamique actuelle de l'apprentissage, le Gouvernement a décidé de ne pas modifier les coûts contrats qui régissent le financement des centres de formation d'apprentis (CFA) avant la rentrée 2022.
C'est une décision forte et qui, je le sais, était attendue. Elle n'était pourtant pas évidente à prendre, car les dépenses augmentent significativement du fait des aides et des niveaux des coûts contrat déterminés par les branches, et de l'autre côté, les ressources diminuent du fait de l'impact de la crise sur la masse salariale et donc de la baisse de la collecte de la contribution pour la formation professionnelle. Ce qui représente un effort de l'Etat à hauteur de 2 milliards d'€.
* Formation des travailleurs indépendants :
Les impacts de la crise sanitaire sur les travailleurs indépendants rendent encore plus urgents et nécessaires les fonds liés à la formation ou à la reconversion professionnelle.
Le plan de relance implique également des investissements majeurs dans des secteurs (comme la rénovation énergétique) qui nécessitent une formation accrue des professionnels ou des futurs professionnels.
Je serai donc vigilant à ce que les conseils de la formation et le fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales puissent avoir les ressources nécessaires pour financer aux artisans et à leurs conjoints les formations dont ils ont besoin, et que naturellement la totalité des fonds perçus soit réellement mobilisée en veillant à des coûts de gestion et de formation qui permettent d'augmenter fortement le nombre de bénéficiaires.
Je sais que le transfert de la collecte des contributions pour la formation professionnelles des DRFiP aux Urssaf en 2018 a suscité beaucoup de difficultés de mise en oeuvre, dont certaines ne sont pas encore totalement résolues.
En lien avec Elisabeth BORNE et Olivier DUSSOPT, je suis particulièrement attentif à ce sujet.
J'ajoute à ce 3e sujet consacré à la formation, mon souhait que chaque Chambre soit exemplaire dans l'insertion professionnelle des jeunes.
Je vous invite à prendre toute votre part – et même un peu plus – à la mise en oeuvre du plan « un jeune, une solution ». Pour un jeune, s'engager dans la voie de l'apprentissage et embrasser une carrière d'artisan, c'est plus qu'une solution, c'est une réelle opportunité, une chance de réussite, et pour les plus courageux et les plus créatifs, une garantie de succès.
4e et dernier sujet : Réussir la régionalisation du réseau des CMA en affectant les ressources au plus près des besoins des artisans.
Sur ce sujet qui a fait couler beaucoup d'encre, je veux être très clair avec vous : il n'est plus temps de chercher à rejouer le match de la loi PACTE. La réforme de la régionalisation correspond à la volonté du Gouvernement et du législateur et elle se fera.
Je souhaite simplement revenir avec vous à l'esprit de cette réforme et en partager à nouveau le sens profond. Régionaliser les Chambres, ce n'est pas – comme j'ai pu l'entendre ici et là – vouloir éloigner du terrain et bureaucratiser, c'est précisément le contraire.
Regrouper les fonctions administratives – le back-office dit-on à Bercy – au niveau régional, c'est précisément permettre au niveau local de se concentrer sur sa relation aux artisans et au territoire et sur les services à leur rendre pour apporter la réponse la plus adaptée à leurs besoins.
Régionaliser c'est non seulement donner un sens nouveau à l'action territoriale mais c'est surtout lui donner plus d'impact et plus de force en gagnant en visibilité auprès des autres acteurs des territoires.
Les élections municipales sont désormais passées, les exécutifs locaux sont en place et ils sont – j'en suis persuadé – en attente pour conclure des partenariats durables avec les Commissions territoriales que vous mettrez en place dès le 1er semestre 2020, car rassurez-vous, les décrets sont prêts et le Journal Officiel vous les livrera bientôt.
Je n'ignore pas que la parfaite réussite de ce processus vertueux de régionalisation passe aussi par une adaptation de vos organisations qui soit expliquée et comprise par les équipes qui auront à la conduire. Je vous invite à ce titre à privilégier un dialogue social exigeant et responsable où chacun se sente écouté et respecté pourvu qu'il contribue loyalement à l'oeuvre commune.
Mesdames et Messieurs, en 2021, je n'ignore pas que vous aurez aussi à faire face à l'échéance des élections dans chacune de vos chambres et que beaucoup ont déjà cela en tête.
Je sais aussi que certains auraient aimé que ces élections soient reportées et j'assume ici devant vous la décision que nous avons prise avec Bruno LE MAIRE, de maintenir le calendrier électoral en l'état car rien de sérieux ne justifiait qu'il en soit autrement.
Personne ici ne doit craindre ces élections : elles sont un rendez-vous démocratique permettant pour certains de faire valoir un bilan et pour tous de présenter des projets.
Je souhaite néanmoins partager avec vous ma forte préoccupation sur l'abstention massive à ces élections et vous inviter à relever le défi de la participation : moins de 15 % de participation au niveau national, 3 % de participation dans certains départements… aux dernières élections. Cela nécessite sûrement une meilleure mobilisation des artisans.
Enfin, Monsieur le Président, j'entends votre supplique budgétaire pour obtenir une rallonge à laquelle vous estimez avoir droit mais il me faut – là encore – rappeler quelques vérités. Un accord a été pris et respecté. Cette année CMA France n'a pas eu à mettre en oeuvre un plan de communication de 2,5 M€ et j'ai décidé ces derniers jours d'accorder des moyens supplémentaires dédiés à l'accompagnement des Chambres de Métiers sur le dossier de la transformation et la numérisation des entreprises : toucheront cet argent, ceux qui font concrètement les choses ce qui me parait être un bon principe.
Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, bon nombre de dispositifs seront accessibles : il ne tient qu'à vous d'y répondre pour aller chercher les ressources supplémentaires et surtout d'accompagner encore plus fortement les entreprises artisanales.
Conclusion
Ces 4 grands sujets, Mesdames, Messieurs les Présidents, sont autant de défis que je vous invite à relever ensemble.
J'entretiens avec vous depuis toujours une relation d'une grande franchise qui nous a conduits à nous dire les choses, depuis que je suis entré au Gouvernement, avec une certaine vivacité. C'est mon tempérament et c'est pour moi un gage d'efficacité. Mais je veux que chacun sache ici que je suis avant tout un homme d'écoute et de dialogue et que je suis convaincu que notre relation – celle du réseau des CMA et du Gouvernement – ne peut pas se concevoir comme un rapport de force mais bien au contraire comme une volonté partagée de servir au mieux des artisans français confrontés aux défis que je viens d'aborder.
Cela suppose que chacun tienne son rang et respecte les règles.
Alors seulement d'autres chantiers pourront s'ouvrir sereinement entre nous : des chantiers de vie quotidienne pour nos artisans, comme ceux de la qualité, des qualifications, du répertoire unique mais également des chantiers de fonds sur lesquels le Président de la République m'a prié de lui proposer des avancées significatives pour améliorer l'environnement social, fiscal et réglementaire des artisans et indépendants en leur ouvrant de nouveaux droits.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, ces défis à relever nécessitent une véritable volonté politique : elle est là, bien présente, et je veux vous dire à l'occasion de votre Assemblée Générale combien la mobilisation ardente de chacune et chacun d'entre vous sera décisive pour transformer cette volonté en succès personnels pour la 1ère entreprise de France, celle que nous servons vous et moi depuis tant d'années avec la même ardeur et la même fidélité.
Je vous remercie.
Source https://www.jardinerie-animalerie-fleuriste.fr, le 15 décembre 2020