Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique c'est Emmanuelle WARGON, bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
EMMANUELLE WARGON
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Ministre déléguée chargée du Logement, on est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale, représentée par Pascal JALABERT.
PASCAL JALABERT
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Pascal, des journaux du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France. Et justement on va commencer, en parlant des journaux du groupe EBRA, "nous reprenons le contrôle de l'épidémie", c'est ce que déclare Olivier VERAN dans une interview aux journaux du groupe EBRA, alors évidemment le ministre la Santé appelle à la prudence, dit qu'il est trop tôt pour relâcher nos efforts, mais est-ce que, quand même, on peut espérer voir le bout du tunnel de ce second confinement ?
EMMANUELLE WARGON
Je pense que ça veut dire deux choses très importantes. La première c'est que les efforts qu'on fait servent, c'est-à-dire qu'il y a une différence entre ce qui se passait avant ce nouvel épisode de confinement et ce qu'on voit dans les 15 jours qui viennent de s'écouler. Et puis la deuxième c'est que si on continue on a de bonnes chances de pouvoir retrouver progressivement plus de normalité, mais qu'il faut continuer encore un petit peu, d'où le rendez-vous donné le 1er décembre.
PASCAL JALABERT
Oui, avec une déclaration de la sorte et puis une amélioration des chiffres, notamment en réanimation, est-il aujourd'hui possible de demander, au-delà du mois de décembre, du 1er décembre, aux Français de continuer à restreindre, comme ça, une partie de leur vie ?
EMMANUELLE WARGON
Notre objectif c'est vraiment de pouvoir rouvrir le plus de commerces et d'activités économiques à partir du 1er décembre, je pense aussi aux agences immobilières, dont moi j'ai la charge, qui pour l'instant ne peuvent pas faire de visites, après, je crois qu'il va falloir inviter aussi une manière de vivre de façon intermédiaire avec quelques restrictions, qui probablement resteront, pour que nous ne soyons pas toujours en train de voir le virus augmenter, reprendre le contrôle, se redonner un peu d'oxygène, et donc c'est cette partie-là qu'il faut inventer à partir de décembre.
ORIANE MANCINI
Mais il est beaucoup question de l'acceptabilité de ces mesures par les Français, on imagine que ça préoccupe aussi au gouvernement, est-ce qu'avec des déclarations comme celle-là, disant que malgré tout la situation s'améliore, que le pic de l'épidémie c'était vendredi dernier, est-ce que ça va être compliqué de faire accepter aux Français que les commerces ne rouvrent pas le 1er décembre si tel est le cas ?
EMMANUELLE WARGON
Je crois que c'est aussi important de montrer que nos efforts payent. Ce sont de gros efforts, c'est très difficile, ça met beaucoup d'activités économiques en difficulté, ça restreint aussi nos libertés individuelles, de se déplacer, de rencontrer des amis, la question des cultes, qui a été posée fortement ce week-end, c'est important de montrer qu'on ne fait pas tout ça pour rien et que c'est encourageant que l'épidémie progresse moins vite que dans la période précédente, et ça montre aussi l'utilité de ces mesures. Donc, moi je pense que les gens sont responsables et comprennent, je trouve qu'au contraire les Français respectent globalement, bien sûr c'est parfois difficile, mais on a besoin de transparence aussi, je crois que c'est important de parler aux gens comme à des adultes.
ORIANE MANCINI
Et, puisque vous parlez des cultes, on a vu la mobilisation des catholiques, notamment ce week-end, pour demander à ce que les messes puissent se tenir, est-ce que vous vous êtes pour accorder aux catholiques le droit d'aller à la messe ?
EMMANUELLE WARGON
Moi je trouve très bien que la réunion ait lieu aujourd'hui entre les représentants des cultes et le gouvernement, ça sera discuté aujourd'hui, ça fait partie de tous les sujets de restrictions qu'il faut qu'on traite globalement, pas spécifiquement pour les cultes, plutôt que sur d'autres sujets, donc j'attends de voir aussi ce qui sortira de la concertation, mais je pense qu'il faut qu'on soit, qu'on tienne encore. Je pense que le principal message c'est tenir encore un peu, dans les restrictions dans lesquelles nous sommes.
PASCAL JALABERT
Si les catholiques aiment à faire la démonstration que dans une église on peut tenir la distanciation sociale, 1 siège sur 2 ou sur 3, pourquoi pas les cinémas et les théâtres ?
EMMANUELLE WARGON
C'est pour ça que je dis que, à mon avis, l'important c'est de tenir dans le système dans lequel nous sommes, encore quelques jours…
ORIANE MANCINI
Donc il ne se passera rien avant le 1er décembre ?
EMMANUELLE WARGON
La réunion avec les cultes a lieu cet après-midi, le gouvernement écoute, et donc on a fait beaucoup d'ajustements successifs, mais l'esprit dans lequel nous sommes c'est de tenir ces restrictions encore quelque temps pour soulager notre système hospitalier et aussi simplement parce que la maladie progresse, et moi je pense aux personnes qui sont malades, avec une forme grave de la maladie, à leurs proches, nous leur devons ça.
ORIANE MANCINI
Et sur Noël, évidemment de Noël ça inquiète les Français, est-ce que le gouvernement pourra dire "oui, vous pourrez aller passer Noël en famille", c'est à ça que travaille le gouvernement, ça on l'a bien compris, mais est-ce que dès le 1er décembre vous pourrez dire ça aux Français ?
EMMANUELLE WARGON
Bien sûr qu'on espère pouvoir donner un message positif sur les fêtes, mais là encore c'est trop tôt.
ORIANE MANCINI
Un mot sur le vaccin. Jean CASTEX, dans une interview au Monde ce week-end, a dit craindre que les Français ne se fassent pas assez vacciner, est-ce que vous partagez sa crainte et son inquiétude ?
EMMANUELLE WARGON
Ce qui est sûr c'est qu'on a vu monter des inquiétudes face aux vaccins, aux vaccins au pluriel, tous types de vaccins confondus, dans les 10, 15 dernières années. Le vaccin, en fait, c'est un bénéfice individuel, mais c'est surtout un bénéfice collectif, donc il faut que chacun accepte un geste, pour soi-même, et pour les autres. Là, compte tenu de ce qu'est le Covid, de la menace que ça fait peser sur nos vies quotidiennes, je me dis que la vaccination sera probablement plus attendue et donc plus acceptée, mais ça revient à cette question du civisme, de notre capacité à faire quelque chose pour nous et pour les autres.
PASCAL JALABERT
Alors, sur les vaccins, il y a déjà quatre vaccins obligatoires en France, faudra-t-il le rendre obligatoire ?
EMMANUELLE WARGON
Pour l'instant on n'en est pas là, pour l'instant on attend les premiers vaccins, les premières autorisations de mise sur le marché, la première diffusion, la première question c'est d'abord une vaccination facultative et on verra comment les Français s'y engouffrent.
PASCAL JALABERT
On peut garantir qu'il y en aura pour tout le monde, enfin pour tous ceux qui le désirent du moins ?
EMMANUELLE WARGON
C'est difficile de répondre à la question quand et comment, d'abord il y a plusieurs vaccins en compétition, vous le savez, il y a plusieurs entreprises pharmaceutiques qui développent des vaccins qui sont différents…
PASCAL JALABERT
Oui, PFIZER, ASTRAZENECA…
EMMANUELLE WARGON
Certains ont besoin d'une chaîne du froid extrêmement dure, puisqu'ils sont à -80 degrés, d'autres sont des vaccins plus classiques, donc ce qui est sûr c'est que tous les gouvernements, en France et en Europe, puisqu'il y a une belle initiative européenne sur le sujet, se mobilisent pour que, quand les vaccins arrivent, ils soient disponibles. Mais après la question c'est aussi celle que vous posiez, de l'acceptabilité, moi je crois qu'il y a une attente en fait du vaccin, et on le voit d'ailleurs sur le vaccin anti grippe, cette année c'est la première fois…
ORIANE MANCINI
Donc vous êtes moins pessimiste que Jean CASTEX ?
EMMANUELLE WARGON
C'est, encore une fois, c'est difficile de répondre à une question qui ne s'est pas encore complètement posée, mais il me semble qu'aujourd'hui il y a une attente.
ORIANE MANCINI
Mais sur l'obligation, par exemple Gérard LARCHER, le président du Sénat, a été très clair hier, il a dit "moi je suis favorable à la vaccination obligatoire si nécessaire", est-ce que vous vous êtes aussi sur cette position ?
EMMANUELLE WARGON
Moi je crois que la question ne se pose pas comme ça maintenant, que la question qui se pose c'est l'arrivée du vaccin, la disponibilité du vaccin, le début des campagnes vaccinales, et que c'est seulement dans quelques mois aussi, quand on verra de quel vaccin on parle, quelle efficacité, que ce sera plus facile de répondre à la généralisation.
ORIANE MANCINI
Un mot sur un autre sujet d'actualité, c'est la politique migratoire, et Nicolas SARKOZY, qui vendredi soir, sur BFM TV, a dit qu'il faut, au moins pour un temps, stopper les flux d'immigration, réfléchir à la question d'un moratoire, de brève durée, et mettre ce temps à profit pour discuter de la politique migratoire et envoyer le message aux Français qu'on a compris leur inquiétude, c'est ce qu'a dit l'ancien président. Est-ce que ce serait une bonne solution pour vous ce moratoire ?
EMMANUELLE WARGON
Moi je crois que c'est… je ne crois pas que ça fonctionne, d'abord parce que l'immigration c'est, soit de l'immigration économique, et on a toujours besoin d'immigration économique, soit des étudiants qui viennent faire leurs études en France et la France est un grand pays en matière d'études, soit souvent du regroupement familial, et que dans ces trois cas cette immigration elle est légitime, et du coup je trouve que dire il suffit d'arrêter l'immigration pour que tout se passe mieux, ne me paraît pas être une bonne réponse à ce que nous vivons. Après, nous avons évidemment la question de savoir comment est-ce que les personnes qui arrivent en France, et qui arrivent notamment dans ces cas, immigration économique, immigration étudiante, regroupement familial, peuvent bien s'insérer, peuvent bien être prises en charge, et c'est vrai que cette question elle nous est toujours posée…
ORIANE MANCINI
Un mot juste sur l'immigration économique, puisque le gouvernement avait lui-même posé la question quand Edouard PHILIPPE était Premier ministre, de quotas pour l'immigration économique, est-ce que c'est quelque chose dont il faut rediscuter, qu'il faut remettre sur la table ?
EMMANUELLE WARGON
Ce qui est sûr c'est qu'on était, jusqu'à la crise du Covid, dans une période économique positive, avec un taux de croissance qui augmentait, un chômage qui diminuait, et du coup, aussi, des besoins de main-d'œuvre étrangère assez élevés, parce qu'on était, vous vous souvenez, et ça se voyait beaucoup, d'ailleurs beaucoup d'interviews régionales, "on n'arrive pas à recruter, il y a un certain nombre de métiers en tension", etc.
PASCAL JALABERT
Oui, par exemple dans les EHPAD on n'arrive pas à recruter, les EHPAD, l'aide à domicile, faut-il faire appel à de la main-d'œuvre étrangère ?
EMMANUELLE WARGON
Voilà, il y a toujours des secteurs dans lesquels c'est difficile de recruter, et où le fait d'avoir de la main-d'œuvre qui n'est pas française peut répondre à une partie des besoins de recrutement. Là, on va arriver à un moment de taux de chômage plus important, parce que crise économique, parce que baisse du PIB, donc la question de notre capacité à intégrer, en termes d'immigration économique, se pose de façon différente maintenant qu'il y a quelques temps, donc peut-être que ça se regarde plus. Mais, de toute façon…
ORIANE MANCINI
Donc il faut reposer la question de ces quotas ?
EMMANUELLE WARGON
La fermeture des frontières ne peut être qu'une question européenne, c'est la question de l'évolution de Schengen, et du coup je ne crois pas qu'il suffise de dire "désormais on reprend la main sur l'immigration", je pense que la question ne se pose pas comme ça.
ORIANE MANCINI
Mais il faut reposer la question des quotas ?
EMMANUELLE WARGON
En tout cas, sur l'immigration économique, je pense qu'on peut se reposer la question.
PASCAL JALABERT
Sur les retraites, le Sénat a décidé, ce week-end a voté un amendement pour prolonger l'âge légal de départ à 63 ans. Est-ce bien le moment ?
EMMANUELLE WARGON
Je crois que c'est de la pure provocation, franchement c'est de la pure provocation ce week-end, au milieu d'un PLFSS, le financement de la Sécurité sociale, la question des retraites elle ne se règle pas en deux amendements, elle nécessite la question générale de l'équilibre à très long terme de nos régimes de retraite, c'est la question que nous posions avec l'universalité, et du coup dire "on règle le sujet des retraites", juste avec un amendement, "à 63 ans"…
PASCAL JALABERT
Donc il faut ranger le dossier jusqu'à la prochaine présidentielle ?
EMMANUELLE WARGON
Non, mais en tout cas l'ouvrir, globalement, avec à la fois la question de l'universalité, parce que tous nos régimes de retraite morcelée qui font quand vous faites une carrière, un peu public, un peu privé, un peu salarié, un peu indépendant, en fait vous vous perdez dans les interstices des régimes de retraite, et la question de la durée elle se pose aussi sur la durée du cycle de vie, donc dire, entre deux amendements, entre la poire et le fromage, "on règle le sujet des retraites", ça ne me paraît pas très responsable.
ORIANE MANCINI
Pour vous c'est de la provocation, est-ce que ce n'est pas le moyen de mettre le gouvernement face à ses responsabilités quand on voit le déficit des régimes de retraite, le COR le chiffre à 25 milliards, est-ce qu'à un moment il ne va pas falloir s'attaquer à ce problème, et quand Gérard LARCHER dit "finalement c'est un amendement vérité, évidemment que pour régler la question de l'équilibre il va falloir poser la question de l'âge de départ à la retraite", est-ce qu'il n'a pas raison ?
EMMANUELLE WARGON
Pour l'instant notre sujet c'est la crise, la réponse à la crise, on a des projets de loi de finances et des projets de loi de finances de la Sécurité sociale qui sont totalement différents de d'habitude, avec des déficits plus élevés, avec des dépenses plus élevées, avec moins de recettes, on est face à l'urgence, on n'est pas au moment où en parallèle…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que reculer avant de traiter ce problème ce n'est pas l'aggraver ?
EMMANUELLE WARGON
On a aussi besoin d'un consensus, on a aussi besoin d'une négociation avec les partenaires sociaux, les partenaires sociaux sont mobilisés sur l'assurance chômage, les partenaires sociaux sont mobilisés sur le télétravail, ils ne sont pas mobilisés en urgence sur les retraites, maintenant on est à contretemps.
ORIANE MANCINI
Et la question se posera d'ici la fin du quinquennat ?
EMMANUELLE WARGON
La question se reposera peut-être, oui, mais là on est à contretemps.
ORIANE MANCINI
D'une réforme financière, pas seulement la réforme prévue à la base ?
EMMANUELLE WARGON
Ce que nous proposons c'est de lier la réforme financière et la réforme de structures.
ORIANE MANCINI
L'autre sujet c'est cet appel, appel des 110 maires de plusieurs villes qui adressent une lettre à Emmanuel MACRON en disant que les villes et les quartiers prioritaires restent un angle mort du plan de relance, ils demandent que 1% de ce plan de relance soit attribué "aux territoires en décrochage", ce sont leurs mots. Est-ce que le gouvernement va répondre à cette demande ?
EMMANUELLE WARGON
D'abord le gouvernement va les recevoir, ce qui est tout à fait légitime, ça a été une demande du président de la République.
ORIANE MANCINI
Vous avez une date ?
EMMANUELLE WARGON
Pas encore de date qui est fixée, mais dans les jours qui viennent. Ensuite, les quartiers doivent être un endroit dans lequel on investit particulièrement, c'est vrai dans le domaine qui est le mien, dans le logement, les discussions sont en cours, notamment avec l'ANRU, pour voir comment continuer…
ORIANE MANCINI
L'Agence nationale de rénovation urbaine.
EMMANUELLE WARGON
Pardon, l'Agence nationale de rénovation urbaine, qui a son deuxième très grand programme de rénovation, 10 milliards d'euros sur 10 ans, les discussions sont en cours pour voir si les besoins complémentaires existent, comment est-ce qu'on pourrait investir encore plus. On a besoin de revoir à la fois les lieux de vie, la manière dont on habite, la modernisation des quartiers, et aussi le tissu associatif, les maires ont raison, il y a besoin de soutenir le tissu associatif dans les quartiers, et d'ailleurs pas que dans les quartiers, et ma collègue Olivia GREGOIRE travaille sur le soutien aux petites associations, partout en France, ces associations sont vitales dans les quartiers de la politique de la ville, mais elles sont aussi vitales dans les bourgs de taille moyenne, dans les périphéries, un peu partout sur le territoire français. Et cet appel à la solidarité, qui concerne aussi les personnes les plus en difficulté, il faut l'entendre dans cette période, on en a vraiment besoin.
ORIANE MANCINI
Dans votre domaine du logement, de quelle manière vous allez l'entendre cet appel, qu'est-ce qui va changer, est-ce qu'il y a des choses qui vont changer ?
EMMANUELLE WARGON
Alors, on est beaucoup en soutien, bien sûr, pour les personnes à la rue, les sans-domicile fixe qu'on héberge au maximum, on est aussi en soutien sur l'aide alimentaire, avec mon collègue Olivier VERAN, les budgets sur l'aide alimentaire ont beaucoup augmenté, le soutien aux associations a beaucoup augmenté, et puis aujourd'hui nous lançons un observatoire sur les impayés de loyers, parce qu'on sait que certains Français risquent d'avoir des difficultés à faire face à leurs charges, et à commencer par leur loyer, c'est très important…
ORIANE MANCINI
Ça a augmenté ça pendant la crise sanitaire, les impayés de loyers ?
EMMANUELLE WARGON
Justement, en fait on a d'associations, ou d'acteurs, qui nous disent "on sent quelque chose, mais nous n'avons pas de données consolidées", donc moi je réunis les bailleurs sociaux, aujourd'hui, Action logement, les grandes associations qui s'en occupent, le réseau des ADIL, les Agences départementales d'information sur le logement, qui ont mis en place un numéro vert, pour essayer d'avoir des données plus claires, que se passe-t-il vraiment sur les impayés de loyers, évidemment avoir des données, ça permettra d'agir, c'est l'objectif.
ORIANE MANCINI
Avec un rapport, on imagine, qui va être rendu, comment ça va se passer ?
EMMANUELLE WARGON
Avec des chiffres le plus vite possible, là l'idée c'est de mettre ensemble les chiffres de tous ceux qui observent sous une forme ou sous une autre, et donc de pouvoir savoir si ce qu'on entend, 10 à 15% d'augmentation, est-ce que c'est vraiment ce qu'on constate…
ORIANE MANCINI
10 à 15% d'augmentation des impayés…
EMMANUELLE WARGON
Des impayés de loyers, est-ce que c'est vraiment le bon chiffre, et puis surtout est-ce que toutes les aides qui existent, et il y a beaucoup d'aides, il y a des aides locales, il y a des aides d'Action logement, il y a des aides des caisses de vieillesse, est-ce que toutes ces aides suffisent ou est-ce qu'il faut créer une aide complémentaire, et si oui, moi j'y suis prête.
ORIANE MANCINI
On va parler justement du rapport de la Fondation Abbé Pierre.
PASCAL JALABERT
Oui, la Fondation Abbé Pierre, donc 300 000 personnes seraient sans domicile fixe en France, le gouvernement s'était engagé sur zéro sans domicile fixe, on est loin du compte, comment y arriver ?
EMMANUELLE WARGON
Alors d'abord, 300 000 personnes ont des problèmes de logement, sont est très mal logées, hébergées chez des tiers, en grande difficulté, mais pas à la rue, le nombre de personnes qu'on évalue vraiment à la rue, c'est-à-dire dormant dehors, c'est entre 5 000, 10 000, 15 000, c'est l'ordre de grandeur. Les 300 000 personnes ce sont des personnes qui sont en difficulté, qui sont hébergées dans des structures d'urgence, ou hébergées chez des tiers, en général dans de mauvaises conditions, donc ces 300 000 personnes nécessitent qu'on s'en occupe, mais nous hébergeons chaque jour 180 000 personnes dans des structures d'hébergement d'urgence, que ce soit des centres, ou que ce soit à l'hôtel, et donc c'est d'abord la marque d'une très grande solidarité de l'État et des associations vis-à-vis de ces personnes en difficulté. Après, il est vrai que nous avons des demandes non satisfaites, quand vous appelez le 115, le SAMU Social à Paris, ou toutes les associations qui s'en occupent en province, vous avez beaucoup d'appels auxquels on dit "désolé, pas possible de vous trouver une place ce soir parce que les structures sont déjà saturées." Ce que nous faisons, depuis mi-octobre, c'est réaugmenter massivement les capacités d'accueil. Nous avons anticipé le plan hiver, moi j'ai demandé aux préfets de monter le nombre de places disponibles, nous travaillons, avec les hôtels, à réouvrir des hôtels pour pouvoir prendre en charge les personnes, nous réouvrons de nouveaux centres d'hébergement d'urgence, je vais faire un point en fin de semaine, mais là on a déjà ouvert près de 5 000 places supplémentaires, c'est considérable, donc l'effort continu. L'objectif est d'atteindre le résultat que nous avions eu pendant le premier confinement, à savoir presque plus de demandes non satisfaites, nous n'y sommes pas encore, mais j'ai bon espoir que dans les semaines qui viennent le taux de demandes non satisfaites puisse baisser beaucoup.
PASCAL JALABERT
Ça veut dire que le nombre a augmenté par rapport au premier confinement ?
EMMANUELLE WARGON
Oui, ça veut dire qu'on a mis à l'abri beaucoup de personnes pendant le premier confinement, que ces personnes sont toujours à l'abri, encore une fois, dans des hôtels, dans des centres d'hébergement d'urgence, heureusement certains ont eu accès à des vrais logements, puisque notre objectif final c'est bien l'accès au logement, logement social, pensions de famille, mais que nous avons toujours des nouvelles personnes parce que, crise économique, parce que difficultés de la vie, de nouvelles personnes qui viennent nous voir pour demander des places d'hébergement, donc nous continuons l'effort.
ORIANE MANCINI
Est-ce que la réquisition de logements vides c'est un sujet qui est sur la table ou est-ce que vous vous y opposez ?
EMMANUELLE WARGON
Moi je ne m'oppose à rien, je ne m'oppose à rien, je pense que toutes les solutions sont bonnes, et par ailleurs je ne crois pas qu'il y ait une solution magique. La réquisition de logements vides, la transformation de bureaux en logements, le développement de logement social, le développement de logements intermédiaires, les structures dites intercalaires dans lesquelles, vous savez, vous avez une friche industrielle, et puis pendant quelques temps vous utilisez cette friche avant que ça devienne un nouveau projet immobilier, tout ça c'est très bien, c'est la somme de toutes ces solutions qui permet d'agir, mais là les préfets sont en train de chercher des sites, partout en France, dans lesquels on peut installer des centres d'hébergement, pour quelques semaines, pour quelques mois, nous avons aussi pérennisé des places, parce que vous savez, notre drame c'est souvent qu'on ouvre des places, quelques semaines, quelques mois, et puis on les referme, donc là j'ai pérennisé 14 000 places, c'est absolument considérable, et ça sera des places en dur, c'est-à-dire des centres qui vont rester ouverts, gérés par des associations, tout bâtiment utilisable est bienvenu.
PASCAL JALABERT
Oui, là aussi on avait annoncé 500 000 logements par an, nouveaux, de construits, on est très très loin du compte. La construction patine, alors c'est vrai qu'il n'y en n'a pas besoin partout de nouveaux logements, mais là où il y en a besoin on n'arrive pas à construire, comment faire pour sortir de l'impasse ?
EMMANUELLE WARGON
D'abord mobiliser les maires. 500 000 logements, ça a été un objectif, on était à 450.000 avant la crise Covid, là on sera probablement en dessous de 400 000 sur les 12 derniers mois, la crise est passée par là, 2 mois de confinement complets, les municipales, donc premièrement mobiliser les maires. La construction ça passe par un permis de construire, le permis de construire il est octroyé par le maire, si le maire "je n'ai pas que ça à faire, ce n'est pas mon sujet, est-ce vraiment nécessaire de construire", pas de permis de construire.
ORIANE MANCINI
Ils ne sont pas assez mobilisés les maires pour vous ?
EMMANUELLE WARGON
Pas toujours, pas toujours assez mobilisés, donc moi j'ai signé la semaine dernière…
PASCAL JALABERT
Leurs administrés ne veulent pas forcément de nouveaux logements.
EMMANUELLE WARGON
Justement, je pense que c'est une discussion politique qu'il faut avoir entre l'État, le gouvernement, les maires, les administrés, les Français…
ORIANE MANCINI
Vous avez signé un pacte.
EMMANUELLE WARGON
Les Français sont les mêmes qui ne sont pas d'accord pour la construction d'un immeuble à proximité de chez eux et qui après viennent voir le maire en disant "mon fils, ma fille, n'arrivent pas à se loger à proximité, faites quelque chose Monsieur le maire", voilà, donc c'est vraiment un sujet qui est un sujet qu'il faut qu'on partage. J'ai signé un pacte avec l'AMF, France urbaine et l'ADCF la semaine dernière, pour la mobilisation pour la relance pour le neuf, et puis surtout ce week-end, à l'Assemblée nationale sur le PLF, nous avons maintenu, prorogé le prêt à taux 0 et les aides fiscales type Pinel pour donner de la visibilité aux promoteurs.
ORIANE MANCINI
Qui devait s'arrêter en 2021, finalement vous le prolongez jusqu'en 2022, pourquoi ce revirement sur le dispositif Pinel ?
EMMANUELLE WARGON
Le prêt à taux o est prorogé jusqu'à fin 2022, le Pinel aussi, et on a donné la visibilité après 2022 avec une baisse du taux normal, le maintien d'un dispositif amélioré pour les opérations les plus exemplaires et un engagement à soutenir le logement intermédiaire. Donc, de notre côté, nous donnons la visibilité économique nécessaire au secteur, de l'autre il faut se dire que la construction ça reste une grande cause nationale.
ORIANE MANCINI
Un mot sur le marché de l'immobilier, vous en parliez au début de cette interview. Actuellement, par exemple, les visites de biens sont interdites en physique, c'est des visites virtuelles, est-ce que ça, ça va changer, est-ce que vous allez autoriser les visites de biens ?
EMMANUELLE WARGON
L'objectif c'est que, comme pour les petits commerces, à partir du 1er décembre on puisse redonner de la souplesse et de la capacité à visiter. Les agences immobilières sont fermées au public, les visites sont interdites, ça fait partie de toutes ces restrictions. Je sais que c'est très difficile pour le secteur, j'ai des contacts réguliers avec eux, on a pu laisser un certain nombre de choses possibles, les visites virtuelles, la signature de mandats, la signature des actes, dès que possible on rouvre, ça fait partie des activités économiques qu'on souhaite rouvrir très vite.
ORIANE MANCINI
Et dernière question Pascal.
PASCAL JALABERT
Oui, un petit mot sur le vote par correspondance, il y a ceux qui défendent le vote façon traditionnelle, bulletin dans l'urne, "a voté", et puis ceux qui veulent moderniser, soi-disant moderniser, avec le vote par correspondance, vous avez une position sur le sujet ?
EMMANUELLE WARGON
Moi je suis inquiète des taux d'abstention qui montent de plus en plus, on le voit sur toutes nos grandes élections, et donc toute solution qui permet d'augmenter le taux de participation me paraît intéressante, donc ça me paraît intéressant…
ORIANE MANCINI
Y compris celle-là.
EMMANUELLE WARGON
Y compris celle-là.
ORIANE MANCINI
Et merci beaucoup.
EMMANUELLE WARGON
Merci.
ORIANE MANCINI
Merci Emmanuelle WARGON d'être venue nous voir ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 novembre 2020